A la trade deadline, nous écrivions sur des choix inspirés des Bulls, mais comportant une faiblesse : celle de ne pas avoir pu achever le plan dans son entièreté. Finir ce plan, c’était monter un deal avec les Pelicans pour ramener Lonzo Ball à Chicago. Problème, les Bulls manquaient de pièces pour satisfaire New-Orleans, et finalement, les Bulls avec Vucevic n’étaient pas plus convaincants qu’avant son arrivée. Malgré la volonté de réaliser une fin de saison en trombe pour accrocher le Play-in, l’équipe devait se contenter, une fois de plus, de regarder les hostilités derrière un écran de télévision.
Cet été, pour autant, était le moment idéal pour continuer ce qu’Arthur Karnisovas et son équipe souhaitaient mettre en place quelques mois plutôt. Timing idéal puisque, Lonzo Ball, arrivait en fin de contrat. Et dans la première ligne droite de la free agency, ils n’ont pas chômé.
En quelques heures, les Bulls ont récupéré le meneur dans un sign&trade avec les Pelicans, faisant l’acquisition du joueur contre Tomas Satoransky, Garrett Temple et un 2nd TDD. Lonzo débarque avec un contrat de 4 ans pour 85M de dollars. La course ne s’arrêtait pourtant pas là.
Dans la foulée, c’est Alex Caruso qui était arraché aux Lakers pour 37M sur 3 ans. Coqueluche de Los Angeles, Caruso propose un profil intéressant de joueur à tout faire. Capable d’évoluer avec ou sans ballon, d’apporter une grosse défense et un excellent jeu sans ballon, la paire Ball – Caruso vient compenser une faiblesse majeure qui grève les Bulls depuis plusieurs saisons : l’absence d’un véritable meneur capable de distribuer le jeu.
Les festivités n’étaient pourtant pas terminées. Dans la foulée, c’est un autre sign&trade qui était proposé avec l’arrivée de DeMar DeRozan. L’ex-joueur des Raptors et des Spurs débarque pour s’installer au poste 3, engendrant par la même les départs de Thaddeus Young (joueur majeur de la saison passée), Al-Farouq Aminu, un 1er TDD et deux 2nd TDD.
Avec ces arrivées, les Bulls enregistrent une hausse indéniable en termes de talent offensif.
Mais à quel point ? Sont-ils enfin une équipe fonctionnelle ? Avec quels bémols potentiels ?
Une équipe dysfonctionnelle
Ce n’est pas vraiment un hasard si les Bulls ont manqué les Playoffs cette saison. Pourtant, contre toute attente, l’équipe a réussi sur l’ensemble de la saison à aligner une bonne défense. 9e defensive rating en 2019-20, les départs de Kris Dunn et de Shaquille Harrison, rotations importantes de l’équipe, pouvaient laisser craindre un effondrement. Et si les Bulls ont certes reculé dans la hiérarchie (12e defensive rating), c’est encore et toujours en attaque que les difficultés furent les plus évidentes.
Et pour cause, malgré l’explosion de Zach LaVine qui franchissait un nouveau palier vers le statut de star offensive, l’équipe recensait encore et toujours les mêmes problèmes :
- L’absence d’un meneur capable de réellement organiser le jeu de l’équipe (+15 pertes de balle par match, 27e dans le domaine)
- Les difficultés à scorer en fin de match malgré d’énormes prestations de LaVine
- La tendance à se faire marteler par certains profils de joueurs (par exemple, face à des pivots offensifs)
Coby White montrait très largement son absence de maturité à la mène, quoique la problématique fut très prévisible en amont de la saison. Par ailleurs, Wendell Carter Jr. attendu comme le pivot moderne de cette équipe peinait encore et toujours à rencontrer les attentes. Malgré cela, notons plusieurs satisfactions : Zach LaVine, évidemment, mais également le rookie Patrick Williams défenseur d’élite en devenir ou Thaddeus Young, parmi les joueurs les plus impactants de l’équipe. Mais le manque de jeu offensif faisait toujours défaut.
Lauri Markkanen, bien lancé en début de saison continuait de pêcher pour les mêmes défauts : une tendance à refuser la difficulté et le contact en attaque. Résultat, celui qui était attendu comme la seconde option offensive tendait à ne pas apporter ce que l’on pouvait attendre de lui dans les matchs à enjeux.
