Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 70è épisode, évoquons l’histoire d’une franchise mythique de ce 21è siècle, le Miami Heat, en narrant la carrière d’Alonzo Mourning.
Carnet de voyage
Il était une fois dans l’Est
Floride, 1988
Commençons ce récit en remontant à l’année 1987. Les Gun’s N’ Roses viennent de sortir le futur indémodable Appetite for Destruction, Ivan Lendl a remporté son 3ème et dernier Roland Garros et les Lakers sont à nouveau au sommet de la Ligue après leur victoire sur les Celtics de Boston. C’est également cette année-ci que les dirigeants de la NBA décidèrent qu’il était plus que temps d’en finir avec cette Ligue à 23 équipes ; l’heure était venue à la conquête de nouveaux territoires, par l’accueil de nouvelles franchises, notamment dans le sud-est du pays.
Cette expansion se fit en plusieurs temps. Ainsi, en 1989, les Timberwolves de Minnesota et le Magic d’Orlando découvrirent la NBA et ses exigences. Une année auparavant, la Ligue avait vu les premiers pas balbutiants des Charlotte Hornets, mais également du Miami Heat, deux franchises qui nous intéressent particulièrement aujourd’hui. Au moment du projet d’expansion, rien n’assurait toutefois que la seconde ville la plus peuplée de Floride (derrière Jacksonville) allait effectivement pouvoir obtenir sa franchise. L’objectif de la Ligue était en effet d’implanter dans cet État deux équipes et, pour cela, trois villes étaient en compétition : Miami, Orlando et St. Petersburg. Le projet Miaméen, porté par la légende Billy Cunningham et par des investisseurs sérieux, obtint finalement l’aval des décisionnaires.
Comme souvent, les premières années furent difficiles, car la tâche des nouvelles équipes n’est pas aisée et la draft d’expansion n’est pas véritablement source de pêche aux bonnes affaires. Avec Kevin Edwards, Rory Sparrow, Grant Long et Rony Seikaly comme principaux joueurs, le Heat commença son histoire par 17 défaites, ce qui constitue le pire record de l’histoire. La première victoire ? 89 – 88 face aux Clippers, cela ne s’invente pas.
Miami termina ce premier exercice avec 15 victoires et, malheureusement, seulement le 4ème choix de la draft 1989. Néanmoins, contrairement aux Kings et aux Clippers, les dirigeants floridiens eurent le nez creux, en sélectionnant Glen Rice, un ailier sortit de la réputée université de Michigan. Après avoir été repositionné dans la conférence Est (en effet, pour sa première saison, le Heat était membre de la conférence Ouest), l’équipe réalisa à nouveau une mauvaise saison et se vit offrir le 3ème choix de la draft suivante. Ce pick, échangé contre le #9 et le #12, donna lieu à l’arrivée dans le roster de deux joueurs particulièrement méconnus, dans une cuvée où seul Gary Payton peut être qualifié de star.
Si le bilan s’améliora d’année en année, le Heat demeure loin de prétendre à disputer les playoffs avant 1992. Cette année-là, Glen Rice explosa au plus haut niveau, tout en étant correctement suppléé par Rony Seikaly, Grant Long ou le rookie Steve Smith. Avec 38 victoires, le Heat décrocha le dernier spot pour les playoffs, pour une élimination sèche face aux Bulls de Jordan au premier tour (3 – 0). La seconde qualification, en 1993, ne donna rien de plus, quand bien même l’équipe menait 2 – 1 et possédait donc deux balles de match – finalement non converties – face à Atlanta.
Après une saison galère en 1994 – 1995, voici déjà l’heure des grands chambardements. Pat Riley est nommé président et coach et Glen Rice est envoyé chez les Charlotte Hornets, en contrepartie, notamment, d’un pivot répondant au nom d’Alonzo Mourning. C’est le début d’une nouvelle ère à Miami.
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Pendant ce temps-là, entre Virginie, District of Columbia et Caroline du Nord
Pour faire connaissance avec Zo, il convient de remonter dans le temps, direction 1970 et l’État de la Virginie. C’est en effet là-bas que le joueur vit le jour, mais également qu’il fit ses premiers pas basketballistiques. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas partie de ces joueurs qui ont explosé sur le tard. À l’inverse, le jeune Mourning était exceptionnellement fort, au point de voir les scouts de tout le pays dans la salle lorsqu’il jouait pour la Indian River High School. Tandis qu’il terminait sa saison senior au lycée (25 points, 15 rebonds et 12 contres de moyenne), il était le joueur le plus côté de sa génération, en étant non seulement considéré comme la recrue #1 du pays, mais aussi en recevant une palanquée de titres honorifiques, comme celle de meilleur joueur de l’année.
