Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 69è épisode, revenons sur le début de l’histoire des Toronto Raptors, en évoquant la carrière de Chris Bosh dans l’Ontario.
Carnet de voyage
Il était une fois dans l’Est
Ontario, 1995
L’idylle entre le basketball américain et le Canada n’a pas attendu 1995 et la création des Toronto Raptors (et des Grizzlies de Vancouver) pour voir le jour. Loin s’en faut, d’ailleurs. En effet, la première rencontre de l’histoire de la Basketball Association of America (BAA, ancêtre de la NBA) opposa, le 1er novembre 1946, les Knicks de New York et les Huskies de… Toronto. Toutefois, après cet exercice 1946-47, les Huskies disparurent du paysage, comme c’était alors fréquemment le cas.
Pour revoir la NBA dans le grand nord blanc, il a donc fallu attendre près de 50 ans, quand bien même les Braves de Buffalo y disputèrent 16 rencontres de saison régulière au début des années 1970. C’est en 1993 que le projet de ramener une franchise à Toronto vit le jour, contre la coquette somme de 125M$. L’idée était alors de rendre hommage aux ancêtres de 1946, en nommant la franchise “Huskies”, mais elle fut abandonnée pour des raisons mêlant à la fois marketing et propriété intellectuelle (les têtes pensantes se rendirent compte qu’il aurait été particulièrement malaisé de créer un logo qui ne ressemble pas trop à celui des Timberwolves). Il en résulta un vote qui mit aux prises quelques 11 noms possibles, parmi lesquels les Beavers, les Tarantulas, les Towers ou les Raptors. Surfant sur le succès de Jurassic Park et voyant la possibilité, cette fois-ci, de créer un logo qui promettait de rencontrer un franc succès, la nouvelle franchise de l’Ontario fut appelée “Raptors”.
À l’instar de l’ensemble des structures créées au cours d’une phase d’expansion, si l’on excepte les Bucks qui parvinrent à drafter Lew Alcindor lors de l’an II du projet, le début de l’histoire sportive de Toronto fut chaotique. Pourtant, le roster possédait en son sein le rookie de l’année 1996, Damon Stoudamire, un meneur de poche (1m78, 77 kilos) qui affolait les compteurs et qui devint la première coqueluche des supporters : 19 points et 9,3 passes décisives pour son premier exercice.
Ainsi, le total de victoires au cours des trois premières saisons s’élève timidement à 57, dont 16 pour la saison 1997-98 qui vit les Bulls réaliser leur second three-peat. Malgré un bilan catastrophique (le second plus mauvais de la Ligue, juste devant les Nuggets et leur 11 victoires), la loterie sera “perdante” ; Toronto draftera en 4è position le 24 juin 1998, pour une cuvée très prometteuse en son sommet, entre Dirk Nowitzki, Paul Pierce ou encore Jason Williams. Avec son 4e choix, les Raptors sélectionnèrent Antawn Jamison, dont la carrière vous a été narrée lors de l’épisode 54. Toutefois, l’ailier-fort ne s’envola pas pour le Canada, puisqu’il fut transféré le soir même vers Golden State, contre Vince Carter.
L’arrière ultra-bondissant rejoint alors son cousin dans l’Ontario, puisque Tracy McGrady avait été drafté l’année précédente, en sortie de lycée. Notons d’ailleurs que pendant quelques mois, les deux joueurs cohabitèrent avec un autre jeune prometteur, Chauncey Billups. Celui-ci fut néanmoins envoyé à Denver dès le 21 janvier 1999, après 29 petites rencontres disputées sous le maillot frappé du vélociraptor.
Il fallut attendre le nouveau siècle pour voir Toronto s’affirmer comme une “équipe qui compte” dans la Grande Ligue. On se souvient tous du dunk contest 2000, au cours duquel Vince Carter parvint à éblouir la planète entière. L’année suivante, McGrady remporta le trophée de meilleur progression de l’année… sous les couleurs du Magic (plus de 26 points par match, alors qu’il a été envoyé en Floride contre un 1er choix de draft, qui deviendra Fran Vazquez…), mais les Raptors découvrirent les demi-finales de conférence, une année après leur première incursion en playoffs. La série face aux 76ers donna lieu à un mano à mano remarquable entre Vince Carter et Allen Iverson.