En raison, de ce manque d’options, les Bulls faisaient parties des pires équipes dans le clutch : 14 victoires pour 21 défaites. Autrement dit, sur 72 matchs joués, quasiment la moitié se sont décidés par moins de 5 points d’écart dans les ultimes du match, et dans 60% des cas, cela s’est soldé par une défaite pour Chicago.
A titre de comparaison, les Hornets qui n’ont gagné que 2 matchs de plus sur l’ensemble de la saison (33 pour eux, 31 pour les Bulls) affichaient pourtant 58% de victoires dans les rencontres serrées. Avec une efficacité semblable, les Bulls auraient pu glaner 6 victoires supplémentaires. Ce faisant, ils auraient eu 2 chances de se qualifier pour les Playoffs durant le Play-in, en terminant 7e de la saison régulière à l’Est.
Le soucis, c’est que l’attaque très problématique obligeait Billy Donovan à mettre en avant ses profils offensifs dans les fins de matchs. Alors que certaines défenses médiocres (Charlotte, Portland, par exemple) arrivaient à se transcender dans le clutch, celle de Chicago, pourtant correcte, fondait comme neige au soleil. Et avec une attaque à peine moyenne et une défense touchant au catastrophique, les Bulls enchainaient les défaites et creusaient leur propre tombe dans les instants clés.
En somme, entre pertes de balles à foison, des choix offensifs douteux, une tendance à s’effondrer dans le clutch et un manque de soutien offensif autour de Zach LaVine, le front office de Chicago décidait de remanier l’équipe.
Une 2e partie de saison décevante
Le 25 mars, à la trade deadline, les Bulls ouvraient les hostilités en récupérant Nikola Vucevic. Otto Porter Jr, quelques TDD et Wendell Carter Jr faisaient le chemin inverse pour lancer une nouvelle ère. Dans le même temps, Chandler Hutchinson et le prometteur Daniel Gafford mettaient les voiles tandis que Daniel Theis et Troy Brown Jr posaient leurs valises dans la franchise de l’Illinois.
On pense alors que les Bulls vont progresser sur leurs points faibles. Que nenni ! Bien que les pépins physiques de LaVine tombent mal, cela n’explique pas exclusivement que l’attaque reste aussi moribonde (22e offensive rating). En réalité, le soucis reste le même. L’absence de meneur de jeu continue de pénaliser l’équipe, certains profils, bien qu’intéressants, paraissent très incompatibles (la paire Lauri Markkanen – Nikola Vucevic expose beaucoup trop la défense) et finalement, les Bulls finissent encore plus doucement que le reste de leur saison.
Les 15 matchs manqués par LaVine n’y sont pas étrangers. D’autant que même présent, il était moins efficace que sur le reste de la saison :
- 28,1pts pour 19,3 tentatives jusqu’au 25 mars. 52% au tir dont 43,3% de loin.
- 25,5pts pour 19,5 tentatives à partir du 26 mars. 46,9% au tir dont 37,2% de loin.
Par ailleurs, les Bulls étaient à 7 victoires pour 8 défaites en sa présence. 5 victoires pour 11 défaites en son absence. Bref, ils n’ont pas pu montrer tout leur potentiel. Et pourtant, ils vont revenir avec bien plus d’armes offensives cette saison.
Ce que l’intersaison change
Cette saison, Coby White était maître à la mène. Le sophomore paraissait trop brut pour tenir la gonfle. Et la suite nous a donné raison :
Outre une faible efficacité au tir, le problème réside plutôt dans sa capacité à distribuer la balle. Parmi les 20% de meneurs réalisant le moins de passe par rapport au volume de ballons maniés, préférant souvent le tir car possédant des difficultés à sentir le jeu, il perd plus souvent la balle que la saison passée où il évoluait dans un rôle de combo en sortie de banc.
