Depuis le 23 janvier dernier, personne ne résiste plus aux Boston Celtics. Eux qui semblaient au bord du gouffre en début de saison, incapables de trouver les solutions sous l’égide d’Ime Udoka ont finalement su se ressaisir. Et plus encore à vrai dire. Depuis, tels des héros de Shonen, ils se sont relevés pour terrasser le reste de leurs adversaires.
Voilà maintenant 2 mois et des brouettes qu’ils ne laissent plus rien au hasard : 24 victoires en 28 matchs. Mieux, ils dominent sur cette période la NBA à tous les niveaux :
- 1er offensive rating (119,8pts pour 100 possessions)
- 1er defensive rating (103,4pts encaissés pour 100 possessions)
- 1er net rating (logiquement, +16,4)
Alors comment expliquer cette équipe transfigurée après une année 2021 douloureuse, terminée par une opération du poignet pour Jaylen Brown et une exécution brutale en Playoffs de la main des Nets, puis reprise par un début de saison laborieux ?
Grandeur et décadence (mais dans le sens inverse)
L’été avait été riche en bouleversements. Danny Ainge quittait ses fonctions, reprises par Brad Stevens laissant un poste de coach vacant. Souvent dans les rumeurs, Ime Udoka, obtenait finalement un poste de head coach. Avec lui, c’est un nouveau membre de l’école Popovich qui s’installait à la tête d’une équipe. Telle une pieuvre, San Antonio continuait d’étendre son influence, et c’était au tour des Celtics de vivre sous cette philosophie particulière.
Les travaux n’étaient pourtant pas finis puisque Stevens faisait ni une, ni deux et envoyait Kemba Walker se faire couper à OKC, ramenant par la même occasion un ancien pensionnaire du vestiaire : Al Horford.
Équipe moyenne par excellence l’an passé, Boston voulait renouer avec le succès et pour ce faire, devait trouver un nouvel élan. Si le groupe était toujours structuré autour des mêmes noms incontournables : Jayson Tatum, Jaylen Brown, Marcus Smart ou Robert Williams III, l’arrivée d’Udoka devait incarner un vent nouveau pour ce groupe, encore jeune malgré une longue expérience commune.
L’an passé, l’équipe possédait un certain nombre de faiblesses symptomatiques d’un groupe qui peine à se trouver. Performances en dents de scie, défense qui s’érodait (13e defensive rating malgré une réputation très solide dans le domaine), une incapacité à finir les rencontres (17-26 dans les matchs décidés dans le clutch avec -9,8 de net rating) et autre élément symptomatique : une circulation de balle au point mort (27e %AST).
Entre crise identitaire, remise en question de la paire Jaylen Brown – Jayson Tatum, un vestiaire qui gronde et une tendance marquée au hero ball dès que des fins de matchs serrées se présentaient, il y avait fort à faire pour transformer cet effectif qui s’enfermait dans ses mauvaises habitudes.
L’ère Udoka chez les Celtes
La prise de fonction d’Ime Udoka n’a pourtant pas marqué un avant/après indéniable. Au 31 décembre, après 33 matchs et 2 mois de compétition, les Celtics paraissent à la peine. La défense est toujours une marque de fabrique locale, mais l’attaque n’est pas plus prolixe que la saison précédente, au contraire.
Fans et médias commencent à parler d’une possible fin pour le tandem Brown-Tatum dont l’association continue de laisser perplexe. La balle ne circule toujours pas mieux (24eme au %AST) et ce sont toujours ces mêmes fins de matchs caricaturales que les celtes infligent aux fans.
Dès le début de saison, suite à une troisième défaite consécutive, Marcus Smart pointe pourtant du doigt la tendance de ses coéquipiers (Brown & Tatum en ligne de mire) à oublier leurs coéquipiers :
Ces gars ne veulent pas passer la balle et c’est quelque chose qu’ils vont devoir apprendre.
Des insiders, Chris Mannix en tête, expliquent alors que l’impression de “chacun son tour” donnée par les Celtics s’explique parfaitement :
Tout cela avait beaucoup à voir avec les sélections au All-Star Game. D’une certaine manière, ils avaient l’impression d’être en compétition l’un contre l’autre. Ils voulaient être sûrs d’avoir les statistiques tôt dans la saison.
Des retours venus d’insiders, qui ne font pas office des vérités absolues, mais qui ont le mérite de confirmer l’impression visuelle. Une situation qu’on imagine peu du goût d’Udoka, après 8 années sur le banc de San Antonio et la mentalité Popovichienne du “collectif au-dessus de tout“.