Gloires et déboires à Georgetown
Courtisé, évidemment, il intégra la prestigieuse faculté de Georgetown, à Washington DC, dont le coach était le désormais regretté John Thompson. Rapidement, celui-ci va enfiler le costume de père de substitution pour le pivot, dont le comportement pouvait se révéler pour le moins instable. Au cours de sa saison freshman, Mourning, du haut de ses 18 ans, décida de profiter de sa renommée déjà existante pour fréquenter les bars de la capitale américaine. Lui et son ami et coéquipier John Turner nouèrent une relation solide avec Rayful Edmond, troisième du nom. Vous ne le connaissez pas ? Sauf à être expert.e dans les faits divers de la capitale américaine, c’est normal. En effet, le bonhomme n’a aucun lien avec le basketball ; par contre, il en a de nombreux avec le trafic de drogue et les meurtres.
S’il n’est pas le genre de personne que l’on invite à partager la dinde à Noël, Rayful Edmond fut invité par un juge à s’expliquer sur ses crimes et délits. Mourning, lui, dut également s’expliquer devant la justice, sur ses rapports avec le criminel. C’est là que John Thompson intervint. Si Turner fut viré illico de la faculté, l’entraîneur – ancien pivot remplaçant de Bill Russell aux Celtics – déploya ses ailes protectrices pour mettre à l’abri son diamant brut. Ce traitement de star, injuste pour certains, permit néanmoins à Mourning de se remettre sur les bons rails, sans mauvais jeu de mot :
“Il a été pour moi comme un père. Mon propre père me disait que lorsqu’il n’était pas là, coach Thompson, lui, le serait”.
Le bonhomme, débarrassé de ses potentiels ennuis judiciaires, put se consacrer au basketball et termina sa première saison avec 13 points, 7,5 rebonds et 5 contres de moyenne (meilleure moyenne du pays et même record de l’époque pour un première année). Les années suivantes, son influence sur le jeu de son équipe augmenta logiquement, quand bien même le rôle de contreur maison avait été enfilé par un autre joueur pas maladroit dans l’exercice : l’immense Dikembe Mutombo. Celui-ci quitta Georgetown en 1991, tandis que Mourning décida d’y retourner pour une quatrième et dernière pige. Il en sortit avec 21,3 points, 10,7 rebonds et à nouveaux 5 contres de moyenne sur l’ensemble des 32 rencontres disputées. Il quitte l’université auréolé d’un second titre de défenseur de l’année et en étant le meilleur contreur de l’histoire du circuit.
Nous sommes en 1992. Miami, qui vient de disputer les playoffs, ne possède que le 12ème choix de la draft. C’est le voisin d’Orlando qui possède le 1st pick, avec lequel est sélectionné Shaquille O’Neal. Difficile, sans une sacrée dose de mauvaise foi, d’y voir un mauvais choix. Après le Magic, c’est au tour des Hornets d’opérer le choix le plus important de leur mois de juin. En optant pour Alonzo Mourning, le front-office ne se trompa pas.
Souvenirs doux amers à Charlotte
Les Hornets sortaient d’une saison peu glorieuse, terminée avec 31 victoires. Pourtant, les fondations d’une équipe compétitive se trouvaient déjà dans le roster, avec le microscopique Muggsy Bogues à la mène, les tous jeunes Kendall Gill et Larry Johnson pour assurer le scoring et le sniper Dell Curry en tant que 6ème homme de luxe. C’est dans cette équation que s’inséra Zo Mourning pour ses grands débuts dans la plus grande Ligue du monde.
Plus intimidateur qu’intimidé, le pivot eut besoin de 4 rencontres pour prendre la mesure de l’exigence du basketball professionnel. Quatre, c’est également le nombre de match qui lui fallut pour marquer l’histoire de la Ligue, en devenant le joueur le plus précoce, aujourd’hui encore, à terminer un match avec 34 points, 14 rebonds et 3 contres.
