À l’heure où ses lignes sont écrites (statistiques arrêtées le 6 décembre, avant la rencontre face au Magic), les Warriors sortent d’une défaite face aux Spurs de San Antonio, la quatrième de la saison. Stephen Curry, qui propose un niveau MVP depuis le début de l’exercice, a passé un sale samedi soir. Malgré ses 27 points, le chef a affiché un bilan 7/28 au shoot. Pourtant, jusqu’au money time, Golden State était dans le coup. Et ça, ils le doivent au léger sursaut de leur meneur (1/11 en première mi-temps, 6/17 en deuxième), mais surtout à leur escouade de secondes lames plus utiles les unes que les autres.
Si les deux principaux side-kicks offensifs du double MVP en ce début de saison sont Andrew Wiggins et Jordan Poole (plus de 18 points chacun), le collectif des Warriors est complet et huilé. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, à l’image d’un Otto Porter Jr en pleine forme ou d’un Kevon Looney toujours bien utilisé.
A côté de ces joueurs connus du grand public, trois têtes moins médiatisés ressortent par leurs rôles bien spécifiques. Jordan Poole aurait pu rentrer dans cette catégorie si l’arrière n’avait pas explosé sur ce premier quart d’exercice et s’il n’était pas encore un jeune promis à un bel avenir.
Non, ces trois têtes sont Gary Payton II, Juan Toscano-Anderson et Damion Lee et ont respectivement 29, 28 et 29 ans. Les trois joueurs ont un profil particulier et n’étaient pas forcément destinés à être régulièrement utilisés dans une équipe jouant la première place de la conférence Ouest. Le premier est un pur ajout de l’intersaison tandis que les deux derniers sont sortis du trou lors de la saison 2019-20, alors que les Warriors étaient un vaste chantier en attendant le retour des deux Splash Brothers. Ils ont tous su saisir leur chance, quand l’opportunité s’est présentée.
Damion Lee, le feu follet
Non drafté en 2016, Damion Lee a dû cravacher pour obtenir un spot dans un roster NBA. Après deux saisons de bonne facture en G League, l’arrière trouve du temps de jeu chez des Hawks en plein tanking. C’est pendant l’été 2018 qu’il rejoindra l’organisation de la baie. Il alternera entre courtes apparitions dans l’élite et retours en G League. La défaite face aux Raptors en finale marquera la fin d’une ère et une redistribution totale des cartes de la part de Steve Kerr et de son coaching staff. Entre départs de KD et d’Iguodala, blessures de Curry et Thompson, la saison était fichue d’avance. De quoi innover dans les rotations.
Cette période de transition bénéficiera à Damion. Après Eric Paschall et Glenn Robinson III, Lee était le troisième joueur le plus utilisé de l’effectif sur l’intégralité de la saison en terme de minutes jouées. Au final, ce seront 12,7 points de moyenne, près de 5 rebonds et 2,7 passes décisives distribuées, à 51% au shoot dont 35% à trois-points. Mais des trois joueurs cités, le guard est le seul a toujours être dans l’effectif des Warriors, avec une utilisation toujours intéressante.
Aujourd’hui, Damion Lee joue un peu plus de 20 minutes par match, pour des statistiques de quasiment 9 points, 3 rebonds et 1 passes décisives de moyenne. Certes, avec le prochain retour de Klay Thompson, son utilisation devrait être impactée. Elle est déjà très fluctuante (7 minutes face à Phoenix le 3 décembre, puis 30 face aux Spurs le lendemain soir), et cela ne devrait pas s’arranger. En attendant, le joueur originaire de Baltimore remplit parfaitement le rôle qu’on lui demande quand il est sur le parquet : shooter et scorer quand le backcourt se repose. C’est d’ailleurs lui qui prend le plus de tirs par match avec 7,5 tentatives après le trio Wiggins-Curry-Poole, devant un Draymond Green par exemple.
Dans le pur style de la baie (3ème équipe qui prend le plus de shoots longue distance après le Jazz et les Wolves) , Lee prend quasiment la moitié de ses tirs de derrière l’arc (47% de ses tentatives), avec plus ou moins de succès (34% de réussite sur ses 3,6 essais).
Ici, Lee, comme beaucoup de roles players des Warriors, utilise le pouvoir d’attraction de Curry. Le meneur a provoqué une prise à deux sur la première situation et un surplus d’aide sur la deuxième, offrant deux shoots ouverts à trois points au non drafté. L’un sera converti, pas l’autre. Sur la rencontre, il inscrira deux tentatives et en ratera quatre, alors que tous les shoots peuvent être considérés comme plutôt ouvert. Mais son manque de sureté sur ses shoots à 3pts se voit aussi sur certains floaters ratés (2 lors de cette rencontre).