Ainsi, des mois durant, Boston a craché au visage des fans cette désagréable sensation, ce relent de cercle vicieux : nouvelle saison, nouveaux remaniements internes et toujours pas de vrais changements. Pourtant, mi-janvier, la saison a basculé pour les verts. Trouvant dans les quelques semaines à l’orée de l’année 2022 leur équilibre, ils ont ensuite petit à petit opéré leur montée en régime.
Depuis, la franchise roule sur tous ses adversaires, Jayson Tatum affole les compteurs et l’équipe qui luttait aux portes des Playoffs, chutant même jusqu’à la 11e place à l’Est, est désormais en position d’arracher la 1ere place à l’Est. L’équipe qui peinait à faire circuler la balle est dans le top 10 des équipes réalisant le plus de passes.En prime, elle le fait extrêmement proprement : 4e ratio passe décisive / pertes de balles.
Après une victoire autoritaire cette nuit contre l’autre équipe en forme du moment, les Wolves, les celtes se sont arrogés le trône de la conférence, possédant le tie-breaker sur une équipe de Miami dans la mélasse, et tout d’un coup, les carte semblent redistribuées à l’Est.
Dans ces conditions, on peut se prendre à rêver pour Boston. L’équipe cumule en effet plusieurs éléments clés à l’aube des Playoffs : bonne dynamique, le bilan pour prétendre à l’avantage du terrain, un collectif en place des deux côtés du terrain et éventuellement le luxe de gérer leur fin de saison pour choisir de lutter pour conserver la première place ou reposer les cadres. Alors que pouvaient-ils rêver de mieux ?
Eh bien… Que Robert Williams ne se blesse pas à 7 matchs des Playoffs, par exemple. En effet, dans l’euphorie collective, alors que Minnesota se faisait étriller, la sale image tombe. Un joueur qui fait un déplacement anodin, se met à boiter sans le moindre contact expliquant le problème. Ce scénario est familier et on connaît que trop bien les odes. Aujourd’hui, la nouvelle tombe. Robert Williams III aurait une déchirure du ménisque. Une très mauvaise nouvelle, si elle est confirmée. Surtout, une mauvaise nouvelle à géométrie variable puisqu’une blessure de ce type, selon la gravité, peut être synonyme de 3 semaines d’absences (au mieux) et donc aller d’un retour envisageable cette saison à une opération qui signifierait certainement un retour saison prochaine.
Alors que Williams s’était imposé comme un pilier de la défense des Celtics, il y a de quoi parler de manque de veine. Mais à quel point cette absence est un problème pour Boston ?
Absence de Robert Williams III, que perdent les Celtics ?
Il fut un temps ou Robert Williams faisait partie des nombreux projets à développer de Boston. Au milieu d’un grand nombre de développements avortés, abandonnés, Williams est probablement la plus belle réussite de Boston. Longtemps, nous avons parlé du manque d’un pivot d’envergure pour asseoir la défense de l’équipe. Désormais, la franchise a trouvé son homme.
Un cruel manque en défense
S’il y a un domaine où Williams s’est prouvé extrêmement précieux, c’est bien sur le plan défensif. Qu’on s’entende bien : le pivot est entouré de joueurs allant de bons à redoutables en défense. Des cadres de l’équipe (Smart, Brown, Horford, Theis, Tatum), aux joueurs montants (Pritchard, Grant Williams), au nouvel arrivant (Derrick White), tout le monde est impliqué dans ce compartiment du jeu. Mieux, certains font des prouesses et y font fait leur réputation. Dans ce contexte, Robert Williams III possède les moyens de s’exprimer sans crainte, puisque les premiers rideaux de l’équipe ne sont pas poreux, bien au contraire.
Lorsqu’on parle de Rob Williams, plusieurs choses viennent en tête. Énergie, verticalité, envergure. Autant d’éléments qui font un bon rim protector. Dernier rempart de ce bel armada de défenseur, le pivot peut exploiter toutes ses qualités. Et il va sans dire qu’à ce jour, le joueur avait fait un beau CV pour être mentionné dans la course au DPOY et les defensive teams. Car oui, Robert Williams sécurise le rebond correctement, enchaîne les contres (2,2 par match, seconde la NBA), gêne énormément de tir et n’hésite jamais à mettre ses mains dans la trajectoire de votre tir. S’il n’a pas encore la science défensive d’un Rudy Gobert, il est entouré de telle sorte qu’il est le cœur et les poumons de cette défense de Boston.