Si les résultats collectifs étaient mitigés, Charlotte forgea son big three maison, puisque Johnson, Mourning et Gill prenaient globalement le même nombre de tirs chaque soir. Le rookie, s’il n’atteignait évidemment pas ces sommets chaque match, s’imposa comme un pivot dominant des deux côtés du terrain. Bien que débutant, il possédait le meilleur defensive rating de l’équipe. Ancrage défensif de ses équipes de jeune, Zo ne jouait pas un rôle différent ici. Points, rebonds, contres, points, rebonds, contres, telle était la litanie d’un Mourning qui pouvait d’ores et déjà prétendre au All-star game.
Plusieurs choses sont à mentionner au sujet de la fin de saison. Si nous demeurons du côté de la saison régulière, le joueur réalisa le meilleur match de sa saison à la mi-avril, dans une très large victoire face à de bien faiblards Pistons : 36 points, 22 rebonds et 3 contres en convertissant 15 de ses 19 tirs et 6 de ses 7 lancers-francs. Il s’agit là du 16ème et dernier “36 / 22” avec 78 % de réussite que la NBA et ses observateurs ont vu.
Si l’on se situe entre la saison régulière et les playoffs, on s’aperçoit qu’Alonzo Mourning termina second au classement du rookie de l’année (derrière Shaquille O’Neal) et que sa ligne statistique est simplement historique. Avec David Robinson et O’Neal, excusez-du peu, il est l’unique rookie à afficher 21 points, 10,3 rebonds et 3,5 contres de moyenne depuis 1973, date à laquelle les contres ont été officiellement comptabilisés. Reprenez ces trois larrons et ajoutez-y les 230 centimètres de Manute Bol et vous obtiendrez la liste de ceux qui, au cours de leur première année, claquèrent a minima 3,5 contres par soir. En somme, Alonzo Mourning n’était rien d’autre qu’une superstar à l’issue de cette première saison.
Les playoffs, car Charlotte s’y qualifia avec le 5ème bilan de la conférence Est (44 victoires, 38 défaites), ne firent qu’agrémenter cette image de phénomène. Au premier tour, les Hornets affrontèrent les Celtics des vieux Kevin McHale et Robert Parish et des plus jeunes Reggie Lewis et Xavier McDaniel. Si Mourning réalisa un véritable chantier lors du game 1, perdu, c’est vers la 4ème rencontre de la série qu’il convient de tourner le regard. Le premier tour se disputait encore au meilleur des 5 matchs : Charlotte menait 2-1 et avait l’occasion de plier la série à domicile. C’est ce qu’il se passa : les hommes d’Allan Bristow arrachèrent la victoire (104 – 103). Le match de Mourning ? 33 points, 7 rebonds et 6 contres (69,2 % au tir, 83,3 % aux lancers). Un mercredi classique, en somme. À ceci près que c’est le pivot qui décocha le tir qui fit passer les siens devant au score à 0,4 seconde du buzzer. Monstrueux et clutch, donc.
Le second tour nous offrit un duel intérieur marquant et assuré 100 % Georgetown, puisque Charlotte et Alonzo Mourning affrontèrent New York et Patrick Ewing. Les deux golgoths se rendirent coup pour coup au cours des 5 rencontres. Aux 24 points, 10 rebonds et 3 contres de moyenne du rookie, Pat the Beast répondit avec 26 points, 10,5 rebonds et 2,2 contres par soir. Toutefois, le collectif Knicks était bien plus rodé et c’est la ville qui ne dort jamais qui s’en alla affronter les Bulls de Jordan en finale de conférence.
Pour évoquer la seconde saison en Caroline du Nord, convoquons Confucius, philosophe chinois mort il y a quelques 2550 ans et qui brillait par sa pertinence lorsqu’il énonçait :
“Examine si ce que tu promets est juste et possible, car une promesse est une dette”.
Or, après une saison convaincante et aboutie, les Hornets avaient fait le plein de promesses. À leurs fans, bien entendu. Au reste de la Ligue, également ; il allait falloir compter sur Johnson, Mourning & compagnie dans les années à venir et, pour la première (et unique, a posteriori) fois de son histoire, la franchise pouvait se surprendre à rêvasser d’un titre NBA.
S’il avait vécu quelque 26 siècles plus tôt, Jacques Chirac aurait certainement rappelé à Confucius que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. En effet, la seconde saison de Mourning chez les Hornets fut celle de la déception collective, tandis que la troisième tourna à une rupture aussi inéluctable qu’évitable. Opérons par chronologie.
