Il est difficile d’analyser la première moitié de saison des Knicks sans enfoncer des portes ouvertes. Des recrues à l’apport décevant, une réussite normalisée après une année à défier les statistiques, une identité collective évaporée, autant de facteurs tant discutés qui expliquent les résultats en demi-teinte de la franchise de Manhattan (24 victoires-30 défaites).
Stats arrêtées au 2 février 2022
Les raisons d’un échec contrasté
Une synergie à trouver
Les arrivées de Kemba Walker et d’Evan Fournier devaient dynamiser une attaque fortement emprise à la stagnation. C’était tout l’intérêt du fort investissement sur l’arrière français (73 M$ sur 4 ans), et du pari Kemba Walker. Si ses mouvements semblaient aller dans la bonne direction (nous étions les premiers à les défendre à l’intersaison) force est de constater qu’ils n’ont pas suffit à apporter une alternative au Julius Randle midrange show. L’attaque des Knicks est toujours stagnante (29ème aux points créés par une passe décisive, selon nba.com/stats et Second Spectrum), peu encline à pousser le ballon en transition (29ème au pourcentage de possessions jouées en transition), et dépendante du tir à mi-distance en sortie de dribble (11ème fréquence de la ligue).
Fréquence d’utilisation (classement NBA) | Points par possession (classement NBA) | |
Isolation | 8.2% (8ème) | 0.88 (18ème) |
Transition | 13.0% (29ème) | 1.10 (16ème) |
Pull up à mi-distance | 5.9% des tirs (11ème) | 0.73 (26ème) |
La trinité de l’attaque stagnante
L’arrivée d’Evan Fournier, davantage que celle de Kemba Walker qui a manqué une vingtaine de match entre blessures et choix du coach, a tout de même changé le profil offensif du cinq de départ. La principale différence est la nouvelle importance conférée au tir à trois points.
Tentatives à trois points par 100 possessions (classement NBA) | Pourcentage de réussite à 3pts (classement NBA) | |
2020-21 | 30.9 (24ème) | 39.2 (3ème) |
2021-22 | 38.1 (7ème) | 35.7% (11ème) |
Sur 100 possessions, les Knicks prennent donc 7 tirs à trois-points de plus que l’année dernière. Ils mettent fin à l’adresse inattendue et rationnellement inexplicable de l’année passée, mais restent dans la meilleure moitié de la ligue. Au contraire, ils prennent 3 tirs à mi-distance de moins par match. L’ajout d’Evan Fournier est ici notable, le Français tirant justement 7 fois à trois-points par match (39% de réussite). L’arrivée d’un tireur extérieur d’un tel calibre, également capable de créer en sortie de dribble, a ouvert le champ des possibles pour Tom Thibodeau. Fournier est ainsi utilisé en sortie d’écran ou de main-à-main, souvent avec Julius Randle, comme l’étaient Wayne Ellington et Reggie Bullock avant lui, mais, c’est là la nouveauté, en sortie de pick-and-roll. Fournier prend ainsi un tiers de ses 12 tirs par match en sortie de dribble, affichant des pourcentages de réussite honorables de 40% à 2pts et 34% à 3pts. Les Knicks sont d’ailleurs particulièrement avides de ses tirs à trois-points en sortie de dribble, se plaçant seulement derrière le Jazz en fréquence, alors qu’ils étaient seulement 23ème l’année dernière.
Si on peut reprocher à Evan Fournier son irrégularité (pour 11 matchs à 20 points au plus, dont 4 sorties à plus de 30 points, il y a aussi 18 sorties sous la dizaine de points, via Proballers.com), il serait injuste de lui imputer l’entière responsabilité de la régression des Knicks, du moins offensivement. Le coupable, on le trouve sûrement chez celui à qui on a attribué le succès précédent.
Julius Randle, une tour de contrôle au radar défaillant
Sévère baisse de régime ou simple retour à la normale ? Le MIP, All-star et all-NBAer Julius Randle vit une première partie de saison chaotique, se voyant même chahuter pour une fanbase qui le voulait loin du Madison Square Garden, puis l’a couronné nouveau roi de New York, puis pense à nouveau à s’en séparer. Le Charles de Gaulle du basket new-yorkais.
