Entre les 29 novembre 2019 et 2 avril 2021 @BenjaminForant et @Schoepfer68, accompagnés ponctuellement par d’autres membres de la rédaction, ont dressé le portrait de certains des acteurs méconnus ou sous-estimés de la NBA. Au total, ce sont 63 articles qui vous ont été proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010, avec quelques bonus par-ci, par-là.
Pour cette saison 2, Le Magnéto change de format. Si l’idée est toujours de narrer la carrière des joueurs dont on parle finalement trop peu, il ne s’agira plus de traverser de part en part la si vaste histoire de la Grande Ligue. Désormais, chaque portrait sera l’occasion de braquer les projecteurs sur une franchise en particulier, avec l’ambition d’évoquer l’ensemble des équipes ayant un jour évolué en NBA, mais également en ABA.
Replongez avec nous dans ce grand voyage que constitue Le Magnéto. Dans ce 67è épisode, intéressons-nous à la franchise de Philadelphia, vue à travers l’un de ses joueurs les plus oubliés : Maurice Cheeks.
Il était une fois dans l’Est
Entre l’État de New-York et la Pennsylvanie, 1946
L’histoire de l’actuelle “Philadelphia 76ers” débuta en 1946, à l’instar d’une autre franchise mythique de la côte est, les Boston Celtics. Contre un chèque de 5 000 $, les Syracuse Nationals virent le jour et intégrèrent l’ancienne NBL, ligue alors concurrente de la BAA. Dotée de saines finances, ce qui est notable pour l’époque, l’équipe sera l’une des 17 qui effectueront le grand bond vers la NBA en 1949. Elle en devint immédiatement un cador, notamment car son tout récent 4è choix de la dernière draft fait ses grands débuts sur les parquets : Dolph Schayes, véritable légende du basketball américain et membre des 76 greatest.
Le talent de l’intérieur, couplé à ceux de Bill Gabor ou d’Al Cervi permit à Syracuse de disputer la première finale NBA, perdue face aux Lakers de George Mikan (4 – 2). Ce départ tonitruant n’était toutefois pas qu’un simple coup d’épée dans l’eau. Ainsi, avant que les Celtics bâtissent une équipe invincible – ou presque -, les Nationals eurent la bonne idée de remporter le titre NBA 1955, après avoir été à nouveau défaits en finale l’année précédente. Un titre arraché au finish face aux Pistons, qui vous a été narré en début d’année.
La suite ne fut que frustration, ou presque. Entre 1957 et 1966, les Nats – devenus les Philadelphia 76ers en 1963 après le départ des Warriors pour San Francisco – furent éliminés à 5 reprises par Boston en playoffs. Et quand ce n’étaient pas les hommes d’Auerbach qui en venaient à bout, il s’agissait desdits Warriors. Au cours de cette décennie, la franchise ne disputa plus les finales NBA.
Pourtant, entre temps, l’effectif avait substantiellement évolué. Hal Greer, qui aurait infiniment mérité sa place dans l’article du jour, est arrivé en 1958, suivi peu de temps après par Chet Walker. À ces deux joueurs draftés par la maison, le front-office ajouta l’immense Wilt Chamberlain au cours de la saison 1964-65.
C’est sur la base de ce big three que les 76ers mirent fin à l’hégémonie verte en 1967, pour terminer le travail en finale NBA face à San Francisco. La boucle est bouclée et les anciens démons terrassés.
S’en suivit une décennie moins glorieuse, la première de l’histoire de la franchise. Chassée par la porte, elle revint par la fenêtre en 1977 et l’arrivée en son sein de Julius Erving, qui pourrait être considéré par certains comme le meilleur joueur ayant un jour porté le maillot des 76ers. Avec Dr J, Philly va perdre en finale NBA la même année, face aux Blazers de Bill Walton. Peu importe, pourrions-nous dire ; le bolide était à nouveau lancé et il allait falloir être costaud pour en venir à bout.
***
Pendant ce temps-là, entre l’Illinois et le Texas
Maurice Cheeks ne se souvient pas du premier sacre de sa franchise de toujours. Et pour cause, ce n’est que l’année suivante, en 1956, qu’il vit le jour à Chicago. Petit, ce qui lui valut le surnom de Little Mo, il fit ses débuts dans le basketball au sud de Chi Town, du côté de la Jean Baptiste Point DuSable High School. Ses performances lui permirent de lui ouvrir les portes de la West Texas State University en 1974, qu’il marquera de son empreinte pendant 4 années.
