Souvenez-vous, le 17 décembre dernier, alors que QiBasket avait encore un site internet ; à la suite du succès des Timberwolves de Minnesota sur les Lakers de Los Angeles, Karl-Anthony Towns eut cette déclaration qui n’a finalement laissé personne insensible :
“Je suis le meilleur pivot shooteur de l’histoire. C’est un fait”.
Si l’on passe sur l’auto-proclamation, le pivot des Wolves pose les bases d’une question intéressante, à l’heure où le tir à trois-points n’a jamais été autant d’actualité : quel est le meilleur shooteur de l’histoire parmi les big men ? Aussi intrigante soit-elle, l’interrogation nécessite, dans un rapide préambule, que l’on définisse rapidement les termes de notre sujet. En effet, trois mots méritent, à notre sens, au moins quelques précisions.
D’abord, que faut-il entendre par “big men” ? A priori, dans la bouche de l’ancien numéro 1 de la draft 2015, le terme renvoie au poste de pivot. Il est d’ailleurs vrai que dans le langage courant, ce sont les postes 5 qui sont appelés, pour des raisons physiques évidentes, les “big“. Pour autant, faut-il retenir cette conception restreinte du terme ? Il serait en effet possible d’élargir la catégorie à l’ensemble des intérieurs (ailier-fort et pivot, donc). Cela créerait toutefois une problématique inextricable, puisqu’à l’ère du small-ball, il n’est pas rare de voir des ailiers évoluer sur l’un des postes intérieurs. Par exemple, il est fréquent de voir P.J Tucker ou LeBron James être aligné en tant que pivot, rendant toute notion de poste compliquée à définir. Nos résultats seraient alors biaisés.
On pourrait dès lors retenir une acception purement physique de la notion, en considérant qu’un “big” est un joueur mesurant, par exemple, plus de 2m10. Toutefois, encore une fois, on retrouverait quelques “anomalies”, comme Kevin Durant, ailier affichant a minima 2m11 sous la toise. Et lorsqu’on parle de shooteur de cette taille, vous conviendrez aisément que Durant fait partie de la discussion.
Pourtant, la seule catégorie des pivots entraîne l’exclusion automatique de certains phénomènes du tir qui peuvent pourtant difficilement être considérés autrement que comme des “grands”. C’est l’exemple de Dirk Nowitzki. Il n’en demeure pas moins que c’est la définition que nous avons décidé de retenir : dans un premier temps, le big man sera considéré comme un joueur qui a essentiellement occupé le poste de pivot au cours de sa carrière. Dans un second, nous prendrons tout de même quelques libertés pour évoquer certains “grands” shooteurs (dont fait donc partie Nowitzki) pour venir nuancer notre propos global.
Ensuite, qu’est-ce qu’un “shooteur” ? Il semble qu’il y ait autant de shoots que de shooteurs. Le tir est susceptible d’être disséqué de mille manières : adresse, volume, création, gestuelle, époques, distance… Ainsi, un joueur peut parfaitement exceller dans le tir à mi-distance mais être seulement moyennasse à trois-points. Pour citer un exemple contemporain, on peut évoquer Jimmy Butler, qui ne convertit que 25 % de ses tirs à longue distance, contre 45 % de ceux dégainés à mi-distance. Aujourd’hui, notre analyse portera sur le tir à trois-points uniquement, pour coller à la déclaration de Towns. Voici donc pour la distance. Les autres critères susmentionnés nous serviront au cours de notre développement, pour venir illustrer la froide réalité des chiffres.
Enfin, que signifie ici le terme “histoire” ? Par la force des choses, notre étude ne peut porter sur l’ensemble des 75 saisons de la NBA . En effet, la ligne du panier primé n’a été importée dans la Grande Ligue qu’en 1979. De surcroît, son utilisation par les grands ne s’est finalement véritablement démocratisée qu’au 21ème siècle. Ce n’est donc qu’une fraction de l’histoire du basketball américain qui sera aujourd’hui traitée, par la force des choses.
Pivots et trois-points : KAT seul dans son monde ?
