Les Bucks devaient avoir la sensation d’avoir fait le plus dur après avoir survécu à Kevin Durant et aux Nets. Que pouvait-il y avoir de pire que de faire face à KD au sommet de son art ? Si le mot d’ordre, en interview d’après-match, était à la concentration, il devait être difficile de ne pas laisser le soulagement se transformer en relâchement. Les Hawks ne pouvaient effectivement pas être pris à la légère. D’une part parce qu’ils ne sont pas arrivés à ce stade de la compétition par hasard. D’autre part, parce qu’en dépit des railleries autour de Ben Simmons et Doc Rivers, les Sixers de Joël Embiid était bel et bien un gros morceau.
Désireux de faire une belle entrée en matière, l’objectif était clair pour Milwaukee : limiter au mieux Trae Young, en le coupant de son playmaking, notamment. Une tâche, qui sur le papier, est plus abordable que celle du tour précédent. Après tout, Young n’a que 22 ans, joue ses premiers Playoffs et a le bon goût de ne pas être un ailier de 2m11 aux bras interminables, n’est-ce pas ? Jugez-en vous même : le meneur terminera la rencontre avec 48pts, 7rbds, 11asts à 50% au tir.
… Et avec, en prime, la touche d’insolence qui aura marqué la soirée :
Retour sur cette performance, et les dilemmes que les Hawks et leur leader ont imposé à des Bucks probablement surpris. Et un peu décevant.
Un choix symptomatique
Les Bucks étaient bien entrés dans leur match prenant les devants au terme du 1er quart temps (+3) et consolidait cette avance pendant que Young prenait du repos. Désireux de sortir de cette line-up extrêmement réduite, affichée dans la fin de série face aux Nets, Mike Buldenhozer faisait réapparaître Bobby Portis (bien en jambes) et Jeff Teague. Initialement, les choses se passent bien, notamment pour le 1er très efficace, mais aussi le second qui participe à creuser l’écart. Sauf que, première étrangeté du coaching staff de Milwaukee, ces derniers décident de le laisser sur le terrain quand Trae réapparaît. Et les choses se corsent forcément.
Cocasse, les 9pts d’avance de Milwaukee vont fondre… face à Ice Trae. La première action donne le ton : Jeff Teague vient rencontrer Young très haut, ce dernier le dépose très vite grâce à l’écran de Capela et profite de la défense en drop des Bucks pour abuser de Brook Lopez… Ça rentre facile, comme dans du beurre.
Pas encore échaudés par cette opposition entre les deux meneurs, les Bucks gardent le même duel et surprise, quelques secondes plus tard, Teague décide de passer sous l’écran. Sanction immédiate, c’est un pull-up 3 de Trae.
Derrière une nouvelle action des Bucks, c’est rebelote. Young agresse Teague, ce dernier arrive un peu mieux à contester, mais Trae se créé assez d’espaces pour reculer sereinement et planter une nouvelle flèche de loin. Il vient d’inscrire 8 pts en 3 possessions. Cette fois, c’en est assez pour Buldenhozer qui se décide à rappeler Teague sur le banc. Temps mort pour les Bucks qui renvoient Jrue au charbon. Une prise de conscience bienvenue et qui va alors lancer un nouveau type de combat.
La chasse au match-up
Depuis le début des Playoffs, on attend qu’une équipe parte à la chasse à Young en attaque. Malheureusement, faute de personnel (Knicks) ou de véritable implication stratégique (Sixers), les Hawks ont toujours réussi à obtenir un bon rendement défensif en cachant Trae.
En revanche, eux, n’ont pas hésité à cibler les défenseurs adverses les plus faibles. Puisque les Hawks sont une équipe héliocentrique (où tout est bâti autour d’un joueur), il est capital de faciliter la vie de Young. Pour ces derniers, il faut donc lui éviter des duels face à Holiday, qui est le mieux taillé pour le gêner. Et au contraire, obtenir des face à face plus favorables. Jeff Teague, Lopez, Portis sont immédiatement devenu des cibles de choix. Mais également Giannis.
Comme pronostiqué lors de la preview, les Bucks démarrent avec une défense en drop. C’est-à-dire un intérieur qui bloque l’accès au cercle sur Pick&Roll et un premier défenseur qui fait de son mieux pour compliquer sa course et/ou son tir. Toutefois, comme évoqué dans la preview, l’objectif clair n’est pas d’empêcher Young de scorer, mais d’empêcher ses coéquipiers de prendre feu. Autrement dit, on concède un tir facile à mi-distance moins rentable, et plus acceptable qu’un Young à 3 pts, qu’un Young sous le cercle ou qu’un coéquipier ouvert (notamment à 3 pts). Grâce à cette défense, seuls deux joueurs sont impliqués sur le jeu à deux des Hawks, laissant aux trois autres un minimum d’espace à leurs vis-à-vis pour artiller (surtout que les Hawks ont du personnel pour ça).
