Gregg Popovich est incontestablement l’un des entraîneurs les plus prestigieux de l’histoire du basket-ball. Indépendamment de ses nombreux accomplissements, on retient l’aura et la personnalité d’un homme atypique dont la pédagogie rigoureuse et l’art de transmettre a permis à de nombreux joueurs de se révéler. Jouant les premiers rôles durant plus d’une décennie, la franchise de San Antonio n’est plus sous les spotlights de la Grande Ligue depuis maintenant quelques saisons déjà. Les Spurs donnent le sentiment d’être un incubateur prêt à catalyser le fruit d’une stratégie finement pensée. Dans ce process ô combien stimulant, Devin Vassell est l’un de ces jeunes joueurs prometteurs, et nous allons énumérer plusieurs raisons qui nous amènent à penser qu’il va jouer un rôle important dans cette ascension annoncée.
Une niche en attaque ?
Il émane une certaine humilité et timidité dans le langage corporel de Devin Vassell, et cette attitude déteint parfois sur son jeu. Hyper altruiste, Vassell n’est pas un ball handler référencé. Il ne monopolise pas la gonfle et fluidifie le ball movement des Spurs tout en s’appliquant à bien équilibrer les espaces en attaque avec son jeu sans ballon. Autrement dit, le sophomore arbore le bon état d’esprit et certains chiffres nous laissent à penser que l’ancien de Florida State dispose d’une marge de progression prometteuse.
La répartition de ses shoots en attaque est équilibrée puisqu’il tente en moyenne 10.6 shoots, dont 5.2 tentatives à 3 pts. C’est le joueur à tenter le plus de shoots à 3 points par match (34,5 % d’adresse) derrière McDermott (5), Walker IV (5) et Johnson (4,8). Il a vu son pourcentage d’adresse à 2 pts s’améliorer de manière significative passant de 46,4 % à 51,1 % cette saison. Vassell est actuellement dépositaire du jeu collectif des Spurs, dont la moyenne de passes décisives par match caracole en tête du classement de la ligue (28). Il n’est donc pas étonnant de constater que près de 79,5 % de ses shoots réussis sont « assistés ».
Le jumpshot est l’arme favorite de l’arrière/ailier des Spurs, et ses pourcentages à différentes distances sont très encourageants. Indépendamment du shoot longue distance, Vassell a tenté 209 jumpshot, pour une réussite de 46,4 %. Il se montre adroit à mi-distance, même si c’est un exercice qu’il ne plébiscite pas encore.
On observe une nette amélioration dans ce domaine en comparaison avec la saison passée, et notamment dans la zone située en deçà de la ligne des 6,75m. Un constat intéressant à surveiller au sujet de Vassell, qui vient d’être récemment intronisé dans le starting five, suite au trade de Derrick White. Analysons maintenant cette zone de shoots pour les principales options offensives extérieures des Spurs.
On constate sans surprise que Dejounte Murray dispose de cette capacité à créer son propre shoot, mais il est le seul à réellement être en mesure de le faire. Dougie McBuckets, ne tente que très peu dans cette zone en raison de son profil de sniper attitré. En effet, il n’y a pas d’intérêt à ce qu’il se rende disponible à cet endroit du terrain. Keldon Johnson par contre aurait sans doute plus intérêt à travailler cet aspect de son jeu. Malgré un excellent pourcentage longue distance, il n’est pas un pur shooteur, académique comme McDermott, et sans cette adresse actuelle, il pourrait se voir limité à terme. Lonnie Walker, tout feu tout flamme, possède une sélection de shoots hasardeuse à cette distance, et une inconstance globale au niveau de son adresse, malgré une « folie » et une présence athlétique inédite dans ce roster.
Nous avons réellement le sentiment que Vassell est capable de devenir une option viable à cette distance, puisqu’il se montre adroit (44,3 %) et disponible (67,4 % de shoots assistés). Son profil de shooter à mi-distance « assisté » demeure donc atypique dans le système des Spurs actuel, et vient donner du relief à la polyvalence avec laquelle Devin Vassell pourrait être utilisé dans ce playbook.