Avec son numéro 10 et sa coupe afro, il développa le jeu qu’il allait transposer en NBA à la fin de son cursus. Mo n’était pas un scoreur, bien qu’il soit parvenu à inscrire près de 17 points de moyenne lors de sa saison senior. Par contre, il était un défenseur acharné, malgré un physique pas forcément idoine. Il était également un solide rebondeur pour son poste. Par-dessus tout, il s’affirmait comme un gestionnaire et un général en chef.
Il demeure, encore aujourd’hui, le 8è scoreur de sa faculté, avec laquelle il ne connut pas de grands succès collectifs. D’ailleurs, si l’on regarde les joueurs passés par WTSU qui sont ensuite devenus professionnels en NBA, on constate rapidement que Cheeks est l’unique joueur d’envergure de l’histoire de l’université. C’est simple : 7 joueurs de la faculté ont ensuite un jour évolué au sein de la Grande Ligue. Les 6 autres cumulent un total de 630 rencontres disputées. C’est quasiment deux fois moins que Cheeks.
Bien que membre d’une université méconnue sur le circuit, le meneur fit parler de lui, en intégrant par exemple trois fois la meilleure équipe de sa conférence. Tout cela fit qu’il tapa dans l’œil des 76ers, lorsqu’il se présenta à la draft en 1978, qui le sélectionnèrent au milieu du second tour, avec le 36ème choix. Il demeure encore aujourd’hui le second meilleur joueur de sa cuvée, derrière l’inévitable Larry Bird, mais devant Mychal Thompson (#1, père de Klay), Micheal Ray Richardson ou Reggie Theus.
C’est donc par une petite porte que Little Mo rejoignit la NBA et l’armada des 76ers. Immédiatement propulsé dans le cinq majeur par Billy Cunningham, il va rapidement devenir un membre important d’une équipe qui aurait pu, à peu de chose près, prétendre à être qualifiée de “dynastique”.
Coup de foudre à Philadelphia
Petit à petit, Little Mo fait son nid
Au sein de cette équipe aux ambitions printanières, Cheeks côtoie évidemment Julius Erving, franchise player, mais également le multiple All-star Doug Collins ou Joe Bryant, père de. Au poste de meneur, son temps de jeu est équitablement partagé avec Henry Bibby (père de, également !), joueur qui n’a jamais véritablement su s’imposer là où il est passé.
Pour son saut dans le grand bain, Mo joua 37 minutes face aux Lakers d’Abdul-Jabbar, pour une victoire (+ 8) et une ligne statistique Cheekiesque : 10 points, 6 rebonds et 11 passes décisives. Il est l’un des 6 joueurs à avoir réalisé un double-double “points / passes décisives” pour sa grande première dans la Ligue (avec, notamment, Isiah Thomas, Damian Lillard ou Jason Kidd).
Hormis cette rencontre, son début de carrière se réalise sans véritable coup d’éclat individuel. Par contre, les 76ers commencèrent leur saison les deux pieds dans le phare, avec 12 victoires et 2 défaites. Notons toutefois une pointe au scoring – inhabituelle pour le meneur – lors de sa 11è rencontre, avec 27 points inscrits face aux Pistons, ce qui constitue son record en saison régulière cette année-ci.
S’il ne parvint pas à intégrer l’unique All-rookie team de la saison (malgré le fait que Bird ne rejoignit la NBA que l’année suivante), Cheeks réalisa exactement ce qui était attendu de lui. En effet, Philly n’avait pas besoin d’un meneur scoreur ; la saison précédente, les 76ers affichaient le meilleur offensive rating de la NBA. Par contre, le roster avait besoin d’un passeur, d’un gestionnaire, d’un défenseur. Pas mauvaise de leur côté du terrain, l’équipe devint infernale avec les arrivées de Cheeks et Jones : 2ème defensive rating en 1979.
C’est ainsi que Mo devint, immédiatement, le dépositaire principal du jeu d’une place forte de la conférence est. Il en était d’ailleurs le meilleur passeur (5,3 passes décisives / match) et le meilleur intercepteur (2,1). Gestion, passes décisives et interceptions, ce sera d’ailleurs ce qu’il fera de mieux au cours de ses 15 ans de carrière.