Philadelphia sortit vainqueur de l’affrontement en 7 rencontres. Cela mit un coup d’arrêt presque définitif aux moments marquants de la franchise en playoffs. Suivit une saison moyenne et une seconde mauvaise (24 victoires), qui octroya à Toronto le 4ème choix de la draft 2003, l’une des plus belles de tous les temps. Alors que LeBron James et Carmelo Anthony avaient déjà enfilé une casquette, restaient encore dans la green room des noms tels que Dwyane Wade, David West ou… Chris Bosh.
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Pendant ce temps-là, entre Texas et Georgie
Christopher Wesson Bosh est né à quelques 2 300 kilomètres de Toronto, à Dallas. D’aucuns, dont vous faites peut-être partie, peuvent estimer qu’il est bien trop fort, beaucoup trop connu, pour faire l’objet du portrait du jour. Difficile de leur (vous ?) donner tort. Et pourtant, lorsque nous avons choisi d’évoquer sa carrière, nous avons adopté un raisonnement en deux temps : quel joueur a marqué la franchise de Toronto ? Peut-on raconter, de tête, de véritables anecdotes sur Chris Bosh ? La réponse négative donnée à la seconde question nous mène à la fin de cette divagation explicative.
Le jeune Christopher n’est pas né avec un ballon dans les mains, mais presque. Son père lui a fourgué la grosse balle orange entre les paluches dès l’âge de 4 ans. Pourtant, dans sa jeunesse, le gamin s’orienta plutôt vers le karaté, la gymnastique voire le baseball. Ce n’est qu’à l’âge de 10 ans qu’il décida de dédier son activité sportive au basketball. Fanatique de Kevin Garnett, il excella au lycée, terminant son ultime saison avec 40 victoires pour aucune défaite et remportant le titre de l’État aux termes d’une rencontre finale conclue avec 23 points, 17 rebonds et 9 contres. Nous sommes en 2002 et Chris Bosh est considéré comme le prospect #1 du pays.
Il décida de ne pas suivre à la trace les pas de son idole, qui rejoignit la NBA sans passer par la case université en 1995. Bosh passa ainsi une année du côté d’Atlanta en intégrant Georgia Tech, avec la farouche volonté de décrocher son diplôme. De haut de ses 2m11, il disputa 31 rencontres avec les Yellow Jacket, le temps d’inscrire 15,6 points, de prendre 9 rebonds et de convertir 56 % de ses tirs, le meilleur ratio de sa conférence. Devant ses propres performances, il prit la sage décision d’abandonner les études pour tenter sa chance à la draft 2003.
C’est ainsi que Boshasaurus se vit donner, avec le choix #4, la confiance du front-office des Raptors, à l’âge de 19 ans. C’est alors le début d’un magnifique solo d’un ailier-fort aussi dominant que discret.
Coup de foudre à Toronto
Jeune dinosaure se fait les dents
Cette confiance, le manager de l’équipe la lui démontra immédiatement. En effet, Glen Grunwald refusa plusieurs offres proposées par d’autres franchises, qui tentèrent de s’attacher les services du jeune Chris Bosh par le biais d’un trade le soir de la draft. Circulez messieurs, il n’y a rien à voir, ni à échanger.
À l’instar de Tony Parker deux années plus tôt, l’intérieur ne mit qu’une petite dizaine de rencontres pour conquérir un poste de titulaire qu’il ne lâcha plus jamais. L’équipe est alors composée de Jalen Rose à la mène, tout juste arrivé en provenance de Chicago, de Vince Carter au poste 2, de Morris Peterson et Donyell Marshall sur les ailes et donc, rapidement, de Chris Bosh sous les cercles.
Celui-ci mit 9 matchs exactement pour prendre la pleine mesure des exigences de la Grande Ligue. Il faut dire que s’il ne concède aucun véritable déficit de taille par rapport aux autres pivots de la Ligue, il demeure par contre extrêmement frêle. Lors de son draft combine, il a été pesé à 102 kilos (225 pounds) sur la balance, ce qui est trop peu lorsqu’il s’agit de se confronter aux 110 kilos de Ben Wallace et d’Alonzo Mourning, aux 113 de Tim Duncan ou, évidemment, aux 147 de Shaquille O’Neal.
