Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 75ème épisode, braquons les projecteurs sur les Hawks d’Atlanta ou, comme ils étaient alors appelés, les Hawks de Saint-Louis. Pour cela, difficile de faire plus pertinent que d’évoquer la carrière de Cliff Hagan, l’homme sans qui la NBA aurait été bien différente.
Il était une fois dans l’Ouest
Entre l’État de New York, l’Illinois, le Wisconsin et le Missouri, 1946
Buffalo Bisons. C’est sous cette appellation qu’était connue, à l’origine, la franchise aujourd’hui implantée à Atlanta. Créée à l’initiative de Leo Ferris en 1946, l’équipe disputa quelques saisons en NBL, l’une des prédécesseurs de la Grande Ligue actuelle. L’organisation ne resta à Buffalo que 38 petits jours. En effet, pour espérer rentrer dans ses frais, elle devait attirer dans sa salle l’équivalent de 3 500 spectateurs à chaque rencontre. Hélas, seul un millier d’aficionados en moyenne vinrent se masser dans le Buffalo Memorial Auditorium lors des 13 rencontres qui y furent disputées.
Alors que tout le pays célébrait Noël, la franchise fut délocalisée à Moline et rebaptisée « Tri Cities Blackhawks ». Sous ce nom, l’équipe fit ses débuts en NBA en 1949, année au cours de laquelle elle fut notamment coachée par Red Auerbach, dont nous aurons l’occasion de reparler ci-dessous. Après avoir drafté puis immédiatement tradé un jeune meneur du nom de Bob Cousy, la franchise se rendit compte que l’écrin de Moline devenait inexorablement trop petit. La saison 1951 – 52 vit donc les débuts des Milwaukee Hawks, qui ne brillèrent jamais. En 4 saisons dans le Wisconsin, les Hawks ne remportèrent que 91 rencontres, pour aucune apparition en playoffs.
La draft de Bob Pettit en 1954 changea drastiquement la face de la franchise. À tout jamais. L’heure d’un énième déménagement était pourtant venue. C’est ainsi qu’en 1955, l’équipe s’installa à St. Louis, dans le Missouri. Elle y resta jusqu’en 1968, année au cours de laquelle elle posa, définitivement, son baluchon à Atlanta.
C’est toutefois sur St. Louis que nous braquerons aujourd’hui nos projecteurs. En effet, le 75ème épisode du Magnéto sera le théâtre des plus belles heures de la franchise, qui se sont déroulées à la fin des fifties. À cette époque, le franchise player, Bob Pettit, était secondé par un joueur méconnu, dont le talent aurait pourtant pu faire de lui le numéro 1 d’une équipe ambitieuse. Le nom de ce lieutenant de luxe ? Cliff Hagan.
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Pendant ce temps-là, dans le Kentucky
Né en 1931 à Owensboro, Clifford Oldham Hagan ne quitta son Kentucky natal qu’au moment de faire son entrée en NBA. En effet, il usa les bancs de l’université de Kentucky pendant 5 années, soit une de plus que le cursus habituel, même au début des années 1950. Et pour cause : après avoir remporté le titre NCAA en 1951, la faculté s’embourba dans un scandale de matchs truqués impliquant la mafia. 33 joueurs furent accusés, parmi lesquels ne figurait guère Cliff Hagan. Par contre, on y retrouvait trois de ses coéquipiers.
Kentucky fut donc interdit de tournoi final pour quatre années. Dès lors, lorsque Hagan termina son cursus, la sanction était toujours d’actualité. Il fut ainsi drafté en 1953 par les Celtics de Boston, avec le 21ème choix. Une position étonnante, compte tenu des performances de l’ailier d’1m93 pour 95 kilos, qui termina son cursus avec 19,2 points et 13,5 rebonds de moyenne.
