Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Profitons de ce 73ème épisode pour retracer l’immense carrière du géant qu’était Bob Lanier, pivot phare de sa franchise de toujours, les Detroit Pistons.
Il était une fois dans l’Est
Michigan, 1970
Ce récit nous plonge dans une époque où les Pistons bataillaient encore au cœur de la conférence Ouest. Depuis la création de la franchise en 1941, qu’il s’agisse des Fort Wayne Pistons de Larry Foust, ou des Detroit Pistons de Bailey Howell, le championnat ne fut jamais remporté, malgré deux finales disputées et perdues consécutivement en 1955 et 1956.
Il faut ainsi remonter à 1941 pour voir Fred Zollner donner son nom aux Fort Wayne Zollner Pistons, équipe de basket d’abord membre de la NBL (double champion, 1944 et 1945), avant d’intégrer la BAA en 1948 et la NBA l’année suivante. Entachée par des suspicions de paris truqués, notamment au sujet des finales NBA 1955 perdues à l’arrachée face aux Nationals de Syracuse, la franchise s’est imposée petit à petit comme une incontournable dans le paysage de la Grande Ligue. En en effet, bien qu’ils ne remportassent pas de titres, les Pistons atteignaient toujours les playoffs. Cependant, une fois arrivée l’année 1963, une longue période de disette pointa le bout de son nez. Ce n’est que le début d’une nouvelle ère, mais sans le savoir, Detroit se dirigeait droit vers un trou d’air ; la fin des années 1960, et toute la décennie 1970, constituent la pire période de l’histoire de Detroit sur le plan sportif.
Il faut dire que cette époque fut marquée par l’ultra domination des Celtics de Bill Russell, qui trustèrent la place d’épouvantail de la Ligue. Rappelons-le, à cette période, Boston a remporté dix titres sur onze entre 1959 et 1969. Toutefois, la domination de Boston n’explique en rien les non-apparitions des Pistons en playoffs. D’ailleurs, malgré les passages en postseason, entre 1955 et 1970, ces derniers n’ont jamais eu de bilan positif. Cela laissait deviner que leurs apparitions aux joutes printanières se jouèrent sur un fil et que cela pouvait s’arrêter à tout moment.
Dans une franchise instable et en cruel manque de réussite, le bout du tunnel semblait difficilement atteignable. Pourtant, en 1970, la franchise était sur le point de drafter l’un des meilleurs joueurs de son histoire. Dans une ère où la domination passait par les géants, tels que Wes Unseld, Bill Russell, ou Wilt Chamberlain, un monstre physique s’apprêtait à arborer le maillot des Pistons. Ce géant, qui répondait au nom de Bob Lanier, s’apprêtait à apporter un peu de lumière sur une franchise qui en avait bien besoin.
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Pendant ce temps, dans l’État de New York
Robert Jerry Lanier Jr, dit Bob Lanier, naquit le 10 septembre 1948 à Buffalo. Son histoire d’amour avec la balle orange débuta assez mal. Ironiquement, à cause de ses mensurations hors normes, les premiers conseils qui lui furent donnés étaient de ne pas se lancer dans le basketball. À l’âge de 11 ans, l’enfant chaussait du 45, tandis qu’il mesurait 2 mètres au moment de souffler ses 16 bougies. Lors de sa première année de lycée à Buffalo, un coach pointa du doigt la taille de ses pieds, tout en estimant que ces derniers étaient bien trop grands pour faire de lui un véritable athlète de haut niveau. En plus des doutes qui planaient sur son physique, sa coordination était très mal vue et beaucoup le voyaient comme un joueur trop maladroit pour pouvoir pratiquer le basketball. L’avenir leur donna tort.
Lors de son année sophomore, sous les ordres du coach Nick Mogavero, Bob Lanier ne fut pas sélectionné dans l’équipe de basket du lycée. Toutefois, cette fois-ci, la raison n’était pas à chercher dans la taille de ses pieds. Effectivement, Mogavero était réellement inquiet, car il constatait une bien grande différence entre l’immense stature de son pivot et sa coordination et craignait que cela n’entraîne de lourdes conséquences sur la santé de son poulain. L’entraîneur est même allé jusqu’à consulter des spécialistes de l’université de Buffalo, qui ont confirmé ses craintes en affirmant qu’il était bien trop dangereux pour Bob Lanier de commencer le basket si jeune. L’adolescent a donc énormément travaillé sur sa motricité. Sa croissance était surveillée de près et son travail fut récompensé par son intégration dans l’équipe de l’établissement… mais aussi lorsqu’il commença à rouler sur tous ses adversaires.