L’acte de naissance au plus haut niveau du nouveau numéro 4 de l’Ontario se déroula le 16 novembre 2003 dans une victoire face à Houston lors de laquelle il inscrivit 25 points et prit 9 rebonds. Il s’en suivit une série de 12 rencontres terminées avec au moins 10 points. Mentionnons rapidement la suivante, où le bonhomme, en plus de ses 16 points et 6 rebonds, claqua également 6 contres, mais aussi celle du 7 décembre 2003, où ses 22 points et 16 rebonds furent décisifs à l’heure de l’emporter face à Seattle.
La suite sera un peu plus sinusoïdale jusqu’au mois de mars 2004. Bien que jeune, il se fait déjà remarquer pour son sens unique du sacrifice : Chris Bosh tient à jouer, quand bien même son corps le supplie de ne pas le faire. C’est d’ailleurs ce que notait Sam Mitchell, alors coach des Bucks :
“Il portait deux genouillères et vous pouviez facilement voir qu’il était exténué, et pourtant il a joué 38 minutes […] cela m’a fait penser que ce jeune avait une chance de devenir excellent, car il ne lâchait rien.”
Utilisé en tant que 4ème option offensive de l’équipe qui score le moins de points de toute la Ligue (seulement 85,4 par match, soit l’avant-dernier offensive rating), Boshasaurus constitue surtout l’ancre défensive du 5 majeur, en compagnie de Donyell Marshall. Son influence ne se fit pourtant pas ressentir sur les résultats collectifs des Raptors, cantonnés au rang des mauvais élèves de la Ligue, avec 33 petites victoires. Individuellement, le trophée de rookie de l’année fut remis à LeBron James, même cela peut être sujet à débat, et Bosh intégra la meilleure équipe de rookies de la saison : 11,5 points, 7,4 rebonds, 1 passe décisive, 1 interception et 1,5 contre en 75 matchs. Bien qu’ordinaire sur le papier, cette ligne statistique n’a plus été vue pour un rookie jusqu’à Joël Embiid en 2017. On n’en compte d’ailleurs que 38 occurrences dans l’histoire (11 au 21è siècle), notamment car les contres n’étaient pas comptabilisés avant 1973.
Ses responsabilités n’allaient pas tarder à s’accroître. En effet, alors que la saison 2004-05 n’avait débuté que depuis 20 rencontres, Vince Carter, manifestement frustré par le manque de compétitivité des Raptors, partit au clash avec sa direction et demanda son transfert. Ce fut chose faite, avec le trade de Vinsanity chez les Nets, contre Alonzo Mourning, Aaron Williams et Eric Williams ainsi que deux premiers choix de draft qui ne donnèrent finalement rien. Voici donc Bosh propulsé en tant que seconde option offensive de l’équipe, rôle qu’il remplit de manière finalement satisfaisante. Certes, contrairement à certains de ses collègues de draft (LeBron James, Carmelo Anthony et Dwyane Wade), l’intérieur semble mettre plus de temps pour éclore, voire exploser au plus haut niveau. Toutefois, il n’y a là rien d’alarmant : on sait que les grands mettent souvent plus de temps pour s’adapter aux exigences de la Grande Ligue et pour démontrer l’étendue de leur talent.
Pour autant, cette saison sophomore fut marquée par une belle et globale progression. Dans une équipe qui ne joue rien malgré le changement d’entraîneur, Bosh prend ses marques. Il atteint cette fois-ci la barre des 20 points en 25 occasions, tout en étant épargné par les blessures. On constate d’ailleurs que lorsqu’il atteint cette barre au scoring, les Raptors voient leur ratio de victoires s’envoler : 72 %, contre 40 % sur l’ensemble de l’exercice régulier (soit 33 victoires, à nouveau). Cela lui permit de décrocher son premier titre de joueur de la semaine (celle du 3 au 9 janvier 2005) : 20,5 points, 13 rebonds, 2 passes décisives et 1,5 contre de moyenne, pour 3 victoires en 4 rencontres.
Dès lors, tandis que Jalen Rose, leader offensif du roster, vient de souffler sa 32ème bougie, le front-office prit une décision aussi rationnelle qu’évidente : le “projet Raptors” allait être fondé autour de Chris Bosh et de son talent.