En 1993 – 1994, Charlotte manqua les playoffs, la faute à un bilan tout juste équilibré et à une conférence plus exigeante que l’année passée. La faute, surtout, aux blessures récurrentes des deux cadres de l’équipe, qui manquèrent en tout et pour tout 53 rencontres cumulées. Mourning, qui était parti sur les mêmes bases que l’année précédente, manqua l’intégralité du mois de février 1994. Avant ce premier coup d’arrêt, les Hornets affichaient un bilan honnête de 22 victoires pour 17 défaites. À son retour, 16 matchs plus tard, Charlotte avait littéralement coulé : 23 victoires, 32 défaites. En somme, en l’absence de son pivot star, la franchise a été défaite 15 fois en 16 rencontres. C’est dire si, malgré son expérience toute relative, Mourning avait une influence substantielle sur le jeu et les résultats des siens, ce que confirma d’ailleurs son retour : 18 victoires sur les 26 dernières rencontres de la saison.
Cette blessure lui fit manquer le All-star game, pour lequel il était convié. Remplacé par Charles Oakley, Zo épingla tout de même cette année-ci la première étoile de sa carrière.
On juge les grandes équipes à la façon dont elles se relèvent d’un échec, paraît-il. S’il peut paraître excessif de considérer ces Hornets du milieu des nineties comme une grande équipe, le rebond sera impressionnant. Mourning lança sa saison sur les chapeaux de roue (23 points, 10 rebonds et 3,5 contres de moyenne sur les 11 premières rencontres, pour 7 victoires) avant de connaître une passe individuelle plus compliquée, qui n’a pas nui tant que cela à son équipe. Et pour cause, quand bien même aurait-il du mal à scorer, sa présence dans sa propre raquette est toujours gage de solidité défensive.
Avec le regain de forme de son pivot, Charlotte commença l’année 1995 en fanfare, enchaînant les victoires avec autant de rapidité que Mourning enchaînait les contres. Sur les 10 premières rencontres de l’année civile, la franchise termina victorieuse à 9 reprises, tandis que Zo en profita pour composter son ticket pour le second All-star game de sa carrière, avec quelques 25 points, 10 rebonds et 4 contres de moyenne sur la période.
Alors que Big Mama, Larry Johnson, retrouvait également la santé, les Hornets réalisèrent la meilleure saison de leur courte histoire, conclue avec 50 victoires au compteur. 27 ans plus tard, il s’agit toujours du 3ème bilan historique de l’institution. Toutefois, dans son bonheur, la franchise fut frappée par la déveine, puisque le premier tour des playoffs la mettait aux prises avec les Bulls de Chicago, qui venaient tout juste de récupérer Michael Jordan et son numéro 45.
Il n’y eut pas de vraie série, car Chicago s’imposa 3-1 malgré un Mourning dans ses standards habituels dans tous les compartiments du jeu et un Johnson en pleine forme. Chicago s’imposa et Charlotte implosa.
Entre les deux franchises player de l’équipe, c’était loin d’être l’amour fou. Alonzo n’aimait pas Johnson et Larry détestait Mourning. De surcroît, le pivot semblait avoir des envies d’ailleurs et espèrait rejoindre un gros marché. Aujourd’hui toutefois, il prétend que George Shinn, le propriétaire de la franchise, aurait voulu jouer à l’apothicaire pingre, en refusant d’offrir à sa superstar le contrat qu’il méritait :
“Il (Shinn) n’estimait pas à l’époque que je valais cet argent. De mon côté, j’étais prêt à prendre moins d’argent pour rester car je m’y plaisais vraiment beaucoup […]. J’avais 23 ans, j’étais naïf et j’ai suivi les conseils de mon agent”.
Le son de cloche est diamétralement opposé chez le propriétaire de la franchise :
“Voulait-on se débarrasser de l’un des meilleurs joueurs de la Ligue ? Bien sûr que non ! Personne n’aimait Mourning plus que nous”.
La vérité, comme bien souvent, se situe peut-être au croisement des deux discours. Il n’en demeure pas moins que faute d’accord contractuel, les Hornets envoyèrent Alonzo Mourning et deux autres joueurs au Heat de Miami contre, principalement, Glen Rice. Nous sommes là le 3 novembre 1995. Les Hornets s’apprêtèrent à vivre quelques sublimes saisons. Le Heat préparait son ascension, dont l’apogée intervint quelques 10 années plus tard. Mourning, lui, continua simplement de faire ce qu’il faisait le mieux : dominer.