Sur ces différentes séquences, Vassell ne dispose pas d’espace suffisant pour shooter sans être gêné par son vis-à-vis direct. Il cherche donc le contact avec le défenseur afin de se créer l’espace avec un step back. C’est une situation dans laquelle on le retrouve trop peu souvent et qu’il aurait tout intérêt à travailler pour élargir sa versatilité offensive. Cette propension à s’écarter du cercle a aussi pour conséquence de le voir tenter très peu de lancers-francs à chaque match, avec simplement 14 depuis sa titularisation malgré une belle adresse dans cet exercice (86 %).
Ses performances offensives sont pour le moment trop stéréotypées pour un joueur dont le désir est de s’extirper de l’image du 3 and D. Trop rares sont les matchs où il tente plus de shoots à 2 points que de shoots à 3 points, mais il s’agit pourtant de rencontres où il a scoré le plus depuis sa titularisation, face à Miami (22 points), Atlanta (20 points) et Indiana (19 points). L’intéressé quant à lui envisage sérieusement d’étendre sa palette offensive à mi-distance :
« Je regarde les performances de DeRozan, et il ne prend quasiment que des shoots à mi-distance, vous ne pouvez pas me dire que ça ne fonctionne pas. Vous pouvez regarder Steph, et peut-être qu’il ne tente pas énormément de shoots à mi-distance, mais dans les moments critiques, vous constatez que le jeu à mi-distance est très utilisé. Vous pouvez le voir avec Chris Paul, Devin Booker. Il y a beaucoup de joueurs qui shootent encore à mi-distance. »
Nous sommes convaincus que Vassel a toutes les qualités pour apporter bien plus aux Spurs que cette étiquette de 3 and D qu’on aurait trop tendance à lui attribuer. Les chiffres à mi-distance lui donnent raison, tout comme d’autres aspects de son jeu.
Verre saphir !
Littéralement snobé lors du Rising Star, le jeune éperon a de quoi être déçu puisqu’il possède tout de même l’une des toutes meilleures progressions au scoring cette saison, avec 6,3 points de plus en moyenne par rapport à la saison passée. On parle bien d’un joueur qui à l’heure actuelle se « contente » globalement de shooter à réception d’une passe (168 de ses 202 jumpshoots inscrits). Vassell se déplace bien, possède une aisance au jumpshot sans pour autant avoir développé encore tout le potentiel offensif inhérent à ses capacités physiques. Une chance pour lui, Vassell se retrouve dans un système collectif hyper bien huilé où il pourrait peaufiner et sculpter son jeu offensif, apportant ainsi une diversité salvatrice en attaque.
Le spot-up apparaît prépondérant dans son jeu puisque c’est le type d’action offensive qu’il réalise le plus avec 41,9 %. Les shoots en sortie d’écran ne représentent que 5,2 % malgré un pourcentage en nette progression (43,3 %). Mais notre attention se porte davantage sur les cut (5 %), et le handoff (9,8 %), où Vassell possède des pourcentages d’adresse intéressants, avec respectivement 50 % et 46,7 % dans chaque exercice. Deux options à travers lesquelles il pourrait sans aucun doute utiliser à bon escient son agilité et sa vélocité afin de diversifier son registre, et devenir une option offensive viable pour les Spurs. Il ne s’agit que de projections, mais on imagine bien le coaching staff des Spurs permettre à ce jeune joueur rigoureux et coachable de franchir un réel palier dans un avenir proche.
Vassell nous a démontré qu’il était capable de se créer un accès vers le cercle, et parfois de manière élégante voir acrobatique comme sur les deux premières séquences cette vidéo. Face à Houston, il remonte le ballon en coast-to-coast pour finir avec sa main faible en déséquilibre. Face à Cleveland, il reste suffisamment de temps en l’air pour finir à deux mains malgré la présence intimidante de Mobley. Sur la dernière séquence, on voit Vassell et Collins combiner sur un DHO, Vassell spin et finit près du cercle encore une fois main gauche.
