Dans la nuit du 6 au 7 juillet dernier, les finales NBA 2021 ont débuté. En lice, les Suns de Phoenix disposent de l’avantage du terrain, eux qui retrouvent ce stade de la compétition pour la première fois depuis 1993. En face ? Les Bucks d’Antetokounmpo (incertain), qui n’ont plus vu les finales NBA depuis 1974 et une finale perdue au finish face aux Celtics d’Havlicek (4-3).
Si le terrain saura consacrer – à n’en point douter – un magnifique champion, l’affiche en elle-même et les conditions dans lesquelles chaque équipe entame ces finales sont riches en informations. Sans prétendre résoudre définitivement les problématiques que nous poserons, tentons toutefois d’aborder plusieurs aspects de cette confrontation. Bien évidemment, que le meilleur gagne.
Les Suns étaient-ils déjà aussi proches d’un titre NBA ?
Les pionniers de 1976
La question est volontairement provocatrice. On le sait, Phoenix a visité les finales NBA à deux reprises dans son existence ; en 1976, pour une défaite face aux Celtics, et en 1993, pour une défaite face aux Bulls. Difficile dès lors d’affirmer que la franchise n’a jamais été aussi proche de soulever le trophée Larry O’Brien. Et pourtant, la question mérite au moins d’être posée.
En 1976, pas grand monde imaginait Phoenix se frayer un chemin jusqu’à la dernière série de la saison. Non pas que l’équipe était dénuée de tout talent, évidemment, mais… Les clés de la mène étaient entre de bonnes mains – celles de Paul Westphal. Sous les cercles, Alvan Adams s’apprêtait à conclure sa première saison dans la Grande Ligue avec 19 points, 9 rebonds et 5,6 passes décisives, mais aussi le trophée de Rookie de l’année. Notons d’ailleurs qu’un seul autre joueur, dans l’Histoire de la Ligue, termina sa saison rookie avec des statistiques au moins similaires, et il s’agit ni plus ni moins qu’Oscar Robertson. Pour compléter le backcourt, le coach (John MacLeod) alternait entre Ricky Sobers et Dick Van Arsdale. Les ailes étaient, elles, tenues par Keith Erickson et Curtis Perry.
L’effectif était donc qualitatif, mais certainement pas suffisant pour lutter avec les grosses écuries de la Ligue. Alors certes, la décennie 1970 fût le théâtre des surprises, et hormis Boston, aucune équipe n’y remporta 2 titres. Certes également, la majorité des très bonnes équipes semblaient se retrouver à l’est, et le chemin du côté de la West Coast semblait plus dégagé. Il n’en demeure pas moins que les Warriors constituaient un véritable épouvantail, menés par le trio Gus Williams, Jamaal Wilkes et surtout Rick Barry.
De surcroît, les Suns restaient sur 5 saisons sans disputer les playoffs. Or, à l’intersaison 1975, l’effectif ne s’est pas substantiellement renforcé, si l’on excepte la draft excellente d’Alvan Adams. Celui-ci a d’ailleurs été sélectionné avec le 4e pick, signe que les Suns étaient bien moribonds.
Pour autant, les Suns ont décroché directement leur qualification… pour les demi-finales de conférence. En cette époque, effectivement, les 3 meilleures équipes de leur conférence étaient exemptes de premier tour. C’est ainsi que les Suns croisèrent le fer avec les Supersonics en demi-finale. Ces derniers terminèrent leur saison régulière à la seconde place de la côte ouest, une petite victoire devant Phoenix (43 victoires / 39 défaites, contre 42 / 40).
Les Suns se qualifièrent pour leur première finale de conférence sans trop trembler (4-2), pour se présenter face à l’Everest de l’époque : les Warriors. De l’autre côté du pays, Boston s’est défait des Braves sur le même score, après avoir dominé la conférence Est de la tête et du reste (54 victoires en saison régulière). Les voici face à leur dauphin de régulière, les Cavaliers et leur roster très homogène.
En saison régulière, les Warriors ont remporté 4 de leur 6 confrontations contre les Suns. Et pourtant – nous n’entrerons pas dans les détails – en remportant le game 6 d’un tout petit point (105-104), Phoenix força Golden State à disputer un match 7. Limités à 40% au tir et sans solution face à un Alvan Adams XXL (18 points, 20 rebonds), les Warriors sombrèrent lors de la rencontre fatidique, en inscrivant seulement 86 points soit… le second plus faible total de la saison entière.