Ces dernières années, le jeu déployé en NBA a été transformé par l’abondance de tirs extérieurs. Et si le profil du pivot idéal reste toujours sujet à débat et dépend surtout du profil des joueurs qui l’accompagnent, les grands ont tendance à s’écarter du cercle plus facilement. Pourtant, avant ce virage majeur, plusieurs bigs ont fait office de pionniers en jouant les artilleurs. Si Arvydas Sabonis et Bill Laimbeer ont par exemple terminé des saisons avec un haut pourcentage de réussite derrière l’arc, la grande majorité des joueurs que nous mentionnerons aujourd’hui ont évolué en NBA à compter de l’an 2000. Bien sûr, on peut supposer au vu de leurs qualités que certains pivots comme Hakeem Olajuwon, très à l’aise dans le périmètre, auraient pu participer au débat si leur époque les avait poussés vers ce registre. Mais ici, nous ne parlerons que de factuel, reprenant les propres mots de Karl-Anthony Towns. Ainsi, nous avons choisi d’isoler les pivots ayant réussi une une saison au-dessus des 37% derrière l’arc, avec au moins une tentative par match, afin “d’éliminer” ceux qui terminèrent une saison à 100 % de réussite avec un échantillon ridiculement faible (1 / 1, par exemple).
Parmi la petite trentaine de candidats, seuls 7 joueurs ont réussi cette performance à trois reprises au moins, dont 4 encore en activité.
Quelle est la concurrence ?
Jeune retraité, Marc Gasol ne sera qu’une mention honorable. Bien que dangereux à trois-points, l’espagnol n’a pas usé de cette arme tout au long de sa carrière. Jusqu’en 2016, il ne prenait presque aucun tir derrière l’arc (0 à 0,2 / match), avant de suivre la tendance de la Ligue. Le pivot a alors brillamment ajouté cette corde à son arc, affichant un 38,8 % à 3,6 tentatives par match ! Une adaptation réussie pour le cadet Gasol donc, qui avait déjà démontré ses qualités dans le périmètre. Il a simplement souhaité faire évoluer son jeu avec son époque, et confirme ce que nous supposions plus haut : d’autres pivots auraient pu en faire de même lors des décennies précédentes.
Parmi les autres joueurs encore actifs (ou presque), Kelly Olynyk et Meyers Leonard ont fait partie de la nouvelle génération de pivots shooteurs. Les deux joueurs ont en commun de prendre près de la moitié de leurs tirs derrière la ligne à trois-points ! Role players, jamais parmi les premières options offensives de leurs équipes, ils ont souvent été cantonnés à ce rôle de shooteur précieux. Toujours en quête de rachat alors qu’il est oublié de la Ligue depuis ses propos antisémites, Leonard affiche des statistiques probantes derrière l’arc, lui qui reste sur 4 saisons à plus de 41% ! De son côté, Olynyk est plus polyvalent, capable d’évoluer au poste d’ailier-fort. Si pour ses deux joueurs, la quasi totalité de leurs paniers à trois-points sont assistés, la tendance est légèrement à la baisse pour Olynyk. À Houston puis Detroit, il s’est créé un peu plus de tirs par lui-même. A notre sens, cette dimension doit faire partie intégrante de l’appréciation d’un shooteur.
Enfin, si nous revenons un peu dans le temps, il semble impératif de citer le nom de Mehmet Okur, dont la candidature au titre de meilleur big men shooteur s’avère sérieuse, malgré une carrière écourtée par les blessures. Dès son arrivée chez les Pistons, le turc fut utilisé en sortie de banc pour apporter des solutions offensives radicalement différentes de celles de Ben Wallace, titulaire indiscutable au poste. Le pivot apporte alors dans un registre inhabituel pour un pivot : le off-ball. C’est à Utah que les qualités d’Okur crèveront le plafond, lui permettant même de participer au All-Star Game en 2007. Entre 2006 et 2010, Okur culmine à près de 40 % à trois-points, sur un volume conséquent (3.5 tentatives par match). Notons d’ailleurs qu’en 2008-09, il termina la saison avec 44,6 % de réussite dans l’exercice (3 tentatives par match). Son apport est d’autant plus valorisable qu’en présentant une menace à distance et loin du ballon, le pivot offrait des couloirs de pénétration à Deron Williams et Carlos Boozer. Un rôle essentiel donc, même si Okur n’était que la 3ème ou 4ème option offensive du Jazz après la saison 2005-06.