En résulte un défenseur qui oblige l’équipe adverse à s’adapter : c’est bien plus difficile de pénétrer dans les 7 mètres des Celtics quand il se trouve sur le terrain. En prime, il ne laisse rien à ses adversaires. Chez les joueurs qui ont défendu sur au moins 500 tirs cette saison, personne n’autorise un FG% plus bas que Williams. Quant à son impact sur l’équipe :
Entouré en vert, la différence entre les minutes avec et sans Williams cette saison. L’équipe encaisse 4,9pts de moins que lorsqu’il est sur le banc. Une statistique d’autant plus parlante que les rotations de Boston sont excellentes. Entouré en bleu, l’impact global sur l’équipe. Cette nuit, le joueur avait immédiatement le ton, bloquant d’entrée de jeu Towns sur une aide. Avant de passer la suite du match à gêner un nombre calculable de tirs.
Toutefois, comme susmentionné, les rotations de Boston sont bonnes. De quoi se rassurer ? Eh bien oui, et non. Si Grant Williams et Daniel Theis sont des défenseurs volontaires et robustes, aucun ne possède vraiment les mêmes qualités que RW III. En effet, ni l’un ni l’autre n’offre cet alliage de taille, détente et donc, de faculté à déranger à ce point les tirs adverses (tant des pivots que des joueurs en pénétration). La science défensive d’Horford est un plus malgré son âge avancé, mais un fait me semble inéluctable. Le quatuor Smart – Brown – Tatum – Horford n’a joué que 125 minutes ensemble cette saison sans Robert Williams. Sur ces minutes, ils avaient un affreux 114,9 de defensive rating. Dans le même temps, quand Williams est ajouté à ce quatuor, ce dernier chute à 97,0. Une preuve supplémentaire que les qualités du pivot de 24 ans sont indispensables à l’équilibre de ce groupe.
… Compensée en attaque ?
Alors évidemment, quand on perd quelque chose, on peut y trouver des compensations, non ? Après tout, RW III n’est pas connu pour son jeu offensif, on pourrait même le qualifier d’assez frustre offensivement. A l’inverse, Theis ou Grant Williams sont des joueurs plus adroits, capables de sanctionner derrière l’arc ou d’évoluer aussi bien sur Pick & Roll que Pick & Pop. Une polyvalence offensive sur le papier supérieure à celle de Rob Williams.
Là encore, ce n’est malheureusement pas si simple. Si le pivot n’est en effet pas à classer dans la catégorie des magiciens offensifs, il apporte néanmoins à ce groupe de Boston des éléments importants. Tout d’abord, c’est une menace sur le lob, ce qui, quand on possède des attaquants capables d’attirer les défenseurs comme Jaylen Brown et Jayson Tatum, n’est clairement pas à négliger. Par ailleurs, s’il n’est pas une véritable menace au poste, la production d’un pivot par ses écrans et son activité dans la peinture est parfois difficile à évaluer à sa juste valeur. Or, Williams est d’une part un joueur très actif, mais est en prime un rebondeur offensif diablement efficace. Autant de paniers faciles (putbacks, notamment) ou de possessions supplémentaires pour son équipe.
En effet, là où il ne me semble pas encore en parfaite maîtrise au rebond défensif, il peut vraiment mettre à mal l’adversaire de l’autre côté du terrain. Cette nuit, face aux Timberwolves, le joueur a d’ailleurs fait l’étalage de cet atout. En seulement 23 minutes de jeu, il a en effet capté 10 rebonds dont 6… en attaque ! Sur ces six rebonds offensifs, il a réussi à transformer 4 paniers (dont 1 avec la faute) et ressortir deux possessions supplémentaires pour ses coéquipiers.
Aussi, il ne faut pas s’étonner que les Celtics soient également meilleurs en attaque quand cette boule d’énergie est sur le terrain… Là encore, ses qualités uniques dans ce groupe des Celtics devraient donc manquer cruellement.
Objectif, se réinventer
Rien ne dit encore que Rob Williams ne reviendra pas cette saison. En attendant, si la perte est évidente et flanque une gifle indéniable à une équipe dont la dynamique semblait trop belle pour durer sans accrocs, il n’en reste pas moins que l’alchimie existe et que des solutions peuvent être envisagées. Ime Udoka possède encore quelques matchs pour travailler ses rotations et se préparer au premier tour. Dans une conférence Est qu’on n’avait pas vu aussi compétitive depuis longtemps, ce dernier ne devrait de fait, pas être une partie de repos. Il est donc urgent de trouver comment faire fonctionner ce groupe et compenser la perte de son dernier rempart.