Néanmoins, malgré sa draft, Hagan retourna à Kentucky, accompagné par deux de ses coéquipiers, eux aussi sélectionnés par Boston : Frank Ramsey et Lou Tsioropoulos. Le trio mena l’université à un bilan immaculé de 25 victoires pour 0 défaite, tandis qu’Hagan claquait le record de points de la faculté avec 51 unités – record battu depuis. Néanmoins, tandis que la NCAA invita Kentucky à son tournoi annuel, l’université déclina l’offre, car le règlement interdisait aux joueurs déjà diplômés d’y participer.
Hagan effectua ensuite son service militaire, d’une durée de deux ans. On ne le retrouve en NBA qu’en 1956, dans une histoire qui mérite quelques développements.
Coup de foudre à St. Louis
La pierre fondatrice
Imaginez, ne serait-ce qu’un instant, que vous soyez projetés dans la tête de Red Auerbach, le célébrissime coach et executive des Celtics de Boston des années fastes. Comment concluriez-vous l’histoire de votre succès ? Peut-être par cette phrase, tellement vue et revue qu’elle en devient cliché : « et voilà, c’est comme cela que tout a commencé ».
Comme cela ? Avançons au 30 avril 1956. C’est à New York, au cours de la 10ème draft de la ligue professionnelle de basketball, que se joua la scène la plus capitale de l’histoire d’une franchise iconique. Avec le premier choix, les Royals sélectionnèrent Sihugo Green, acteur secondaire qui n’aura aucun rôle dans notre récit. Avec le second, les Hawks optèrent pour Bill Russell, un pivot sorti de l’université de San Francisco, doublement boudé par les Royals, qui possédaient déjà en leur sein le très bondissant Maurice Stokes, mais qui refusaient également de payer à Russell la prime de 25 000 dollars qu’il exigeait. Le rideau aurait pu tomber à ce moment-ci de la soirée. Il n’en fut rien.
Bill Reinhart entra en scène, assurant à Auerbach qu’un joueur comme Russell, frustre offensivement mais excellent défenseur, comblerait les lacunes des Celtics dans ce secteur de jeu. Le General Manager suivit le conseil et entama les négociations avec le front-office des St. Louis Hawks, dans l’optique de récupérer le jeune pivot que la franchise du Missouri venait tout juste de drafter, dans l’idée de l’associer à Bob Pettit. Pour l’aparté, notons qu’une raquette composée de Pettit et Russell aurait probablement terrassé la Ligue pendant 10 ans.
Côté Hawks, Ben Kerner ne souhaite pas lâcher sa nouvelle pépite. À tout le moins, pas sans obtenir en échange une compensation significative. Dans ce qui pouvait s’apparenter à un « all-in », Auerbach mit dans la balance du transfert son pivot, sextuple All-star, Ed Macauley. Insuffisant, selon le dirigeant des Hawks. Dès lors, l’homme aux cigares agrémenta son offre en y ajoutant un ailier drafté quelques années auparavant, à haut potentiel, mais qui n’avait pas encore pu faire ses débuts en NBA : Cliff Hagan. Kerner accepta. D’un côté, grand bien lui en a pris. D’un autre, qui sait ?
Et voilà, c’est comme cela que tout a commencé : Cliff Hagan, mister nobody en NBA, fut la pièce déterminante de ce qui pourrait être considéré comme le trade le plus important de tous les temps. Après cela, Boston s’en alla remporter 11 titres sur les 13 saisons à venir. Les Hawks, eux, n’attendirent pas plus d’une année pour retrouver Boston en finale NBA.
La pièce additionnelle
La première saison NBA de Cliff Hagan, disputée, donc, 4 années après sa draft, peut se scinder en deux parties. Celles-ci, nous n’avons rien inventé, renvoient respectivement à la saison régulière et aux playoffs.
Opérons donc par chronologie ; rarement un joueur – futur hall-of-famer – galéra autant pour ses grands débuts. 22 % de réussite au tir pour son second match (2 / 9), 12,5 % pour son quatrième (1 / 8), 0 % pour son onzième (0 / 7) ou encore 26 % pour son treizième (4 / 15)… Il n’est pas exagéré de dire que Cliff Hagan avait littéralement le compas dans l’œil lors de ses premières foulées sur les parquets du pays. Heureusement pour les Hawks, Li’l Abner n’avait alors qu’un rôle tertiaire dans l’équipe et les pièces maîtresses de l’effectif – Bob Pettit en tête – réalisaient un excellent début de saison. La première vraie performance de Hagan se déroula le 12 décembre 1956 dans la salle des Warriors (de Philadelphia) : 18 points (9 / 15) et 9 rebonds, dans une défaite (- 14).