Pour y voir plus clair, résumons l’ensemble de ces statistiques dans un tableau :
Un duo Jokic / Towns au sommet ?
Si nous avons déjà cité deux joueurs en activité, il reste les deux plus pertinents à notre sens : Nikola Jokic et bien sûr Karl-Anthony Towns. Le pivot serbe a tout pour être le plus sérieux concurrent du gros chaton. Pivot pur, bien que le MVP 2021 redéfinisse les limites de ce poste, le Joker vient concurrencer KAT tant statistiquement qu’en termes de profil. Avec près de 35 % de réussite en carrière derrière l’arc, pour presque 3 tentatives par match, Jokic est un candidat sérieux. Si l’on s’en tient aux chiffres uniquement, il peut toutefois être considéré en-dessous de Mehmet Okur ou même Marc Gasol après que ce dernier ait commencé à tirer de loin. Cependant, notons que Jokic reste sur deux saisons à 38 %, en progression donc.
En tant que première option offensive, le pivot est le plus ciblé par les équipes adverses, lui rendant la tâche plus difficile. Un constat qui vaut également pour Karl-Anthony Towns, considéré comme la plus grande menace de loin au poste de pivot dans la Ligue actuellement. Nous considérons alors cet argument en faveur des deux pivots. Contrairement aux autres profils évoqués précédemment, si l’on excepte peut être le cas de Marc Gasol, qui peut être débattu, Jokic et Towns ne sont pas des roles players ou des secondes options : ce sont des franchise player. L’intensité et l’attention défensives qui leur sont réservées sont donc plus élevées, rendant leur précision d’autant plus incroyable. Mais surtout, ce qui fait la différence en faveur de Jokic et Towns, c’est bien leur capacité à créer leur propre shoot. Le serbe est un génie en tête de raquette et sa capacité à diriger le jeu de son équipe depuis le poste haut lui permet parfois de s’offrir des tirs lointains. Une arme des plus rares pour un big man.
De son côté, le pivot des Timberwolves est une menace permanente, à tel point que l’on lui reproche parfois son manque de présence dans la raquette. En termes statistiques, on atteint l’indécence pour un grand : Towns affiche 39,7 % de réussite au tir extérieur pour exactement 4 tentatives par match en carrière. Et ce, en comptabilisant sa saison rookie avec un tir par match avec “seulement” 34 % de tirs convertis. Hormis ce premier exercice, le dominicain est tout simplement dans le club du 50-40 au tir : plus de 50 % au tir global, donc 40 % à trois points. Sa panoplie de tirs primés semble infinie et parfois comparable à celle d’un extérieur : on l’a même déjà vu monter la balle en transition, s’arrêter sur la ligne des trois points et dégainer. S’il score souvent de loin en catch-and shoot sur pick-and-pop ou parfois en sortie d’écran, Towns est capable de marquer dans toutes les situations ou presque, et la distance ne lui fait pas peur.
En carrière, seuls 91,8 % de ses paniers à trois-points sont assistés. Il passe même sous la barre des 90 % si l’on considère les quatre dernières saisons uniquement, avec un incroyable 81,6 % seulement en 2019-20, soit près de 2 paniers lointains sur 10 créés par lui-même. Et sur cette même saison, le pivot affiche son plus haut total de tirs pris à distance (7,9 !) et un pourcentage de réussite indécent (41,2 %). Balle en main, Towns est capable de poser un step-back sur n’importe qui ou de prendre son tir après un dribble, à la manière d’un extérieur. Hallucinant pour un pivot de 2m11. Il se démarque notamment par sa vitesse d’exécution, avec un geste très rapide et une stabilité remarquable, les pieds toujours au sol ou presque.
Il en résulte que, tant sur le plan statistique que dans la variété de ses tirs primés, Karl-Anthony Towns a tout du meilleur pivot all-time en ce qui concerne le tir extérieur.