La menace débarque en NCAA
Avec ses performances exceptionnelles, Lanier plaça son lycée au sommet des classements internes à la ville de Buffalo. Il se fit très vite remarquer et plus d’une centaine d’universités souhaitaient s’attacher ses services. Le géant avait cependant à cœur de rester à Buffalo, mais ses notes trop moyennes lui coutèrent sa place au sein de l’université de Buffalo. Dès lors, il opta finalement pour rejoindre la St. Bonaventure university, notamment grâce à l’argumentaire du coach Larry Weise, qui mit en avant la proximité de la fac par rapport à son domicile. Ainsi, ses parents purent assister à chacun de ses matchs à domicile.
En raison des réglementations de la NCAA, qui interdisaient encore les sports collectifs aux premières années, Lanier ne débuta sa carrière que lors de sa seconde année sur les bancs de la faculté. Après un d’attente le pivot et les siens marchèrent littéralement sur l’ensemble du championnat universitaire. Pour sa première saison, il cumula plus de 26 points et quelques 15,6 rebonds chaque soir. Surtout, St. Bonaventure termina sa saison régulière avec un bilan de 26 victoires pour 0 défaite ! Cependant, les Bonnies s’inclinèrent au stade des Sweet Sixteen lors du tournoi NCAA, face au futur finaliste malheureux, North Carolina.
Au fil des années Lanier se bonifia. Il termina sa seconde saison en NCAA avec 27,3 points et 15,6 rebonds par match. Face à Seton Hall, il signa un match à 51 points et établit le record de points de l’université sur un match, marque qui demeure toujours en vigueur aujourd’hui. Ses prestations sont tellement appréciées qu’il se voit même offrir un contrat à 1,2 millions par une équipe professionnelle, à savoir les Nets, qui évoluaient alors en en ABA. Lanier refusa toutefois l’offre, pour pouvoir finir ses études mais aussi se garder une opportunité de rejoindre la NBA. Au cours de son année sophomore il fut même nommé pivot de la all american 2nd team, derrière le prodigieux Lew Alcindor.
Pour sa troisième et dernière année à l’université (en temps que joueur), il se murmurait que Lanier avait atteint son plafond. Il n’en fut rien. Insatiable, il continua d’améliorer ses performances individuelles, en marquant 29,1 points et en grapillant 16 rebonds chaque soir. Dans son sillage, St. Bonaventure termina la saison avec un bilan de 25 victoires pour 1 défaite. Lanier emmena à nouveau les siens au tournoi NCAA (seulement 8 apparitions dans l’histoire), mais lors du troisième tour face à Villanova, il entra en collision avec Chris Ford et se blessa gravement au genou. En raison de la blessure de son intérieur star, l’université vit ses rêves de titre s’envoler lors du Final Four, son meilleur résultat.
Lanier termina donc son aventure NCAA à l’hôpital, mais surtout dans la All american 1st team. Une consécration pour un joueur qui aura cumulé 27,6 points, et 15,7 rebonds à plus de 57 % de réussite au tir lors de son cursus universitaire (75 matchs officiels). Il quitta St. Bonaventure en y laissant une empreinte très forte puisqu’il possède encore aujourd’hui les meilleures moyennes aux points, aux rebonds et à la passe dans l’université. C’est avec ce pedigree qu’il fut sélectionné en première position de l’une des drafts les plus profondes de tous les temps, par les Detroit Pistons.
Coup de foudre à Detroit
Toutefois, une fois encore, plusieurs choix s’offrirent à lui. Premièrement il fut verrouillé par les Nets lors de la draft ABA, car la franchise usa de son territorial pick pour – enfin – attirer l’enfant de Buffalo dans leur filet. Cependant Bob rêvait de NBA et refusa à nouveau les avances faites par la franchise de la Ligue concurrente. Ainsi, lorsque les Pistons jetèrent leur dévolu sur lui lors de la draft NBA, il fit rapidement son choix… depuis son lit d’hôpital, car il venait de subir la première de ses huit opérations. Qu’importe le lieu, Detroit venait là de s’attacher les services de l’un des meilleurs joueurs de son histoire.