Sur ses six banderilles tentées, Damion Lee ne posera jamais un seul dribble. Au total, quasiment 50% des tentatives depuis le début de la saison (que ce soit à 2 ou 3 points) sont en catch and shoot. À titre de comparaison, même s’ils ne jouent pas au le même poste, Bojan Bogdanovic prend 37% en catch and shoot, tandis que et Duncan Robinson atteint 67%.
A défaut de prendre des pull-ups, Lee insiste beaucoup en pénétration. Ses 196cm et sa dextérité proche du panier lui permettent de s’en sortir dans des situations pas très bien embarquées.
Défensivement, si l’arrière n’a pas de ronflantes statistiques, il s’inscrit totalement dans l’effort commun du roster. 2è au defensive rating derrière Otto Porter Jr parmi les joueurs ayant joué plus de quinze rencontres (15 minutes de temps de jeu en moyenne) et 8è en terme de net rating, Lee est bien au dessus de la moyenne NBA à ce niveau.
Si Damion Lee a des défauts mis en exergue il y a quelques lignes, les Warriors ont aujourd’hui véritablement besoin de lui. Dans un scénario où Curry et Poole sont sur le banc, il semble être la seule option viable pour assurer le scoring du back-court, et porter à minima la balle, là où des Bjelica, Toscano-Anderson ou Otto Porter sur le frontcourt ne le font peu ou pas du tout. Que ce soit en pénétration ou à longue distance même s’il ne trouve pas toujours sa cible, il a l’attirail pour être un joueur de banc plus qu’utile, et sera forcément surveillé une fois sur le parquet. Surement relégué au rang de troisième option sur le poste lorsque Klay sera de retour, nul doute qu’il aura sa carte à jouer lorsque Steve Kerr souhaitera tenter un coup tactique et lors des load-management.
Toscano-Anderson, l’explosivité
Comme son compère Damion Lee, Juan Toscano-Anderson a connu bien des étapes avant d’arriver en NBA. Originaire d’Oakland et passé par Marquette, il n’a pas non plus été drafté. En 2015, après sa non sélection il décide de s’exiler au Mexique afin de glaner du temps de jeu. Suivront plusieurs saisons où il enchaine les piges dans différentes équipes latines, que ce soit dans le pays des Aztèques ou au Venezuela. En 2018, “JTA” revient en Californie, sous les couleurs des Warriors de Santa Cruz en G League. Et comme Damion Lee, il profita de la saison 2019-20 pour grappiller petit à petit du temps de jeu, avant de s’installer comme le back-up naturel de Draymond Green dans une configuration ou le poste 5 est confié à Kevon Looney.
Cette saison, Toscano-Anderson dispute16 minutes de moyenne sur les 22 matchs auquel il a participé (sur 23), pour 5 points, 2,9 rebonds, 2,3 passes décisives, un peu moins d’une interception et un demi contre. Des statistiques peu ronflantes, me diriez-vous. Oui, mais une vraie montée en puissance est à souligner. Sur les six dernières rencontres, l’ailier fort tourne en 9,5 points, 4,5 rebonds et 3,2 passes décisives, avec un pic en 17-5-5 lors de la victoire face aux Suns le 3 décembre. La shotchart de cette opposition permet de comprendre les zones préférentielles de JTA.
Juan Toscano, c’est 1m98 de puissance, de jump, de vitesse. Il est capable de poser des bons gros dunks, mais aussi de partir très vite en transition.
Il demeure toutefois un joueur limité. Si sur certaines prises de balle et sur quelques tirs longues distance on peut sentir une petite aisance technique, ce ne sera jamais un grand scoreur. Il est capable de driver, en partant de la tête de raquette pour finir par un lay-up déposé sur le haut de la planche grâce à vitesse, mais jamais vous ne le verrez tenter un tir mid-range en pull-up. Non, Toscano-Anderson est un joueur de finition, souvent bien placé pour conclure les actions.
Si offensivement, le joueur peut apporter, il a également un impact défensif non négligeable. Pour un ailier-fort, Juan bouge vite, se place correctement sur les lignes de passes et peu switcher à foison. Si l’on prend les conditions évoquées pour Lee, JTA est 11è en terme de defensive rating et 8è lorsque l’on parle de net rating. Certes, les grosses performances collectives des Warriors des deux côtés du terrain permettent à de nombreux membres du roster d’être extrêmement bien placé dans ces deux classements (Damion Lee, Steph Curry et Otto Porter sont notamment devant en terme de defensive rating), mais cela prouve que sur ses 16 minutes de temps de jeu, souvent en compagnie de Stephen Curry (il est le joueur avec lequel JTA a partagé le plus de temps de jeu), le niveau défensif de l’équipe ne régresse pas.