Voici donc Phoenix en finale NBA, avec 42 victoires en saison régulière, soit 51,2 % de succès. Autrement dit, il s’agit du 3e pire pourcentage de l’Histoire de la Ligue pour une équipe arrivant en finale, devant les Capitols de Washington (47,1% de victoire en 1949, défaite en finale) et les Rockets d’Houston (48,8% de victoire en 1981, défaite en finale) et ex aequo avec les Bullets de Baltimore (51,2% de victoire en 1971, défaite en finale). C’est dire si voir les Suns en finale 1976 constitue une anomalie statistique eu égard à cette analyse empirique.
Sans surprise véritable, Phoenix tombera les armes à la main face aux Celtics d’Havlicek, Jo Jo White et Dave Cowens en finale, sur le score de 4-2. Le game 5, surnommé “meilleur match de l’Histoire” s’est soldé après 3 prolongations, et permis à Boston de reprendre l’avantage dans la série.
Autrement formulé, Phoenix a certes atteint les finales NBA en 1976, mais les cactus étaient les petits poucets de l’affiche face à l’ogre Boston. Rien ne laissait présager une victoire Arizonienne, et la hiérarchie n’a pas été chamboulée. Nous y reviendrons, mais il semblerait effectivement que les Suns version 2021 ne partent pas aussi loin chez les bookmakers en vue de la victoire finale.
Et les Suns chahutèrent sa Majestée
Pour la seconde fois de leur Histoire, les Suns firent irruption en finale NBA en 1993. Pas question, toutefois, de se draper dans l’habit de la victime idéale. À l’inverse de 1976, Phoenix possède un effectif XXL avec, en tête de gondole, le MVP en titre, Charles Barkley. On y retrouve également Kevin Johnson, Dan Majerle, Richard Dumas ou le vieillissant Tom Chambers. Armés comme s’ils partaient à la guerre, les Suns écrasèrent la saison régulière, en terminant au sommet de la Ligue avec 62 victoires.
Ils n’eurent cependant pas des playoffs aisées. Loin s’en faut. Le premier tour avait d’ailleurs une bonne tête de piège, quand bien même les Lakers n’avaient plus le faste de la décennie passée. Néanmoins, James Worthy, Vlade Divac et Byron Scott en firent voir de toutes les couleurs aux ultra-favoris de la conférence, en menant 2-0. Précisons qu’en cette époque, le premier à 3 remportait son premier tour. Phoenix évita cependant sa mise à mort de manière un peu miraculeuse dans le game 3, pour remporter plus aisément les deux suivants et donner rendez-vous aux Spurs de David Robinson en demi-finale.
L’affrontement respecta – cette fois-ci – la hiérarchie. Les 26 points, 11 rebonds, 3,5 passes et 3,5 contres de Robinson n’y firent pas grand chose, et les Suns retrouvèrent les finales de conférence en 6 rencontres, sans trembler. En face ? Les Sonics de Gary Payton et de Shawn Kemp, 3e de la conférence Ouest (55 victoires, 27 défaites). L’affrontement ira au game 7, les Suns ratant leur balle de match lors de la 6e rencontre. Cet ultime match demeure dans les mémoires pour l’immense chantier réalisé par Charles Barkley face au pauvre Kemp : 44 points, 24 rebonds à 60% au tir. Cette performance est unique dans l’Histoire au stade des finales de conférence, et seul Wilt Chamberlain fît au moins aussi bien plus loin, en finale NBA (45 points, 27 rebonds au game 6 des finales 1970).
Résultat des courses : après avoir joué à se faire peur, Phoenix est toutefois parvenue à se glisser en finale NBA. Son statut de meilleure équipe de saison régulière, mais aussi celui de collectif qui a su se sortir de bien mauvaises passes, militent pour en faire le favori de cette finale 1993. Sauf que face aux Chicago Bulls de Michael Jordan, vous n’êtes jamais favori à ce stade de la compétition.
Certes, sur le papier, Phoenix n’a pas grand chose à envier au double champion en titre. Barkley est dans la forme de sa vie, Kevin Johnson est une munition de qualité et Dan Majerle est loin d’être un mauvais défenseur sur le poste d’arrière. Toutefois, et si cela peut aujourd’hui être discuté, nous maintenons que les Suns faisaient à nouveau office d’outsider au matin du 9 juin 1993, jour du game 1.
Ce statut n’est toutefois pas le même que celui de 1976. À cette époque, les cactus sortaient d’une saison moyennasse et leur présence en finale était très surprenante. Par principe, ils étaient donc outsider, et ils l’auraient été peu importe l’adversaire en face. En 1993, à l’inverse, Phoenix aurait certainement été le favori de sa finale NBA contre 28 autres équipes de la Ligue… sauf les Bulls.