Le seul carnivore de la meute
Les clés du camion lui furent donc confiées à compter de l’été 2005, malgré l’arrivée de Mike James en provenance de Houston. Il faut dire que, jusqu’alors, le meneur qui a découvert en NBA à l’âge de 26 ans ne s’était jamais imposé comme un véritable scoreur (11,8 points de moyenne au mieux sur une saison). C’était sans compter sur l’explosion de son rôle, lui qui fut alors considéré comme l’option n°2 de l’effectif. C’est vous dire si, une fois encore, Bosh était le franchise player d’une équipe qui n’avait pas su l’entourer convenablement. Ceci n’est d’ailleurs pas qu’une façon de parler, comme le démontre la depth chart de la saison, qui démontre que les joueurs les plus utilisés, par poste, sont Mike James, Morris Peterson, Joey Graham, Charlie Villanueva et Chris Bosh. Quand bien même la conférence est était-elle faiblarde, il est inutile d’espérer décrocher un strapontin pour les playoffs avec des joueurs pareils – sans leur faire injure, évidemment.
Si les Raptors étaient le Titanic, Chris Bosh serait alors le violoniste qui continue de jouer alors que la bateau fait naufrage. En effet, cette 3ème saison parmi l’élite coïncide avec sa véritable explosion. Désormais, et cela jusqu’à la fin de sa carrière, il sera All-star chaque saison. Sans, d’ailleurs, que cela ne soit jamais véritablement contesté. Tout commença pourtant de manière absolument catastrophique, voire honteuse. Après un mois de compétition et 16 rencontres, les Raptors présentent un bilan de 1 victoire pour 15 défaites, avec une écart moyen au cours de celles-ci de 11,3 points. En somme, lorsque Toronto montait sur le parquet, c’était principalement pour prendre une rouste.
Ce n’est pourtant pas faute pour Boshasaurus de tenir son rôle et son standing. Sur l’ensemble de ces rencontres, il tourne à 21 points, 10 rebonds et près d’un contre de moyenne, à 49 % au tir. D’ailleurs, maintenant qu’il est le clair leader de l’attaque des violet et noir, celle-ci tourne à plein régime ; si Toronto est si mauvais, ce n’est pas parce que les joueurs ne parviennent pas à placer la gonfle dans la ficelle. Au contraire, rares sont les équipes qui scorent plus que la franchise canadienne, qui se retrouve 5ème à l’offensive rating. Vous l’aurez compris, c’est du côté de la défense que le bât blesse (29ème defensive rating).
Pas forcément impérial de son côté du terrain, bien que néanmoins correct, Bosh a surtout atteint le niveau All-star en raison de son incroyable constance. Jamais il ne crève un plafond ou n’atteint des sommets. Cela se vérifie dans toutes les statistiques. Au cours de ce 3ème exercice, il scora au maximum 37 points, dans une défaite concédée face aux Pistons. Il prit, au mieux, 17 rebonds dans une autre défaite, cette fois-ci contre les 76ers. Chris Bosh n’est pas mammoutesque ou capable de véritables coups de chaud. Par contre, lorsqu’il se pointe dans la salle, il est certain qu’il réalisera son match.
Il devint d’ailleurs régulier dans l’excellence au meilleur des moments, à compter du début d’année 2006, pour décrocher sa première étoile. Il fut d’ailleurs nommé à nouveau meilleur joueur de la semaine de la côte est juste avant le match de gala, sortant une semaine à 30,3 points, 12,5 rebonds et 4 passes décisives de moyenne et… 2 défaites en 3 matchs.
Il termina sa saison comme il l’avait commencé, sur son rythme de croisière. Il dut toutefois quitter les terrains précipitamment, lors de la 70ème rencontre, en raison d’une blessure contractée face au Heat. Sans lui, sur les 11 derniers matchs, les Raptors s’inclinèrent 10 fois, pour un triste bilan total de 27 victoires et 55 défaites. Un bilan qui permit à Toronto d’avoir le luxe d’obtenir le premier pick de la draft 2006, présentée comme relativement moyenne. Toutefois, comme ce fut constamment le cas depuis 2003, le front-office brilla par sa médiocrité. Au lieu de sélectionner LaMarcus Aldridge, Brandon Roy, Rajon Rondo ou Kyle Lowry, il décida d’associer à Chris Bosh un jeune ailier-fort italien répondant au nom chantant d’Andrea Bargnani.