Avant de passer aux saisons suivantes, opérons un dernier arrêt sur cet exercice rookie. Philadelphia s’inclina en demi-finale de conférence face aux … Spurs (4 – 3). La série de Cheeks est une véritable masterclass : 20,6 points, 4 rebonds, 7,6 passes décisives et 3,9 interceptions de moyenne sur l’ensemble des 7 rencontres ! Comme point d’orgue de cela, mentionnons le game 4, malheureusement perdu, mais marqué par la performance XXL du meneur : meilleur scoreur, meilleur passeur, meilleur intercepteur, devant Erving ou encore George Gervin, s’il-vous-plaît : 33 points, 6 rebonds, 9 passes décisives, 6 interceptions. Le saviez-vous ? Seuls Michael Jordan et Gary Payton ont réalisé une telle ligne statistique dans l’histoire des playoffs.
La saison suivante confirma les forces et la faiblesse majeure du joueur. Les premières, nous les avons déjà listées. Général et gestionnaire, Cheeks le fut du premier au dernier jour. Si nous pouvions lui reprocher quelque chose, c’est son irrégularité chronique au scoring. 16 points et 13 passes décisives le lundi ? 2 points et 1 passe décisive une semaine plus tard. Il en sera ainsi toute la saison sophomore, d’octobre à juin. Malgré cela, on constate une belle amélioration offensive, que ce soit dans les statistiques brutes ou avancées. Il score ainsi désormais plus de 11 points / match (7è total de l’équipe), affiche le 3è offensive rating de son équipe (ex aequo avec Erving) et 28,2% d’AST rating.
En guise de performance notable, nous ne pouvons passer sous silence son 25ème match, qui brille par sa complétude : 18 points, 6 rebonds, 15 passes décisives, 3 interceptions, 2 contres et la victoire. C’est l’une des 10 prestations de ce genre dans l’Histoire, mais il s’agit surtout de la première.
S’il faut mentionner quelque chose sur cette saison 1979-80, c’est le fait que les 76ers perdirent en finale NBA face aux Lakers, dans un remix de la finale 1950. Pour ses premières finales NBA, Mo avait donc la lourde tâche de se coltiner un jeune rookie répondant au nom de Magic Johnson. Celui-ci sera élu MVP des finales, notamment grâce à son game 6, disputé au poste de… pivot. Toutefois, lorsqu’il évoluait poste 1, Magic brillait moins. Certes, on ne cantonne pas éternellement le talent. Il n’en demeure pas moins que ce n’est pas forcément un hasard si le joueur le plus en vue des Lakers était alors Abdul-Jabbar : Cheeks s’affirmait déjà comme l’un des tous meilleurs défenseur au poste de meneur, en compagnie de Sidney Moncrief. Le fait de rendre plus de 20 centimètres à son vis-à-vis ne l’empêchait pas d’être un calvaire sur l’ensemble des 40 minutes passées sur le terrain.
Sa troisième saison dans la Ligue n’appelle pas de grands commentaires. Little Mo continua sur sa lancée, tout comme des 76ers qui s’inclinèrent en finale de conférence face aux Celtics. On constate d’ailleurs que Philly perdit les 3 dernières rencontres de la série à l’arrachée (-2, -2, -1), tandis que Cheeks était particulièrement transparent. L’on peut se dire aujourd’hui qu’avec un meneur un peu plus influent, les 76ers aurait pu rejoindre les finales NBA… 4 fois consécutivement. En effet, nous sommes désormais entrés dans une nouvelle période dorée du côté de la Pennsylvanie, et Maurice Cheeks en est un membre à part entière.
Le prime individuel et collectif
En 1981-82, Philly possède un véritable big four, toujours sous la houlette de l’ancienne gloire maison, Billy Cunningham : Julius Erving, Andrew Toney, Bobby Jones et Maurice Cheeks.
Statistiquement, rien n’est véritablement à ajouter, concernant la saison de ce dernier. Précisons tout de même qu’avec 8,4 passes décisives par soir, Mo se retrouve en 3è position de la Ligue, derrière Magic et Johnny Moore. Il est également second au classement des interceptions, avec 2,6 par soir, un poil derrière le meneur des Lakers (2,7). En somme, Mo ne fait que ce qu’il sait faire et il le fait particulièrement bien.
