Listes, classements et biographies sur la NBA peuplent les rayons sports des librairies. Anthony Saliou (@PredBE), passionné de la ligue des années 80 et 90, rédacteur chez l’excellent Basket Retro et co-auteur de Top 50 – Les légendes de la NBA avec Julien Müller (2018 – Talent Sports), fait le choix de l’originalité. Avec NBA 1998/99 : l’histoire folle d’une saison historique (Juin 2021-Editions Amphora), son premier livre, il propose de revenir en détail, de sa longue présaison au champagne de la victoire, sur une saison bien particulière de l’histoire NBA.
Un sujet ambitieux pour une saison particulière
La préface, signée par Julien Müller, et l’avant-propos posent parfaitement les bases du décor général. Est décrite, avec le brin de nostalgie qui est un fil rouge de l’ouvrage, une NBA chère à l’auteur, que beaucoup, dont moi, n’ont connu que sur YouTube. 6 ans après l’explosion de Barcelone, la Jordan-mania internationale, la diffusion sur Canal et les VHS de replay des matchs, la NBA est stoppée dans son élan à l’été 98.
The Shot de Jordan lors du match 6 des Finales 98 digéré, la grande ligue se réveille avec une gueule de bois : le lock-out, une « bataille entre des millionnaires, les joueurs, et des milliardaires, les propriétaires »[1], vient mettre un terme à une longue période de prolifération de contrats ubuesques. Ce premier coup dur pour David Stern, qui paralysera la NBA de juillet 1998 à janvier 99, est un train qui en cache un autre : le 13 janvier 1999, une semaine avant l’apothéose de la reprise, Michael Jordan annonce sa retraite. La deuxième, la vraie, la définitive. C’est du moins ce qu’on pense à l’époque. La NBA est alors orpheline de son étoile, dont l’auteur relaie les témoignages élogieux du monde entier, de Bill Clinton à Bill Walton. La ligue, au contraire, hérite d’une flopée de joueurs, et de fans, hors-de-forme, démotivés, fatigués par la dispute financière qui a rythmé leur passion.
1998/98 : une saison charnière
Pourquoi donc consacrer un livre à une saison tronquée, au « niveau moyen pour ne pas dire faible » pour Julien Müller, « souvenir douloureux pour la NBA » selon Anthony Saliou ?
La première de couverture le montre bien : l’année 98/99 est celle de la rupture, bien aidée par les circonstances extraordinaires du lock-out.
- Karl Malone, représentant de la vieille garde à 36 ans, fait de la résistance et cherche son deuxième titre de MVP.
- Alonzo Mourning, en plein prime à 29 ans, mène quant à lui une dangereuse et rugueuse équipe du Heat. Ancre défensive et bien plus, il termine 2ème au classement du MVP et Défenseur de l’année.
- La jeune garde, celle qui est amenée à prendre le relais de Michael Jordan et pousser le reste de sa génération vers la sortie, ce sont Vince Carter et Allen Iverson qui la représentent.
Et puisqu’une bonne saison NBA n’en serait pas une bonne sans son lot de surprises, on trouve aussi sur le couverture deux artisans de campagnes de playoffs mémorables : Lattrell Sprewell est autant une surprise au milieu de ces Hall of Famers sur la couverture que les Knicks l’étaient en finale NBA 1999. Et au premier plan, un jeune Tim Duncan, à peine Sophomore mais déjà monumental : 3ème au classement du MVP, leader sur le terrain des champions 1999, le premier d’une longue série.
Le choix de l’exhaustivité : un livre qui sent la VHS
Quant à la structure du livre, il doit être compris comme une feuille de route de cette saison un peu spéciale. Le choix fait par l’auteur de présenter chaque équipe, une par une, a le mérite d’éviter l’écueil des grandes narratives. De même pour les playoffs, où chaque match, de chaque série, est décrit avec grande précision après un travail de recherche monumental. L’introduction, la conclusion, et les témoignages des autres passionnés de prestige à qui la parole est donnée à l’issue de l’ouvrage, permettent une revue transversale bienvenue après l’approche morcelée de la saison dans le reste du livre.
Car NBA 1998/99, c’est avant tout un livre d’un passionné dont on devine le sourire au revisionnage méticuleux de pas moins de 117 matchs. Le travail d’archives est exemplaire, ce qui permet au livre d’être jonché de petites pépites, d’anecdotes et de références qu’on ne trouve que dans les journaux et magazines d’époque. Impossible de ne pas se sentir nostalgique, même d’une époque qu’on n’a pas vécue, à la lecture de ces pages teintées d’humour et au style parfois familier.
En conclusion : un présent idéal pour se rappeler le passé
Formidable travail de recherche, de restitutions de souvenirs personnels et de transmission de passion, NBA 1998/99 : l’histoire folle d’une saison historique replonge le lecteur dans une année charnière de l’histoire NBA. La structure, équipe par équipe puis série par série, ravira les plus grands nostalgiques, qui trouveront dans ces lignes bon nombre de pépites nostalgiques et de souvenirs de soirées frustrantes. Les lecteurs plus jeunes, avides de NBA et qui veulent en découvrir l’histoire, trouveront aussi leur bonheur, dans une lecture plus transversale.
Le bonus, c’est peut-être la parole donnée à d’autres acteurs de la balle orange, qui livrent leur ressenti sur la saison 1998/99 à la fin de l’ouvrage. D’acteurs médiatiques comme Georges Eddy, Xavier Vaution aux compagnons de forums de l’auteur, ils terminent parfaitement la description de l’environnement NBA à la fin des années 90, et de ce que signifie être fan d’un championnat outre-Atlantique à ce moment-là. Peut-être assez pour nous rappeler, à cette heure de médiatisation et contenus variés et réguliers, à quel point nous sommes chanceux. Ou bien peut-être, comme le suggère l’auteur, était-ce la rareté, l’exclusivité, la mysticité de la NBA dans les années 90 qui faisait sa force ?
[1] Jason Williams, cité par Georges Eddy dans une chronique pour Maxi-Basket ; p.434.