La concurrence parmi les autres “grands”
Vous l’avez peut-être remarqué ; la déclaration de Towns n’a pas laissé insensible certains autres grands qui savaient tirer. C’est ainsi que Dirk Nowitzki, qui commentait la rencontre Dallas – Minnesota le 21 décembre dernier, n’a pas manqué de placer quelques bons mots lors des échecs lointains du pivot des Wolves. Si nous reviendrons évidemment sur les statistiques de l’allemand, il s’avère que celui-ci n’est pas le seul joueur à pouvoir prétendre au titre purement honorifique de “meilleur shooteur parmi les grands”. Nous avons ainsi opéré une sélection de 4 joueurs ainsi qu’une tripotée de mentions honorables.
Ils ont été exclus du classement
Parmi elles, il convient de mentionner certains non-spécialistes qui savaient cependant dégainer de loin. C’était le cas de Chris Bosh, qui termina deux saisons avec au moins 37,5 % de réussite à trois-points (dont 40 % en 2007-08). Néanmoins, la troisième roue du carrosse des tres amigos ne peut prétendre à plus qu’un shot out, car il s’avère que si l’on excepte ses 3 dernières saisons en carrière, il n’a jamais pris plus d’un tir lointain par match en moyenne.
Ce problème d’échantillon concerne également un autre allemand, Detlef Schrempf, dont les performances dans le tir primé étaient pourtant exceptionnelles : 6 saisons à plus de 40 % de réussite. En 1986-87, il atteignit 47,8 % de réussite avec 1 tentative par match. Plus encore, en 1994-95, il convertissait 51,4 % de ses 2,2 tentatives quotidiennes ! Parmi les forwards, seul Terry Mills parvint à réaliser une performance similaire dans l’Histoire. En effet, nous parlons de forwards car s’il mesurait près de 2m10, Schrempf a passé la majorité de sa carrière au poste d’ailier, ce qui l’exclut de facto du débat du jour.
Sur ce même critère, il convient d’écarter de notre discussion des noms pourtant réputés parmi les snipers : Peja Stojakovic et Kevin Durant. Le serbe a terminé 8 saisons avec au moins 40 % de réussite à trois-points (minimum 4,1 tentatives / match) et est, aujourd’hui encore, l’un des rares joueurs à afficher un tel pourcentage en carrière ! L’américain, lui, est également un esthète du tir, ce qu’il démontra la saison passée (45 % de réussite avec 5,5 tentatives). Surtout, contrairement aux joueurs susmentionnés, Durant possède la particularité de créer son tir très fréquemment. L’an passé, le franchise player des Nets était défendu 35,3 % du temps lorsqu’il dégainait de loin, tandis que Stojakovic était surtout un catch & shooteur d’exception.
Voilà donc pour les mentions honorables. Il nous reste donc quatre joueurs à évoquer. Parmi eux, à notre sens, deux à trois peuvent véritablement prétendre à être considérés comme des meilleurs tireurs que Towns.
Les prétendants au titre de meilleur “big men shooteur“
Évoquons en premier lieu la carrière de Raef Lafrentz. Drafté en 3eme position par les Nuggets en 1998, le bonhomme disputa 69 % de sa carrière au poste de pivot. C’est d’ailleurs le poste qu’il occupait lors de ses meilleurs saisons dans l’exercice du tir à trois-points. Ainsi, en tant que rookie, il inscrivit 39 % de ses 2,6 tentatives derrière l’arc. Pour être précis, notons toutefois qu’il ne disputa que 12 rencontres cette saison-ci. Ce n’était toutefois pas qu’un feu de paille, puisque Lafrentz réédita la performance à deux reprises sur des saisons complètes : 38,8 % sur 3,4 tentatives en 2001-02, 39,2 % en 3,5 tentatives en 2005-06. Du côté de Dallas, aux côtés de Nowitzki, il atteignit même 40,5 % de réussite sur un volume cependant plus restreint.
Dès lors, bien que méconnu (ou considéré comme un bust, puisqu’il est vrai qu’il n’a pas eu une carrière digne d’un 3rd pick), Raef Lafrentz est susceptible d’être considéré comme un véritable spécialiste du tir parmi les grands. Pour autant, en raison de son volume de tir et de la physionomie de ceux-là (essentiellement assistés), nous le placerions derrière Karl-Anthony Towns dans notre classement du jour. Mais juste derrière.
