Dimanche soir, 21h30. Les Mavericks et les Clippers jouent le game 7 de ce premier tour des playoffs 2021. Comme tout fanatique de basket, j’étais devant mon écran pour assister au dénouement de la série la plus serrée jusqu’alors. Non, c’est faux, j’étais bloqué dans le train à la gare de Dijon en raison d’un bagage abandonné. J’ai donc assisté de très loin à la rencontre, en lisant les commentaires des camarades de l’équipe sur nos discussions privées.
Au final, visualisation ou pas, Dallas a perdu. Ou plutôt, pour rendre à César ce qui lui appartient, Los Angeles a gagné. Pour la seconde année consécutive, la saison des Mavericks s’arrête donc au premier tour de la post-season. Pour autant, ces 7 rencontres ne sont pas totalement dénuées d’espoirs, loin s’en faut. Toutefois, lorsqu’on se projette sur un avenir proche, on se dit également que le désespoir n’est pas forcément loin.
Des espoirs
Des individualités performantes
Les Mavs n’étaient pas favoris de la série. Chez QiBasket, le consensus avait opté pour un 4-2 pour L.A. Dans les médias américains, le son de cloche était absolument similaire. Et pour cause, pour rappel, les Clippers ont réalisé un chef d’œuvre de tanking pour éviter de rencontrer les Lakers au premier tour. Avec du recul et au vu de l’état de santé des pourpre et or, on se dit qu’un affrontement fratricide entre franchises hollywoodiennes aurait pu être doublement bénéfique pour les hommes de Lue ; ils auraient pu montrer qu’ils n’avaient guère besoin de petits calculs pour atteindre leur objectif, et qu’ils étaient en mesure de sortir de l’ombre de l’encombrant grand frère.
Pourtant, au bout de 2 rencontres, Dallas virait très largement en tête. Au moment de retourner dans le Texas, la franchise de Cuban avait 87,5 % de se qualifier pour les demi-finales de conférence. En effet, rares sont les équipes à avoir perdu les deux premières rencontres à domicile et qui surent inverser la tendance.
Si l’espoir était de mise, au-delà du score évidemment, c’est parce que Luka Doncic était très en jambes. Un triple-double avec 31 points (11/24 et 5/11 de loin) pour débuter la série et punir chaque mismatch, puis un 39/7/7 pour sceller l’avantage des Mavericks lors du game 2. Pour L.A, Doncic était infernal : Ivica Zubac est trop grand et trop pataud, Patrick Beverley est beaucoup trop petit, Paul George prenait le bouillon et Kawhi Leonard pouvait difficilement planter 40 points tout en défendant 40 minutes sur le jeune slovène. Pire, d’ailleurs ; Tyronn Lue, certes pas réputé pour ses ajustements tactiques, semblaient absolument à court d’idées pour venir contrer le génie adverse.
Pourtant, là était la clé. Sans Doncic, l’attaque des Mavericks devient rapidement statique, sclérosée, comme si le meneur européen jouait le rôle de liant entre les différents acteurs. Certes, Jalen Brunson dispose d’un tir correct et est élite dans l’attaque du cercle, mais il est très loin de pouvoir compenser les rares temps de repos de son homologue de la mène. L’héliocentrisme autour de Doncic se retrouve évidemment dans certains chiffres comme le usage rate, un indicateur qui permet d’estimer le nombre de possessions conclues par un joueur (tir, passe décisive, perte de balle). Au game 2, le numéro 77 affichait ainsi 47,6 % d’usage. Un chiffre monstrueux qui explique que l’ensemble de la série passait entre ses mains.
Il n’était pourtant pas tout seul. Tim Hardaway, clutch dans le game 1, réalisa également un excellent début de premier tour, avec 49 points cumulés en deux rencontres, à 11/17 du parking. Doncic possédait donc un lieutenant, certes incapable de créer pour quelqu’un d’autre que lui même, mais qui était manifestement très à l’aise pour conclure les décalages créés par l’attaque imaginée par Rick Carlisle. Il a d’ailleurs été performant et très satisfaisant dans l’ensemble des 6 premiers matchs, avant de se blesser à la cheville au début du 7è et de passer totalement à côté.
