Russell Westbrook a connu la gloire, les hordes de fans, les foules qui scandent son nom et le statut d’intouchable, lui le MVP 2017. Records historiques, maître du triple double, gardien du temple d’OKC et centre d’attention des médias.
Tout semblait alors sourire au meneur, et seul le titre collectif semblait finalement manquer à son armoire à trophée. Quand le Thunder est devenu trop petit pour ses rêves, une fois Paul George parti sans crier gare, le meneur a eu le choix entre devenir le visage éternel d’une franchise ou la quête personnelle. La quête personnelle fut son choix, et franchement qui pouvait lui en vouloir ?
Pourtant, difficile de ne pas se dire en voyant Westbrook, que rien ne fut plus jamais pareil. Lui l’homme d’une seule ville est devenu un voyageur, presque mercenaire découvrant 3 équipes en 3 saisons. Mais le pire était à venir et il a attendu cette année pour se pointer. Car pour la première fois, Westbrook n’est plus le bienvenue où il se trouve.
Bien sûr, à Houston et à Washington il était le numéro 2. On a connu pire. Évidemment, le meneur faisait partie de ceux qui ne font pas l’unanimité, des joueurs clivants. Ceux que l’on aime ou qu’on déteste. Laisser tiède, indifférent, Westbrook n’a jamais fait. Et quand on le voit sur un terrain, difficile de dire que l’impression qu’il laisse au public ne soit pas en adéquation avec ce qu’il est : extrême.
Sauf que voilà, le statut de paria, lui la star NBA, il y est habitué. Quelle star ne connaît pas les sifflets des fans des franchises adverses ? Les huées, les critiques et parfois, les insultes. Russell a la peau épaisse, il peut gérer. Il a toujours géré. Mais le mépris de son public, on imagine que ça, il n’y était pas préparé.
Malheureusement, alors que la saison des Lakers vire au vinaigre, le joueur commence à se faire à l’idée. Les supporters de LA ne sont pas satisfaits de sa prestation et de son engagement… A vrai dire, ils attendent plutôt son départ qu’un rebond de sa part. Si le meneur gère cela avec une classe indéniable face à la presse, toujours est-il que le public gronde, mais visiblement, ses coéquipiers aussi.
Oui, les Lakers sont indigestes dans leur globalité. Et Westbrook fait partie du problème plus que de la solution. Il savait dans quoi il s’engageait et désormais, il peine à s’imposer, à prendre les bonnes résolutions si l’on en croit les rumeurs persistantes.
Les raisons de cet échec ont beau être multiples et, pour partie, indépendantes du cas Westbrook, deux aspects semblent pour moi néanmoins inhérents aux tendances de certaines stars. Je vous propose de les discuter.
La rançon du pouvoir
La sphère NBA a toujours été en proie à des luttes d’influences. Et nul doute que dans ce grand échiquier, les stars sont des bêtes de pouvoir. Les années passant, ces dernières ont vu leur influence sur la ligue et sur leurs franchises se développer. A tel point que le jour vint, où des stars pouvaient naître en dehors des grands marchés. Incroyable changement de paradigme pour eux, mais pour les franchises également.
La jeunesse d’OKC : Durant – Westbrook – Harden fut un exemple magistral de cette nouvelle ère pour les joueurs.
Parfois, il me semble que les stars NBA possèdent à ce titre un point commun avec certaines personnalités politiques ou certains grands PDG. Elles semblent seules dans leurs bulles, entourées de personnes plus occupées à leur plaire qu’à être sincère.
Ainsi, pendant leur ascension et lorsqu’elles atteignent leur sommet, elles prennent pour habitude de penser que leur instinct est perpétuellement bon et qu’il faut donc s’y fier en toutes circonstances. Et parmi ces idées qui semblent souvent survenir : le talent est tout et il suffira à tout surmonter.
Aussi, quand nous avons appris que LeBron James et Anthony Davis avaient fait le forcing pour récupérer Westbrook, et que ce dernier avait tout fait pour que Washington accepte cet échange, il me semble que nous pouvions nous poser une question : ces joueurs pensaient-ils que ce mariage était naturel ? Ne sont-ils pas, au fond, conscients que pour briller, ils ont besoin des bons profils autour ? Enfin, n’ont-ils pas l’impression que leur talent, aussi phénoménal soit-il, ne suffit pas toujours ?
Certains joueurs, par leurs caractéristiques, sont facilement implantables dans une équipe. Ils contribuent toujours à leur plein potentiel. Mais d’autres, comme LeBron et particulièrement Westbrook, ont besoin de joueurs bien spécifiques pour être maximisés. A ce titre, il semble contre-productif de jouer aux côtés de profils similaires, quand on manque de facultés d’adaptation.
En dépit des évidences, certains joueurs semblent continuer de braver les incompatibilités théoriques, préférant croire que leur talent peut s’exprimer à l’infini, indépendamment du contexte. Pêché d’orgueil ou mauvais entourage ? La question, parfois, se pose. Et la réponse doit souvent être la suivante : un peu des deux.
La survie du plus apte
Certains joueurs, comme LeBron James, semblent inoxydables, continuant inlassablement d’évoluer au plus haut niveau, comme si le temps et ses vicissitudes n’avaient pas de prises sur eux. Mais ça, ce sont pour les exceptions qui confirment la règle.
