Malgré la saison en demi-teinte de son équipe, Trae Young réalise sa meilleure saison individuelle depuis son arrivée en NBA, avec une moyenne de 28 points, 4 rebonds et 10 passes par match au moment où sont écrites ces lignes. Des statistiques qui font de lui l’un des meilleurs meneurs de la ligue et un joueur d’exception, dont le talent n’est plus à démontrer. Pourtant, lorsque l’on regarde en arrière, on s’aperçoit que rien n’était gagné d’avance pour le jeune meneur des Hawks, qui a dû faire face à de nombreuses critiques à son arrivée dans la Grande Ligue.
L’explosion en NCAA
Après de belles performances pendant ses années lycée, Trae Young s’engage avec l’université d’Oklahoma en février 2017. Dès ses premiers mois en NCAA, il se distingue comme un excellent scoreur en signant plusieurs matchs à plus de 40 points, mais aussi comme un passeur de génie, avec un match à 22 passes décisives (record NCAA égalé). Un jeu d’attaque remarquable qui lui vaut des comparaisons avec des légendes du basket, telles que Stephen Curry et Steve Nash. En mars 2018, Trae Young parvient à emmener son équipe au March Madness, mais les Sooners sont éliminés au premier tour par Rhodes Island. Bien que gâchée par ce résultat collectif décevant, la saison de Trae Young est exceptionnelle : il termine l’exercice 2017-2018 avec 27 points, 4 rebonds et 9 passes de moyenne, ce qui fait de lui le meilleur marqueur et le meilleur passeur du pays, un exploit qu’il est le seul à avoir réalisé dans l’histoire de la NCAA. Il décide alors de se présenter à la Draft 2018 de la NBA, après seulement une année de basket universitaire.
Une entrée en NBA sous le feu des critiques
Sélectionné en 5e position de la Draft 2018 par Dallas, Trae Young est envoyé dans la foulée à Atlanta contre le prodige venu d’Europe, Luka Doncic. Ce transfert est vu comme un gros risque pris par les Hawks : alors que l’adaptation du Slovène au plus haut niveau ne fait aucun doute, celle de Trae Young suscite des interrogations, principalement en raison de ses caractéristiques physiques (1m85 pour 82 kg). En effet, si certains avant lui ont réussi à montrer que cela ne faisait pas tout (Allen Iverson, Isiah Thomas), rares sont les joueurs de cette taille qui ont réussi à s’imposer en NBA. Si l’on ajoute à ce physique limité un manque d’investissement en défense, on en arrive à se poser des questions sur la faculté du jeune meneur à s’acclimater à l’intensité du plus haut niveau. En bref, l’arrivée de Trae Young dans la Grande Ligue fait beaucoup de bruit, et pas forcément dans le bon sens. Avant même qu’il ait posé un pied sur un parquet de NBA, certains le décrivent comme le bust de la cuvée de rookies 2018.
Boom or Bust ?
Dès sa première saison en NBA, Trae Young fait disparaître les doutes qui pesaient sur lui : avec 19 points, 4 rebonds et 8 passes de moyenne, il montre que son physique ne l’empêchera pas de se jouer des défenses adverses. Dans une équipe d’Atlanta en reconstruction, le jeune meneur peut s’exprimer pleinement et mettre en place son jeu sans réelle pression. Le contexte idéal pour se développer et progresser. À l’issue de la saison, il déclare lors d’une interview accordée au média américain USA Today Sports : « Je pense que j’ai eu une très bonne saison sur plusieurs points : créer des systèmes, impliquer mes coéquipiers et marquer quand c’était nécessaire ». Un bon résumé de sa première année en NBA, au cours de laquelle il a su faire taire les critiques et s’imposer comme l’un des espoirs de la ligue. Il termine d’ailleurs la saison 2018-2019 à la deuxième place du classement du ROY, derrière un certain Luka Doncic. Certains aspects du jeu de Trae Young restent toutefois incomplets, tels que sa défense (comme on pouvait s’y attendre), mais aussi sa sélection de shoots, à l’origine de pourcentages fragiles (41.8 % au global avec 32.4 % à 3 points). Malgré ces quelques défauts, on retient surtout qu’il est loin d’être le bust que certains avaient annoncé.