Coup de foudre à Miami
Au début de la saison 1995 – 1996, le Heat est un hydre bicéphale et les deux têtes sont celles de Tim Hardaway et d’Alonzo Mourning. Derrière eux, le roster dirigé par Pat Riley présente l’indubitable force d’être particulièrement homogène, mais aussi la faiblesse de ne posséder aucune troisième option digne de ce nom.
Il faut dire que Miami et Charlotte possèdent le même vécu, si l’on ne s’en tient qu’au seul critère temporel. Les deux franchises sont jeunes et inexpérimentées au plus haut niveau, ce qui est d’autant plus vrai pour le Heat, qui n’est jamais parvenu à rallier les demi-finales de conférence. Cela n’allait pas tarder.
Dominant mais défait
Cette première saison fut celle de l’apprivoisement. Une fois encore, Zo ne traîna pas pour se faire à son nouvel environnement. D’ailleurs, Miami commença son exercice les deux pieds dans le phare, en ne concédant que 3 défaites au cours des 15 premiers matchs. S’il réalisa quelques performances dont lui seul a le secret (23 points, 13 rebonds et 5 contres dans une victoire face à Detroit, par exemple), le pivot brilla surtout par une régularité acquise depuis désormais 4 années. Vous l’aurez peut-être constaté, mais Mourning était un métronome qui ne sortait que rarement de ses sentiers battus. Il profita cependant de l’air floridien pour, enfin, fracasser certaines barrières qui lui résistaient encore.
Par exemple, le 3 février 1996, une petite dizaine de jours avant le All-star game où il fut à nouveau convié, le pivot massacra la raquette des Celtics, faisant du petit bois de Pervis Ellison, premier choix de la draft 1989. Si Boston s’imposa (100 – 99), l’homme de la soirée portait bel et bien le numéro 33 et était habillé en noir : 45 points, 11 rebonds, 3 interceptions et 7 contres, à 56 % au tir. Seul Larry Nance en 1987 termina une rencontre avec de tels chiffres. Si l’on exclut les interceptions – rares pour un intérieur du profil de Mourning – l’échantillon historique n’est guère plus important ; on ne retrouve ainsi trace que de 6 matchs conclus avec 45 points, 11 rebonds et 7 contres. Outre les deux bonhommes susmentionnés, il s’agit là de l’œuvre de Bob McAdoo, David Robinson, Dwight Howard et Joël Embiid.
Bis repetita, en quelques sortes, quelques semaines plus tard, où Miami parvint à venir à bout de bien coriaces Mavericks grâce, notamment, au nouveau chantier réalisé par un Mourning intenable (40 points, 13 rebonds, 3 passes décisives et 4 contres). L’objectif n’étant pas, pour nous, de vous faire subir une indigestion de statistiques, nous nous contenterons d’une dernière prestation, la plus belle au demeurant. Il faut pour cela se rendre à Miami le 29 mars 1996, dans une rencontre remportée aisément face aux Bullets et au cours de laquelle Zo atteignit pour la première et unique fois de sa carrière l’emblématique barrière des 50 points inscrits : 50 points, 12 rebonds et 2 contres.
Bien aidé par le mammouth présent dans sa raquette, le Heat arracha la dernière position qualificative de la conférence Est, avec 42 victoires. Toutefois, nul n’ignore que cette saison-là, la meilleure équipe de ce côté-ci du pays portait un maillot frappé du taureau et venait de remporter 72 de ses 82 matchs depuis le mois de novembre. L’affrontement donna lieu à une fessée en règle et Chicago s’en alla conquérir son 4ème titre NBA.
La période de rodage était terminée : place désormais au spectacle. En 1996 – 1997, le Heat est une franchise qui compte dans le paysage NBA. Mieux encore, avec 61 victoires, l’équipe se positionne en premier contender des Bulls de Chicago, toujours seuls dans leur galaxie. Paradoxalement, sur le papier, il s’agit là de la saison la moins aboutie d’Alonzo Mourning depuis son arrivée en NBA. Jamais le pivot n’avait aussi peu scoré, pris de rebond, voire même contré. Toutefois, jamais non plus il n’avait évolué dans une équipe aussi compétitive et taillée pour la gagne.
