Les finales NBA ont commencé par une victoire autoritaire des Phoenix Suns. Pourtant, la soirée avait débuté par une bonne nouvelle pour les Bucks et les fans de la ligue : Giannis Antetokoumpo serait en tenue et prêt à disputer (même si probablement diminué) la finale dès la première rencontre.
Malgré une belle prestation du Greek Freak, quoi qu’en dessous de ce qu’il peut produire habituellement et de ce qu’il a réalisé en saison régulière contre les Suns, la décision semble s’être jouée à d’autres niveaux. Parmi eux, le plan offensif de Monty Williams, qui pose une série de complications pour Milwaukee : la chasse lancée à Brook Lopez, mismatch parfait pour les arrières d’Arizona, a bel et bien débuté dès l’aube de la série.
La chasse à Brook Lopez est lancée
Brook Lopez est un élément essentiel des Bucks depuis plusieurs saisons et cette campagne n’a fait que confirmer son importance. Crucial dans la protection d’arceau de l’équipe, parfait profil pour ouvrir la raquette pour ses coéquipiers en attaque, il a également accru son volume offensif en l’absence de Giannis face aux Hawks.
Il n’est néanmoins pas infaillible, bien au contraire… En effet, et à l’instar d’autres équipes qui avaient déjà tenté d’exploiter son manque de mobilité, les Suns entendent bien profiter du choix défensif de Milwaukee dans cette série (le switch) pour obtenir un match-up favorable face au pivot. A noter que quand les Bucks se sont essayés à du drop, dans le 3eme QT notamment, l’équipe a également souffert.
Ainsi, et durant toute la rencontre, Chris Paul, Devin Booker et Cameron Payne ont cherché à emmener Lopez au large et à l’attaquer en isolation. Un choix qui a compliqué la vie du pivot, pas réputé pour sa mobilité latérale.
En substance, voici le type de positions que les Suns veulent. En transition, Paul est agressif et la paire Tucker-Lopez cherche à le pousser à lâcher le ballon à un coéquipier moins dangereux balle en main. Raté, Chris ne panique pas et attend que son pivot arrive. Rapidement, Kaminsky feint de poser un écran et emmène Tucker (qui aurait du défendre sur CP3) en plongeant vers le cercle. Les Suns ont ce qu’ils veulent et Paul va pouvoir tranquillement travailler Brook Lopez. Et c’est un tir à mi-distance facile pour le meneur.
On remet ça une poignée de secondes plus tard. Paul réussi à créer un espace face à Jrue Holiday et oblige Lopez à se positionner sur lui. Plutôt que d’urger son attaque, il laisse Ayton rouler vers le cercle. Giannis doit venir à la rencontre du pivot et Connaughton jouer le 1v2 en attendant qu’Holiday décale sur Mikal Bridges. Paul ne presse pas sa passe, mais attend le replacement pour jouer son mismatch. Et une fois de plus, filet.
Une dernière pour la route ? Les Suns reviennent du vestiaire pour débuter le 3eme QT. Quoi de mieux qu’une session d’échauffement face à Lopez ? Paul voit Tucker sur lui. Son ancien coéquipier est plus grand, plus lourd, mais bénéficie malgré ses 36 ans de la faculté à rester devant Paul. Ayton vient poser son écran comme un camion et force, vous savez qui, à défendre Paul au large. Et les Suns commencent le 3eme QT en faisant passer l’avance à +10.
Les Suns ont trouvé une source de points faciles. Et c’est probablement l’une des plus grandes différences sur l’ensemble du match. Là où Phoenix a exploité une faiblesse, les Bucks, eux, ont dû jouer dans le dur. Et si cela fonctionne, c’est, qu’alors que les Suns obtiennent ces paniers rentables et mettent à mal Milwaukee, la troupe de Giannis, elle, galère à trouver les clés de la défense adverse (problème récurrent pour l’équipe dans ces Playoffs).
La réponse des Bucks…
En tentant une défense en switch (qui n’est pas le schéma défensif qu’ils ont préférés depuis l’arrivée de Mike Buldenhozer) les Bucks offrent aux Suns la possibilité de choisir qui ils vont attaquer.
