Au royaume de la NCAA, s’il y a bien un domaine qui pèse à la table ronde c’est celui du Duché des Blue Devils. Un coach légendaire, une armoire à trophée pleine à craquer, des joueurs mythiques que vous avez adoré détester, des légendes des parquets et une foule hystérique. Au dessus de tout ça, Coach K en grand apôtre; celui qui est à l’origine de tout les grands moments de son programme universitaire, cadre majeur de Team USA, référence dans le coaching et le management.
Si vous ne suivez pas la NCAA, vous vous imaginez naturellement une équipe qui domine largement son championnat, qui semble inarrêtable et invincible. Si vous suivez plus assidument les Blue Devils, vous savez très bien que cela fait plusieurs saisons que Duke fait du surplace jusqu’à arriver au fiasco récent de cette saison 2020-2021. Entre prospects tumultueux, contexte sanitaire, blessures et choix douteux ; Duke n’a jamais pu réellement lancer sa saison. Pas de March Madness, des conflits internes nombreux et une déception à tout les étages. Les diables bleus ont connu un enfer auquel ils sont bien peu habitués.
C’est grave docteur ?
Les clés du succès
Depuis l’arrivée de Coach K et la révolution qu’il a mené dans le basket universitaire, Duke s’est toujours bâti sur un modèle simple mais terriblement rôdé. Des futures stars NBA protégées par une armée de soldats durs au mal. Le tout encadré par un des meilleurs staffs techniques lui-même soutenu par une université aux moyens financiers et marketings colossaux. Grant Hill, Christian Laettner, JJ Reddick, Kyrie Irving, Brandon Ingram, Zion Williamson et bien sûr Jayson Tatum incarnent parfaitement cette école Duke. Des joueurs au profil technique supérieur à la moyenne, dotés d’une éthique de travail affirmée et d’un leadership reconnu par leurs pairs. Duke compte 28 de ses anciens pensionnaires actuellement en NBA, il est inacceptable pour l’université de Durham de ne pas voir une de ses stars être appelée par Adam Silver. Avant de former, Duke mise avant tout sur un recrutement. Quoi qu’il en coûte, il faut attirer les futurs talents de demain, Coach K bricolera plus tard pour assembler une équipe. Et cela a porté ses fruits avec les générations de Grant Hill, Laettner et plus récemment avec celle de Winslow/Tatum/Allen.
Depuis, Duke patine, n’a pas retrouvé le chemin du Final Four depuis le départ de Zion,Reddish,Barrett. Malgré une saison 2019/2020 réussie, incarnée par le trio Tre Jones/ Vernon Carey / Cassius Stanley, Duke ne verra aucune de ses stars être appelée au premier tour. Cela faisait 10 ans qu’un tel scénario ne s’était pas produit, excellence et constance étant les deux mamelles du programme. Mais la bête semble épuisée. Une intensification de la concurrence en NCAA avec des équipes comme Michigan, Gonzaga, UCLA, Kentucky et Arizona qui redoublent d’efforts et d’énergie pour se rendre attractives ne facilite pas la chose. Des choix de recrutement bien moins talentueux que les saisons précédentes, ajoutez à cela un tumulte interne, un coach qui peine à se remettre en question et vous obtenez la dernière saison des Blue Devils.