Un départ difficile
Pourtant les débuts de Lanier à Detroit furent pour le moins douloureux. Lors de sa première apparition au camp d’entrainement, c’est un golgoth boitillant et en surpoids qui se présenta sous ses nouvelles couleurs. Toutefois, les Pistons estimèrent que leur situation sportive était plus préoccupante que la santé du joueur et le feront jouer, coûte que coûte. Il faut dire que depuis 14 saisons maintenant, la franchise conclue ses saisons régulières avec un bilan négatif, ce qui explique la volonté de voir Lanier évoluer sur le terrain au plus vite.
Avec le recul Lanier affirme :
“Je n’étais pas en bonne santé en arrivant dans la ligue. Je n’aurais pas dû jouer au cours de ma première année. Mais ils m’ont mis tellement de pression pour jouer. Je me serais mieux porté en dehors des terrains et l’équipe en aurait mieux profité si j’avais pu travailler sur mon genou pendant un an. Il était si fragile, ce que je faisais en devenait ridicule“.
En lisant ça, nous pourrions croire que sa saison rookie fut une mascarade, mais il n’en est rien. Premièrement le pivot a disputé les 82 matchs de la saison. Non vous ne rêvez pas ; le load management n’existait pas à l’époque. Mieux encore, quand bien même évoque-t-il son “ridicule”, Lanier s’imposa rapidement comme un poste 5 dominant. Son premier match ? 22 points, 6 rebonds en 26 minutes, dans une victoire face aux Supersonics. C’est tout simplement le seul joueur de tous les temps a avoir conclu sa grande première avec une telle ligne statistique en aussi peu de temps (ils sont 27 en tout).
Deuxièmement, Lanier termina sa saison régulière avec à 15,6 points et 8,1 rebonds, tout en affrontant chaque soir les intérieurs les plus forts de la Ligue qu’étaient Kareem Abdul Jabbar, Wilt Chamberlain ou encore Wes Unseld. C’est toutefois face à une équipe démunie d’un big men de telle carrure, que Lanier réalisa sa meilleure performance de sa saison rookie, au mois de mars 1971 face aux Buffalo Braves : 40 points et 13 rebonds, le tout en 37 minutes de jeu. Cette marque fait de lui un des 5 joueurs à avoir réalisé une performance de ce style en tant que rookie, aux côtés de Bernard King, Blake Griffin, John Drew et Kareem-Abdul Jabbar. Ce match fait d’ailleurs suite aux 38 points, 11 rebonds et 4 passes décisives que Dobber avait claqué peu de temps avant sur la caboche des Blazers.
À la fin de la saison, grâce à sa prolifique association avec Dave Bing, les Pistons terminèrent enfin leur exercice avec un bilan positif et 14 victoires de plus que la saison passée. Malheureusement, leur bilan de 45 victoires pour 37 défaites ne suffit pas pour rallier les playoffs, car la division midwest était alors la plus disputée de la Ligue. On y retrouvait ainsi le futur champion, les Bucks (meilleur bilan de la Ligue, 66 victoires pour 16 défaites), les Chicago Bulls (3ème bilan de la Ligue, 51 victoires pour 31 défaites) et les Phoenix Suns (4ème bilan de la Ligue, 48 victoires pour 34 défaites).
Assez paradoxalement, sa saison sophomore fut sa meilleure en carrière du pur point de vue statistique, tandis que pour les Pistons, l’exercice 1971-72 fut assez catastrophique. Ce n’est pourtant pas faute pour Lanier d’entamer sa saison comme un boulet de canon (29 points et 17 rebonds pour le match inaugural dans une victoire face à New York), comme en témoigne sa 4ème rencontre, la meilleure jusqu’alors dans sa très courte carrière. Dans un déplacement à Portland, Dobber claqua 44 points et goba 20 rebonds pour, encore, mener sa franchise à la victoire.