En ce sens, les arrivées du duo Lonzo Ball – Alex Caruso vont soit permettre de tester la valeur de White sur le marché, soit de le repositionner dans un rôle de scoreur en sortie de banc. Pour comparaison, voici où se situent Ball et Caruso dans leur utilisation la balle :
Si nous avons deux meneurs assez dispendieux balle en main (ils perdent souvent des ballons), ils correspondent beaucoup plus dans l’optique de distribuer la gonfle. Lonzo Ball, quand il est utilisé en pur meneur, fait déjà partie de l’élite dans sa faculté à trouver ses coéquipiers. Fabuleux en transition, il est également de plus en plus en maîtrise sur demi-terrain. Dans une option de secours, Alex Caruso a aussi montré qu’il peut – selon ce qu’on lui demande – opérer comme un meneur classique en prenant en main l’organisation offensive de l’équipe.
Ainsi, Zach LaVine n’est plus le seul joueur capable de porter la balle.
Et pourtant, les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là. Car si un joueur peut également prendre en main le jeu d’une équipe, c’est bien DeMar DeRozan. L’ailier, déjà très à l’aise à Toronto, a terminé de se parfaire durant son passage à San Antonio. D’autant que contrairement à Ball et Caruso, celui-ci fait preuve d’une fiabilité balle en main tout à fait impressionnante.
Dernier relevé Cleaning the glass pour illustrer le propos :
Moins de 10 pourcents de ses actions se terminant par une perte de balle, un altruisme à toute épreuve et une faculté à apporter du scoring pour lui-même et avec efficacité.
Autrement dit, les Bulls vont potentiellement passer d’une équipe exsangue en faculté de création à une belle machine à créer du jeu. C’est en tout cas, sur le papier, ce qu’indiquent les changements opérés. D’autant que Nikola Vucevic, fait partie des intérieurs les plus à même de trouver des coéquipiers démarqués. Mais est-ce que cette avalanche de créateurs, ne risque pas de créer un problème de spacing ?
Spacing or not ?
Si le talent mobilisé par les Bulls est indéniable, on a aussi vu un certain scepticisme quant aux profils mobilisés pour jouer ensemble. En cause, notamment, l’idée que cette équipe des Bulls, bien que talentueuse, manquerait de shooteurs. Un énorme manquement dans la NBA moderne qui se nourrit de la faculté à accroître l’espace exploité en attaque et optimiser son utilisation. Néanmoins, est-ce une réalité ou le fruit d’une idée arrêtée sur certains joueurs ?
En effet, plusieurs joueurs du 5 attendu des Bulls n’ont pas la réputation d’être d’excellents shooteurs. Lonzo Ball, évidemment. Mais également Zach LaVine, perçu comme un slasher ou DeMar DeRozan, joueur de mi-distance par excellence. Le rookie Patrick Williams est vu lui avant tout comme un défenseur. Ce qui signifierait que, finalement, seul Nikola Vucevic est un shooteur régulier.
Regardons leurs performances de la saison précédente de plus près :
% à 3pts | Nb de tentatives par match | |
Lonzo Ball | 37,8% | 8,3 |
Zach LaVine | 41,9% | 8,2 |
DeMar DeRozan | 25,7% | 1,2 |
Patrick Williams | 39,1% | 1,9 |
Nikola Vucevic | 40% | 5,8 |
En réalité, de l’eau a coulé sous les ponts depuis que certains joueurs ont mis les pieds dans la grande ligue. Lonzo Ball, Zach LaVine et Nikola Vucevic sont tous les 3 devenus de véritables menaces à longue distance. Ball, autrefois connu comme ce meneur créatif – mais incapable d’être une menace sans le ballon – a su faire évoluer son jeu à New-Orleans. Capable de vivre en tant que meneur de jeu, mais aussi sans être le principal porteur de ballon, il est le joueur de cet effectif qui prenait le plus de tirs à 3 points l’an passé avec une réussite au-dessus des standards de la ligue. Zach LaVine, quant à lui, s’est transformé en incroyable machine à tirs primés. Notamment parce que beaucoup de ses tentatives viennent de tirs auto-générés. Parmi les tireurs de pull-ups 3 les plus prolifiques en NBA, il crée en ce faisait énormément d’espaces pour les autres.
Et cela tombe bien, car Lonzo Ball n’est plus le meneur incapable de menacer l’adversaire off-ball. Résultat, le duo d’arrière semble extrêmement compatible en vue de la saison à venir.