Celui-ci réalisa dans la Grande Ligue quelques belles saisons. Toutefois, jamais il ne fut le nouveau Dirk Nowitzki, loin s’en faut. Par conséquent, si la saison à venir sera étonnamment bonne, les Raptors ne parvinrent pas à se constituer un one-two punch à même de viser autre chose qu’un premier tour de playoffs sur le long terme.
Malgré un début de saison une nouvelle fois chaotique (bilan de 3 / 9) et une absence d’une dizaine de rencontres au mois de décembre 2006, Bosh remit les Raptors sur de bons rails dès son retour, le 3 janvier 2007. Une fois encore, il démarra l’année civile avec le turbo enclenché, au point d’être élu, pour l’unique fois de sa carrière, meilleur joueur du mois : 25,4 points, 9,1 rebonds, 2,5 passes décisives, 1,6 contre à 54,7 % au tir dont 45,5 % de loin (0,7 tentative / match) et 10 victoires en 15 matchs. Cette belle série collective se poursuivit d’ailleurs jusqu’au All-star break. Alors que Toronto n’avait remporté que 12 de ses 30 matchs en novembre et décembre 2006, voici la franchise avec 28 victoires et 24 défaites au moment d’envoyer son franchise player au match des étoiles.
En exagérant légèrement, nous pourrions dire que c’est la première fois que Chris Bosh possède un bilan collectif positif. Ce sera également le cas en fin de saison, grâce à un très beau run final : 47 victoires et la 4ème place de la conférence. Le voilà donc en position de découvrir les playoffs pour la première fois. Ce n’est d’ailleurs pas la seule “première” de cet exercice, d’ailleurs. De mémoire de fan, pour la première fois de sa courte histoire, le Air Canada Center entonna à plein poumon les lettres “MVP” pour saluer la meilleure performance de la saison du meilleur des dinosaures, qui inscrivit 41 points pour venir à bout d’Orlando.
Pour ce premier tour de post-season, Toronto croise le fer avec New-Jersey et enfile d’ailleurs son costume de favori de la confrontation. C’est pourtant Vince Carter qui fit la nique à son ancienne franchise, en contribuant activement à la qualification des siens en 6 matchs. Bosh, lui, connut un trou d’air au milieu de la série (11, 13 et 11 points lors des games 3 à 5), ce qui porta évidemment un coup d’arrêt aux chances des Raptors. Ce n’est que partie remise, pense-t-on alors. Après tout, après avoir signé son nouveau contrat à l’été 2006, l’intérieur n’avait-il pas affirmé que l’équipe s’apprêtait à entrer dans une nouvelle ère, faite de succès ?
Si, il l’a dit. Pourtant, s’il est dominant sur le terrain, il s’avère que le pivot n’a finalement rien du nouveau Nostradamus. En effet, le cru 2007-08 fut exactement le même que le précédent. Toujours réglé comme un coucou suisse, Bosh termine son exercice avec 22,3 points, 9 rebonds, 2,5 passes décisives et son étoile de All-star, tandis que les Raptors terminent la saison avec 41 victoires et la 6ème place de l’est. En 5 rencontres, les canadiens se firent éparpiller par le Magic de Dwight Howard, quand bien même Bosh tint cette fois-ci son statut de superstar. L’occasion pour lui de montrer son côté de gendre idéal :
“Je ne peux pas venir devant vous et dire qu’Orlando ne mérite pas sa qualification. C’est évident. Ils nous ont battus en jouant particulièrement bien”.