L’avantage, avec une telle défense, c’est qu’ils offrent un minimum d’espaces à l’adversaire pour les sanctionner sur les écrans. Ce qui semble, sur le papier, une bonne idée, puisque Phoenix, comme nous le disions dans la preview, vit dans la zone à mi-distance.
Toutefois, ce schéma force à concéder le mismatch. Autrement dit, Phoenix peut placer l’attaquant souhaité sur le défenseur souhaité.
La défense en switch est un modèle très efficace, à fortiori si vous bénéficiez de défenseurs polyvalents, ce dont les Bucks sont pourvus… à l’exception de Brook Lopez. Si le pivot est, indubitablement, une présence dissuasive importante près du cercle, il est peut-être, aussi, un des seul joueur de la rotation à ne pas avoir cette capacité à défendre sur plusieurs positions.
Sortir Lopez et déplacer Giannis en 5 est une des réponses qui pourrait être envisagée par le coaching staff. Vu sa taille, le double MVP n’a aucun problème à s’opposer aux pivots adverses. Cette line-up permet de n’afficher que des extérieurs sans trop sacrifier en taille. Giannis et Tucker étant tout à fait capables de jouer contre des intérieurs de métier. Toutefois, ces changements ne sont pas gratuits pour Milwaukee.
… Et le problème qu’elle leur pose
Forcément, lorsqu’un adversaire vous pousse à vous départir d’un joueur majeur du roster, cela n’est pas sans conséquence pour le coaching staff et l’équilibre de l’équipe. Tout du moins, pas pour une équipe construite comme les Bucks version 2021.
Une profondeur d’effectif encore raccourcie
Les Bucks sont différents de la saison passée. Ajouter Jrue Holiday a certes permis de posséder un créateur de haut niveau supplémentaire mais a, dans le même temps, fortement amoindrie le roster si profond des Bucks.
Durant l’intersaison, au revoir : George Hill, Ersan Ilyasova, Sterling Brown, Marvin Williams, Wesley Matthews, Kyle Korver ou encore Robin Lopez.
Les maigres arrivées n’ont pas permis de contrebalancer ces départs, rendant les rotations à disposition de Mike Buldenhozer difficiles.
Dans la raquette seul Bobby Portis semble être une option fiable. Restent Pat Connaughton et Bryn Forbes sur les ailes et Jeff Teague à la mène (ce dernier n’étant pas pas toujours sûr et utilisable). Torrey Craig coupé en cours de saison et Donte Di Vicenzo blessé, les rotations de Milwaukee sont en conséquence très légères. Les Bucks ne sont de toute évidence, pas comme les Clippers, capable de se passer de plusieurs joueurs clés (Kawhi, Ibaka, Zubac) et trouver assez de talent au fond du banc pour mettre en place une autre line-up très compétitive.
Si Brook Lopez est une cible permanente dans ce schéma, resteront trois options aux Bucks :
- Limiter son temps de jeu
- Jouer avec des rotations très réduites (7 ou 8 joueurs) – et donc manquer de présence au rebond et de protection d’arceau dès que Giannis sera sur le banc
- Abandonner le switch pour revenir à du “drop”
DeAndre Ayton, roi dans la raquette
L’autre problème que pose ce schéma et le ciblage de Brook Lopez, c’est que cela laisse à DeAndre Ayton tout le loisir d’écraser la raquette des Bucks. Hier soir, le pivot a marqué 22 pts à 80% au tir et gobé 19 rebonds. Quand les Suns prennent la décision de sortir Lopez, cela veut dire que Giannis est l’intérieur le plus long de l’équipe. Cela signifie également qu’aucun intérieur de métier n’est présent et de fait, qu’il n’y a personne de taille pour box-out Ayton. Du moins pas aussi efficacement que Lopez pourrait le faire.
Non seulement le jeune joueur se régale, mais il peut également donner des possessions supplémentaires à des Suns qui ne manquent pas d’adresse.
Que risquent de faire les Bucks pour contre-carrer ce ciblage ?
La vérité, c’est que les Bucks ne peuvent pas accepter de se priver de Lopez sans essayer de le réhabiliter. Sa défense dans la peinture et sa faculté à écarter les défenses sont trop importantes pour Milwaukee. Ils ne peuvent, non plus, se tourner vers d’autres profils pour combler son absence.