Magic, d’ailleurs. Voici encore une fois, en finale NBA, un affrontement entre 76ers et Lakers. Au cours de ces playoffs, Philly a, tour à tour, éliminé Atlanta (2 – 0), Milwaukee (4 – 2) et Boston (4 – 3). Cheeks, une fois n’est pas coutume, afficha un niveau de jeu régulier : 14 points et 8 passes décisives de moyenne sur les 15 matchs disputés au sein de sa conférence. À chaque fois, le meneur adverse passa une sale série. Ce fut le cas pour Rory Sparrow au premier tour, Sidney Moncrief en demi finale (15 points à 40 % au tir) ou Gerald Henderson en finale de conférence, quoique les chiffres de celui-ci baissèrent moins que ceux des joueurs susmentionnés.
Il fallait au moins cela avant de se confronter à Johnson, qui n’avait plus rien d’un rookie. Pour ce second affrontement entre les deux franchises en l’espace de 3 ans, les forces en présence sont les mêmes. Le résultat le sera également, avec une victoire Angelenos sur le score de 4 – 2. Avec 15 points, 9 passes décisives et 2 interceptions, Little Mo a encore fait sa finale, en étant toutefois ultra-dominé par Johnson lors du game 4. Pour enfiler une bague au doigt, il faudra encore attendre un petit peu.
Pour devenir All-star et membre d’une All-defensive team également. Désormais âgé de 26 ans et entamant sa 5è saison dans l’élite, Cheeks va changer de dimension. Son équipe également, puisqu’elle est renforcée par l’arrivée d’un double MVP, Moses Malone. Autant dire qu’au 29 octobre, date de la reprise de la saison, personne n’imagine que les 76ers puissent être éliminés avant les finales NBA.
Évoquons tout de même la saison régulière. Collectivement, Philly va dominer la conférence de la tête et des épaules, avec 65 victoires et le statut de franchise à abattre. Individuellement, Malone va soulever son 3è et dernier trophée de MVP. Mo Cheeks ? Il donna immédiatement le ton de sa saison, avec quelques performances de choix :
- 30 oct. 1982 (back-to-back) vs New-Jersey : 16 points, 3 rebonds, 21 passes décisives et 4 interceptions à 54 % au tir, dans une victoire (+ 11). On dénombre 8 autres rencontres de ce genre (Magic Johnson à 2 reprises, John Stockton à 3 reprises, notamment),
- 3 nov. 1982 vs San Diego : 16 points, 3 rebonds, 14 passes décisives et 1 interception à 80 % au tir, dans une victoire (+ 19),
- 5 nov. 1982 @ Detroit : 15 points, 4 rebonds, 16 passes décisives, 1 interception et 1 contre, à 67 % au tir, dans une victoire (+ 11),
- 6 nov. 1982 (back-to-back) vs Boston : 11 points, 4 rebonds, 15 passes décisives et 2 interception, à 50 % au tir, dans une victoire (+ 4).
Ce départ tonitruant, qui contribua à la domination collective de l’équipe, se cumula avec une influence défensive qui croissait encore. Cela tombe bien, le trophée de meilleur défenseur de la saison allait être décerné pour la première fois en fin de saison.
Malgré le fait qu’il ne soit toujours qu’un scoreur très modeste, Cheeks sera invité pour son premier All-star game en 1983, chose qui paraîtrait aujourd’hui improbable, à l’heure où les statistiques individuelles et le scoring constituent un critère prédominant pour prétendre à disputer le match des étoiles.
En fin de saison régulière, le trophée de DPOY sera remis à Sidney Moncrief, tandis que Little Mo se retrouve en 3ème position des suffrages, ex aequo avec… Larry Bird. Profitons de cette anecdote pour tordre le cou à certaines idées trop répandues dans le microcosme NBA français : au cours de ses 7 premières saisons dans la Ligue, Bird termina en tête des defensive win shares à 4 reprises ! Cette statistique permet d’estimer le nombre de victoires rapporté par un joueur grâce à son apport défensif. Plus encore, le defensive rating de Bird, sur cette période, n’a jamais dépassé 103, signe de son impact indéniable dans son propre camp au cours de sa première partie de carrière.
Enfin, Cheeks fut nommé dans la première équipe défensive de l’année. Comme si son apport, mésestimé depuis son arrivée dans la Ligue, éclaboussait désormais celle-ci. C’est d’ailleurs ce que confirme son coéquipier, Bobby Jones :
“Sa régularité… sa capacité à mettre le ballon dans les mains des bons joueurs… Il excelle en défense et quand vous avez besoin de lui pour marquer, il le fait. C’est un joueur très constant, il est toujours là”.