Nous verrons l’utilisation que Kerr en fera lors des joutes printanières, mais en la personne de Juan Toscano-Anderson, les Warriors ont trouvé une pile électrique pouvant apporter sur le frontcourt peu importe la situation.
Gary Payton II, l’ajout de dernière minute
GP II, c’est le petit ingrédient supplémentaire qui fait plaisir une fois trouvé. Cerise sur le gâteau d’un roster qui est plus compétitif que ce que l’équipe QIBasket avait prédit, le fils du gant le plus célèbre de la ligue ne cesse d’impressionner et continue de faire son trou en tant que back-up de Steph.
Non drafté comme ses deux coéquipiers cités précédemment, il passa lui aussi par la G League, avant d’alterner pendant plusieurs saisons intégration dans un roster NBA et rétrogradation dans la ligue mineure. Après des passages à Miwaukee, aux Lakers ou encore aux Wizards, il signera plusieurs 10 Day contrats avec les Warriors lors de la fin de saison 2020-21. Après de très belles prestations en Summer League et en pré-saison, il intègre définitivement le roster de la baie en ce début d’exercice. Alors qu’on le pensait cantonné au bout de banc, Payton a saisi les occasions qu’on lui a données, et semble enfin avoir trouvé un “chez lui”.
GP II est bien le fils de son père : ce qui saute aux yeux, ce sont ses qualités défensives, dignes des plus grands pitbulls de la ligue. En un peu moins de 15 minutes de temps de jeu par soir, GP intercepte 1,3 ballon. Reporté sur 36 minutes, cela donnerait plus de 3 steals par match. Mais ce n’est pas qu’un intercepteur intelligent.
Pour son mètre 90, il est un excellent rebondeur, notamment offensif. Il en prend 1,1 par soir. Si l’on extrapole cela aux 36 minutes généralement utilisées pour comparer des joueurs, il serait le meilleur guard dans ce domaine (parmi ceux ayant joué plus de 10mins/match lors de 10 rencontres) avec Javonte et Jalen Green, avec 2,7 prises.
Sur l’action ci-dessous, l’explosivité et le surplus d’énergie de GPII lui permette de récupérer le rebond offensif au dessus de McGee, qui mesure 23 centimètres de plus que lui.
Preuve de ce sens aiguisé du rebond, GPII se retrouve souvent sous le panier lors des lancers-francs afin de sécuriser le rebond défensif ou gratter l’offensif de l’autre côté du terrain, malgré son différentiel important de taille avec de nombreux adversaires.
Mais La Défense de Payton, ce ne sont pas que des stats. Ce sont des déviations, contestations de shoot ou orientation du meneur adversaire dans une position loin d’être idéale. Sur les deux prochaines vidéos, il contrôle parfaitement Cameron Payne, lui bloquant l’accès au cercle et l’obligeant à prendre un floater compliqué et il conteste juste ce qu’il faut le 3pts de Crowder, qui lui rend quand même 8cms.
En résumé, La Défense de GP est exemplaire et lui permet de gratter petit à petit des minutes. A l’instar de JTA, le guard est de plus en plus utilisé par Steve Kerr. Après sept rencontres où il cumula entre 0 et 8 minutes, sur les 17 matchs qui suivent, il sera plus de 17 minutes de moyenne sur le terrain.
Mais pour qu’un joueur de 28 ans, non drafté n’obtienne qu’aujourd’hui un rôle dans une équipe NBA, c’est bien qu’il a quelques défauts. Si, en terme de scoring, Payton est très adroit (sur le petit échantillon de 93 shoots tentés dont 32 longue distance) avec ses 67% au FG et 40% de loin, il est loin d’être un attaquant complet. Malgré son poste de meneur, il ne mets jamais en place les offensives des Warriors, ne déclenche aucun système et ne remonte même pas la balle. Dans un Style “Pat’ Beverlesque”, il se compte d’attendre dans un corner, d’effectuer un cut vers le panier ou de bénéficier de rebonds ou cafouillages pour scorer.
Cet aspect plus que limité de son jeu en font forcément un poids de ce côté du terrain, qu’il compense cependant avec ses excellents pourcentages, obligeant les défenses à ne pas le laisser trop seul.
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Depuis le départ de KD et les blessures de Klay, le front office des Warriors est obligé de tenter des coups pour enrichir le roster et permettre à Curry de gagner un nouveau titre avant sa retraite. La réussite liés au recrutement de ces trois joueurs non drafté venant tout droit de G League montre à quel point le jeu à la Golden State est viable dans la NBA actuelle. S’ils ont tous les trois des limites, qu’ils sont déjà en plein prime et ne progresseront certainement que très peu d’ici la fin de leur carrière, nul doute que Steve Kerr continuera à parfaitement les incorporer auprès des Wiggins, Curry, Draymond & co pour faire ressortir leurs points forts et faire taire leurs faiblesses.