Il n’y a guère plus de choses à dire sur la suite de la saison régulière, terminée avec 5,5 points de moyenne en 67 rencontres. Tout au plus pouvons-nous pointer de la souris la bizarrerie du 6 février 1957, soir à l’issue duquel les Hawks s’inclinèrent face à Rochester ; Hagan termina son match avec 17 points tout en n’ayant converti que 2 tirs. En effet, 13 de ses points vinrent de la ligne des lancers-francs. La situation est toutefois loin d’être unique dans l’histoire ; il est arrivé à 84 reprises qu’un joueur inscrive a minima 17 points tout en n’ayant marqué que 2 paniers au maximum dans le cours du jeu.
St. Louis termina sa saison avec 34 victoires et 38 défaites. La franchise disputa une rencontre dite « de classement », perdue contre les Lakers, alors encore basés à Minneapolis. Elle se classa donc 3ème de sa conférence, dernière place qualificative pour les playoffs. Au premier tour, qui faisait alors office de finale de conférence, l’équipe affronta à nouveau les Lakers, déjà orphelins de George Mikan.
Les Hawks plièrent la série en trois rencontres (3 – 0), bien emmenés par Bob Pettit (29 points, 13,3 rebonds de moyenne), mais aussi aidés par le surprenant réveil de Cliff Hagan. L’ailier, véritable maître incontesté du hook shot, termina la première série de sa carrière avec quelques 19 points et 10 rebonds de moyenne.
Voici – déjà ! – St. Louis en finale NBA. La franchise étant placée dans la conférence Ouest, elle y retrouva Boston, champion de l’Est. Tandis que Pettit répondit à Bill Sharman et ses 36 points, bien suppléé par Slater Martin et Ed Macauley, Hagan réalisa une partition correcte lors du game 1, remporté par les Hawks au finish. Il passa à côté des deux matchs suivants, à l’issue desquels St. Louis possédait toujours une longueur d’avance. Ce n’est qu’ensuite qu’il passa la démultipliée ; 25 points dans une défaite au match 4, suivis par 17 unités dans une rouste et 16 pour recoller à 3-3. Le 7ème match, décisif, aurait très bien pu porter son empreinte. Il le termina avec 24 points et 16 rebonds. Hélas, en face, Tom Heinsohn crucifia les espoirs des faucons, pour permettre à Boston de remporter le premier titre de son histoire, au terme d’un match parfois considéré comme étant le « plus beau de tous les temps » (125 – 123).
Le Golden boy
Une fois encore, il est possible d’opérer une scission entre la saison régulière et la campagne de playoffs au cours de l’année suivante. Toutefois, dans la droite lignée de ses finales NBA, Cliff Hagan ne redescendit plus de son nuage.
Après un départ cahin-caha, il remit les pendules à l’heure face à Detroit à la fin du mois de novembre, en claquant 40 points pour la première fois de sa carrière. Suivit ensuite une période de deux mois au cours desquels le numéro 16 des Hawks surfa sur l’eau, au point de décrocher sa première étoile d’All-star, bien qu’il ne disputât pas la rencontre en raison d’une blessure.
S’il lui arrive encore – très rarement – de passer totalement à côté d’un match, il compense ses trous d’air par des performances remarquables, comme ces 41 points et 10 rebonds d’un soir de février, dans une défaite concédée à New York. Son exercice régulier s’acheva avec 70 rencontres jouées, pour 19,9 points (7ème de la Ligue), 10,1 rebonds (20ème) et 2,5 passes décisives (20ème ex aequo) de moyenne, à 44,3 % de réussite au tir (2ème !), mais aussi avec une nomination dans la All-NBA 2nde team. En somme, Li’l Abner était lancé et seule la retraite pouvait désormais l’arrêter.