C’est le moment choisi par les têtes pensantes pour – enfin ! – amener une seconde star au Canada : contre 4 joueurs, les Raptors attirèrent ainsi le multiple All-star Jermaine O’Neal à l’été 2008, au cours duquel Bosh s’envola pour Pékin pour remporter la médaille d’or Olympique. O’Neal n’était toutefois plus le joueur dominant qu’il était au début de la décennie. Toutefois, son association avec Boshasaurus fut concluante et la raquette de l’Ontario faisait peur à l’ensemble de la Ligue. Elle ne pouvait toutefois pas compenser les évidentes faiblesses des postes extérieurs, où José Calderon fait office de cador. Dès lors, quand bien même le numéro 4 termina une énième saison en 22,5 / 10 / 2,5, Toronto rata largement le train des playoffs (33 victoires). D’ailleurs, signe d’impuissance s’il en est, le front-office envoya O’Neal du côté de Miami dès le mois de février, contre Jamario Moon et Shawn Marion.
Le changement d’ère (d’air)
Chris Bosh est dominant. Il est désormais l’un des tous meilleurs intérieurs de la Ligue. Chris Bosh est patient et loyal. Mais il commence également à s’impatienter ; malgré tout son talent, jamais il ne fut correctement entouré et placé dans une position de disputer de belles joutes de playoffs. Pourtant, il demeure toujours aussi ambitieux au moment d’entamer sa 7è saison :
“J’ai toujours voulu être le mec. Je veux être Michael Jordan“.
Dès lors, pour satisfaire sa star, le front-office s’activa à l’été 2010. Hedo Türkoglu, finaliste NBA sortant avec Orlando, est ramené pour occuper le poste 3, tandis que le 9è choix de draft fut transformé en DeMar DeRozan. Ajoutez à cela l’éclosion d’Andrea Bargnani et un Bosh aussi fort que jamais et vous obtenez, sur le papier, une équipe relativement compétitive.
Au sein de la phrase précédente, le mot le plus important était “relativement”. En effet, DeRozan n’était que rookie et était alors loin d’être le joueur décisif qui fait aujourd’hui le bonheur des Bulls. La version canadienne de Türkoglu n’était pas non plus extraordinaire. Dès lors, quand bien même marquait-il 24 points par soir, avec 11 rebonds, tout en convertissant 52 % de ses tentatives, Bosh était toujours trop seul au sein du navire Toronto. Ou bien, plutôt, il ramait beaucoup trop fort pour ses camarades… à moins que ce ne soient eux qui ramaient bien trop lentement.
Résultat ? 40 victoires et des playoffs manquées. En 7 saisons, dont 5 au plus haut niveau individuel, CB4 n’a donc disputé que deux campagnes printanières, pour autant de défaites précipitées. Par conséquent, considérant qu’il ne pourrait convertir son niveau intrinsèque en résultat collectif qu’ailleurs, Bosh informa sa direction qu’il écouterait les offres des autres franchises.
C’est ainsi que Marc Stein apprit au microcosme NBA que Dwyane Wade avait rencontré LeBron James et Chris Bosh à la fin du mois de juin 2010 à Miami. Les tres amigos se formèrent 15 jours plus tard, également grâce à l’intervention de Pat Riley. Le 4ème choix de la draft 2003 transmit le témoin à DeRozan et, rapidement, à Kyle Lowry. Quant à lui, il passa 6 saisons en Floride, pour 2 titres NBA. Il accepta de réduire son rôle, devenant le Robin de Batman et laissant les projecteurs à James et Wade. Pourtant, Erik Spoelstra ne s’y trompait pas :
“C’est notre joueur le plus important. Il est régulier et consistant et rend les choses plus faciles. Il a été énorme”.
S’il ne sera jamais plus en mesure d’être le “Michael Jordan” de son équipe, Bosh était néanmoins le rouage essentiel d’une équipe du Heat qui révolutionna la Ligue. En effet, lorsque trois superstars cohabitent, il est impératif que l’une d’entre elles – au moins – accepte de sacrifier son rôle pour le bien du collectif. C’est, par exemple, ce que fit Manu Ginobili aux Spurs. À Miami, c’est donc Bosh qui mit ses ambitions personnelles de côté pour le bien de la franchise.