Toujours utilisé en point de fixation principal de l’attaque new-yorkaise, Randle continue de créer, pour lui-même et pour les autres. Son offensive load (statistique avancée créée par Ben Taylor qui tente d’estimer l’implication totale d’un joueur dans les possessions offensives de son équipe), place Julius Randle comme un des plus gros créateurs offensifs de la ligue (12%tile). À partir du poste haut, d’où il peut initier son step back à mi-distance signature, sa gravité ouvre de nombreuses possibilités de tirs ouverts pour l’attaque des Knicks. Preuve en est, la connexion Julius Randle vers Evan Fournier est de loin celle qui génère le plus de tirs à trois points réussis de toute la ligue !
Pour autant, la production de Julius Randle est en baisse, et son impact sur les performances collectives bien moins positif. Deux indicateurs résument très bien les difficultés au scoring de Julius Randle, passé 24.1 points par match à 18.7, le tout en passant d’une efficacité dans la moyenne de la ligue (51.6% EFG) aux pires marques de sa carrière, dans les bas fonds NBA (47% eFG, 17ème %ile).
- Le constat le plus évident est la baisse d’efficacité de son tir à trois-points. Sa meilleure saison au tir extérieur l’année dernière (40% sur 5 tentatives par match) était aussi inattendue qu’efficace, tant elle lui ouvrait de nouvelles possibilités balle en main. Cette année (31%) est davantage un retour à sa normale en carrière qu’une étonnante régression, mais elle s’explique tout de même par une différence de répartition : par rapport à l’année dernière, Julius Randle prend davantage de tir à trois points en pull-up, et moins en catch-and-shoot.
- Parallèlement à son manque de réussite extérieure, Julius Randle peine à trouver les tirs qui ont fait son succès initial : les tirs près du cercle. Cette année, ces tirs au cercle sont les seuls pour lesquels Julius Randle fait bonne figure en termes d’efficacité. Quand se rabattre sur son tir à mi-distance n’est plus aussi efficace que l’année dernière, le manque d’agressivité au cercle de Julius Randle est particulièrement criant. Mais la difficulté d’accéder au cercle trouve également sa source dans la présence quasi-permanente d’un pivot non-tireur et protecteur d’arceau aux côtés de Randle (Mitchell Robinson et Nerlens Noel). Comme souligné par Fred Katz pour The Athletic, Julius Randle ne prend que 21% de ses tirs au cercle lorsqu’il est associé à Robinson ou Noel. Ce pourcentage explose à 43% lorsque, avec Randle au poste 5, la raquette se libère et le spacing est retrouvé.
La solution pour libérer Randle semble toute trouvée : libérer la raquette pour lui permettre de trouver des tirs à haut pourcentage, une menace retrouvée qui devrait également servir son jeu à mi-distance. Quid alors de la solution ultime : décaler Randle au poste 5, avec le virevoltant Obi Toppin pour espacer le jeu ?
Le système défensif mis en place par Tom Thibodeau reposant avant tout sur une forte protection de cercle pour couvrir les décalages créés par les nombreuses et agressives aides, il est difficile de voir Julius Randle remplir le rôle d’ancre défensive. Surtout que la défense actuelle des Knicks reste d’ailleurs parmi les meilleures de la ligue, malgré les départs peut-être alors sous-estimés de Bullock et Payton qui offrent une solidité défensive incontestable. Condamné à devoir partager la raquette avec un pivot constamment dans le dunker spot, Randle va alors devoir soit retrouver son agressivité au panier, soit attendre de Tom Thibodeau des ajustements tactiques pour lui permettre d’évoluer avec une raquette libre : en jouant en transition, ou avec des pick-and-roll 4-5.
Les raisons de l’espoir
Si tout n’est pas rose au Garden, quelques éléments permettent de maintenir l’espoir. Les Knicks ne semblent en effet pas condamnés à la médiocrité, au ventre mou d’une conférence, la hantise de chaque franchise NBA. La montée en puissance de jeunes joueurs des Knicks, le retour d’un vétéran, et la perspective de la trade deadline offrent tous des raisons pour l’espoir.
L’évolution continue de RJ Barrett
Les arrivées combinées de Kemba Walker et Evan Fournier laissaient penser à une baisse des responsabilités balle en main de RJ Barrett : il n’en est rien. RJ Barrett continue sa montée en puissance offensive, malgré la léthargie globale du cinq de départ. Après une saison sophomore à l’adresse extérieure sur un nuage, l’ancien Blue Devil est retombé dans la moyenne de la ligue à 3 points en efficacité.