Sur cette séquence, on voit Devin Vassell se débarrasser de son défenseur pour s’ouvrir le champ vers le panier, et finir par un dunk. Même s’il apparaît encore un peu frêle, Vassell a déjà été sous le feu des projecteurs en raison de quelques dunks bien incisifs. Il n’a tenté que 26 dunks depuis le début de la saison, et ses deux actions sont initiées suite à des cuts. Encore un élément qui nous laisse à penser que le jeune éperon est loin d’avoir étoffé son arsenal offensif.
Les qualités « basket » sont une chose, mais l’aspect mental et la prise de recul revêtent aussi une importance cruciale, et sur cet aspect, Vassell satisfait son head coach. Optimiste, le maître à jouer des Spurs évalue la progression de son protégé :
« Je dirai que son shoot a réellement progressé, sa confiance pour prendre des shoots, à rechercher les shoots à 3 points. Sa défense devient meilleure mois après mois. Il comprend mieux comment jouer d’un point de vue général, comment fonctionne la ligue et quelles exigences ça demande. Son IQ ne cesse d’augmenter. »
Vassell est un joueur très précieux dans la circulation du ballon (seulement 0,8 Turnovers) et très discipliné. Le modelage au collectif de Vassell prend davantage de résonance, avec sa capacité à ne pas perdre le ballon, à ne pas le monopoliser et à le libérer correctement. Ce n’est pas la qualité première à laquelle on pense lorsqu’il s’agit de Vassell, mais on constate tout de même qu’il possède cette capacité. Notamment lors de ses 7 matchs en tant que titulaire au mois de mars, où il délivra près de 3,9 dimes de moyenne. Mais c’est plus largement son all-around game qui devrait lui permettre de s’installer durablement comme un rouage des Spurs.
Le plus grand arbre est né d’une graine menue
Le transfert de Derrick White n’est pas anodin puisqu’il permet aux Spurs d’aligner et de responsabiliser trois jeunes joueurs prometteurs sur les postes 1,2 et 3, et ce n’est pas rien ! Cette stratégie, aussi patiente soit-elle, alimente un réel optimisme, et la présence d’un joueur à polir tel que Vassell n’est pas la moindre des stimulations !
Lorsqu’on projette son temps de jeu à 36 minutes, Vassell compile 16 points, 6 rebonds, 2,4 passes, 1,3 interceptions, et près d’1 block par match. Sa récente titularisation lui permet d’avoisiner les 30 minutes de jeu par match. Pourtant, nous observons que ce nouveau rôle n’est pas nécessairement synonyme de plus grandes responsabilités en attaque. Depuis qu’il a été titularisé face aux Hawks, Vassell tente en moyenne 12,5 shoots par match, soit un peu plus de 2 shoots que lorsqu’il était remplaçant. Récemment, face aux Wizards, Vassell n’a shooté qu’à 11 reprises, alors qu’il a cumulé le 3ème temps de jeu (42) derrière Johnson (46) et Murray (43) lors de cette rencontre en double overtime. Une situation qui apparaît comme symptomatique, puisque rares sont les plays lui étant destinés. Vassell est loin d’être à l’apogée de son efficacité offensive comme en témoignent ces différentes séquences, où l’on observe qu’il n’est pas encore à l’aise avec certaines prises d’initiatives.
Ici, Devin Vassell veille à se démarquer dans un premier temps, pour utiliser l’écran de son intérieur afin de réceptionner la balle, puis de pull up. Il manque ses 3 tentatives, malgré une liberté suffisante voire aisée sur les deux dernières pour inscrire le panier dans de bonnes conditions. C’est une séquence de jeu trop peu utilisée pour Vassell.
Toutefois, ces échecs n’ont rien de surprenant et demeurent au contraire très encourageants pour ce joueur discret et hyper collectif. C’est un nouveau rôle qu’il doit endosser, et plusieurs initiatives sont au contraire assez prometteuses comme dernièrement face à Indiana, où Vassell a créé seul son propre shoot à plusieurs reprises.