Quand bien même leur nouveau franchise player était lancé sur des bases dignes d’un MVP (24,5 points et 13,6 rebonds au bout de 20 rencontres), les Pistons ne étaient placés dans une constante irrégularité. Celle-ci est symbolisée par le fait que la franchise vit trois coachs se succéder sur son banc. D’ailleurs, lorsque Lanier réalise ses plus grosses performances, Detroit a la fâcheuse tendance à perdre la rencontre. 42 points et 24 rebonds face aux Knicks ? C’est la ville qui ne dort jamais qui repart assez largement avec la victoire (+ 9). 42 points et 19 rebonds face à Wilt Chamberlain et les Lakers ? Les Angelenos ne tremblèrent pas une seule seconde au cours des 48 minutes (+ 20). Notons tout de même que si on exclut Chamberlain de la donne, rares sont ceux qui ont terminé une rencontre avec 42 points et 24 rebonds ; ils sont 14 en tout, parmi lesquels se retrouvent évidemment Abdul-Jabbar, Baylor, Bellamy, Ewing ou Pettit.
Ainsi, malgré les 25,7 points et les 14,2 rebonds de moyenne (sur 80 match) de Lanier, sélectionné au All-star game pour la première fois (9ème au classement du MVP), les Pistons ne connurent la victoire qu’à 26 reprises. Earl Lloyd, qui avait assuré le coaching pour les 70 derniers matchs, connu un bilan de 20 victoires pour 50 défaites. Un bilan qui laisse présager de nouvelles manœuvres menées par le front-office. Edwin Coil, le General Manager était évidemment conscient qu’il possédait alors la meilleure version de Bob Lanier dans la pire version possible des Pistons…
Lanier envoie les Pistons en playoffs
Pour sa troisième saison en NBA, Lanier maintint son rythme de croisière. C’est d’ailleurs au cours de cet exercice qu’il inscrivit son plus grand nombre de points sur un match : 48, contre les Blazers, une fois encore (48 points, 16 rebonds, 2 passes décisives, dans une victoire + 4. Ils ne sont que 20 à avoir réalisé une telle performance dans l’histoire). C’est aussi lors de cette saison qu’il établit son record au rebond, puisqu’il en attrapa en moyenne 14,9 tous les soirs. Une rencontre, remportée face à Seattle, illustre d’ailleurs parfaitement la forme du numéro 16 des Pistons, puisqu’en 45 minutes, il marqua 23 points, qu’il accompagna avec 33 rebonds, son record en carrière (selon les statistiques mises à notre disposition).
Probablement grâce à l’éviction d’Earl Lloyd, qui céda sa place sur le banc à Ray Scott au bout de 7 matchs, les Pistons se trouvèrent – enfin ! – une identité. Cet exercice 1972 – 73 va ainsi permettre à la franchise de créer une bonne dynamique, dont les résultats apparaîtront la saison suivante. En effet, une fois encore, malgré un Lanier toujours largement au niveau attendu d’un franchise player et d’un MVP, Detroit termina son exercice avec 40 victoires et 42 défaites. Il faut dire qu’au-delà de son pivot d’un Dave Bing toujours particulièrement solide et du tout jeune Curtis Rowe, le roster de l’équipe était insuffisamment talentueux pour lui permettre de nourrir de véritables ambitions.
Le rendez-vous était toutefois pris pour la saison suivante. Au cours de celle-ci, les hommes de Ray Scott, bien emmenés par les 22,5 points et 13,3 rebonds de Bob Lanier, signèrent un bilan record pour la franchise avec 52 victoires. Cerise sur le gâteau, les Pistons atteignirent enfin les playoffs. Il s’agit alors de la première campagne pour Lanier, qui n’avait pas ménagé ses efforts pour y parvenir. Parlons-en d’ailleurs, de ses efforts ! Ils furent récompensés par une 3ème sélection au match des étoiles, mais aussi par une 3ème place du trophée du MVP, derrière Kareem Abdul-Jabbar et Bob McAdoo.