Pour les Hawks, l’objectif est inverse : forcer la défense de Milwaukee à concéder des tirs à plus fort rendement . Et pour cela, Nate McMillan va s’appuyer sur des double écrans, pour choisir le meilleur vis-à-vis pour Trae. Voici le procédé : les Hawks posent un premier écran (via Gallinari) qui force Milwaukee à switcher. Résultat, Jrue lâche Young et Giannis prend le relais. Pour Trae, Giannis est déjà plus facile à attaquer. Difficile à abuser en 1 contre 1, certes, mais plus facilement manipulable en le faisant naviguer à travers des écrans, tout simplement parce que les joueurs de sa taille ne sont ni faits pour ça, ni habitués à cela. Mais mieux que Giannis, il y a Bobby Portis (intérieur plus classique). Puisque Trae n’a pu profiter du double écran pour passer le grec en première intention, John Collins vient placer un nouvel écran et cette fois Young dépose le double MVP et peut tranquillement attaquer Portis.
Mais revenons où nous avions laissé notre affrontement. Buldenhozer renvoie Holiday au charbon. Immédiatement, les Hawks adoptent un nouveau plan. Puisque ce n’est plus la défense de Teague, on retourne à du double écran. La mobilité des appuis de Jrue offre un tout autre challenge que son remplaçant. Mais si passer un écran n’est pas évident, en passer deux est extrêmement difficile. Jrue va contourner le premier, rapidement rattraper Young, mais ce dernier s’est créé suffisamment d’espace pour attaquer. Cela oblige Lopez à venir aider et contester le lay-up ce qui offre au meneur une passe “facile” pour Capela.
Une “facilité” à mettre entre-guillemets, puisqu’elle est plus révélatrice du niveau de Trae Young que de la simplicité de l’action en elle même. En plus d’être un excellent shooteur, le jeune meneur est capable de sanctionner le moindre espace et est déjà doté d’un handle élite, il a en prime une faculté d’improvisation dans ses passes et notamment en l’air qui en font une triple menace parfaite (et assez rare). Avec ce schéma offensif, le message envoyé par les Hawks est clair. Ces derniers s’en remettent complètement au meneur. Et à raison, puisqu’hier soir, ce dernier va contribuer à 72 des 116pts de son équipe. Un total monstrueux qui ne prend pas en compte les paniers marqués de manière indirecte sur des décalages qu’il a créé.
Face à la démonstration du meneur, qui termine le 3eme quart temps avec 37pts et 7 passes décisives au compteur, Mike Buldenhozer va alors sortir sa seconde carte défensive : le switch. Le tacticien des Bucks semble réserver ce schéma aux situations difficiles ou ne l’utiliser que plus loin dans les séries. Serait-ce la feuille de statistiques, le cross-3 pts et “shimmy” enchaînés (vidéo en intro) ou les différents alley-oops, dont ce parangon d’insolence (vidéo ci-dessous) du meneur qui décideront le tacticien des Bucks ?
Difficile à dire ! Toujours est-il qu’il s’y résoudra finalement dès le dernier quart temps de ce premier match. Pour cela, plusieurs mesures sont nécessaires. Les Bucks vont jouer “small-ball” (le terme est un peu galvaudé avec Giannis dans le 5), en retirant Brook Lopez et/ou Bobby Portis. Néanmoins, si cela a pour impact de gêner les pénétration de Young, cela soulève un nouveau problème, Antetokoumpo est plus loin de l’arceau, et l’équipe fait face sans intérieur de métier. Le risque évident : des rebonds offensifs pour l’adversaire. Comme le met en exergue HalfCourtHoops, une des problématiques fortes des Bucks sur cette rencontre fut d’ailleurs ce compartiment puisque que Milwaukee a autorisé 29% des rebonds offensifs possibles aux Hawks. De fait, même lorsque cela a marché, Trae Young requiert tellement d’adaptation, que l’équipe adverse s’affaiblit. Et cela donne ce genre de problèmes :
Une défense fragilisée, deux rebonds offensifs abandonnés et John Collins parachève un match de haut vol pour mettre les siens en tête. Atlanta ne flanchera pas et reprendra l’avantage du terrain.
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Le constat qui semble ressortir de ces Playoffs est clair. Pour qui croise sa route Trae Young est un problème. Un problème de taille puisque du haut de son mètre 85, il requiert déjà le même niveau d’adaptation que les plus grosses stars de la ligue. Il oblige chaque équipe qui l’affronte à décider entre se concentrer sur lui ou ses coéquipiers. Les Bucks en choisissant la première option, se sont vite trouvés si meurtris qu’ils ont rapidement tenté de changer de fusil d’épaule. Non seulement cela n’a pas suffit, mais en prime, il en ressort une performance historique. Si vous en doutiez encore, Trae Young est une Superstar. Et si cela ne vous suffit pas : Trae Young égalise un record de précocité de LeBron James. Aucun joueur n’avait marqué autant de points (48) dans le dernier carré des Playoffs à 22 ans ou moins. Le King devra désormais partager cet exploit avec Ice Trae. Et puis, qui sait, ces Playoffs ne sont pas terminés…