Que dire, de la même manière, de Dorian Finney-Smith ? En état de grâce total dans la première rencontre, il sut à merveille compenser son manque d’adresse lors de la revanche pour peser sur le match autrement : en grattant des rebonds, en défendant dur sur l’adversaire… Si le hustle devait avoir une définition en 2021, DFS serait a minima cité en guise de synonyme. Dès lors, malgré ses 3 petits points, il termina avec le meilleur +/- de la rencontre (+17), signe qu’il sait se rendre précieux sans même faire ficelle (1/6 au tir). Il le démontra encore lors de la rencontre fatidique, terminée en double-double et avec 6 rebonds offensifs grattés. 6, c’est plus que le nombre de rebonds pris par Porzingis en moyenne sur la série… des deux côtés du terrain.
Son compère sur l’aile, Maxi Kléber, réalisa également deux premières rencontres de belles factures, malgré une santé fluctuante. Meilleure cartouche texane pour tenter de freiner Leonard en attaque, il sait également enfiler les paniers lointains comme des perles quand il s’y met, en témoigne son début de game 2.
En clair, l’immense majorité des joueurs majeurs ont répondu bien présent. Notons tout de même que Porzingis contribua activement à doubler la mise, avec une seconde rencontre très qualitative, avec un panier très clutch. Toutefois, nous parlerons du Letton plus tard, malheureusement.
Un état d’esprit conquérant
Pour ne rien vous cacher, même à 2-0, je n’étais pas prêt à miser mon maigre PEL sur une qualification des Mavericks. Difficile, par contre, de mettre des mots sur cet état de défiance. S’appelle-t-il Kawhi Leonard ? S’appelle-t-il Los Angeles Clippers ? S’appelle-t-il inexpérience ?
D’ailleurs comme d’autres, lorsque les Clippers sont revenus à 2-2, j’imaginais la série pliée en 6 rencontres, à l’instar du Raptors-Bucks en 2019. Sauf qu’il n’en fût rien. Malmenés à domicile, les Mavericks sont revenus du Staple Center avec une troisième victoire dans la musette, mais également avec une double balle de match.
Malgré l’inexpérience des cadres, Dallas a ainsi su rebondir après deux défaites consécutives sur son terrain, dont une claque au game 4. Sur le dos d’un Doncic plus stratosphérique que jamais (42 points, 14 passes décisives, 37 tirs (45,9 %)) et impliqué dans 83,8 % des paniers des siens (record all-time), le troisième choix de la draft 2018 a marqué ce match charnière de sa classe et de son talent. Son leadership fût encore extraordinaire avant-hier, où le bonhomme fût impliqué dans 77 des 111 points des siens, record pour un game 7 dans l’Histoire. Marquant, certes, mais certainement également problématique.
Ce rebond, les Mavericks le doivent certes au Slovène, mais également à l’état d’esprit qui anime l’équipe depuis deux ans désormais. Souvenez-vous de la bulle d’Orlando, où Evan Fournier disait que les Texans étaient ceux qui mettaient la meilleure ambiance sur ce campus improvisé. Autrement formulé, le groupe vit bieng.
Cet état d’esprit, on l’a retrouvé également en fin de game 7 ; là où certaines équipes n’affichent pas le comportement attendu d’une rencontre de playoffs (on pense, mais sans tirer sur l’ambulance, aux Lakers lors du game 5 décisif), les Mavs ont réalisé un run de 13-3 pour recoller à 7 petits points de leurs adversaires, qui avaient pourtant presque match gagné à 10 minutes de la sirène finale avec leur avance de près de 20 points.