Mais derrière cette progression nécessaire dans le domaine offensif, Vassell apparaît comme un arrière/ailier complet, et ceci n’est pas sans nous rappeler un ex-pensionnaire des Spurs, dont la polyvalence s’est avérée déterminante à une certaine période.
Vous l’aviez deviné, il s’agit de Kawhi Leonard dont les statistiques, de la saison sophomore sont mises en relief avec celle de Devin Vassell. Devin n’est pas Kawhi, là n’est pas l’esprit, mais c’est l’idée de polyvalence et de potentiel que nous souhaitions illustrer par le biais de cette comparaison.
La défense lockdown du Claw n’est, en aucun cas, comparable à celle de Vassell. Sur l’homme, Leonard est intraitable, un modèle en la matière couronné de multiples reconnaissances (DPOY x2, All-Defensive x7). Déjà en 2012-2013, il s’illustrait comme un défenseur redoutable en 1vs1. De ce point de vue, le rapprochement n’a pas lieu d’être, mais à l’instar de Leonard, Vassell dispose d’une rigueur sur le plan défensif. Bon communicant, actif, et doté d’un superbe état d’esprit, Vassell ne chôme pas non plus de l’autre côté du terrain, au point même d’être plébiscité par l’un des tous meilleurs à son poste en la personne de Mikal Bridges. Avec ses bras longilignes, sa vitesse de pieds et son sens du placement, Vassell doit endosser un rôle prépondérant en défense.
Concentré, appliqué et disposant d’un bon sens de l’anticipation, il se présente comme un élément précieux à l’opposé en tant que défenseur d’équipe, mais aussi par sa capacité à pouvoir switcher sur les postes 1 à 3 (voir 4 si l’équipe adverse joue en small ball), même s’il manque parfois de dureté. Dans le backcourt actuel, et sur une projection de 36 minutes, Vassell est le second meilleur intercepteur (1,3) derrière Murray, et le second meilleur contreur (0,9) derrière Primo. Sans rapporter son temps de jeu à 36 minutes, c’est également le second joueur à dévier le plus de ballon par match (108) derrière Murray, et le joueur qui récupère le plus de balles perdues défensives (34 ex æquo avec Murray). Rappelons que Devin Vassell a joué 483 minutes de moins que Murray. C’est dire son activité pour perturber les lignes de passes adverses. C’est également le 3ème joueur à contester le plus grand nombre de shoots à 2 points (167). Il a contesté au total 264 shoots contre 284 pour Murray, et 361 pour Johnson, mais encore une fois avec un temps de jeu beaucoup moins important.
Tous ces indicateurs nous laissent à penser que son impact défensif devrait croître de manière exponentielle. Physiquement, Vassell n’a pas terminé sa mutation, et le travail de développement de son potentiel athlétique va lui permettre de devenir plus fort, et par conséquent, plus intense et plus solide défensivement. On le voit d’ailleurs en responsabilité sur certains des meilleurs joueurs adverses, et l’intéressé ne compte pas stagner dans un seul secteur. Il assure qu’il est bel et bien un joueur ambitieux aux multiples facettes :
« Je veux exceller défensivement, en particulier. Faire plus d’interceptions, gêner encore plus l’attaque adverse. Je pense que je fais du bon travail pour le moment, mais je peux encore faire mieux. Offensivement, je veux continuer à démontrer que l’étiquette du 3 and D est réductrice … Je peux continuer à montrer que je suis un scoreur efficace et que je suis capable d’être un passeur plus qu’honnête. »
La qualification pour les playoffs n’est franchement pas à l’horizon, et ce n’était certainement pas l’objectif prioritaire de la franchise pour cette saison. Le développement de plusieurs jeunes joueurs l’était sans doute plus, à l’image des progrès réalisés par Devin Vassell. On imagine bien les Spurs émerger dans les prochaines saisons, et façonner un effectif encore plus complet, en vue de bonifier toutes ces stimulantes et prometteuses perspectives. La patience porte ses fruits, et comme le disait Confucius “Il n’est pas nécessaire d’aller vite, le tout est de ne pas s’arrêter.”.