Si les Trailblazers de l’ère Damian Lillard étaient un film, ils seraient sans nul doute “Groundhod Day“, ou “Un jour sans fin” pour les puristes de la VF. Dans le film, Bill Murray se retrouve à vivre inlassablement la même journée, celle du jour de la Marmotte. Dans notre réalité, Damian Lillard se retrouve à vivre inlassablement la même saison, échouant au premier tour des playoffs.
En terminant à la 6è place de la conférence Ouest, les Blazers se sont donnés le droit d’affronter un Denver décimé lors du premier tour. Pas de Jamal Murray, pas de Will Barton, pas de PJ Dozier, les ailes des Nuggets étaient bien maigres (elle est pour moi celle-là, désolé), et seul le MVP en chef Nikola Jokic semblait incarner une réelle vraie menace pour les Blazers, qui avaient là l’opportunité d’enfin briser le cercle des éliminations prématurées. Mais il n’en n’a rien été.
Une élimination en 6 matchs, à la maison, avec un Joker qui clôture la série avec 33 points, 10,5 rebonds et 4,5 passes par match. Un au revoir qui fait suite à un match d’anthologie, durant lequel Damian Lillard avait réussit à retarder l’échéance, amenant par deux fois le match en prolongations, avant de s’incliner. Lillard, justement. Dame a survolé les débats, encore et toujours (34,3 pts et 10,2 passes de moyenne, quasiment 45% de réussite à 3pts sur plus de 13 tentatives/match), mais, encore et toujours, Dame a dû déposer les armes. En dépit du retour de Jusuf Nurkic, les Blazers ne franchissent pas l’obstacle. Frustrant, encore, toujours.
Un peu plus tôt dans la saison, Portland avait pourtant cherché les ingrédients pouvant lui permettre de passer le cut. Robert Covington débarquait de Houston, Enes Kanter et Derrick Jones Jr faisaient leurs arrivés tout comme Carmelo Anthony, tandis que Norman Powell était arraché aux Raptors à la trade deadline.
Si Powell s’est montré productif et a confirmé sa complémentarité avec Lillard, si Melo a semblé épanoui dans le rôle de 6th man qui lui était confié, si Enes Kanter a fait un bien fou en l’absence pour blessure de Jusuf Nurkic, la sauce n’a finalement pas totalement prise.
La faute, en premier lieu à une défense catastrophique. Le seul Robert Covington n’a pas pu combler les carences évidentes et béantes du reste de l’effectif de ce côté-là du terrain. Aussi, pour l’emporter, Portland devait vivre et survivre avec sa philosophie de tout pour l’offense : 2è à l’offensive rating, 29è au defensive. Les soucis s’accumulaient également hors-terrain, notamment du côté de l’infirmerie, avec les blessures de McCollum et de Nurkic, deux joueurs essentiels dans le dispositif de Terry Stotts.
Nouvelle saison, nouveaux coachs, nouveaux joueurs : est-ce que la saison 2021-22 à venir sera à nouveau un jour sans fin, ou Portland peut-il enfin stopper ce cycle infernal ?
In & out : le point sur le roster
Ils ont quitté l’équipe : Carmelo Anthony, Zach Collins, Harry Giles, Rondae Hollis-Jefferson, Derrick Jones Jr, Enes Kanter, TJ Leaf.
Ils ont rejoint l’équipe : Greg Brown III (draft), Marquese Chriss, Ben McLemore, Larry Nance Jr, Patrick Patterson, Dennis Smith Jr, Tony Snell, Trendon Watford (non-drafté), Cody Zeller, Norman Powell (resigné).
Le roster à ce jour :
Meneurs : Damian Lillard, Dennis Smith, Quinn Cook (signés pour le training camp),
Arrières : CJ McCollum, Ben McLeMore, Norman Powell, Anfernee Simmons,
Ailiers : Robert Covington, Nassir Little, Tony Snell,
Ailiers-forts : Greg Brown III, Larry Nance Jr, Trenton Watford, Patrick Patterson (signé pour le training camp),
Pivots : Jusuf Nurkic, Cody Zeller, Marquese Chriss (signé pour le training camp).
Les tendances de l’été
Lillard : la porte condamnée peut désormais s’ouvrir
C’était la saga de l’été côté Portland. Qu’elles soient fondées ou non, beaucoup de rumeurs voyaient en Damian Lillard, l’icône de la franchise, le prochain gros nom de la NBA a demandé son trade, par lassitude de résultats trop peu élevés par rapport ses ambitions. Il faut dire qu’avec 4 sorties au premier tour en 5 ans, Dame a des raisons d’être las. Son seul tort dans cette histoire ? D’avoir osé tout haut ce que tout le monde dit déjà tout haut depuis quelques saisons.