La finale en donne une illustration magnifique. Chicago remporta le game 1 en terrain hostile (+8) avec 31 points de MJ, ce qui constitue tout bonnement son pire total de ces finales. Sir Charles répondit au match 2, avec 42 points, soit le même total que Jordan. Las, les taureaux retournèrent dans l’Illinois en menant 2-0. Et si les Suns réduisirent l’écart au game 3, Jordan inscrivit 55 points au match suivant, remporté in extremis par Chicago (+6). La série fût pliée en 6 rencontres, avec le tir fatal de John Paxson et le non-moins fatal contre de Horace Grant dans la foulée.
En somme, jamais au moment d’entamer ses finales NBA, les Suns n’étaient favoris de la série. La donne semble avoir changé en 2021, dans un affrontement intriguant face aux Milwaukee Bucks.
2021 : une surprise, vraiment ?
Pour répondre de prime abord à la question posée par le sous-titre, nous pourrions dire : oui… et non. La réponse affirmative doit être donnée si l’on se place au 22 décembre 2020. Personne, à part les plus rêveurs d’entre vous, n’espérait voir Phoenix en finale NBA 7 mois plus tard. Par contre, si l’on déplace le curseur temporel au 22 mai 2021, veille de la première rencontre de playoffs (face aux Lakers), la surprise n’en est plus véritablement une.
En effet, sur la ligne de départ de la conférence Ouest, les Suns pouvaient légitimement être considérés comme les n°2 de la conférence. Unanimement – ou presque – les observateurs considéraient l’équipe de Monty Williams comme plus impressionnante que le Jazz, les Mavs, les Nuggets ou les Blazers. Chris Paul, Devin Booker et consorts n’avaient d’ailleurs pas la tête de la victime à l’heure d’affronter Los Angeles. À vrai dire, seuls les Clippers pouvaient être considérés comme plus armés pour représenter ce côté du pays en finale NBA.
Certes, les Lakers étaient diminués. L’hydre à deux têtes constituée de LeBron James et d’Anthony Davis boitait dans tous les sens, ce qui n’empêcha pas l’équipe d’Hollywood de mener 2-1. Toutefois, une rechute des superstars condamna les chances de back-to-back des Angelenos, et Phoenix s’imposa finalement 4-2, sans jamais être inquiété lors des 3 dernières rencontres.
Diminués, les Nuggets et les Clippers l’étaient également. Denver, orpheline de Jamal Murray depuis un moment, n’avait clairement pas les cartouches pour faire face au backcourt des Suns. Les Clippers, eux, ont dû composer sans Kawhi Leonard, leur véritable franchise player. En somme, si l’on regarde froidement les différents affrontements, il est indubitable que la voie de Phoenix fût bien aidée par les blessures des adversaires. Pour autant, loin de nous l’idée ou l’envie d’ôter tout mérite aux Arizoniens.
En effet, rappelons d’abord que Chris Paul a d’abord été blessé à l’épaule, ce qui permis notamment aux Lakers de remporter les games 2 et 3 du premier tour. Rappelons ensuite que, positif au covid-19, le meneur rata les deux premières rencontres de la finale de conférence. En son absence, Cameron Payne, mais également Devin Booker ou Deandre Ayton, firent plus que le travail pour rester dans la course à la qualification.
C’est-à-dire que ces Suns version 2021 sont impressionnants de maîtrise. N’est pas fou celui qui viendra vous affirmer qu’il s’agit de la meilleure équipe de ces playoffs 2021. Chris Paul, quand il est présent, dicte le tempo comme le vétéran qu’il est. Mieux encore, il sait se muer en franchise player exceptionnel lorsque les siens en ont besoin, en témoignent ses 41 points pour clôturer la série de finale de conférence contre les Clippers… mais aussi ses 31 points au game 1 de ces finales (Phoenix mène effectivement 1-0 lors de la rédaction de ces lignes).
À ses côtés, il serait trop long de vanter les mérites de chacun de ses coéquipiers. Mentionnons toutefois les excellentes performances de Booker (son triple-double au game 1 des finales de conférence, avec 41 points… quelle merveille !), mais également celles de Deandre Ayton. Celui-ci fît taire l’ensemble des critiques qui pouvaient l’accompagner depuis sa draft, et réalise une campagne excellente, au scoring, mais surtout en défense. Maître de sa raquette, il est le parfait complément d’un Mikal Bridges également très efficient défensivement sur les lignes extérieures.
En somme, les playoffs des Suns ne furent pas un long fleuve tranquille, mais furent 3 combats maîtrisés quasiment de A à Z. C’est ce qui nous faisait dire, avant même de connaître le résultat de cette première rencontre, que les Suns sont, pour la première fois de leur Histoire, favoris de cette finale NBA. Une grande première, certes, mais qui n’étonne pas forcément tant les performances des hommes de Williams impressionnent depuis un mois et demie.