Parmi les intérieurs shooteurs au sens large, le nom de Channing Frye fait presque figure de référence. Passé par New-York puis Portland, le pivot (51 % du temps au poste de pivot, 49 % au poste d’ailier-fort, ce qui nous empêche de parler de lui comme un “pivot pur”, à l’instar de Lafrentz) n’était pas autorisé à tirer derrière l’arc avant la saison 2009-10 et son arrivée à Phoenix. Jusqu’alors, Nate McMillan lui demandait de rester bas en attaque, de poser des écrans… et puis c’est tout. C’est Alvin Gentry, alors coach des cactus, qui repéra la qualité de shoot de Frye et qui l’encouragea à s’en donner à cœur joie derrière l’arc.
Ainsi, avant d’arriver à Phoenix (4 saisons), Frye était tout sauf un shooteur à trois-points : 0,3 tentative / match et 28,9 % de réussite. Son passage dans l’Arizona le transfigura. Sur les 9 dernières saisons de sa carrière, le pivot prenait 4,3 tirs primés par soir pour une réussite globale de 39 % ! De quoi parler de lui comme un véritable stretch 4,5. D’autant plus qu’en 2009-10, il atteignit des sommets peu visités par les intérieurs, puisqu’à un volume conséquent (4,8 tirs à trois-points / match), il est parvenu à allier une précision diabolique (43,9 %).
En somme, si Frye a su perdurer en NBA, c’est grâce à son tir, notamment lorsqu’il rejoignit les Cavaliers avec lesquels il remporta le titre de 2016. Par contre, il s’est souvent contenté d’un rôle de spot-up shooteur ou de menace sur pick-and-pop.
Quid ensuite de Dirk Nowitzki ? La légende des Mavericks est fréquemment considéré comme l’un des tous meilleurs shooteurs de tous les temps, tous postes confondus. Est-ce véritablement justifié ? Le fan de Dallas que je suis vous répondrait que oui, évidemment. Les chiffres… également. L’ailier-fort (69 % de sa carrière au poste 4, 31 % au poste 5) présente 14 saisons conclues avec a minima 37 % de réussite à trois-points, et même 5 saisons à plus de 40 %.Toutefois, époque oblige, son volume est moindre que celui de Towns : jamais Nowitzki n’a pris plus de 4,9 tirs primés par match, là où l’actuel pivot des Wolves a d’ores et déjà dépassé ce total à trois reprises dans sa courte carrière.
Là où les deux joueurs peuvent être comparés, c’est dans leur manière de prendre les tirs lointains. En effet, Towns comme Nowitzki sont fréquemment assistés lorsqu’il dégainent à trois-points, mais savent tous les deux créer leur tir également. Ils ne sont donc pas des catch & shooteurs exclusifs comme pouvait l’être Channing Frye.
Au-delà des seules statistiques, si le n°41 est considéré comme un shooteur légendaire, c’est certainement aussi parce qu’il a mené sa franchise à un titre NBA en enfilant jump shot sur jump shot. Nul doute que cela entre implicitement dans le raisonnement des observateurs, sans que l’on sache véritablement s’il s’agit effectivement d’un élément pertinent.
À notre sens, et en tentant évidemment d’être le plus objectif possible, la longévité extraordinaire de Nowitzki devrait lui permettre d’être placé devant Towns parmi les big shooteurs. Par contre, nous n’excluons absolument pas que KAT puisse, en fin de carrière, se classer devant l’Allemand dans cette hiérarchie. La route sera par contre longue et pentue.