Damian Lillard on if the Blazers need changes this offseason: “Obviously where we are isn’t good enough to win a championship if it’s not good enough to get out of a first round series with two of their best three or four players not on the floor.” pic.twitter.com/gbXkqDko0s
— Royce Young (@royceyoung) June 4, 2021
Tous les noms où presque y sont passés : Knicks, Lakers, Warriors, … Mais au final, rien de vraiment très tangible quant à une demande de trade. Surtout que de l’autre côté du globe, Lillard était occupé à ses Olympiades, en quête d’une médaille d’or aux J.O de Tokyo.
Il faudrait être totalement ignorant du statut de Damian Lillard pour penser que ce dernier se satisfait des résultats récents des Trailblazers et de l’effectif qui l’entoure. Alors qu’il voit des armadas se constituer de part et d’autre ou des collectifs solides se construire, les Blazers semblent eux empêtrés dans la même situation depuis déjà de trop longues années pour leur franchise player. Et oui, comme l’a dit Dame, Portland n’est tout simplement pas assez bon.
Alors, que des rumeurs naissent, pourquoi pas. Là où le bas blesse en revanche, c’est quand celles-ci ne cessent de proliférer alors même que matériellement, aucun fait nouveau n’est venu abonder dans le sens d’un départ imminent de la star de l’Oregon.
Finalement, petit à petit, Lillard est venu dégonfler la bulle spéculative l’entourant, et sauf énorme surprise, la star restera bien aux Blazers cette saison. Aussi dévoué soit-il à sa franchise depuis de longues années, Lillard n’en reste pas moins un compétiteur acharné qui ne se contentera pas éternellement de stagner. Si on veut bien croire que Dame a accepté de donner une nouvelle chance aux Blazers, notamment par la venue de Chauncey Billups, il ne faut pas tomber dans un optimisme aveugle. Si la porte d’un départ de Lillard était jusqu’alors condamnée, elle est dorénavant simplement close.
Séduire, mais avec quelle marge ?
Pour convaincre Damian Lillard que le projet de ses Blazers n’étaient pas mort et enterré, il fallait le convaincre. Le convaincre que tout était mis en oeuvre pour le satisfaire, et pour donner à Portland un groupe solide, prompt à rejoindre les playoffs sans sourciller, avec un potentiel de contender réel. Le problème ? Comme depuis déjà de trop longues saisons, Portland n’a aucune marge de manœuvre, ou si peu.
Le changement s’est matérialisé avec le départ de Terry Stotts, sur le banc depuis 2012 et qui ne soufflera pas ses 10 bougies à la tête des Blazers. À sa place, c’est un coach débutant qui débarque, après avoir cherché longtemps une place dans une franchise, que ce soit sur le banc ou dans le front-office : Chauncey Billups. C’est peu dire que l’arrivée de l’ex-égérie des Pistons a fait grand bruit. En cause, les anciennes accusations de viol dont Billups a été l’objet en 1997, alors qu’il était rookie au sein des Boston Celtics, ressorties quelques jours après sa nomination officielle. Lors de sa conférence de presse d’intronisation, les questions ont évidemment fusé. Tandis que les Blazers tentaient de rassurer leur audience maladroitement – on oublie pas la gorgée d’eau, Neil -, Billups tentait lui de s’expliquer, tenant visiblement à faire la lumière sur cette affaire avant que l’on reparle de lui en tant qu’head coach.
Côté terrain, les départs furent nombreux. Exit Carmelo Anthony, Enes Kanter, Harry Giles, Derrick Jones Jr et autres Zach Collins. Mais tout aussi nombreux furent-ils, ils restaient insuffisants pour pouvoir mettre la main sur un nom important du marché des transferts ou de la free-agency.
Le premier besoin était de resigner Norman Powell, chose faite avec un contrat de 5 ans et 90 millions offert à l’ancien de Toronto. Powell s’est montré complémentaire aux côtés de Lillard, apportant ce qu’il fait de mieux : de la défense extérieure, du hustle, et une certaine capacité à scorer. S’il est plus un arrière de formation, il devrait évoluer cette saison dans le cinq majeur des Blazers à l’aile, aux côtés de l’inséparable duo Lillard-McCollum.
Du côté des autres “noms” notables ayant rejoint le bateau ? Cody Zeller, Tony Snell et Larry Nance Jr semblent devoir être les seuls évoqués, et évocables. Les trois joueurs arrivent avec une mission : renforcer le banc. Les arrivées conjuguées de Zeller et Nance Jr permettent à Portland de densifier sa rotation intérieure, toujours utile en cas de blessure de Nurkic (on y reviendra). Surtout, les Blazers récupèrent là un défenseur beaucoup plus correct que Kanter avec Zeller, et un top tier NBA avec Nance Jr, si ce dernier parvient à revenir de sa lourde blessure sans encombres. Snell arrive lui des Hawks, auprès desquels il était parvenu à se trouver un rôle sur le banc, notamment avec un invraisemblable 56.9% de réussite aux tirs primés. Sa mission chez les Blazers ne devraient pas changer : défendre, et planter des tirs.