Les playoffs 1983 furent le théâtre d’une déclaration légendaire de Moses Malone, qui annonça aux journalistes un “four, four, four“. Comprenez : sweep, sweep, sweep. Et si certains joueurs ont du mal à confirmer les paroles par les gestes, ces 76ers-là étaient fiables. New-York est éliminé en 4 rencontres, Milwaukee en 5 et les Lakers sont balayés en finale en 4 matchs sans appel. Revoilà Philadelphia au sommet de la Ligue. Voilà Cheeks avec une bague au doigt, après 2 défaites en finale. Il réalisa d’ailleurs des playoffs dans la droite lignée de sa saison, le scoring en plus.
Collectivement, les 76ers ne retrouvèrent plus les finales NBA avant 2001. En effet, au sein de la conférence est, les Celtics de Bird prirent le pouvoir l’année d’après, avant que les Bad Boys et les Bulls ne viennent prendre de longs relais. Pourtant, cette seconde partie des eighties constitue le prime individuel de Maurice Cheeks.
Tout d’abord, on le retrouva dans la meilleure équipe défensive de la Ligue les 3 saisons qui suivirent, jusqu’en 1985, puis une dernière fois dans la seconde l’année suivante. S’il ne remporta jamais le trophée de DPOY, il demeure encore aujourd’hui l’un des 2 joueurs de moins d’1m85 à afficher 4 sélection dans la All-defensive 1st Team, avec Chris Paul. En somme, si l’on parle d’un meneur défenseur par excellence, Maurice Cheeks doit obligatoirement être immédiatement cité.
Ensuite, Little Mo glana encore 3 autres nominations au All-star game, entre 1986 et 1988. Sa meilleure saison individuelle en carrière semble être celle qui s’est déroulée en 1985-86. La franchise des 76ers a, entre temps, drafté un joueur répondant au nom de Charles Barkley. Dès lors, cette année-ci, on retrouve un quintet vieillissant, composé de Malone, Erving, Barkley, Cheeks et McAdoo, pour un total de 9 titres de MVP (ABA et NBA confondus).
Bien entouré, Cheeks va diriger le jeu des 76ers comme jamais. S’il perd presque 3 ballons par rencontre, il compense cela avec plus de 9 passes décisives pour la première et unique fois de sa carrière. Il n’atteint cependant aucun sommet en la matière, son season high à la passe s’élevant à 15 offrandes un soir d’avril 1986. C’est dire si, en la matière, Little Mo était réglé comme une horloge suisse : au moins 7 passes décisives en 68 occurrences sur les 82 rencontres disputées, ce qui fit de lui le 5ème meilleur passeur de la saison. Il en profita également pour terminer sa 8ème saison consécutive avec au moins 2 interceptions par soir, total qu’il alimentera encore par la suite. Le match symbole de cette saison ? Une victoire contre New-York, conclue avec 14 points, 9 passes décisives et 7 interceptions.
Si les Bucks vinrent à bout des 76ers en demi-finale de conférence, Cheeks réalisa là sa meilleure post-season en carrière. Sur l’ensemble des 12 rencontres disputées, il approche les 21 points de moyenne, auxquels il ajoute 7 passes décisives et sa défense étouffante.
Il disputa encore trois saisons au sein de son équipe de “toujours”, pour un total de 11 exercices sous le maillot des 76ers. La saison 1986-87 fut dans la même veine que celle que nous venons de narrer, avant que son impact balle en main ne diminue petit à petit. C’est ainsi que le 28 août 1989, plus de 11 ans après le début du mariage, le front-office décida de l’envoyer à San Antonio, contre Johnny Dawkins et Jay Vincent.
“On ne trade pas une légende”
Ce trade n’a évidemment pas la même résonance de ceux, par exemple, d’Hakeem Olajuwon ou de Patrick Ewing quelques années plus tard. Les deux pivots étaient plus forts et étaient restés encore plus longtemps dans leur franchise. Toutefois, le sentiment est le même : se débarrasser ainsi d’une légende de la franchise est compréhensible du point de vue sportif et lucratif. Du point de vue humain et de la reconnaissance, ce n’est pas loin d’être criminel.