Pour sa saison sophomore, Trae Young ne baisse pas de rythme. Après un été passé à renforcer son physique et à travailler avec son idole Steve Nash, il revient avec l’intention de faire mieux que la saison précédente. Des efforts qui lui permettent d’améliorer ses pourcentages, notamment à 3 points, et de scorer davantage. Plusieurs cartons offensifs, quelques buzzer beaters et une ligne statistique en 30-4-9 plus tard, celui que l’on surnomme désormais « Ice Trae » connaît sa première sélection au All-Star Game. Une belle manière de confirmer qu’il faudra compter sur lui pour les prochaines années. Seule (grosse) ombre au tableau, une mauvaise performance collective, puisque Atlanta termine l’exercice 2019-2020 à l’avant-dernière place de la conférence Est, avec un triste bilan de 20-47. Certes Trae Young est très fort, mais est-il pour autant un vrai franchise player capable de faire gagner son équipe et de l’emmener loin ? Des doutes (encore) planent sur les capacités de leadership du petit meneur. Après deux belles années sur le plan individuel, c’est l’heure de gagner.
2021, la réponse
Des critiques auxquelles Trae Young répond encore une fois par des actes. Après trois premiers mois compliqués collectivement, mais durant lesquels leur jeune meneur continue d’affoler les compteurs, les Hawks réalisent une excellente seconde partie de saison, qui leur permet de finir à la 5eme place de la conférence Est. Mission accomplie pour Trae Young, qui parvient à hisser sa franchise en playoffs, trois ans après sa dernière participation. L’histoire aurait pu s’arrêter là, et une sortie au premier tour aurait déjà été vue comme une belle progression pour les Faucons, mais « Ice Trae » n’était pas de cet avis.
En effet, Atlanta déjoue tous les pronostics en atteignant les finales de la conférence Est, après avoir éliminé les Knicks (4-1) et les Sixers (4-3). Une immense performance collective des Hawks, menés par un Trae Young éblouissant, qui écœure les défenseurs de New York et de Philadelphie. Malheureusement, alors qu’il avait bien lancé ses finales de conférence avec un game 1 en 48-7-11, et que les Hawks semblaient en mesure de rivaliser avec les Bucks, il se blesse à la cheville lors du troisième match. Diminué, il ne revient que pour le game 6, et ne peut empêcher l’élimination de son équipe.
Une déception pour les Faucons, qui ressortent de ces playoffs frustrés, mais fiers de ce qu’ils ont accompli. Leur bilan est en effet excellent pour une équipe que beaucoup ne voyaient même pas passer un tour. Sur le plan individuel, Trae Young a été phénoménal pour ses premiers playoffs, avec 29 points, 3 rebonds et 10 passes de moyenne par match. De belles promesses d’avenir pour le meneur d’Atlanta, qui a une nouvelle fois répondu aux critiques, en prouvant qu’il était un véritable franchise player capable de mener une équipe compétitive.
Les raisons du succès
Intéressons nous d’abord aux qualités techniques de Trae Young, aux armes qui font de lui l’un des meilleurs joueurs offensifs de la ligue, et qui lui ont permis de hisser son équipe en finale de conférence dès sa troisième année en NBA.
Une large palette offensive
La principale raison pour laquelle il représenté une menace pour les défenses adverses, c’est sa capacité à shooter de n’importe où sur le terrain. Sa forme de tir et sa vitesse d’exécution lui permettent de dégainer très rapidement, et de sanctionner la défense adverse à la moindre erreur de marquage. Si la comparaison avec Stephen Curry paraît aujourd’hui dépassée tant les pourcentages à 3 points du meneur des Hawks sont loin de ceux du Chef (35.2% contre 42.8% en carrière), elle n’avait en réalité rien d’anodin. Trae Young incarne parfaitement la nouvelle ère de la NBA basée sur le tir à longue distance, lui qui marque en moyenne 3 tirs primés par match cette saison. Il est d’ailleurs devenu le maître du tir à 10 mètres en NBA, puisqu’il est déjà le meilleur shooteur depuis cette zone sur les 25 dernières années !
Si sa meilleure arme offensive reste le shoot extérieur, « Ice Trae » se révèle aussi très efficace en pénétration grâce sa vitesse, son handle, et son centre de gravité très bas, qui lui permettent souvent de déborder ses adversaires. Et pour compenser son manque de physique qui l’empêche d’attaquer le cercle avec agressivité et de défier les grands défenseurs, Trae Young dispose d’une arme redoutable : son floater. Un geste qu’il a développé très jeune, et qu’il maîtrise aujourd’hui à la perfection, comme en témoigne son actuelle cinquième place au classement de l’efficacité à mi-distance, avec 52.2% de réussite.
Au-delà de ses qualités au scoring, Trae Young est un excellent playmaker. Son excellente vision du jeu lui permet de trouver ses partenaires dans n’importe quelles circonstances, aussi bien les big men dans la raquette (Collins, Capela, Okongwu, souvent avec des lobs sur pick and roll), que les shooteurs derrière l’arc (Huerter, Bogdanovic, Gallinari). Passe main droite, main gauche, à deux mains, dans le dos, à l’aveugle … le jeune meneur sait tout faire, et c’est tout naturellement qu’il tourne à 9 passes de moyenne par match depuis son arrivée en NBA.