En playoffs, les Pistons affrontent les Bulls de Rick Norm Van Lier, Chet Walker et Bob Love. Face à ce dernier, Lanier domina. Surdomina, même. Malheureusement, les Pistons se firent sortir en perdant au match 7, au cours duquel Dobber fut globalement maladroit (8 / 20 au tir, dans une défaite – 2). Il n’en demeure pas moins que sur l’ensemble des 7 matchs, le pivot afficha 26,3 points, 15,3 rebonds, 3 passes décisives et 2 contres de moyenne. Mieux encore, les Pistons s’enhardissent et le groupe a pris de l’expérience.
Pour ses quatre premières saisons en NBA, Lanier a joué 324 matchs sur 328 possibles, en cumulant près de 22 points, 12,6 rebonds et 3,1 passes décisives de moyenne. Les totaux qu’il présente (7 086 points, 4 076 rebonds, 997 passes décisives) possèdent une place de choix dans l’histoire de la NBA, puisque seuls Kareem Abdul-Jabbar et Elgin Baylor firent mieux sur les 4 premiers exercices de leur carrière. Même le grand Chamberlain est derrière Lanier à ce petit jeu (13 355 points, 8 088 rebonds mais “seulement” 783 passes décisives), c’est vous dire la portée de l’exploit.
Malheureusement Detroit n’a pas su avoir la constance de son intérieur phare. Des changements vont d’ailleurs encore venir casser la dynamique créée. Sur ces changements, plein d’amertume, Lanier déclara d’ailleurs :
“Je pense que 1973-74 était notre meilleure génération, mais pour des raisons que j’ignore ils ont échangé six de ces gars avant la saison suivante. Il n’y avait jamais vraiment de leadership qui s’installait. C’étaient des temps difficiles“.
C’est d’ailleurs probablement là le plus grand drame de la carrière de ce si grand joueur ; alors qu’il avait les qualités, le mental et le physique pour permettre à la franchise de jouer les plus beaux rôles en playoffs, il est tombé à une époque où le front-office était insuffisamment compétent pour l’entourer au mieux ou, a minima, lui permettre de trouver ses marques dans un effectif inchangé. Cette incompétence globale – rare pour une franchise telle que celle de Detroit – empêcha probablement Lanier de remporter le trophée de champion qui manque cruellement à son palmarès.
Une stabilité inégalable
Pourtant, malgré cette instabilité chronique, Detroit rallia les playoffs les trois années qui suivirent, au cours desquelles Bob Lanier continua, encore et toujours, son extraordinaire travail de sape des raquettes adverses. Ce ne sont pas les Bucks qui vous diront le contraire, puisque le 13 novembre 1974, Lanier termina sa rencontre avec 40 points, 24 rebonds, 4 passes décisives et 6 contres.
Les cartons, le pivot les enchaîna avec une régularité remarquable. S’il commença à manquer quelques rencontres (6 en 1974 – 75, 16 les deux saisons suivantes), ce qui l’empêcha certainement de disputer le All-star game 1976 malgré ses 20 points, 12 rebonds et 3,5 passes décisives de moyenne, Lanier demeurait encore et toujours le franchise player de son équipe. C’est d’ailleurs cette année-ci que Detroit passa le premier tour des playoffs pour la première – et unique – fois de l’ère Lanier, en venant à bout des Bucks (2 – 1, 29 points, 11,7 rebonds et 4 passes décisives de moyenne pour le pivot).
Malheureusement à partir de 1976, Lanier souffrit de blessures de plus en plus récurrentes. Pour ses quatre dernières années en tant que Piston, il ne joua jamais plus de 64 matchs. Pourtant, il aurait pu en manquer beaucoup plus car il est encore aujourd’hui réputé pour avoir joué blessé très souvent. Dans un environnement où Lanier n’allait jamais loin en playoffs malgré ses prestations, et où le doute planait sur l’identité de son coach chaque jour, le ras-le-bol termina par s’installer, et on peut le comprendre. En 10 ans, Lanier fut coaché par 8 entraineurs différents. La cocotte explosa en 1980, et le joueur demanda son trade.
Il est envoyé à Milwaukee le 4 février, contre Kent Benson et un premier tour de draft. Voilà comment se termina la carrière de Bob Lanier du côté de Detroit, franchise sous les couleurs de laquelle il disputa 681 rencontres entre 1970 et 1979 (22,7 points, 11,7 rebonds, 3,3 passes décisives et 2 contres de moyenne). Pour que vous preniez plus encore conscience de sa place dans l’histoire de la Grande Ligue, sachez que ses totaux au point, rebond, passe décisive et contre sur l’ensemble de ses 10 premières saisons en carrière ne sont dépassés que par le meilleur pivot de tous les temps, Abdul-Jabbar. C’était ça, Bob Lanier.
