Les tours de magie m’ont toujours fasciné. Transformer un papier en billet, un 2 en as, faire disparaître un objet. Alors forcément, réussir à transformer les moribonds Washington Wizards en une équipe sensation du début de saison, difficile de ne pas être à minima intrigué.
Cet été, la franchise de la capitale fédérale des États-Unis avait décidé de clôturer une page de son histoire. Exit Scott Brooks à la tête de la franchise depuis 2016 et dont la gestion de l’équipe laissait au mieux sceptique. Dans la foulée, c’est Wes Unseld Jr. assistant encensé aux Nuggets qui prend la tête de l’équipe.
Dans le même temps, la franchise clôture le passage, finalement éclair, de Russell Westbrook. Elle l’envoie aux Lakers et récupère dans l’échange groupé Kentavious Cadwell Pope, Kyle Kuzma, Montrezl Harrell, mais également Spencer Dinwiddie et Aaron Holiday.
5 joueurs de rotation solides qui permettent, avec la draft de Corey Kispert, de largement remanier un roster. Avec ces mouvements, tant à la tête de l’équipe que dans le roster, la franchise s’est au moins offert les armes pour réaliser un départ en boulet de canon. Et prétendre à être l’une des belles surprises de ce début de saison.
Abracadabra ?
Un changement identitaire
Depuis plusieurs saisons, lorsqu’on parle des Wizards, on pense à une équipe relativement tournée vers le tout pour l’attaque, avec des résultats assez médiocres. Portés par un Bradley Beal en progression constante, elle avait réussi à accrocher les Playoffs la saison passée, mais ressemblait en tout point à l’équipe de ventre mou par excellence. A fortiori dans une conférence Est qui se cherchait plus que jamais la saison dernière. Ne pas réussir à s’illustrer dans ce contexte en disait suffisamment sur l’état d’une équipe obligée de se réorganiser mais sans un cumul d’assets vraiment intéressant.
Réputés pour leur défense désastreuse, ils oscillaient entre la 20eme place au defensive rating l’an passé et le statut de cancre de la ligue (29e en 2019-20).
Dès lors, les résultats de ce début de saison ont de quoi étonner. Derrière une attaque assez stable par rapport à la concurrence (dans une NBA qui score moins), une défense qui a opéré un revirement impressionnant, l’équipe pointe à la 3eme place de la conférence Est avec le 4eme defensive rating de la ligue.
Comment expliquer ce tour ?
Un effectif plus équilibré
Si un coach peut changer beaucoup de choses dans une équipe, il est tout de même nécessaire de le préciser : en récupérant 5 joueurs dans l’échange de Russell Westbrook, l’équipe a certes perdu un joueur de calibre All-Star, mais elle s’est offert une profondeur complètement différente de ce qu’elle possédait l’an dernier.
Pourtant, si cette profondeur est forcément à raccrocher au succès actuel de l’équipe, il convient de se mettre d’accord sur un point : seul Kentavious-Cadwell Pope est un joueur qui possédait la réputation de solide défenseur. A l’inverse, Kyle Kuzma, Aaron Holiday, Montrezl Harrell et Spencer Dinwiddie ont tous été des joueurs pointés du doigt pour leurs limites défensives ou leur manque d’implication de ce côté du terrain. Harrell avait ainsi perdu sa place dans la rotation chez les Lakers à cause de ses limites, Dinwiddie était régulièrement critiqué pour son manque d’investissement en défense, tandis que Kuzma est souvent apparu comme un des maillons faibles de la défense des Lakers, même s’il avait réussi à inverser la tendance au fil des saisons.
En revanche, là où l’équipe semble obtenir un coup de boost, c’est via le surplus de talent global obtenu. Possédant souvent des effectifs intelligemment construits pour maximiser le talent offensif de Bradley Beal, la difficulté résidait dans le manque de talent brut du groupe, et l’absence d’identité.
Deux faiblesses que semblent avoir résolu ce groupe puisque, d’une part, ils possèdent plus de dangers offensifs, mais, d’autre part, l’équipe semble aussi s’être achetée une véritable unité, un leitmotiv.
Nouveau coaching staff, nouvel état d’esprit
Fils de Wes Unseld, légende des Washington Bullets, Wes Unseld Jr. souhaitait apporter sa patte à ce groupe rapidement. Réputé pour ses schémas défensifs, le coach a de suite cherché à modifier le mindset de l’équipe. Pour imposer ce changement, le joueur a cherché à impliquer son franchise player : Bradley Beal.
Gros défenseur en début de carrière, l’arrière avait complètement abandonné ce côté du terrain depuis deux saisons et coûtait énormément à des effectifs déjà médiocres en défense.
Ainsi, là où il autorisait ses vis-à-vis à shooter à 47,7% en 2019-20 et à 46,7% l’an dernier (à chaque fois plus que son propre pourcentage au tir), il a changé de visage cette saison : les joueurs sous sa garde tirent à 40,6%.
Avoir un arrière qui step-up en défense est certes un plus, mais on peut arguer qu’il est moins crucial que s’il est incarné par des ailiers ou des intérieurs. Il est vrai. Mais quand le leader de l’équipe donne le La, cela peut avoir pour effet de déteindre sur ses coéquipiers. Et cela se vérifie après une quinzaine de matchs de cet exercice 2021-22. Un changement que l’on peut également imputer à l’addition d’armes offensives qui permettent de décharger Beal de la création offensive.