Enfin, Trae Young est un expert dans l’art de provoquer des fautes. Il parvient à faire de sa petite taille un atout en utilisant ses dribbles, ses feintes et sa vitesse pour déséquilibrer ses adversaires et les forcer au contact. Une qualité offensive certes pas des plus appréciables, d’autant qu’il a parfois tendance à en rajouter, mais diablement efficace, surtout au vu de ses pourcentages aux lancers francs (86.8% en carrière, 89.5% cette saison).
Trae Young et les Hawks, maîtres du pick and roll
Si sa technique lui permet de performer dans n’importe quelles circonstances, il faut reconnaître que le collectif qui entoure Trae Young facilite grandement la mise en place de son jeu, notamment grâce au système de pick and roll. Le jeune meneur a en effet développé une belle connexion avec ses big men (Clint Capela, Onyeka Okongwu ou John Collins), sur laquelle les Hawks basent leur jeu d’attaque. La saison dernière, ils étaient en effet la 2e équipe qui utilisait le plus ce système, que Trae Young exploite à merveille. Il est d’ailleurs le guard qui score le plus sur pick and roll cette saison, avec 13.5 points marqués par match.
Intéressons nous d’abord à ses qualités de passe, qui lui permettent de trouver facilement ses intérieurs lorsqu’ils « roulent » vers le panier après avoir posé un écran. Exemple ici avec John Collins. Après avoir été bloqué par la défense adverse sur une tentative de pénétration, Trae Young bénéficie d’un écran de Collins, qui empêche son défenseur d’intervenir sur sa deuxième pénétration. En sortie de dribble, il lève la tête et aperçoit son ailier fort laissé seul par Alec Burks, venu en aide sur lui. Il adresse donc une passe lobée, dont Collins se saisit en l’air pour aller dunker.
Autre exemple sur cette vidéo avec Onyeka Okongwu. Sur une remise en jeu, Trae Young sert Okongwu à l’extérieur de la raquette. Il suit immédiatement le ballon et vient contourner son partenaire de manière à ce que celui-ci puisse poser un écran sur son défenseur. Young peut donc attaquer la raquette sans grosse pression défensive, et se retrouve en mismatch face à Zubac. Il voit alors Okongwu passer dans le dos de son vis-à-vis, et d’une belle passe lobée, il l’envoie au alley-oop.
Lorsque la passe est impossible, soit parce que la course de son partenaire n’est pas bonne, soit parce que ce dernier est bien marqué, Trae Young dispose d’une autre option : le shoot. Il privilégie souvent un floater en course, geste qu’il maîtrise parfaitement. C’est le cas sur cette vidéo. Grâce à un écran de Capela, Young parvient à dépasser son défenseur et à pénétrer dans la raquette. Arrivé au niveau de la ligne des lancers francs, il stoppe son dribble, lève la tête, et envoie son floater juste avant d’atteindre le pivot adverse, qui ne peut pas le contrer. Ce dernier commet même une faute, et le meneur des Hawks obtient le and one.
Ainsi, en plus d’être capable de faire des différences grâce à sa technique individuelle, Trae Young est le maître d’un collectif rôdé qui s’est construit autour de lui. Si on relève surtout sa connexion avec ses intérieurs sur pick and roll, le meneur d’Atlanta est capable de faire briller et d’élever le niveau de toute son équipe. Une qualité que son coach, Nate McMillan, n’avait pas manqué de relever durant les playoffs « C’est lui qui contrôle tout sur le terrain, et il montre qu’il progresse dans la gestion et la direction d’une équipe. Il fait preuve de confiance en donnant des opportunités à Bogdan Bogdanovic, à DeAndre Hunter, à John Collins et à Clint Capela en impliquant tous ces gars. »
Et maintenant ?
On l’a vu, les qualités offensives exceptionnelles de Trae Young lui ont permis de s’imposer en NBA et de devenir le franchise player d’une équipe compétitive, avec qui il a passé un cap l’an passé en playoffs. Mais le jeune meneur ne se contentera sûrement pas d’une finale de conférence et deux sélections au All-Star-Game comme palmarès. S’il veut viser plus haut, il devra faire preuve de régularité, à la fois individuellement et collectivement, mais aussi progresser sur certains aspects de son jeu, à commencer par la défense, où il est encore un poids pour son équipe. « Ice Trae » sera-t-il capable de décrocher les plus grandes récompenses, comme un trophée de MVP ou une bague de champion NBA ? Nul doute que ce sont des objectifs qui trottent dans la tête du jeune faucon …