Suffisant pour séduire Dame ? Rien n’est moins sûr. Mais les Blazers pouvaient-ils faire d’autres mouvements d’envergure vu leur situation, et les joueurs à disposition ? Pour quelle assurance en retour ? Beaucoup de questions, peu de réponses. Il faudra faire avec, désolé Damian.
Focus sur la saison 2021-22 des Trailblazers
Nurkic, plus exposé pour mieux (re)partir ?
“Je veux tirer plus de Nurk’ cette année. Il est une arme que beaucoup d’équipes n’ont pas.” – Chauncey Billups
Au moins, les choses sont claires. Et ce n’est pas pour déplaire à l’intéressé : “Je pense que c’est la chance que j’attendais“.
Jusuf Nurkic s’apprête à entamer sa cinquième saison NBA sous les couleurs noires et rouges. Les deux dernières, en raisons de diverses grosses blessures, le pivot bosnien n’a pu disputer que 45 rencontres. Qu’on ne s’y trompe pas, en effet, car le principal point d’attention est bien là : arrivera-t-il a revenir à son meilleur niveau, et surtout à sa meilleure forme ?
En dehors de sa pure forme physique, Nurkic a récemment fait part des problèmes de confiance qu’il avait subi lors des deux dernières saisons : “Je ne pense pas que c’était uniquement lié à ma forme physique, c’était aussi mentalement. Les gens ne le voient peut-être pas, mais je traversais une période difficile sur le plan émotionnel et familial, comme ça arrive à tout le monde.“. Mais visiblement, de ce côté-là, il n’y a plus de souci à avoir, tant l’arrivée de coach Billups semble avoir remotivé le pivot : “Quand l’équipe a engagé Chauncey et que j’ai une conversation avec lui et Roy Rogers, il n’y avait aucun doute. Je suis engagé à 100 % avec les Blazers. Pour être honnête avec vous, c’est probablement la meilleure chose – autre que Dame – qui me soit arrivée dans ma vie“. Rien que ça.
Au top de sa forme, Nurkic est une arme redoutable pour Portland. Un pivot mobile, doué de ses mains, capable d’envoyer du double-double de moyenne en dormant, et doté d’un passing game qui ne demande qu’à être exploité davantage. A vrai dire, la condition d’un retour en forme n’en n’est pas une : c’est un impératif. Sans lui, la raquette de Portland apparaît bien plus faible. Si Zeller apportera cette année plus de garantie qu’un Enes Kanter à la défense perméable ou si Larry Nance Jr densifiera le poste 4, aucun back-up intérieur des Blazers ne peut le regarder dans les yeux en termes de talent brut.
En partant du postulat d’un retour en forme de leur pivot, comment Billups et les Blazers peuvent optimiser le jeu de ce dernier, notamment offensivement ? A priori, cela devrait passer avant tout par une mise en valeur de son jeu de passe, notamment sur le short roll.
Avec un Damian Lillard qui représente un danger de premier plan balle en main, et à très, très longue distance, les défenses s’adaptent nécessairement, notamment en proposant une défense agressive sur ce dernier, n’hésitant pas à le trapper très haut sur le terrain. Se faisant, avec un intérieur mobile doté d’un bon passing game, ce ne serait pas étonnant de voir Nurkic mis en valeur sur ses situations, héritant d’une passe de Lillard, avant d’être amené à faire le bon choix entre jeu direct au cercle ou passe vers les shooteurs extérieurs de Portland.
L’avenir nous le dira, mais Nurkic joue très gros cette saison, lui qui, rappelons-le, sera free-agent l’été prochain… Ce qui nous amène à une ultime question : Nurkic est-il, à l’instant T, la monnaie d’échange la plus viable dont dispose Portland pour ramener du “lourd” à la maison ? A 26 ans, avec un contrat expirant et un jeu dont beaucoup d’équipes rêvent, l’idée n’est pas farfelue, quand bien même elle n’a pas enchanté du tout le principal intéressé récemment…
CJ McCollum, playmaker de la second unit
Simmons, Snell, McLemore et Little semblent désignés pour sortir du banc à tour de rôle sur les postes extérieurs des Blazers. A l’intérieur, Zeller et Nance Jr devraient remplir leurs offices avec la 2nd unit (à condition évidemment que Covington soit conservé sur le poste 4 titulaire). Bien.