Très bon en saison régulière, Hagan va exceller en playoffs. Ce sera d’ailleurs une constante tout au long de sa carrière. Lors des moments chauds, des moments qui comptent, Hagan ne se cachait pas ; à l’inverse, il sortait de sa boîte pour planter des hooks à tire-larigot.
Les Pistons de George Yardley et Gene Shue en firent d’abord les frais. 27, 28, 29, 32, 28 ; ce ne sont pas les numéros du Loto du soir, mais bel et bien les points inscrits par l’ailier de St. Louis au cours de la série, remportée 4 – 1 (55,6 % de réussite, un chiffre extraordinaire pour l’époque). L’heure était déjà de retrouver une seconde fois les Celtics en finale NBA.
« Je ne sais pas pourquoi je jouais mieux en playoffs. Peut-être était-ce parce qu’on y affrontait toujours les mêmes joueurs ».
La réponse exacte, nous ne la connaissons pas. Toujours est-il que pour la revanche face aux verts, Hagan va dominer. Mieux encore ; il n’était même plus le numéro 2 de l’équipe, derrière Pettit, mais un numéro 1 bis. Comme dans une symphonie d’Antonin Dvorak, un nouveau monde naquit. En effet, en 6 rencontres, St. Louis remporta le premier – et dernier – titre de son histoire. Chaque victoire des hommes d’Alex Hannum fut serrée (+ 3 au mieux). Hagan en fut un artisan majeur, avec 25,7 points et 10 rebonds de moyenne. Le voici au panthéon. Si le trophée de MVP des finales avait existé, complexe aurait été la tâche de ceux qui auraient eu à l’attribuer, même si les 50 points de Pettit au game 6 auraient certainement été un argument massue.
Il n’en demeure pas moins que Cliff Hagan acheva sa campagne de playoffs en tant que meilleur scoreur (27,7 points) et joueur le plus précis (50,2 % de moyenne). Peut-être pas MVP des finales, mais bel et bien MVP de l’ensemble de la postseason.
L’excellence continue
Champion NBA, All-star, All-NBAer. En deux saisons, le palmarès de Cliff Hagan était déjà enviable. Malheureusement, l’hégémonie des Celtics s’apprêtait à débuter, pour ne flancher qu’en 1967 sous les coups de boutoirs de Wilt Chamberlain et des 76ers (de Philadelphia). Collectivement, Hagan n’aura donc plus grand-chose à se mettre sous les dents. Cela ne l’empêcha cependant pas de continuer à briller jusqu’à l’âge de 32 ans.
Il faut en effet garder à l’esprit que quand bien même l’ailier venait simplement de terminer sa deuxième saison dans l’élite, il avait déjà près de 27 ans. Un autre temps, une autre époque. C’est à cet âge, comme c’est d’ailleurs souvent le cas, qu’il entra dans son prime.
Tout d’abord, toujours aux côtés de Pettit, mais aussi de Clyde Lovellette, il joua le rôle de secondant du premier au cours de la saison régulière, conclue avec 49 victoires pour 23 défaites. Hagan prit part à l’ensemble des rencontres de cette saison régulière. On le retrouva, à nouveau, au All-star game et dans la All-NBA 2nde team. Rien de tout cela n’était volé. Avec ses 23,7 points de moyenne, Li’l Abner s’installa au 5ème rang des scoreurs de l’année, derrière les superstars qu’étaient alors Pettit, Arizin, Twyman et Baylor. Ses 10,9 rebonds quotidiens firent de lui le 9ème rebondeur de la saison – le second extérieur derrière Tom Gola, 8ème. Plus encore, on le retrouve en 10ème position à la passe décisive (3,4 / match), en 3ème en ce qui concerne la précision au tir (45,6 %) et au PER, indicateur qui permet d’apprécier l’impact d’un joueur sur le terrain. On le retrouve d’ailleurs en 9ème place du classement du MVP, remporté pour la seconde fois par Pettit.