Des matchs reportés, une dynamique qui ne pourra jamais s’installer, des recrues qui ne sont pas au niveau des attentes mais un effectif sauvé de la noyade par ses role players. Autant de problèmes qu’a cristallisé Jalen Johnson, recrue phare de cette saison. Trop souvent blessé, pas à l’aise dans son effectif et face à son staff jusqu’à déclarer forfait pour la fin de saison. L’ailier au profil atypique malgré quelques flashs et performances notables a clairement déçu et voit sa côte à la draft imploser, lui qui était pourtant annoncé très haut. Un échec total. Ce playmaking que devait apporter Johnson ne sera pas rattrapé, Coach K ne pouvant plus compter sur un des frères Jones (Tyus et Tre), c’est Jeremy Roach, recrue 5 étoiles catapultée dans le cinq majeur à qui il incombait de faire tourner son équipe. Pari raté. Entre une inconsistance en attaque, un manque d’expérience et moins de 3 assists par match, Roach n’a jamais semblé à l’aise et est à l’origine des nombreuses fins de matchs compliquées des Blue Devils en dépit d’un back-up, Jordan Goldmire, qui a su hausser son niveau de jeu. Le duo de meneurs qui cumule moins de 8 assists par match a compliqué le jeu de son équipe. Ils ont pourtant pu s’appuyer sur sur le duo intérieur Wendell Moor/Matthew Hurt qui ont porté leur équipe au scoring avec respectivement 10 et 18pts. Moore s’est affirmé en défenseur élite en utilisant parfaitement son athlétisme et sa grande envergure pour switcher inlassablement en défense tout en apportant son énergie au rebond. On voit en lui un potentiel 3 and D si’il continue à améliorer son jeu off ball et son shoot. Hurt est quant à lui un des rares rayons de soleil de cette saison, le poste 4/5 a grandement porté son équipe avec son shoot létale, son jeu au poste technique et un jeu off-ball parfait pour un basket moderne. S’il semble toujours autant limité défensivement où son manque de latéralité et de vitesse le pénalise dans un jeu rapide, il peut devenir un stretch five impactant en NBA.
Le constat dans ce cinq majeur est effarant, des faiblesses majeures, un manque de complémentarité, d’expérience et de mentalité. Là où une grosse écurie de Division 1 s’appuie en théorie toujours sur une super star qui domine sa concurrence ; Duke n’a pu compter que par phases sur Jalen Johnson. Des performances inspirées face à des petites équipes qui mènent ensuite à des matchs où l’ailier semble complètement dépassé dans le jeu. Comment dominer au plus haut niveau dans ce contexte ?
Coach K aura tout tenté, des changements nombreux de cinq majeur, des discours inspirés, des gueulantes pleines de rage, des coups tactiques variés et parfois exotiques. Duke aura couru tout au long de la saison pour tenter d’assurer une place à la March Madness. Une des plus grandes universités de la NCAA qui ne se qualifie pas ? Impensable.
Johnson se sortira lui-même de la rotation. Blessure ? Ras le bol ? Seul le joueur connaît la vérité mais quel gâchis de temps et d’énergie. Coach K va resserrer son jeu, au diable le beau basket et les highlights. Duke va hausser le ton en défense, progressivement augmenter l’intensité. On ne parle plus de système, de draft ou de Final Four : Mais de fierté ? De rage ? D’énergie du désespoir ?
Duke vise désormais le NIT, tournoi qui offre une opportunité aux petites facs de rejoindre la March Madness et aux plus grosses de sauver leur saison. Duke n’aura même pas droit à cette chance alors qu’un cas de Covid va venir enterrer les derniers espoirs de l’équipe. La pire des façons de terminer cette saison pour un groupe qui est passé par toutes les émotions, les diables ont bel et bien vécu un enfer.
Le constat est rude pour les Blue Devils qui n’ont su être fort que face aux faibles. L’ensemble de l’institution a tremblé, il faut du changement vite. Les saisons précédentes n’ont fait que confirmer les craintes de cette saison, Duke n’est plus au niveau de sa concurrence. C’est tout une approche du recrutement, du management, du basketball qui doit être revue et remis à la page pour permettre aux diables d’offrir à Coach K la sortie qu’il mérite.
Le légendaire coach K a annoncé que la saison 2021-2022 sera sa dernière, lui qui est à l’origine de tout les grands moments de ce programme universitaire aura à cœur de réaffirmer la légitimité de Duke face aux plus grands. Hurt, Steward et Johnson s’en vont tenter leur chance à la draft. Coach K s’offre un dernier défi, reconstruire autour des rares certitudes qu’il lui reste sur son effectif, faire progresser ses assistants, attirer les talents de demain et découper les filets une dernière fois. Les Blue Devils ont chuté, pleuré, tremblé mais ils ont aussi su se recentrer autour de la culture de l’équipe. By Knowledge and faith Duke shall Prevail.