Puisque notre portrait a pour objectif de narrer, à travers le prisme de Chris Bosh, l’histoire des Raptors de Toronto, nous n’évoquerons que rapidement les exploits du joueur au Heat. Toutefois, pour le plaisir des yeux, ne résistons pas à l’envie de revoir son action la plus mythique : un rebond arraché lors du game 6 des finales 2013 alors que San Antonio était à 6 secondes de remporter un nouveau titre NBA. La suite appartient à l’Histoire :
Après le départ de James à Cleveland, Bosh occupa le rôle de seconde option de l’équipe avec un certain succès. Il se rappela alors aux bons souvenirs de ceux qui avaient oublié à quel point il était fort. Il l’énonçait d’ailleurs avec philosophie à la fin de sa carrière :
“Les gens doivent prendre conscience d’une chose ; j’ai eu des superbes statistiques en NBA : 23, 24 points, 11, 12 rebonds de moyenne. Mais il ne se passait rien. Même si vous êtes le meilleur, vous vous sentez vide si vous n’affrontez pas les meilleurs lors du plus grand moment de la saison”.
Sa carrière s’arrêta brutalement. Alors qu’il broda sa 11è étoile d’All-star en 2016 et qu’il était d’ailleurs sélectionné pour disputer le concours de trois-points, il dut déclarer forfait pour les deux événements. En cause ? La présence – grave – d’un caillot de sang dans l’une de ses jambes. Sans le savoir, il disputa donc son dernier match en carrière le 9 février 2016, à l’âge de 31 ans, dans une défaite face aux Spurs. Une fin tragique pour un joueur qui n’a connu de joies collectives que dans l’ombre d’autres joueurs, car il a accepté de jouer le 3ème cou d’une hydre monstrueuse. Comme si, finalement, nous n’avions jamais vu la version ultime d’un joueur générationnel.
La place au box-office des Raptors
Nous l’avons mentionné, la franchise de Toronto est l’une des toutes dernières à avoir rejoint la Grande Ligue. Dès lors, fatalement, son histoire n’est guère comparable à celle d’institutions historiques, comme les Celtics ou les Knicks. Il n’en demeure pas moins que Chris Bosh y possède une place de choix.
Absent du récent classement des 75 meilleurs joueurs de l’Histoire sans que cela n’émeuve grand monde (malgré une intronisation au Hall-of-fame en 2021), Bosh n’est jamais parvenu à allier domination individuelle et résultats collectifs convaincants. Lorsqu’il était franchise player, la faiblesse de son supporting cast constituait un trop lourd boulet accroché à son pied. Lorsqu’il était champion NBA, sa contribution était masquée quand bien même était-elle prépondérante pour la victoire du Heat. Cela fait de lui, à notre sens, un éternel mésestimé.
Individuellement, rarement les Raptors ont connu un joueur tel que lui. Sa régularité sans faille et ses 7 années de présence dans la franchise se retrouvent donc dans les livres d’histoire de l’équipe :
Plus loyal que Vince Carter, plus fort que DeMar DeRozan ou Kyle Lowry, présent bien plus longtemps que Kawhi Leonard… Difficile pour autant de déterminer avec acuité quelle est la véritable place de Chris Bosh au sein de la franchise canadienne. En effet, Carter fut la première star de l’histoire des Raptors, tout en ayant marqué la NBA avec le maillot frappé du vélociraptor, notamment lors du dunk contest 2000. Lowry et Leonard, eux, furent les artisans majeurs de la plus belle page de la franchise, qui remporta le titre NBA 2019. DeRozan, lui, passa 9 saisons dans l’Ontario, atteignant certains sommets collectifs dont Bosh rêverait.
Il est donc particulièrement malaisé de trancher définitivement la question. La candidature de Boshasaurus pour intégrer le podium des meilleurs joueurs de la franchise semble se heurter à un obstacle qu’il ne pouvait malheureusement pas maîtriser : ses coéquipiers et les compétences du front-office, qui multiplia les drafts manquées pendant plusieurs saisons, avec les sélections de Rafael Araujo (8ème, 2004), Joey Graham (16ème, 2005), Andrea Bargnani (1er, 2006) et le trade de Roy Hibbert à Indiana dans la foulée de sa draft (17ème, 2008)…
En somme, au cours de ses 7 années canadiennes, Chris Bosh était le Chuck Noland de Toronto : seul au monde, avec son ballon.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Saison 1 : l’intégralité des articles ;
- Saison 2 : Dave Cowens (Boston Celtics), Buck Williams (Brooklyn Nets), John Starks (New-York Knicks), Maurice Cheeks (Philadelphia 76ers), Wes Unseld (Baltimore Bullets / Washington Wizards).