Hagan, c’était la grâce et le talent. Dans un monde où Bob Pettit ne serait pas devenu, pour l’époque, le meilleur joueur de tous les temps, le destin des Hawks aurait très bien pu reposer sur ses épaules et son charisme. Pour preuve, l’ailier termina à nouveau meilleur scoreur de la campagne de playoffs 1959, avec 28,5 points par rencontre. Un chiffre trompeur néanmoins, car St. Louis s’inclina au premier tour face aux Lakers (4 – 2). Trompeur également car Hagan commença la série sur les chapeaux de roue, claquant 40 points lors du game 1 (+ 34), 29 lors du troisième (+ 30) et 38 au cours du quatrième (- 10). Cependant, il fut bien plus discret lors des deux derniers matchs (15 puis 22 points, 11 / 33 au tir en cumulé) et les Hawks s’inclinèrent d’un point, puis de deux lors du 6ème et dernier match.
Ce n’était toutefois que partie remise. Sous les ordres d’Ed Macauley, son coéquipier de trade, Hagan rempila pour une 4ème saison, qui s’avéra être sa meilleure en carrière, à tous les égards ou presque. D’une régularité d’orfèvre, il commença par martyriser les défenses du pays entier au cours des 75 rencontres auxquelles il prit part, sans jamais descendre sous la barre des 10 points. Avec son hook shot signature, il pointait à 24 points et quelques 12 rebonds au moment de disputer, une nouvelle fois, le match des étoiles. Il profita de sa fin de saison pour inscrire 44 points aux Lakers, ce qui constituait alors son record en carrière. Peu de temps avant, il devenait le 7ème extérieur de tous les temps à terminer une rencontre avec 24 rebonds.
Après la revanche de 1958 face aux Celtics, voici venue celle face aux Lakers d’Elgin Baylor. Dans un mano à mano phénoménal, car les deux hommes défendaient l’un sur l’autre – et Hagan était d’ailleurs loin d’être ridicule face au phénomène offensif et athlétique qu’était alors Baylor – la série alla au bout de ses promesses et accoucha de 7 rencontres. En délicatesse avec son tir, Hagan s’arrangea pour tirer 9 lancers par rencontres (et pour en convertir 7 d’entre eux). Il termina ainsi sa série non seulement victorieux, mais aussi avec 25 points de moyenne. En face, Baylor fit mieux. Toutefois, entre 1959 et 1965, la mission de l’arrêter était tout bonnement impossible.
Boston Celtics – St. Louis Hawks, acte III. Dans cette série, personne ne parvint à remporter deux matchs de suite. À ce petit jeu, ce sont les Celtics qui l’emportèrent, dans une série où Hagan et Pettit connurent des difficultés pour accorder leurs violons. En réalité, l’intérieur eut des difficultés – toutes relatives, à la vue de son talent – à briller face à Russell et Heinsohn. Il fut ainsi limité à 15 tirs tentés lors du premier match (40 % de réussite), 13 lors du 6ème, 18 lors du dernier. En cette époque où le tir à trois points n’existait évidemment pas, c’était certainement trop peu.
Aux côtés du Bombardier de Bâton-Rouge, Hagan restait dans ses standards, avec 24 points, 10 rebonds et 3 passes décisives. Il fut d’ailleurs le héros du game 6, remporté au finish et au cours duquel il termina en 36 / 13 / 4. Dans l’histoire, seuls 14 joueurs terminèrent une rencontre de finale NBA avec de tels chiffres. Avec Hagan ? Bob Pettit, Elgin Baylor, Jerry West, Willis Reed, Kareem Abdul-Jabbar, Magic Johnson, James Worthy, Charles Barkley, Michael Jordan, Shaquille O’Neal, LeBron James, Kevin Durant et Giannis Antetokounmpo. Excusez du peu.