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Quand bien même ce Magnéto se place sous le prisme de la franchise de Détroit, il convient quand même de souligner que Bob Lanier joua 5 saisons pour le compte des Bucks. Là-bas, ses productions statistiques furent bien moins impressionnantes (13,5 points, 5,9 rebonds, 2,7 passes décisives, 0,9 contre en 278 matchs). L’essentiel est toutefois ailleurs, car Lanier pu enfin voir la couleur d’une finale de conférence, perdue 4-1 contre Philadelphie en 1983, à l’âge de 34 ans. Son numéro 16 est d’ailleurs retiré, aussi bien chez les Pistons que chez les Bucks. Peut-être être plus pour l’immense sacoche qu’il envoya dans la trogne de Bill Laimbeer en 1983 que pour ses performances sportives :
Peu importe d’ailleurs. Bob Lanier et son talent demeurent, aujourd’hui surtout, d’immenses mésestimés dans l’histoire du basketball américain.
La place au box-office des Pistons
Bob Lanier n’a effectivement remporté aucune bague. Cette absence de palmarès collectif n’entache finalement que très peu sa carrière. Au contraire, elle nous rappelle que tous les efforts du monde d’un joueur ultra-talentueux ne permettent pas toujours de décrocher le graal collectif. Réussir à emmener cette génération de Pistons, réputée comme l’une des pires de l’histoire de la franchise, à plusieurs reprises en playoffs constitue d’ailleurs un sacré exploit. D’ailleurs, il n’a pas eu besoin de remporter de bagues pour voir son maillot retiré dans deux franchises différentes, ni pour marquer son ère dans des années 1970 pourtant peuplée d’innombrables pivots de haute envergure.
Aujourd’hui encore, il figure au 58ème rang des scoreurs les plus prolifiques de l’histoire (19 308 points) et au 43ème rang en ce qui concerne les rebonds (9 698). S’il marqua l’histoire de la NBA, Bob Lanier est surtout une icône incontournable de celle des Detroit Pistons.
Son maillot est même retiré dans trois équipes différentes si l’on prend en considération le retrait du numéro 31 à St. Bonaventure. Cet honneur lui a été faite en 2018, lorsque pour la première fois depuis 1970, l’université remporta un match du tournoi NCAA, face à UCLA qui plus est. Le coach Mark Schmidt lui a même adressé ses premières pensées dès le coup de sifflet final :
“En 1970 vous savez, Bob s’est blessé et n’a pas eu la chance de jouer contre UCLA, cette victoire c’est pour lui. Ici, tout le monde ne parle que de cette époque, si Lanier avait été en bonne santé, ils auraient battu UCLA“.
Rajoutons dans la liste de ses accomplissements, que Bob Lanier fait partie des 5 joueurs intronisés au Hall-of-fame, à avoir joué toute sa carrière, ou presque, à Detroit. Ce qui en dit long sur son impact trop méconnu dans l’histoire de la NBA, et chez les Pistons plus particulièrement.
Lorsque l’on pense aux Pistons de Détroit, les noms qui reviennent sans cesse sont ceux d’Isiah Thomas, de Bill Laimbeer, ou encore de Ben Wallace. Pourtant, si les équipes de la fin des années 1980 et du milieu des années 2000 furent mémorables, générationnelles, Bob Lanier a, quant à lui, porté sur son dos la franchise pendant une décennie entière. Ses performances font de lui, selon nous, l’un des 5 meilleurs joueurs de l’histoire des Pistons. Donnez-lui une équipe compétitive, et Bob Lanier serait allé chercher son titre NBA (et sa place dans les 50 et 76 greatest…).
Hall-of-famer et octuple All-star (aucune sélection dans une All-NBA team, ce qui constitue une anomalie totale), Bob Lanier s’est taillé une part de lion dans la jungle de la NBA des seventies. Le tout avec des pieds trop grands et des genoux trop faibles, excusez du peu.