Mais c’est directement au cercle que RJ Barrett compense : la finition au cercle, son principal défaut pendant son année rookie, durant laquelle il flirtait avec les bas fonds de la ligue, est en constante progression. Cette année, il convertit 64% de ses tentatives au cercle, une augmentation notamment permise par la progression bien visible de sa main droite. De l’autre côté du terrain, avec le départ de Reggie Bullock, c’est lui qui est chargé de défendre sur le meilleur extérieur adverse, de LeBron James à Luka Doncic et Ja Morant.
Quentin Grimes, la bonne surprise
La décision des Knicks de descendre au cours de la draft était allé à l’encontre des prédictions qui les voyaient grimper pour sélectionner l’expérimenté tireur Chris Duarte. Finalement, c’est ce même profil de tireur d’élite à trois-points, bon défenseur sur l’homme, que les Knicks sont allés chercher avec Quentin Grimes. L’ancien de Kansas et de Houston, fort d’un cursus universitaire de 4 ans, devrait pouvoir amener son tir extérieur en NBA. Et il le fait excellemment, tournant à 38% de réussite sur quatre tentatives par match. Utilisé dans un rôle très limité de tireur en spot-up, on n’a encore très peu vu de sa création balle en main qu’il avait pourtant exhibée à Houston. Comme Obi Toppin et Immanuel Quickley avant lui, c’est un nouveau joueur au gros bagage universitaire qui a très vite trouvé sa place dans la rotation de Tom Thibodeau, finissant même quelques money times sur le terrain. Le potentiel de Quentin Grimes n’est sûrement pas le plus haut, mais les Knicks montrent une fois de plus leur capacité à dénicher de bons joueurs de complément au-delà de la loterie.
Trade deadline et Cam Reddish : les premières pièces d’une restructuration ?
Alors que la trade deadline approche à grand pas, que le retour de Derrick Rose est annoncé pour les prochaines semaines, et que Cam Reddish vient d’intégrer l’effectif new-yorkais, la saison des Knicks semble être à un carrefour important. Les Knicks espèrent-ils, comme la saison dernière, une reprise de dynamique grâce au retour de Derrick Rose et le retour en forme de Julius Randle pour accrocher une place favorable dans le play-in tournament ? Dans cette perspective, les Knicks devraient être relativement discrets à la trade deadline, mettant fin aux rumeurs envoyant Julius Randle aux quatre coins du pays.
Si au contraire, le Front office de Leon Rose partage le contrat d’un effectif essoufflé, trop limité pour sortir du play-in tournament, les Knicks pourraient être à l’écoute d’offres pour nombre de leurs vétérans. Evan Fournier et Alec Burks pourraient être des cibles idéales pour une équipe ambitieuse voulant renforcer l’attaque de son banc et pouvant accueillir leurs contrats (encore 3 saisons garanties pour Fournier, une seule pour Alec Burks). Une de ses équipes, les Cavs, ont préféré aller chercher Caris LeVert, dans un rôle similaire.
Se délester immédiatement de Fournier ou Burks aurait l’inconvénient de s’ôter des pièces et de salaires complémentaires dans l’hypothèse d’un trade pour une superstar cet été ou la saison prochaine. Cela permettrait toutefois de nettoyer une rotation arrière pour l’instant bouchée par des joueurs aux niveaux proches (Fournier-Burks-Grimes-Quickley-Rose), et d’offrir des minutes à la nouvelle recrue du front office, Cam Reddish.
L’opportunité de s’attirer les services d’un joueur au tel potentiel théorique, ancien lottery pick, pour si peu (l’éternel espoir Kevin Knox et un premier tour de draft des Hornets, fortement protégé) était logiquement alléchante pour Leon Rose. Malgré les réticences de Tom Thibodeau, qui n’avait apparemment pas été consulté avant l’arrivée de l’ancien coéquipier de Barrett à Duke, ne serait-il pas logique d’évaluer ce nouvel outil, alors que les Knicks devront bientôt statuer sur sa situation contractuelle ? La trade deadline de ce jeudi nous en dira beaucoup sur le projet des Knicks.