Il serait opportun, me semble-t-il, de capitaliser sur cette ambiance et cette volonté. Si les joueurs vont et viennent et influencent forcément le groupe, un état d’esprit demeure toujours. C’est comme cela que l’on se créé une identité. Les Grizzlies avaient le grit & grind, il serait bon ton de voir les Mavericks version Carlisle x Doncic imprimer durablement cette volonté de ne jamais rien lâcher. Toutefois, pour que cela puisse effectivement perdurer, certains ajustements, dont nous reparlerons ci-dessous, devront peut-être être réalisés.
Des fondements solides… et durables ?
On l’a dit, le roster des Mavericks est relativement jeune et inexpérimenté. Pourtant, l’équipe s’est découverte une véritable colonne vertébrale qui, si elle s’inscrit dans la durée à Dallas, permettrait à la franchise de viser plus grand, plus vite.
On pense dans un premier temps à Rick Carlisle. Excellent head coach depuis le début du siècle et présent à Dallas depuis 2008, il est membre intégrant du sacre de 2011 et demeure toujours un tacticien chevronné. S’il sembla peut-être hésitant dans certains choix du game 7, notamment sur l’utilisation d’une défense en zone manifestement moins efficace que le switch, il démontra tout de même qu’il était capable de répondre aux ajustements adverses, notamment en prenant le parti de jouer “tall ball” en intronisant l’immense Boban Marjanovic dans le 5 majeur à compter du game 5.
On pense ensuite évidemment à Luka Doncic, sur lequel on ne va revenir que très rapidement. Si les superlatifs viennent à manquer sur ses performances (46 points au game 7 encore, et déjà plus de rencontres de playoffs à +40 points que Lillard, Anthony, Malone ou Duncan), le slovène sera un Maverick encore 5 ans au moins. Lorsqu’on voit ce qu’il est capable de faire à 22 ans, imaginons son niveau de domination à 27.
On pense enfin au front office, stable depuis des années, qui a toujours démontré qu’il n’était pas frileux lorsqu’il s’agissait de provoquer du changement et de prendre des risques. Certains médias évoquent d’ailleurs déjà une intersaison mouvementée du côté de l’American Airlines Center.
Désespoirs
L’image est belle et, osons le dire, le tableau de l’avenir semble plus proche de la Comté que du Mordor. Pour autant, pour toucher du doigt ce futur réjouissant, quelques bémols doivent être gommés.
La défense ? Quelle défense ?
L’année dernière, la défense était déjà le talon d’Achille de l’effectif. Cette année, en saison régulière, Dallas n’a affiché que le 20e defensive rating de la Ligue (113). Plus encore, parmi les 16 équipes qualifiées en playoffs, seules Atlanta, Brooklyn et Portland affichent des statistiques défensives inférieures. Et si nous avons tenté de démontrer que la défense ne fait plus véritablement gagner des titres (ou pas que), seuls les Lakers 2000 ont remporté un titre avec ce que l’on peut appeler une “mauvaise défense”.
Sans même parler de titre, il faut s’appeler “Brooklyn Nets” pour espérer passer des tours de playoffs sans véritablement défendre. Alors effectivement, l’équipe possède quelques valeureux guerriers, comme Finney-Smith ou Kléber. Les chiffres permettent même d’affirmer que Doncic n’est plus un véritable poids-mort défensif. Cependant, la défense globale de l’équipe est mauvaise et il faudra que cela change si les Mavs souhaitent atteindre de nouveaux horizons printaniers l’an prochain.
Ainsi, globalement, les capacités défensives de Tim Hardaway Jr ne sont pas bonnes, même dans les victoires. Le cas Porzingis est plus épineux : par sa taille, le pivot Letton doit être en mesure d’être, a minima, un protecteur de cercle sérieux. Il ne l’est pourtant pas (plus) et il semblerait que la raison ne soit pas uniquement physique ; à plusieurs reprises, il a semblé afficher un cruel manque de hustle ou de motivation. Cela constitue évidemment un désavantage majeur alors que KP est l’unique joueur titulaire susceptible de défendre convenablement le panier.