Nous l’avons déjà dit, mais avec les arrivées de Nance Jr et Zeller, la rotation intérieure semble un peu plus dense qu’auparavant. Pour ce qui est de la rotation extérieure… Le doute nous habite. Pour reprendre les mots de Zach Lowe : “Il y a beaucoup de mecs qui n’ont pas prouvé à mon goût, ou des gars qui ont prouvé qu’ils ne méritaient pas une place dans une rotation en playoffs. Ca m’inquiète“. S’il est vrai que l’on peut avoir des doutes sur les garanties qu’offrent Snell, McLemore, Simmons et Little en terme de régularité, il y a un autre point à soulever : celui du playmaking.
Nous l’avons brièvement mis en avant lorsque nous avons évoqué plus haut le cas Nurkic, mais Portland a eu du mal, ces dernières saisons, à trouver de l’alternative à la création, autres que Damian Lillard et CJ McCollum. Le second cité a l’an dernier clôturé la saison avec sa meilleure moyenne de passes décisives par match (4,7), s’améliorant nettement dans le domaine, notamment en évoluant entouré des joueurs de la 2nd unit sur les temps de repos de Lillard.
Toutefois, là où McCollum pouvait compter l’an dernier sur les armes offensives qu’étaient Enes Kanter ou Carmelo Anthony en sortie de banc, il devra cette fois composer des joueurs offrant moins de certitudes offensivement parlant. D’où l’importance primordiale pour lui d’à nouveau step-up dans le domaine, en se montrant dangereux et en attirant les défenses, avant de distiller avec sagesse et lucidité les offrandes. La tâche n’est pas aisée, mais semble être la condition sine qua none à la réussite de la 2nd unit du banc de Portland.
Défensivement, Chauncey, il y a du boulot !
On l’a dit, défensivement, les Blazers étaient… inexistants. 29è défense de la ligue, c’est peu dire que le Moda Center avait des airs de passoire, et que les compagnons de Lillard ne voyageaient guère mieux à l’extérieur, revenant souvent avec les valises pleines de points.
Si Melo et Kanter étaient de bons apports offensifs, les deux joueurs représentaient des poids morts en défense, sans cesse agressés par leurs opposants, et pour le moins limités en termes de rotations défensives. Concernant Lillard et McCollum, là encore, les deux profils sont connus de tous. Qui plus est, lorsque l’on voit la charge dont ils héritent offensivement, leurs égards défensifs apparaissent un temps soit peu pardonnables. Le défenseur étiqueté du roster, Robert Covington, ne pouvait à lui seul régler les soucis défensifs de tout un groupe surtout lorsque l’on sait que RoCo est avant tout un bon défenseur d’équipe, capable de très bonnes lectures et anticipations.
Alors cette année les ingrédients vont-ils permettre à coach Billups de proposer mieux ? Ce dernier pourra s’appuyer sur une saison complète de Norman Powell, capable de défendre les postes 1 à 3, et de soulager le duo Lillard/McCollum sur ce point de manière assez évidente. De retour en pleine forme, Nurkic reste un pivot 2m13 dont les segments doivent s’avérer utile pour protéger le cercle et perturber les lignes de drive. Sur le banc, l’option Snell peut amener plus de profondeur, de même que Zeller qui offre plus de garanties qu’un Kanter la saison précédente.
Force est de constater donc que Billups ne dispose pas réellement d’armes de destruction massive défensivement parlant. Il devra avant tout s’efforcer de construire une défense collective avec des principes clairs. Surtout, il faut garder à l’esprit que pour ces Blazers-là, vu la puissance offensive dont ils restent capables, passer d’une défense inexistante à une défense ne serait-ce que mauvaise serait déjà un pas en avant… Leur permettant de passer un cap ?
Quels objectifs ?
Retrouver les playoffs, déjà. Portland est sur une belle série, se qualifiant chaque fois pour la postseason depuis la saison 2013-14. S’il y a bien une année où il ne faut pas rompre cette série, c’est bien celle-ci, sous peine de voir les rumeurs autour de Lillard prendre davantage d’importance. Ce ne sera pas chose aisée, la conférence Ouest ne laissant pas une énorme marge de manœuvre en la matière, mais la puissance de feu des Blazers, autour d’un Damian Lillard qui devrait encore tutoyer les sommets, doit leur permettre de passer le cut du play-in. Si Billups arrive à forger un semblant de défense avec les ingrédients mis à sa disposition, les progrès seront indéniables.
Mais tout le monde le sait, dans l’Oregon et ailleurs : pour Portland, l’important débutera en playoffs, qu’importe le classement final de la saison régulière.
L’avis éclairé de @BlazersFr
Promis, ça arrive vite.