Moins bouillant que l’année précédente, Zo ne réalisa pas d’exploits individuels au cours de la saison régulière. Il participa à nouveau au match des étoiles et se “contenta” d’en revenir à une régularité d’orfèvre. Passons donc directement à la campagne de playoffs et à ce premier tour fratricide entre franchises floridiennes, puisqu’un Magic orphelin de Shaquille O’Neal se dresse sur la route du Heat. Sans coup d’éclat et avec difficulté, Miami l’emporta à l’issue du 5ème match décisif.
En demi-finale, ce sont les Knicks qui se dressèrent sur la route et Mourning retrouva Ewing. En difficulté offensivement face à une défense étouffante, le pivot floridien enfila le bleu de chauffe et sortit du bois au meilleur des moments, pour renverser une série mal embarquée. En effet, les Knicks menaient 3 – 1 et furent défaits au cours des 3 rencontres suivantes, permettant au Heat de rallier la première finale de conférence de son histoire. L’équipe n’y fera finalement que de la figuration, en s’inclinant à 5 matchs face à ces inusables Bulls et leur impitoyable soif de succès. Sur l’ensemble de la campagne, soit 17 rencontres, Mourning fut globalement un cran en-dessous offensivement, peinant souvent à trouver la mire.
Les années qui suivirent furent témoin du prime d’un Alonzo Mourning moins scoreur mais terrifiant sous son propre cercle. Le pivot rata néanmoins le début de la saison suivante, ce qui l’empêcha probablement d’être une fois encore présent lors du All-star game ou de connaître l’honneur de se retrouver dans les meilleures équipes de fin de saison. Si l’on veut bien excepter les 39 points, 15 rebonds et 7 contres du 13 février 1998, il ne brilla une nouvelle fois pas par les sommets qu’il a su atteindre. Il n’en demeure pas moins qu’avec 55 victoires, le Heat fut une fois encore une place forte d’une conférence toujours dominée par les Bulls, mais s’inclina au premier tour face aux Knicks. La 4ème rencontre de la série fut le théâtre funeste d’une immense baston entre Mourning et Larry Johnson, désormais joueur de New York, comme pour boucler la mauvaise boucle.
Lors des deux saisons suivantes, Mourning retrouva ses couleurs Charlottéennes. Collectivement ? Circulez, il n’y a pas grand chose à voir. Ni cette saison, ni celle d’après, d’ailleurs, si ce n’est deux éliminations concédées encore face aux Knicks : 3-2 au premier tour en 1999, 4-3 en demi-finale en 2000.
Contentons-nous ici de narrer le palmarès d’un pivot inarrêtable de son propre côté du terrain. Si on se souvient de l’immense dunk que Grant Hill lui a collé sur le museau, ce qui permet de rappeler que le propre d’un contreur est d’être postérisé, rappelons surtout qu’Alonzo Mourning était un défenseur élite. Mieux : il était l’élite parmi les défenseurs, mais aussi plus largement parmi les pivots. Ainsi, il termina meilleur contreur de ces deux saisons, avec 3,9 puis 3,7 unités de moyenne. 3,9 contres par soir sur l’ensemble d’une saison, cela le place dans un cercle très fermé, au sein duquel on ne retrouve que Kareem Abdul-Jabbar, Manute Bol, Mark Eaton, Patrick Ewing, Dikembe Mutombo, Hakeem Olajuwon, David Robinson, Tree Rollins et Elmore Smith, soit la crème de la crème.
De surcroît, il fut nommé dans la meilleure équipe défensive de l’année en 1999 et 2000. Logique puisqu’en parallèle, Zo fut également sacré meilleur défenseur de la saison (DPOY) à l’issue de ces deux exercices. Enfin, pour compléter le tableau honorifique, notons qu’il eut l’honneur d’intégrer la All-NBA 1st team en 1999 et la 2nde l’année suivante. En somme, le second pivot de la fin du siècle dernier était Alonzo Mourning et le seul à lui faire de l’ombre était un Shaquille O’Neal au sommet de son art.
C’est à ce moment-ci, alors qu’il est indiscutablement l’un des tous meilleurs de la Ligue, qu’Alonzo Mourning fut frappé par le sort.