Patrick Williams affiche des pourcentages excellents pour un rookie. A fortiori dans une attaque plutôt médiocre, il a su maintenir des pourcentages élevés. Le problème dans son cas, c’est que l’échantillon est faible. Mais cela concerne l’ensemble de son jeu offensif. L’ailier a souvent pêché par timidité, trop attaché à son rôle de défenseur. Toutefois, avec de biens meilleurs talents autour, il devrait bénéficier de plus de tirs ouverts. Et qui dit seconde année, dit souvent une tendance à se décomplexer. Si on ne devrait pas voir sa production exploser, l’important reste qu’il demeure une menace à ne pas ignorer. Pour cela, il ne faudra pas passer sur les opportunités quand elles se présenteront. S’il accepte de ne pas se détourner des occasions, alors les équipes ne pourront pas non plus faire l’impasse sur lui.
En réalité, seul DeMar DeRozan n’est pas une menace de loin dans le futur 5 de départ. S’il s’est essayé à l’exercice en 2017-2018, prenant plus de tirs à 3 points, il n’a jamais été en carrière un bon shooteur à longue distance. Toutefois, le spacing ne s’acquiert pas uniquement en tirant de loin. DeRozan sait faire bouger la balle, est une menace létale à mi-distance et par ailleurs, devrait être l’un des principaux porteur de balle de l’équipe.
En l’état, les profils offensifs semblent être très équilibrés. Ces Bulls sont enfin équipés pour posséder une bonne attaque NBA. Et le groupe de titulaires qui semble se profiler ne devrait, en théorie, ni se marcher dessus, ni souffrir d’un manque d’adresse, contrairement à ce que les apparences pourraient laisser entendre. D’autant que Coby White, n’est pas en reste pour dégainer de loin – et qu’Alex Caruso, s’il n’est pas un shooteur à haut volume est d’une précision remarquable (40,2% l’an passé pour 2,4 tentatives par match).
Quid du projet ?
De toute évidence, l’ensemble de la ligue doit avoir changé de regard sur ces Bulls. Ils ne ressemblent plus à une équipe en reconstruction qui aimerait frapper aux portes des Playoffs. Ils ressemblent à un légitime prétendant à une place en Playoffs dans une conférence Est qui pourrait, l’an prochain, retrouver quelques couleurs après un exercice faiblard.
En faisant venir DeRozan, Chicago s’offre un star-power supplémentaire. Par ailleurs, l’apport en meneurs de jeu venant combler une faiblesse majeure et l’idée d’un training camp pour associer LaVine-Vucevic et les nouveaux arrivants, laissent entendre que cette équipe peut franchir un réel palier après une saison décevante. Reste à maintenir un bon niveau défensif, ce qui n’est pas gagné non plus.
En revanche, on peut regarder ce projet avec quelques interrogations : est-ce que ces Bulls auront une marge de progression après celle en passe d’arriver ? Arthuras Karnisovas semble être lancé avec la mission de redonner des couleurs à une franchise moribonde depuis plusieurs saisons. En ce sens, le contrat semble être rempli, puisque l’effectif n’a pas été aussi talentueux depuis un bout de temps.
Pour réussir dans cette quête, l’équipe a néanmoins dû abandonner de nombreuses opportunités de s’améliorer par la draft – ou par la free agency. En jetant leur dévolu sur Lonzo Ball, Alex Caruso et DeMar DeRozan alors que la prolongation de Zach LaVine approche, il est évident qu’il sera difficile à l’avenir de s’améliorer drastiquement par le marché des agents libres. Mais surtout, ce sont les picks de draft de l’équipe qui vont leur échapper. Les protections sur ces derniers étant en général sur du top 3 à 4, il y a peu de chance qu’ils les conservent. De fait, les Bulls ne récupèreront probablement aucun prospect en 2023, 2024 et 2025. Or la draft – même pour une bonne équipe – est un moyen de renouveler son effectif à bas coût. D’autant que la franchise est plutôt bonne en la matière et que Karnisovas provient d’une équipe (Nuggets) qui a monté son modèle sur le développement de la jeunesse.
Autrement dit, cette saison sera cruciale pour observer le plafond potentiel de cette équipe. En espérant que les besoins pour devenir un véritable prétendant au titre soient minimes. Sinon, les Bulls éprouveront toutes les difficultés du monde à entrer dans cette catégorie… si la franchise perçoit cela comme un objectif à terme. Or s’ils vont à priori s’améliorer, tout porte à croire que la marche pour devenir une équipe de premier plan reste encore trop élevée.