Un vent de fraîcheur souffle enfin dans l’Ohio. Depuis le second départ du King en 2018, les Cavaliers sont passés en mode “reconstruction”. Après avoir dû se nourrir de quelques highlights de la paire “sexland”, dans des saisons sportivement compliquées, les fans des Cavs peuvent enfin apprécier des highlights, mais aussi du beau jeu et surtout des victoires. Cette année J.B Bickerstaff donne les pleins pouvoirs à la jeunesse (et à Ricky Rubio). Il va sans dire que la recette prend bien, les Cavaliers sont à l’heure actuelle quatrième de la conférence Est avec un bilan de neuf victoires pour six défaites. À la tête de cette jeune et audacieuse équipe, il y a un jeune homme qui n’a de cesse de faire parler de lui. Alors qu’il n’a toujours pas l’âge légal pour boire de l’alcool dans son pays, Evan Mobley est bourré de talent. Dans une saison où tous les projecteurs étaient braqués sur Cade Cunningham et Jalen Green, c’est la petite pépite de Cleveland qui brille le plus fort pour le moment. Du haut de ses vingt ans, le troisième pick de la draft est l’une des principales raisons de la bonne forme des Cavs.
Envers, et contre tout
Comment parler de Mobley sans parler défense ? Ni même sans mentionner ses contres ? C’est impossible : bonne réponse. L’ailier fort est le sixième contreur le plus prolifique de la ligue, à égalité avec Robert Williams III, avec 24 unités. Le contre est l’une des armes les plus visuelles de sa palette défensive déjà bien étoffée.
Nous pouvons d’ores et déjà apprécier sa faculté à utiliser son envergure avec intelligence. Si Mobley est très grand, il demeure assez léger avec seulement 98 kg. Ces caractéristiques physiques ont tendance à le rapprocher de Chris Bosh (lors de son année rookie), en plus grand et plus lourd. En attendant qu’Evan prenne un peu de masse, son QI basket lui permet d’être l’un des joueurs les plus dominants de la ligue en défense. Ce qui nous frappe le plus dans cette vidéo, c’est avant tout sa détente sèche associée à sa longueur de bras. Son envergure n’est pas encore officiellement mesurée, mais on peut imaginer qu’elle atteint des sommets.
Ce geste a fait beaucoup parler dans la sphère NBA pour plusieurs raisons. Premièrement c’est un mouvement clé pour la victoire de Cleveland sur Boston. Ensuite, ce geste s’accompagne d’une performance très complète en : 19 points, 9 rebonds, 3 contres, 2 interceptions et une passe décisive à 61.5% de réussite au tir. Et enfin, un joueur de Cleveland qui sort un chase-down block dans un moment clutchissime, ne laisse plus personne indifférent depuis quelques années…
Sur cette action (qui partait mal), Mobley fait preuve de pugnacité, là où la plupart des joueurs auraient essayé de réclamer une faute avec véhémence (ce qui termine souvent par une technique), Mobley ne tergiverse pas et part de suite à la conquête de son troisième contre. En seulement 11 pas, Mobley utilise avec une efficience maximale ses qualités athlétiques pour pouvoir contrer Tatum. Si beaucoup craignaient son manque de poids, et lui annonçaient de mauvais moments dans la raquette à l’aube de la saison, le numéro 4 fait primer ses qualités sur ce “défaut” qui s’effacera avec le temps. Dans le top 15 des contreurs les plus prolifiques, le joueur le plus “léger”, après Mobley et ses 98kg, n’est autre que Mo Bamba et ses 105 kg. Là où la plupart des contreurs font parler la puissance physique, Mobley lui, contourne le “problème” et n’est pas en difficulté pour être l’un des meilleurs défenseurs de la ligue.
Evan Mobilité
La seconde arme défensive de l’intérieur des Cavs est sa mobilité, encore une fois associée à un QI hors-normes. Cette aisance à se déplacer fait de Mobley le deuxième joueur à défendre avec le plus de récurrence : Evan est en défense sur 18 tirs par match en moyenne, juste derrière Jakob Poetl et ses 19.4 unités. Là où Mobley se démarque, c’est au niveau du nombre de tirs contestés, personne ne fait mieux. Le troisième pick de la draft conteste en moyenne 15 tirs par matchs, avec un total de 209 tirs contestés depuis le début de la saison, il possède 50 unités d’avance sur le deuxième : Rudy Gobert.
Sur cette première action face à Boston, on voit tout d’abord, qu’assez intelligemment, Mobley ne se jette pas immédiatement sur Pritchard, qui aurait alors eu le temps de décaler sur Langford complètement ouvert dans le corner. Malgré cette attente sur la ligne de passe, il ne lui suffit que d’un pas chassé pour combler l’espace ouvert pour ce pauvre Payton Pritchard, qui se fait violemment contrer. Après que Nesmith a récupéré le rebond offensif, Mobley se replace immédiatement sur l’espace où Nesmith pouvait driver, l’obligeant à décaler pour Pritchard. Finalement Mobley ramasse le rebond défensif en bon patron de sa raquette.