L’exercice suivant fut en tout point similaire. Après une saison régulière réussie, aussi bien du point de vue individuel que collectif, Hagan déboula en playoffs pour y réaffronter le duo Lakers / Celtics. Toutefois, si St. Louis parvint, tant bien que mal, à se défaire une nouvelle fois de Los Angeles au premier tour, ce ne fut pas grâce à l’apport de son ailier, cette fois-ci complètement dominé par Baylor : 16,7 points, 8,5 rebonds et 38 % au tir. Les Hawks passèrent par un trou de souris pour disputer le round IV de leur affrontement face à Boston.
Cette fois-ci, Li’l Abner était droit dans ses converses – et probablement le meilleur joueur sur le terrain. Néanmoins, le collectif vert était imbattable, tout bonnement, et les C’s soulevèrent leur énième trophée NBA, aisément (4 – 1). Hagan, pourtant, affichait 29,4 points (50,9 % de réussite au tir, 90,2 % aux lancers), 12 rebonds et 4,5 passes décisives de moyenne. Son second match, perdu d’ailleurs, demeure l’un des bijoux de l’histoire, puisqu’il demeure aujourd’hui encore inégalé : 40 points, 17 rebonds, 6 passes décisives. Que pouvait-il faire de plus ? Très honnêtement, rien du tout.
Malgré un quatuor Pettit – Hagan – Lovellette – Wilkens toujours présent (sur le papier), la saison 1961 – 62 fut un désastre collectif. En réalité, les quatre fantastiques ne purent pas évoluer de concert, car Wilkens dut satisfaire à son obligation militaire tandis que Lovellette se blessa à la mi-saison. Au final, malgré un tandem qui cumulait – grosso modo – 55 points, 27 rebonds et 8,5 passes décisives, St. Louis manqua très largement les playoffs 1962, laissant sa place de finaliste perdant aux Lakers. 55, c’est également le nombre de points que Cliff Hagan scora dans une victoire remportée face à Cincinnati à la mi-février 1962. Il compléta sa ligne statistique avec 14 rebonds, dans une performance Chamberlenesque.
Les ambitions retrouvées
L’exercice suivant fut celui du changement. La ABL, concurrente de la NBA, s’écroula pour de bon et St. Louis en profita pour attirer un joyau dans son équipe, le pivot Zelmo Beaty. Avec Harry Gallatin au coaching, Cliff Hagan vit son rôle se réduire drastiquement. De 35 minutes de temps de jeu moyen, il passa à 21 minutes, pour un rendement… excellent. En effet, difficile de décrire autrement la présence de l’ailier au numéro 16 sur le terrain. Tandis qu’il partageait équitablement son poste avec Mike Farmer et Barney Cable (21 minutes de jeu pour le premier, 15 pour le second), la production d’Hagan surpassa – de très loin – celle de ses deux coéquipiers. Voyez plutôt, à temps de jeu égal (36 minutes) :
- Cliff Hagan : 25,7 points, 7,2 rebonds, 4 passes décisives (46,5 % au tir) ;
- Mike Farmer : 12,4 points, 7,7 rebonds, 3 passes décisives (42,5 % au tir) ;
- Barney Cable : 13,8 points, 12,7 rebonds, 2,2 passes décisives (41,9 % au tir).
Autrement formulé, bien habile est celui qui parviendra à expliquer raisonnablement les raisons pour lesquelles Gallatin cantonna Hagan à un rôle si restreint, alors même que le bonhomme était en pleine forme physique et technique. Malgré un coaching difficilement compréhensible, qui s’aggrava en playoffs, St. Louis vint à bout de Detroit au premier tour (25 minutes de temps de jeu en cumulé pour Hagan au cours des deux derniers matchs !), pour affronter L.A en finale de conférence.
Cette finale, Hagan la traversa sur un courant plus qu’alternatif. Il parvint, par exemple, à planter 34 points en 26 minutes (72 % de réussite au tir) lors de la seconde rencontre, perdue (2 – 0 Lakers). Il est alors le premier joueur de tous les temps à réussir une telle performance (42 occurrences aujourd’hui, pour 38 joueurs). Ensuite, il manqua ses 9 tentatives (en 11 minutes) lors du match 5 et afficha 7 % de réussite au tir (1 / 13) au plus mauvais moment, lors du match 7, décisif et perdu. Il termina sa série avec 20 points, 6 rebonds et 4 passes décisives de moyenne, à 46,5 % au tir. Comme quoi, pour se faire une idée précise de quelque chose, il convient de l’apprécier en détails.