Cela fait du bien de ne pas avoir à être à l’origine de chaque action et de devoir tout faire […] Je peux vraiment me concentrer sur un tas d’autres choses, et particulièrement ma défense.
Incarnation de cette déclaration de Beal, le match face aux Bucks. Alors que Bradley est sur le banc, Milwaukee lance Antetokoumpo pour tenter de recoller au score en l’absence du leader adverse. Sur cette séquence, Washington tient bond, ne lâchant qu’un point et permettant à l’arrière de revenir frais, sans avoir à tout refaire.
Un soulagement puisque l’an passé, l’arrivée de Russell Westbrook n’avait pas permis aux Wizards de stabiliser le roster dans les minutes sans Beal. Si aligner les deux arrières ensemble s’avérait fructueux, la franchise gagnait les minutes avec l’arrière et sans le meneur. L’inverse n’était pas vrai.
Cette nouvelle énergie de l’arrière semble communicative. Certains joueurs peu réputés pour leur défense s’illustrent ainsi. Dernier exemple en date, Montrezl Harrell qui enchaîne deux défenses décisives, face au Heat, face à deux extérieurs :
Et puisque dans le même temps, la franchise a fait l’acquisition de joueurs intéressants de ce côté du terrain, elle possède suffisamment de bonnes rotations. Daniel Gafford débarqué à la dernière trade deadline apporte une présence dissuasive dans la raquette, particulièrement face à certaines équipes, tandis que Deni Avidja, déjà très solide en saison rookie, s’impose comme un possible joueur d’élite en défense pour sa seconde saison. L’implication de ses coéquipiers lui facilite la tâche et ses qualités ressortent d’autant plus.
Cette saison, Washington encaisse -7,4pts avec l’ailier sur le terrain.
Oui, mais la saison débute à peine ?
Avec seulement 17 matchs au compteur, on peut encore se dire que la saison commence, que cela peut être une fièvre de début d’exercice ou un coup de pouce du calendrier qui tronque les résultats statistiques.
En effet, sur les 11 victoires de l’équipe, seulement 4 ont été obtenues face à des équipes au bilan positif. On peut également noter une adresse à 3 points exceptionnellement faible des adversaires (32,7% après 17 matchs).
S’il est difficile de nier le premier élément, il est vrai que le calendrier des Wizards est pour le moment plus clément que celui de certains concurrents, alors qu’ils s’apprêtent à affronter les Pelicans cette nuit. L’argument sur l’adresse adverse est lui, plutôt rassurant.
La défense extérieure des Wizards est plutôt agressive. Ces derniers jouent le drop pour pousser l’adverse à opter pour la mi-distance. Et ce alors que l’arbitrage accepte mieux le contact et siffle moins facilement cette saison. Deux éléments à leur avantage et favorisant cette stratégie. Dès lors, on note que Washington est l’une des équipes contre lesquelles les adversaires prennent le moins de tirs à 3 points (2eme de la ligue) preuve que la pression appliquée s’en ressent. Et que par ailleurs, les adversaires se rattrapent avec une grosse adresse dans la restricted area (65%, 4eme pourcentage le plus élevé de la ligue), mais également sur la ligne des lancers (78,7%), standard assez élevé sur laquelle l’équipe n’a pas réellement la main. Si la situation peut se détériorer la saison avançant sur leur maîtrise de la défense longue distance, ils ont donc d’autres éléments qui peuvent faire chemin inverse (la défense sous l’arceau, l’adresse adverse aux lancers).
Avec une stratégie de drop assez variée pour pousser les joueurs à s’exprimer à mi-distance, tir le moins rentable de la ligue, l’équipe vogue pour le moment sur une belle dynamique. Si la stratégie risque de se solder par quelques sales soirées, face à des joueurs particulièrement adroits et dans un bon soir, toujours est-il que l’équipe semble trouver son style. Et cela fait bien longtemps.
Conclusion
Washington surfe sur une très bonne dynamique, à l’heure de se présenter face à New-Orleans. L’équipe n’a certes qu’une star dans son effectif, ce qui abaisse nécessairement le plafond du possible, mais, dans le même temps, l’équilibre offensif global et la multiplicité des options permettent aux Wizards de rester au même niveau offensif que les saisons précédentes (20eme cette saison vs 17eme l’an passé). Certes, figurer à cette position confirme ce plafond faible, mais les progrès étincelants effectués en défense permettent à la franchise de jouer des coudes dans la conférence Est.
Le nouveau coaching staff et l’arrivée de joueurs d’expériences (mais pour l’essentiel de moins de 30 ans) donne un groupe athlétique qui s’investit et sait défendre. S’il ne sera pas facile de figurer toute la saison dans les sommets défensifs de la ligue, toujours est-il que se maintenir dans le Top 10 permettrait à ce groupe de rêver de Playoffs, et ce avec plus d’ambitions que la saison passée. Surtout, cela donne l’occasion à une franchise moribonde depuis plusieurs années de retrouver le sourire. Déjà une victoire, en somme.