Blessures et transition
Revenant de Sydney où il avait remporté l’or Olympique face à la France, Mourning souffrait d’un genou qui l’écarta de la compétition pendant toute la saison. Enfin, c’est ce qu’imaginait le staff médical. En réalité, le pivot revint timidement pour les 13 dernières rencontres de la saison, permettant à son équipe de se qualifier en playoffs, pour être sweepée au premier tour par… les Hornets de Charlotte.
Il disputa la quasi-totalité de la saison suivante, retrouvant un niveau de jeu correct et décrochant une dernière sélection au All-star game. Cependant, les 36 victoires du Heat ne suffirent évidemment pas pour disputer les playoffs. Et là… c’est le drame. Mourning, victime d’une rechute au genou, manqua l’intégralité de la saison 2002 – 2003. À 33 ans, on se dit qu’il s’agit là d’une triste fin de carrière pour le bonhomme. Il n’en sera toutefois rien.
Certes, il ne fut plus jamais l’intérieur bondissant qui massacrait quiconque osait se dresser sur son passage. Il n’en demeure pas moins qu’il disputa encore 5 saisons sur les parquets de la Grande Ligue. Incomplètes, les saisons, notamment celle de la reprise en 2003, sous le maillot des Nets du New-Jersey (12 rencontres insignifiantes). Sous ce même maillot, il joua encore 18 matchs la saison suivante, avant d’être tradé aux Raptors, avec lesquels il ne disputa aucune rencontre, puisqu’il fut immédiatement coupé.
Nous sommes en février 2005. Le pivot n’a plus de genoux et sort de quatre à cinq années galère. Dans ce marasme d’une tristesse infinie, une seule main lui sera tendue : celle de Pat Riley. Le 1er mars 2005, Zo fit son retour du côté du Heat, dans un rôle certes moindre, mais qui lui permit de côtoyer Dwyane Wade et Shaquille O’Neal. De côtoyer, enfin, la victoire.
Revenant et sacré
Désormais second pivot de l’équipe derrière O’Neal, dans un clin d’œil de la draft 1992 et de la hiérarchie des pivots au tournant du siècle, Mourning n’a plus de rôle offensif. Par contre, il demeure clairement investi dans les tâches défensives de la franchise. Bien qu’il ne possède que 13 minutes de jeu sur la fin de saison 2004 – 2005, il claque 1,7 contre chaque soir (soit 4,8 sur 36 minutes) et constitue une seconde option de luxe à l’intérieur. D’ailleurs, avec Zo dans ses rangs, le Heat réalisa une fin de saison régulière canon, avec 13 victoires pour 6 défaites.
Ce Heat, lancé comme une balle, disposa aisément des Nets au premier tour (4 – 0), dans une série un peu schizophrénique pour Mourning, qui fit face à ses coéquipiers du début de saison. Il leur transmit d’ailleurs ses bons souvenirs lors du game 2, avec 21 points et 9 rebonds en 16 minutes seulement. En demi-finale de conférence, les Wizards connurent le même sort que les Nets, malgré 3 rencontres accrochées. La 4ème fut elle aussi marquée par Mourning, avec non seulement 35 minutes de temps de jeu, mais aussi 14 points (en 8 tirs), 13 rebonds et 4 contres.
Plus serrée, la finale de conférence se disputa face aux tenants du titre, les Pistons. Zo se frotta là à Ben Wallace, défenseur hors norme s’il en est. Dans un rôle très restreint offensivement, il ne put éviter l’élimination du Heat en 7 matchs, quand bien même les floridiens menaient 3 – 2.
Ce n’était que partie remise. Avec un Wade époustouflant, un O’Neal costaud et des vétérans à la pelle (Jason Williams, Gary Payton, Alonzo Mourning), le Heat fait bonne figure en saison régulière pour arriver frais et pimpant en playoffs. Mourning, lui, termina son exercice avec 2,7 contres de moyenne en 20 minutes de temps de jeu, ce qui fait de lui le 3ème contreur de la saison. Devant lui ? Marcus Camby et ses 33 minutes de présence sur le parquet (3,3 contres) et Andreï Kirilenko, qui passait 38 minutes sur le terrain chaque soir (3,2 contres). A temps de jeu égal, Alonzo Mourning aurait ainsi atomisé la concurrence, malgré ses 35 ans et des genoux qui grincent. D’ailleurs c’est lui qui a, de très loin, le meilleur defensive rating de l’équipe, mais aussi le meilleur net rating (+15). Papi fait plus que de la résistance.
