Si nous devions comparer la NCAA à Hollywood et son cinéma, Kentucky serait sûrement un film de gangsters. Un coach au sourire carnassier, à la poigne de fer qui va de scandales en scandales mais qui trouve toujours le moyen pour échapper aux autorités. Une institution qui le protège corps et âme et, pour couronner le scénario, un effectif de tueurs à gage. Il ne manque plus qu’une tête de cheval et des tirs de Thompson pour être totalement immergé en plein Chicago des années 30.
Suivre Kentucky, c’est voir inlassablement John Calipari aligner une armée de stars bodybuildées ; gagner ne suffit pas il faut écraser l’adversaire, bomber le torse, marquer au fer rouge les faibles oppositions qui font face aux Wildcats. Jouer à Kentucky c’est avant tout un état d’esprit, une rage de vaincre permanente. C’est se faire violence ( et faire violence ) au nom du collectif tandis que le grand Vizir tire les ficelle en coulisse. Habitué à l’excellence depuis l’arrivée de PaypalCal, Kentucky sort d’une saison au bilan pourtant loin de ses standards, une exception pour un programme universitaire pourtant coutumier des Final Four, des folles performances et de la gloire individuelle et collective.
Minus et Cortex
Coach Calipari, entre deux scandales sportifs et extra sportifs, base son succès en NCAA sur un modèle d’effectif simple mais terriblement rôdé. Un meneur dragster, athlétique et bon distributeur couplé à un intérieur dominant rim/runner. Autour de cela ? Tout dépend de ce qu’il parvient à recruter. Ensuite, il profite de sa saison régulière pour tester des lines-up, styles de jeu et tactiques différentes avant de trouver la formule magique à l’arrivée de la March Madness… et révéler les talents cachés de ses stars.
Les derniers one-two punch connus de Kentucky sont connus pour quiconque suit un tantinet la NBA : Tyler Herro et PJ Washington, (2018-19, défaite en finale régionale face à Auburn), Shai Gilgeous Alexander et Jarred Vanderbilt (2017-18, défaite en demi-finale régionale face à Kansas State), De’Aaron Fox et Bam Adebayo (2016-17, défaite en finale régionale contre North Carolina), Andrew Harrison et Karl-Anthony Towns en 2014-15 (défaite en demi-finale, face à Wisconsin), Archie Goodwin et Nerlens Noel (2012-13, défaite au second tour face à Kansas), John Wall et DeMarcus Cousins (2009-10, défaite en finale régionale contre West Virginia).
Autour d’eux ? Du shoot, des slashers mais surtout de bons défenseurs. Coach Cal ajuste souvent ses lines-up en fonction de l’adversité des joueurs qu’il souhait tester. La seule constance qu’il oppose est une défense rugueuse et une agressivité constante. Un titre nationale en 2012, 9 invitations à la March Madness, 4 Final Four mais surtout 29 joueurs draftés depuis son arrivée sur les bancs de la fac en 2009. Calipari a fait de Kentucky une machine à gagner et une véritable usine à star, s’affirmant au fur et à mesure des années comme une place forte de la NCAA.
Everybody hands down it’s a robbery !
Mais cette saison, à la surprise générale et malgré un recrutement ambitieux autour de Olivier Sarr, Brandon Boston Jr, Terrence Clarke et Cameron Fletcher, les résultats sportifs ont été décevants. Un intérieur polyvalent et expérimenté en la personne de Sare qui allait conclure son cursus universitaire, des recrues 4 et 5 étoiles, un coach vétéran. En somme, la formule était connue et devait mener au succès ? Il n’en fût rien.
Un affreux début de saison en (1 victoire, 6 défaites), des contre-performances terribles et une instabilité à tout les étages… où est passé la mafia de Kentucky ? Le guard play, à savoir la gestion du tempo et du mouvement de balle est tout simplement catastrophique. Aucun des arrières et meneurs de l’effectif ne réussit à mener son équipe et à nourrir la force offensive qu’est Sarr. La défense collective n’est pas au rendez vous et les 9 maigres victoires des Wildcats tiennent d’avantage de performances individuelles rares que d’un réel sursaut collectif. Au rebond, au tir à 3pts, dans la gestion des émotions et des fins de match, Kentucky craque inlassablement dans un cauchemar permanent auquel le le programme nous a si peu habitué. Kentucky glissera progressivement hors du Top 20 NCAA comme son rival Duke. Un run de 4 victoires en Février a permis d’entretenir l’espoir, avant que l’équipe ne retombe dans ses travers. Calipari, d’ordinaire proche de ses joueurs et protecteur aura multiplié les coups de gueule, les pertes de sang froid, allant jusqu’à jeter publiquement Cam Fletcher sous le bus en interview après que le joueur ait fondu en larmes suite à une défaite contre North Carolina. Le Coach semble désarmé, impuissant tel Tony Montana qui voit son palace être pris d’assaut par la concurrence. Does the world is still mine ?