Pour le reste, y compris ceux qui ont régné sur la ligue, vient le temps de l’adaptation. Si cela semble naturel, particulièrement chez des joueurs dont le jeu reposait sur la vitesse, l’explosivité ou la détente, encore faut-il accepter ce que nous redoutons tous, star NBA ou pas : vieillir.
Vieillir, cette ingrate condition de l’humanité, requiert une conscience de soi pas toujours compatible avec le sport de haut niveau.
Dans le cas de Westbrook aux Lakers, il semble subir de plein fouet incompatibilité entre son jeu et celui de LeBron. Peut-être, aussi, que tout cela n’est pas facilité par le poids des années. Bientôt âgé de 34 ans, le meneur s’approche d’un âge critique pour un sportif professionnel. Et si la médecine moderne permet de repousser l’inéluctable, toujours est-il qu’il faudra, un jour, accepter de s’adapter.
En cela, les rumeurs autour de Westbrook ne sont pas rassurantes. Selon SilverScreenAndRoll, bien que Westbrook ait accepté d’évoluer sans ballon chez les Lakers pour faciliter l’échange, les choses sont de toutes évidences compliquées pour le joueur. Non seulement cela ne colle pas, mais la franchise semble lui demander un sacrifice supplémentaire qu’il refuse en bloc : sortir du banc. Le joueur aurait refusé d’en attendre parler, que cela vienne des coachs ou des coéquipiers.
L’ironie du sort, veut que Brodie ait déjà entendu ce type de débats. Ils gravitaient autour d’un de ses coéquipiers à l’époque, redevenu coéquipier d’aujourd’hui : Carmelo Anthony. L’ailier, encore star à New-York quelques mois plus tôt, avait balayé cette éventualité d’un revers de la main lors de sa saison au Thunder. Pourtant, moins d’un an plus tard, il était coupé par sa franchise et ne réussissait plus à trouver preneur. Traversant une année et demi de galère avant de retrouver une équipe prête à tenter le pari. A l’époque, Carmelo Anthony avait… l’âge de Westbrook cette saison.
Sans dire que cet avenir est celui de Brodie, cet exemple vise à mettre en exergue une question : qu’est ce qui est le plus important ? Pour le spectateur, le succès collectif semble l’évidence, mais pour les joueurs, souvent, il s’agit de protéger un statut et tout ce qui l’accompagne. Car une fois une étiquette donnée, une image changée, difficile de revenir en arrière.
Là encore, l’orgueil doit jouer un rôle majeur dans ce refus de changement, mais le risque, aussi, est d’accélérer sa fin pour sauver le maintenant.
Quand les promesses deviennent prison
Arrivé à Los Angeles, beaucoup promettaient déjà le succès à Westbrook et ces Lakers. L’association de talent semblait bien trop immense pour envisager l’échec. Pourtant la paire Westbrook – James semblait indubitablement contre-nature. En outre, la réussite de l’échange avait vidé l’effectif en profondeur et poussé Rob Pelinka à faire les fonds de tiroirs pour monter un groupe de 15 joueurs. Un exercice très dépendant des joueurs disponibles.
Quelques choix inopportuns et un casting de vétérans en bout de course plus tard, l’ensemble est bardé de lacunes et de fragilités. Les blessures s’en mêlent et voilà ce groupe à qui la gloire était promise, en route vers un désastre dont seules les équipes de stars vieillissantes ont le secret.
Dans tout ça, Westbrook et sa quête de titre semblent déjà bien loin des ambitions de départ. Et pour ne rien arranger, son image est irréfutablement écornée alors que des clips de ses tirs ratés tournent en boucle, que le public se gausse de ses échecs et que des débordements inacceptables vont jusqu’à s’en prendre à sa famille. Le tout, pour finir de noircir le tableau, sur l’une des plus grandes scènes du basketball : Los Angeles.
Alors que la franchise et le joueur semblent déjà d’accords pour se séparer cet été, toujours est-il que la saison continue et qu’on voit mal, même avec le retour d’Anthony Davis, comment ce groupe peut trouver une cohérence ou comment Westbrook va redresser la barre alors que LeBron, tient le rôle qui a toujours été le sien, mais mieux que lui.
La tâche est rude : le meneur n’a jamais su faire évoluer son jeu, les rumeurs selon lesquelles il refuse de travailler plus avec Phil Handy, assistant des Lakers, n’aident pas et par ailleurs, nul doute que s’il n’a pas développé certaines caractéristiques indispensables, ce n’est pas par manque de travail, mais tout simplement par incapacité.
La scène pourpre & or s’est transformée en prison dorée. Et tout le faste du monde n’enlève rien à l’évidence : dorée ou pas, cela reste une cage.
Désormais, l’avenir semble s’écrire ailleurs. Mais, encore en possession d’un contrat en or massif, nul doute qu’il n’aura pas le choix de la destination. Un pas en arrière supplémentaire dans sa quête de titre, et aucun pas en avant dans sa reconversion en tant que joueur vétéran.
Une année brutale pour Russell Westbrook. Plus encore, une année perdue… au mieux.