Cette séquence face aux Clippers intervient en tout début de match, où l’on peut voir que Mobley ne met pas longtemps à rentrer dans son match, son implication défensive ne souffre d’aucun répit. Le premier point à observer est le call très tardif de Markkanen, qui demande à Mobley de switcher sur Paul George lorsqu’il se fait feinter. Malgré un retard évident, Mobley se sert de ses appuis très rapides pour être au contest sur PG13 qui loupe alors son tir. Suite au rebond offensif des Clippers, Zubac se retrouve en excellente position pour servir Paul George déjà lancé au drive, c’est alors que Mobley fait parler son agilité et sa vitesse pour pouvoir gêner PG. Face à n’importe quel autre défenseur, ce genre d’action aurait fini en panier facile pour les Clipps.
Enfin, sur cette séquence, on peut voir à quel point le gouffre de rapidité est ouvert entre Markkanen et Mobley. Lauri se fait d’abord emporter par le drive de DeRozan, il vient ensuite se jeter sur Lavine pourtant assez bien couvert par Mobley. Lavine en profite pour servir DeMar, laissé seul par le Finlandais. En un tout petit pas, l’ancien joueur de San Antonio se débarrasse facilement de Lauri, pourtant bien placé pour intervenir mais bien trop lent. Au final, c’est bien sûr Mobley qui avait tout lu et qui vient barrer la route à Chicago. Voilà comment avec son intelligence défensive, il parvient à lire les actions et compenser les potentiels errements défensifs de ses partenaires.
Comment ça se passe de l’autre côté du terrain ?
Si l’on parle avant tout (à raison), de son implication défensive élite, Mobley n’en demeure pas moins une sérieuse menace offensive. Ses capacités en attaque sont bien plus perfectibles certes, mais Evan a déjà eu l’occasion de montrer un potentiel incroyable, en signant de belles performances au scoring. En attaque, il conserve la même ligne de conduite puisqu’il joue principalement sur ses points forts pour prendre le pas sur ses vis-à-vis. Il se trouve que Mobley est assez impérial dans la restricted area.
Parmi les dix-huit intérieurs prenant le plus de tirs par match dans cette zone, Mobley possède le 6ème meilleur taux de réussite avec ses 73.6%. Avec de tels pourcentages, la sélection de tirs semble être facile à faire pour l’intérieur des Cavs, qui prend 40% de ses tirs dans la restricted area. Le résultat est sans appel : sur les 87 tirs qu’il a inscrit depuis le début de la saison, 53 ont été marqués dans cette zone. Là encore, étant donné qu’il n’est pas un monstre de puissance, Mobley ne va pas chercher à aller à la lutte dos au panier si souvent. Il fait alors parler sa vitesse et son incroyable détente, pour aller chercher énormément de dunks ou de alley-oops. Déjà, 49 de ses 87 tirs inscrits proviennent d’une de ces deux actions, cela permet bien souvent à Garland et Rubio de se régaler pour délivrer des passes décisives : 47 à eux deux.
Des difficultés de loin
Vous conviendrez alors qu’il est bien normal que tout ne soit pas aussi rose dans tous les domaines. Il faut bien trouver des choses à redire, même si ses capacités peuvent nous faire penser le contraire, rappelons tout de même que ce n’est encore qu’un rookie. Si le reste de sa palette offensive est loin d’être mauvais, il reste légèrement inférieur aux attentes de la NBA moderne. Les intérieurs sont de plus en plus amenés à devenir des snipers de loin, c’est encore loin d’être le cas pour Mobley.
Avec une mécanique très rigide, et un léger manque de synchronisation entre le haut et le bas du corps, Mobley ne tourne qu’à 8/26 derrière l’arc cette saison. Restons positifs malgré tout, il est bon de rappeler qu’il shoote avec un meilleur pourcentage que Lillard quoiqu’on en dise. Ensuite, il faut lui accorder un peu de temps pour travailler sa mécanique, il a une belle marge de progression devant lui, d’autant qu’il n’est pas non plus incapable de rentrer ses trois comme en témoigne ce tir extrêmement clutch face aux Knicks.
Le fadeaway : la cerise sur le gâteau
Comme nous l’avons déjà dit, sa faible puissance physique par rapport aux autres intérieurs de la ligue, ne lui permet pas d’enfoncer son adversaire dos au panier. Mobley doit donc jouer de ses qualités pour contourner à nouveau le problème. Son tir mid-range ne lui offre pas de pourcentages exceptionnels (33.3%), mais il demeure dans une moyenne très correcte. C’est bien la qualité de son fadeaway qui va nous intéresser ici. Il tourne à 67% de réussite jusqu’ici avec ce genre de geste, qui constitue donc une menace sérieuse.
Comme on peut le voir, Mobley ne va pas essayer d’enfoncer son adversaire, au mieux il se ferait repousser, au pire il serait sanctionné d’un passage en force. Il décide alors intelligemment de faire parler sa vitesse et son footwork pour sortir ce magnifique geste, dans un moment encore très important pour les Cavs.
Le mot de la fin
Beaucoup de joueurs des Cavs mériteraient d’avoir des analyses un peu plus développées, à l’image de Rubio ou de Garland qui réalisent de très bons débuts de saison. Cependant, c’est bel et bien Mobley qui est en train de révolutionner l’image de Cleveland. En créant une identité défensive forte et une dynamique sur laquelle ses partenaires peuvent se placer. Les Cavaliers sont redevenus beaux à voir jouer, et c’est en majeure partie grâce à leur candidat ROY et DPOY, le bien nommé Evan Mobley.