Il nous reste un dernier joueur. Si, objectivement, il est difficile d’en parler comme un meilleur shooteur que Nowitzki (en même temps, chez les intérieurs, qui le peut ?), Troy Murphy fait figure d’OVNI dans notre discussion. Nous faisons ici face à l’archétype de l’intérieur shooteur. Là où 32,2 % des tirs de Towns valent trois-points s’ils font ficelle et où Nowitzki ne prenait que 22 % de ses tirs derrière l’arc en carrière, Troy Murphy vivait majoritairement derrière l’arc. Certes, dans sa carrière, seuls 25 % de ses tirs étaient primés. Par contre, si l’on zoome sur ses 7 dernières saisons (12 années de présence dans la Ligue), on s’aperçoit que l’intérieur était à plus de 7m25 du panier 40,5 % du temps lorsqu’il tirait. Nous avons ici un véritable échantillon sur lequel travailler.
S’il passa l’immense majorité de son temps sur le parquet au poste d’ailier-fort (78 %, 22 % au poste 5), Murphy avait le physique du déménageur breton : 2m11 et 111 kilos. Après quelques recherches, il s’avère surtout qu’il était placé au poste 4 car il évoluait à côté de joueurs qui étaient incapables de s’éloigner véritablement du cercle. En réalité, à une époque plus contemporaine, Murphy aurait été un stretch 5, à l’instar de Kristaps Porzingis ou Brook Lopez par exemple.
L’intérieur, passé par Golden State, Indiana ou encore Boston a conclu 6 saisons avec a minima 38 % de réussite à trois-points. Si le volume était parfois minime (exemple de la saison 2011-12 : 1,1 tentative / match, pour 42 % de réussite), ce ne fut pas toujours le cas. Ce qui nous fait dire que Troy Murphy est au moins du niveau de Towns (si l’on parle uniquement du tir primé, évidemment), c’est les sommets qu’il a su atteindre. Ainsi, sous les couleurs des Pacers de Danny Granger et Roy Hibbert, l’ailier-fort termina la saison 2008-09 en tant que troisième meilleur shooteur à trois-points de la saison, tous postes confondus ! Il ne se retrouve que derrière Jameer Nelson (meneur) et Anthony Morrow (arrière), lesquels affichaient d’ailleurs un volume de tirs moindre.
En effet, cette saison-là, Troy Murphy prenait 5 tirs primés par match pour 45 % de réussite. Il s’agit tout bonnement d’une moyenne Durantienne, à ceci près que Murphy était incapable de créer son propre tir. Tirs assistés ou non, les statistiques nous apprennent qu’ils ne sont que 13 dans l’histoire a avoir terminé une saison régulière avec de tels chiffres. Parmi eux ? Glen Rice, Danny Green, Ray Allen, Seth Curry (x 2), Stephen Curry (x 2), Joe Harris (x 2), J.J Redick (x 2), Kyle Korver (x 4)… et Troy Murphy. Cherchez l’intru.
En conclusion de cette partie, on peut estimer qu’au niveau de la constance, Karl-Anthony Towns possède tout en magasin pour s’affirmer comme un meilleur shooteur que Troy Murphy. À tout le moins, ce qu’il démontre depuis quelques années le laisse penser. Par contre, il faudra qu’il se lève (très) tôt pour réaliser un exercice aussi historique que l’ailier-fort d’Indiana en 2009, car celui-ci ne s’est pas seulement contenté de placer la barre très haut ; il l’a élevée à un niveau jusqu’alors inatteignable pour un intérieur, tout simplement.
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La déclaration de Towns a fait rire la communauté NBA. Toutefois, en creusant quelque peu, force est de constater que parmi les pivots “purs”, il est difficile de lui contester la couronne de meilleur shooteur à trois-points de tous les temps. Si la forme est susceptible d’être remise en question, le fond est quant à lui presque indubitable.
Toutefois, si on élargit la question aux intérieurs et notamment à ceux qui ont un parfois été positionnés au poste d’ailier-fort, la réponse est loin d’être aussi limpide. Si KAT excelle avec un volume et un skill set rarement aperçu pour un pivot, la longévité de Dirk Nowitzki et le prime de Troy Murphy permettent de rabattre les cartes.
Force est de constater qu’il ne s’agit plus de rire : lorsqu’on évoque les termes “big men” et “tir à trois-points”, Karl-Anthony Towns est clairement une pointure all-time.
Towns est deuxième, j’ai envie de dire, par défaut car à par Dirk Nowtizki la concurrence est quand même assez faible.