Ce n’est toutefois pas pour autant la fin de la carrière de Little Mo. Néanmoins, il ne retrouva plus jamais son niveau d’avant. Il ne disputa que 50 rencontres chez les Spurs, avant d’être envoyé en cours de saison du côté de New-York, avec qui il participa activement aux playoffs (élimination en demi-finale face aux Bad boys). Avec 13 points, 8 passes décisives, 47 % au tir et 100 % aux lancers face à Isiah Thomas, Cheeks démontre que, malgré ses 34 ans, il est encore capable de rendre de fiers services à une franchise ambitieuse.
Il sera d’ailleurs conservé par les Knicks pour une seconde pige, au cours de laquelle il est encore titulaire. Toutefois, malgré les présences d’Ewing, Starks, Oakley ou Vandeweghe dans le roster, New-York termina sa saison avec un bilan négatif et se fit sweeper au premier tour des playoffs par des Bulls bien décidés à enfin remporter le premier titre de leur histoire.
Après cela, Cheeks alla disputer deux dernières saisons anecdotiques, du côté d’Atlanta et des Nets, pour prendre sa retraite en 1993.
Jamais shiny, Mo n’a pas eu la sortie qu’il méritait pourtant. Besogneux et altruiste, il était le parfait complément des superstars avec lesquelles il a évolué lors de son long passage à Philadelphia. Au point qu’il a durablement marqué la plus belle période d’une des franchises les plus importantes du paysage NBA. La transition est toute trouvée : tentons désormais d’apprécier quelle est sa place dans l’histoire des 76ers.
La place au box-office des 76ers
Pour cela, permettons-nous tout d’abord de rappeler le palmarès du bonhomme à Philly :
- Hall-of-famer, intronisé en 2018,
- All-star, à 4 reprises,
- All-NBA teams, à 5 reprises,
- Champion NBA, en 1983,
- Numéro 10 retiré.
Cela vous pose finalement le cadre de ce petit bonhomme sur lequel les projecteurs n’étaient jamais braqués. S’il n’a jamais été le franchise player de l’équipe, ni même une seconde option, il n’en demeure pas moins un rouage essentiel, le liant, qui permit aux 76ers de rejoindre les finales NBA 3 fois en l’espace de 4 années.
Dès lors, évidemment, Maurice Cheeks possède une place à part au sein du hall-of-fame de Philadelphia :
Revenons rapidement sur certains des chiffres ci-dessus. Sans véritable surprise, vu ce qui précède, Cheeks est le meilleur passeur et intercepteur de l’histoire des 76ers. Notez toutefois que dans ces deux catégories statistiques, il a également laissé son empreinte sur la Ligue : 15è meilleur passeur de saison régulière (18è en playoffs), 6è meilleur intercepteur de saison régulière (9è en playoffs, mais sa moyenne de 2,22 ballons volés par match constitue la meilleure moyenne de l’histoire !). Cette influence sur la NBA est mise en avant par Harvey Pollack, une des personnes les plus importantes de la Ligue depuis sa création :
“C’est vraiment l’un des joueurs (Cheeks) les plus constants que j’aie jamais vu. Il jouait tous les soirs. Aujourd’hui (en 1995) certains gars jouent dur un soir et se repose le lendemain. Maurice, lui, jouait fort et dur tous les soirs, sans exception”.
Surtout – et cela compte au moment de déterminer la place d’un joueur dans une institution -, on constate que seuls Hal Greer et Dolph Schayes ont disputé plus de matchs pour Philadelphia que Little Mo.
Si nous devions procéder par élimination, nous placerions de manière “sûre et certaine” 7 joueurs devant lui dans l’histoire des 76ers : Dolph Schayes, Wilt Chamberlain, Hal Greer, Julius Erving, Moses Malone, Charles Barkley et Allen Iverson. Vient ensuite un groupe de poursuivants, dirigé à notre sens par Maurice Cheeks, et composé de Billy Cunningham, Bobby Jones ou Chet Walker.
Tout cela sans faire plus de bruit que la nuit qui tombe, dans une Ligue pourtant marquée par le faste, les scandales et les égos. En somme, que ce soit à Philadelphia ou plus généralement dans toute la NBA, Little Mo est décidément un joueur à part.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Saison 1 : l’intégralité des articles ;
- Saison 2 : Dave Cowens (Boston Celtics), Buck Williams (Brooklyn Nets), John Starks (New-York Knicks).