Isaiah Jackson aura cependant su montrer de belles choses dans le chaos constant qu’a été cette saison : 8 points, 6 rebonds et 2,6 contres par match en moins de 20 minutes de jeu. L’intérieur (2m09, 93 kilos, 2m19 d’envergure) est rapide, agile, puissant mais possède de grosses difficultés au tir et dans les skills techniques. Il fut pourtant le seul joueur constant de l’effectif, autant dans l’effort que dans le sérieux sur le terrain, sans que cela ne suffise. Souhaitant initialement tester sa côte, il va bel et bien se présenter à la draft, loin de l’enfer des Wildcats ( et a depuis été drafté puis échangé par les Wizards vers Indiana)
Si un joueur devait incarner les attentes et la déception de la saison 2020-21,c’est bien B.J. Boston. L’ancien coéquipier de Bronny James, arrivé avec une étiquette de future superstar, avait une autoroute devant lui pour briller, faire un one and done et être un lottery pick. Il n’en fut rien. Des pourcentages au tir affreux (30% à 3 points, 44% au tir réel), un niveau technique très faible pour une recrue cinq étoiles. Une sélection de tir AFFREUSE, des mauvais choix incessants et un manque de maturité criant. La douche est glaciale pour le joueur à qui on prêtait un grand avenir dont la côte à la draft a fondu en même temps que le bilan collectif de son équipe. S’il est un athlète au physique hors norme, le chantier est colossal pour l’équipe qui fera le choix de le drafter. Une saison très loin des attentes pour un joueur initialement annoncé Top 10 et dont la côte n’a eu de cesse de chuter, il a cependant pu trouver un point de chute chez les Clippers en 51eme position.
Il a fait une promesse qu’il entend bien tenir : honorer la mémoire de son coéquipier Terrence Clarke, décédé en fin de saison dans un terrible accident de voiture alors que Boston était passager du véhicule touché. Le traumatisme est profond tant Clarke était apprécié par son équipe et les fans. Ainsi, en plus d’une mauvaise saison sportive, le programme a été frappé par un drame, avec le décès d’un prospect de moins de 20 ans.La baraka semble avoir quitté les Wildcats qui n’ont rarement été aussi impuissants.
Olivier Sarr quant à lui termine son cursus universitaire sur une note très amère mais qui résume pourtant si bien son parcours NCAA : manque de chance constant, absence de bon timing. Olivier était très bon mais seul à Wake Forest et le chantier était trop colossal à Kentucky pour qu’il sauve un effectif gangrené par autant de problèmes. Nous le rêvions champion NCAA avant d’être drafté au second tour ou d’embrasser une carrière professionnel en Europe. Le titre comme la draft semble désormais inenvisageables. L’intérieur possède pourtant des atouts certains, une polyvalence offensive qui lui permet de scorer au poste bas, au tir extérieur fixe et en mouvement et de belles facultés sur pick and roll. Il est ainsi incroyablement frustrant que le meneur titulaire de l’équipe, Devin Askew, n’ait jamais réussi à le trouver après un écran posé ou dans ses positions préférentielles. Ajoutez à cela un coach qui veut l’utiliser comme un vulgaire intérieur éboueur et vous obtenez un Olivier Sarr en 10 points, 5 rebonds et 1 contre par match. Le destin est parfois si cruel. Cette dernière saison devait être la consécration ultime pour le prodige français mais elle n’a fait que confirmer son manque de puissance athlétique notamment au rebond. Sa côte à la draft a fortement chuté, l’espoir reste mince mais Sarr en plus de tout ses fondamentaux, offre un leadership calme et affirmé et une attitude exemplaire. Si la NBA semble désormais loin, on lui promet une belle carrière en EuroLeague. Il le mérite entièrement. Non drafté, il va rejoindre l’effectif des Grizzlies pour la Summer League.
On nous avait promis Gangs of New York, nous avons eu droit à la 7ème compagnie. Le fiasco pour les Wildcats est total. Aucun des joueurs annoncés à la draft n’est projeté plus haut que le Top 20, le coaching de Calipari n’a jamais autant été remis en doute et l’université semble bel et bien accusé le coup face à sa concurrence.
Le chat s’est étranglé lui même.