Pourtant, ce statut de favori n’est pas évident non plus. Il est toutefois renforcé par le fait que Giannis Antetokounmpo se soit blessé au genou en finale de conférence face aux Hawks. Le Grec a pourtant disputé cette première rencontre (20 points, 17 rebonds), sans que l’on sache avec exactitude s’il est à 100% de ses capacités (ce qui serait étonnant, vue la nature de sa blessure).
En l’absence du Grec (s’il venait à rechuter, ou s’il jouait diminué), il n’est pas impossible de considérer que les deux meilleurs joueurs de la série portent le maillot des Suns : Chris Paul et Devin Booker. Dans les bons soirs (pour lui) et les mauvais (pour eux), Deandre Ayton peut également venir jouer dans la cours des Khris Middleton et Jrue Holiday. Si tel est le cas, les chances des daims sont réduites à néant. Il n’est pourtant pas farfelu de voir Middleton – adepte des coups de chaud – se muer en sauveur sur une rencontre. De la même manière, peut-être qu’Antetokounmpo saura revenir en pleine possession de ses capacités. Dans ce cadre, si Phoenix reste à notre sens favori, la confrontation sera évidemment moins aisée à pronostiquer.
Nous n’entrerons pas plus dans les détails, puisque nous nous sommes essayés à l’exercice tant répandu des previews pour cette finale NBA. Il n’en demeure pas moins qu’il semblerait que, Ô grand jamais dans ses 51 années d’Histoire, la franchise des Phoenix Suns fût aussi proche d’accrocher une bannière au plafond de sa salle.
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L’affiche tord elle le cou des “superteams“?
Une fois encore, la question est volontairement taquine. Rassurez-vous, elle n’appelle pas d’aussi longs développements que la précédente.
Force est cependant de constater qu’au départ des playoffs, quelques “superteams” étaient présentes. Par-là, comprenez les équipes formées à grand coup de dollars et composées d’au moins deux superstars. On pense aux Nets, aux Lakers ou aux Clippers, notamment. Les premiers ont en leur sein 3 superstars (Durant, Harden, Irving), les seconds étaient champion en titre et les derniers faisaient office de favoris de la conférence ouest. Pour autant, on constate que l’affiche de cette finale NBA fait la part belle à deux roster moins lourdement équipés.
Phoenix possède certes deux All-star : Chris Paul et Devin Booker. N’oublions toutefois pas que le second nommé n’eut droit de disputer le match des étoiles qu’en raison de l’absence de Damian Lillard. De la même manière, si l’arrivée de CP3 dans l’équipe pouvait laisser présager de belles choses, son âge (mais aussi son contrat) nous firent oublier à quel point il pouvait changer la dimension d’une équipe. S’il l’avait démontré à OKC l’an dernier, nombreux étaient les sceptiques (dont je faisais partie, je le confesse) qui considéraient que cet ajout ne suffirait pas à mener Phoenix au-delà d’une demi-finale de conférence.
En face, les Bucks n’ont qu’un seul All-star 2021 dans l’effectif. Ce n’est d’ailleurs que la 4e fois qu’une telle équipe se hisse en finale NBA dans l’Histoire. Les trois précédentes ont d’ailleurs remporté le titre, en témoigne la bague des Cavaliers en 2016.
En somme, attendues au tournant depuis le début de la saison, les “superteams” ont déçu. C’est le constat que l’on pourrait dresser si l’on se contentait de regarder froidement les résultats et les éliminations.
Ce serait toutefois trop vite oublier les blessures qui ont frappé l’ensemble des trois équipes. On l’a dit, les deux stars des Lakers étaient diminuées. De la même manière, les Clippers perdirent Leonard en demi-finale de conférence, sans que l’on sache exactement la nature de sa blessure. Les Nets, eux, ne furent pas épargnés. Durant arrivé en playoffs après avoir été éloigné des terrains, et profita de sa série héroïque face aux Bucks pour redorer son blason. Irving, lui, manqua les 3 dernières rencontres de la série face à Milwaukee, tandis que James Harden traversa les joutes printanières tel le fantôme qu’il n’est habituellement pas.
Tout cela nous fait dire que aussi fraîche soit-elle, la confrontation entre Suns et Bucks ne saura définitivement cacher sous le tapis ces “superteams” qui, à n’en point douter, sauront mettre à profit leur été pour revenir au moins aussi forte l’an prochain. Et si le vainqueur 2021 sera inédit – a minima -, les mêmes rengaines risquent fort de revenir l’an prochain au début du printemps, et feront de Brooklyn, Los Angeles ou Philadelphia les grands favoris des playoffs 2022.
Profitons donc de cette série qui, à n’en point douter, sera riche en spectacle et en enseignements. Rien ne nous assure que, l’an prochain, nous ayons à nouveau droit à ce vent de fraîcheur qui, cette année, a balayé la Grande Ligue avec une vigueur presque historique.