La solution “évidente” qui semble se profiler est un changement de schéma défensif. Les Bucks pourraient revenir à une défense en drop, équivalente à celle proposée face aux Hawks après le Game 1.
Si les Bucks ont refusé de partir sur leur schéma défensif classique, c’est que le pari de ce dernier est “d’accepter de donner des tirs ouverts à mi-distance“. Face à Brooklyn ou Atlanta, le pari est acceptable puisque les adversaires préfèrent attaquer la raquette ou tirer à 3pts. Le deal est bien plus risqué face à Phoenix qui adore ce tir et le rend beaucoup plus rentable que l’essentiel des meilleurs joueurs affrontés jusqu’ici.
Chris Paul et Devin Booker tirent à haut volume dans cette zone, et mettent 1,08pts et 1,07pts par tirs pris de ces positions cette saison. Pour comparaison, voici la différence entre le meneur des Suns (Chris Paul) et celui du tour précédent (Trae Young) :
Vous noterez d’une part que le meneur des Hawks use beaucoup moins de ce tir (en proportion), mais également qu’il y est beaucoup moins efficace. Et pour cause, il met à 0,92pts par tirs pris dans l’exercice.
Alors, certes, il ne faudrait pas oublier que lorsque les Bucks ont proposé une stratégie classique de drop, au Game 1, la star d’Atlanta s’en est donnée à cœur-joie. Avec 48pts et 12asts pour lui, dans un match référence.
Mais ces premiers avaient ensuite réagi en proposant une version du drop dans laquelle les aides étaient bien plus agressives. Dès le match 2, l’équipe réussissait à garder Brook Lopez dans ce rôle de gardien de la peinture, pendant que les longs segments et les bonnes dispositions défensives de ses coéquipiers leur permettait de limiter les options de passe et de réduire l’espace pour tirer.
On ne va cependant pas se mentir, il y a eu des séquences semblables dans cette première rencontre, même si cela ne semblait pas le plan de jeu décidé en avant match. Mike Buldehozer a essayé de s’adapter, mais l’équipe va avoir besoin de retravailler ses rotations et sa synergie si ce plan était choisi dans la prochaine rencontre.
Alors, en image, cela donne quoi ? Les Bucks risquent de demander au défenseur on-ball de suivre au mieux son vis-à-vis. A l’inverse de ce premier match Lopez ne viendra pas se positionner comme le nouveau défenseur du porteur de balle quand l’attaquant aura passé son écran mais va reculer pendant que le défenseur devra faire au mieux pour revenir sur son joueur (mieux que l’a fait Holiday ci-dessous).
Paradoxalement pour une défense de ce type et dans une forme de psychologie inversée, il faudra peut-être préférer concéder un 3 pts (en n’oubliant pas qu’Ayton n’est pas spécialiste, que Kaminsky n’est pas une rotation majeure) plutôt qu’un tir à mi-distance. Parier sur les échecs d’autres joueurs que Chris Paul ou Devin Booker à mi-distance, même si cela revient à aller à l’encontre même de l’objectif premier du schéma défensif.
Il y a fort à parier, que, comme lors du Game 2 face à Atlanta, nous allons voir les Bucks se baser sur ce type de défense. En d’autres termes : accepter ce tir à mi-distance que Phoenix affectionne, sans leur offrir un tir facile pour autant quitte à forcer une passe vers et pour un tir primé. De quoi réhabiliter Brook Lopez et donc, limiter l’exposition de leur manque de profondeur.
Toutefois, quelques détails devraient varier de la séquence ci-dessus. Un 3ème joueur pourrait venir s’impliquer dans la défense à mi-distance, quitte à laisser un peu d’espace à son shooter. Mais le plus important pour les Bucks sera d’entrer dans la rencontre avec une énergie différente en défense… Plus d’agressivité et d’anticipation d’une passe éventuelle seront sans doute nécessaire à Giannis et ses coéquipiers si ils veulent éviter un 2-0 délicat à manœuvrer.
Un sursaut à l’image de ce que les Bucks avaient déjà dû faire au Game 2 face à Atlanta ou lors du Game 3 face à Brooklyn… ?