Il retrouva sa trentaine de minutes de parquet la saison suivante et redevint le numéro 2 de l’équipe derrière l’inusable Pettit. Fidèle à lui-même en saison régulière – et dans ses standards habituels, qui n’appellent plus de véritables développements – il fut correct au premier tour des playoffs, pour vaincre les Lakers. Il fut par contre peu à son avantage en finale de conférence – perdue en 7 matchs, à nouveau, contre les Warriors.
Déclin et come-back
Il évolua encore deux saisons sous le maillot des Hawks, jusqu’en 1966. Dans un rôle moindre, il conserva son impact habituel, ou presque. Néanmoins, l’âge avançant, Hagan ne semblait plus en mesure de passer chaque soir 30 minutes sur le parquet.
Il prit sa première retraite en 1966 à l’âge de 34 ans et après 745 rencontres disputés pour le compte de St. Louis. Il reprit du service en 1967, en ABA, sous les couleurs des Dallas Chaparrals et avec la double casquette d’entraîneur-joueur. Il démontra d’ailleurs au cours du premier exercice qu’il possédait encore les cannes suffisantes pour dominer, avec 18 points, 6 rebonds et 5 passes décisives de moyenne. Les blessures commencèrent toutefois à le frapper, et s’il continua à jouer ponctuellement jusqu’en 1970, il raccrocha définitivement les chaussures en 1970, après une défaite en demi-finale de conférence face aux Stars de Los Angeles.
Il retourna alors à Kentucky, pour jouer le rôle d’assistant, puis d’entraîneur principal, jusqu’en 1988.
La place au box-office des Hawks
Vous l’aurez compris à la lecture de cet article, riche est l’histoire de l’actuelle franchise d’Atlanta. En son sein, Cliff Hagan possède indubitablement une place de choix. Pourtant, l’ailier demeure un acteur méconnu de la Grande Ligue, quand bien même en était-il un phare à cheval entre les fifties et les sixties.
Attaquant hors norme, défenseur robuste et injouable en playoffs, Hagan s’illustra également par son charisme, certes, mais surtout par son état d’esprit. À une époque où les afro-américains n’étaient clairement pas les bienvenus partout, il fut le seul membre du roster des Hawks à s’investir pour accueillir et intégrer comme il se devait alors le meneur extraordinaire qu’était Lenny Wilkens, comme le raconte le livre The Breaks of the Game.
Cette grandeur d’âme ne se mesure pas par des chiffres. Elle témoigne toutefois de l’homme qu’était Cliff Hagan. Les chiffres, justement, démontrent quant à eux la légende sportive qu’il était à St. Louis, quand bien même – époque oblige – certains manquent à l’appel :
Intronisé au Hall-of-fame de la NBA et de Kentucky, sextuple All-star et décrit par le Mémorial de Naismith comme « le joueur avec le hook shot le plus dévastateur », Cliff Hagan est – pour nous – le troisième meilleur joueur de l’histoire de l’institution. En cela, il se classe derrière les deux intouchables que sont Dominique Wilkins et Bob Pettit. Par contre, son impact demeure à notre sens supérieur à celui de Lou Hudson, Dikembe Mutombo, John Drew ou Pete Maravich.
En somme, si Boston a évidemment remporté le trade, difficile d’écrire que St. Louis l’a perdu. Après tout, c’est aussi grâce aux performances de Cliff Hagan que la franchise au faucon possède un trophée NBA dans ses armoires. Quittons Dvorak pour convoquer Berlioz, lequel, dans sa Symphonie fantastique, vantait la grâce de Harriet Smithson. Si la grâce d’un basketteur devait un jour être couverte d’un tel honneur, nul doute que Cliff Hagan pourrait y prétendre.
Auteur : Vincent Schoepfer