Il n’eut pourtant que peu de responsabilités en playoffs, à nouveau gêné par sa santé. Il contribua timidement à la qualification face aux Bulls, à l’étrillage des Nets et au renversement des Pistons, pour disputer la première finale NBA de sa carrière. En face ? Les Mavericks de Dirk Nowitzki, qui menèrent rapidement 2 – 0. Sans paniquer et dans le sillage d’un Wade inarrêtable (et très présent sur la ligne des lancers), Miami remporta les 4 rencontres suivantes. Au cours de la dernière, remportée de 3 petits points, Mourning passa 14 minutes sur le terrain, pour 8 points, 6 rebonds et 5 contres. Personne n’a jamais fait autant avec un tel temps de jeu dans toute l’histoire des playoffs.
Alonzo Mourning est sacré champion NBA pour son plus grand plaisir :
“Je savoure ce titre plus que personne. Je remercie Dieu de m’avoir offert une seconde vie. Je le remercie de m’avoir permis de rejoindre une telle équipe avec de telles personnes passionnées”.
Il prolongea le plaisir encore deux saisons et prit sa retraite en 2008, 16 années après avoir fait ses grands débuts dans la Grande Ligue. Figure emblématique de la NBA, il est également incontournable lorsqu’il s’agit d’analyser quels furent les joueurs qui marquèrent le Heat de Miami.
La place au box-office du Heat
Avant toute chose, il convient de prendre conscience de ce qu’était Alonzo Mourning pour la NBA. Il disputa 838 rencontres, dont 686 avant la blessure qui nuisit à sa fin de carrière. Il demeure l’actuel 164ème scoreur de l’histoire, place qui ne signifie que peu de choses en réalité. Par contre, on le retrouve aujourd’hui encore en 11ème position des contreurs les plus prolifiques de tous les temps, tandis que sa moyenne (2,81 / match) le classe en 4ème position au sein du top 50.
Bagué, hall-of-famer, double défenseur de l’année et septuple All-star, (ainsi que double All-NBAer et double membre d’une All-defensive team), Mourning était incontournable et peut prétendre à intégrer tout bonnement le top 20 des meilleurs pivots de l’Histoire.
Qu’en est-il au sein du microcosme du Miami Heat ? Commençons à répondre à cette question finalement peu évidente en présentant ses accomplissements dans la franchise du ballon enflammé :
Pour prendre la pleine mesure des chiffres, il est nécessaire de comprendre que s’il est 3ème au nombre de matchs disputés sous les couleurs de Miami, un monde sépare Mourning des deux premiers. En effet, il a enfilé le maillot du Heat à 593 reprises, contre 867 pour Udonis Haslem et 948 pour Dwyane Wade. Ainsi, Haslem a passé 4 000 minutes de plus que lui sur le parquet pour le compte de la franchise, par exemple. Il n’a pourtant pris que 106 rebonds offensifs de plus.
C’est que dans l’Histoire du Heat, Alonzo Mourning est une figure marquante, au point que son numéro 33 fut retiré. Il a d’ailleurs été plus marquant qu’on ne semble le penser. Il est vrai, il n’a pas été des campagnes victorieuses du début des années 2010. Certes, son rôle dans le titre de 2006 n’était guère substantiel, quand bien même, nous l’avons mentionné, il n’était pas le dernier à réaliser quelques performances de choix dans les moments qui comptaient. Enfin, évidemment, en tant que franchise player, il n’a pas su mener l’équipe dans les hautes sphères de la Ligue.
Par contre, sa longévité et son bilan parlent pour lui. Tout d’abord, il paraît être le pivot le plus marquant d’une franchise qui n’a pas fait du secteur intérieur sa spécialité, quand bien même Shaquille O’Neal, Chris Bosh ou Bam Adebayo sont également passés par là. Il ne semble pas y avoir là de véritables discussions.
Ensuite, si l’on élargit le prisme de l’analyse, il n’y a en réalité que Dwyane Wade, incontestable meilleur joueur de l’histoire de la franchise, qui puisse indubitablement être placé devant lui dans les annales du Heat. Mourning, lui, se bagarre pour la seconde place avec LeBron James. Cela ne pouvait pas mieux tomber ; la bagarre, c’est le truc de Zo.
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