Nous le disions dans notre preview, la tactique de “tout pour l’attaque” aurait pu fonctionner. Cependant, en face, les Clippers étaient capables d’être totalement insolents au tir, ce qu’ils ont démontré lors de la plus importante des rencontres. Face à Denver, Utah ou Phoenix, cette stratégie résolument offensive aurait certainement eu des meilleures chances de succès.
L’embellie ne viendra certainement pas de l’effectif actuel, qui ne semble tout simplement pas armé pour défendre correctement. Il faudra ainsi passer par un trade ou une série de trades pour ramener sous les ordres de Carlisle, des joueurs capables défensivement. Dans la raquette, nous pouvons penser à Myles Turner, constamment en partance de l’Indiana. Sur les extérieurs, on peut imaginer que les profils parfaits défensifs soient Matisse Thybulle, Royce O’Neal ou Danny Green. En somme, des 3&D.
En effet, pour l’heure, le rookie Josh Green ne s’est pas totalement adapté à la défense NBA (356è defensive rating individuel), alors que sa carte de visite pour la Grande Ligue était surtout sa défense. Ne jetons cependant pas le bébé avec l’eau du bain, l’arrière ayant présenté des flashs encourageants. La situation est plus alarmante pour Josh Richardson, transféré contre Seth Curry et présentant un profil défensif sur les lignes arrières. Décevant au début de la saison, il fût abyssal en playoffs au point d’être relégué au bout du banc des remplaçants, aux côtés des tourneurs de serviette et des presseurs de citron.
Par conséquent, si l’attaque texane semblent être placée dans de très bonnes mains, il est grand temps de ramener certains profils défensifs dans l’équipe. À tout le moins, à mon sens, le prochain palier sera plus aisément dépassé si l’équipe devient correcte défensivement que si elle s’entête dans une logique jusqu’au-boutiste offensive.
Une profondeur insuffisante
En l’état, difficile pour Rick Carlisle de mitonner une rotation complète et qualitative lorsque les matchs à élimination arrivent. Ainsi, 13 joueurs ont été utilisés, mais 4 d’entre eux n’affichent même pas 9 minutes de temps de jeu moyen (Green, Melli, Powell, Burke). Parmi eux, seul Powell a pris part à tous les matchs, mais dans un rôle très limité, hormis au 5è match où il fût particulièrement bon.
On retrouve ensuite un trio Willie Cauley-Stein, Jalen Brunson et Josh Richardson. Le pivot a quasiment vu son temps de jeu se diminuer par deux et n’eut qu’un impact minuscule sur le jeu. On peut en dire autant de Richardson, qui passait 30,3 minutes par match sur la parquet en saison régulière, pour 13 petites minutes en playoffs. Il ne joua que très peu sur les trois dernières rencontres, pour des performances catastrophiques, symbolisées par son game 7 : 6 minutes, -143 de net rating.
Il en va de même pour Brunson. Candidat au titre de 6è homme de l’année, le meneur de poche traversa la série comme un fantôme, incapable d’apporter quelque chose de positif aux siens. Pourtant, la seconde moitié de saison régulière avait été marquée par sa montée en puissance. Au final, avec -56 de net rating sur l’ensemble de la série et une seule rencontre avec un bilan positif (+9 au game 6), Brunson fût l’une des grandes déceptions de cette équipe. Nul ne doute pourtant qu’avec un meneur back-up plus performant, Dallas aurait pu plier cette série avant le match couperet. En effet, il aurait permis de mieux palier au repos de Doncic, voire aurait permis de mieux reposer ce dernier.
En effet, cette absence de vraie profondeur dans le roster a obligé Carlisle à tirer sur la corde du physique de ses titulaires. Or, Luka Doncic est loin d’être l’athlète le plus accompli de la Ligue. Il est grand, certes, et puissant. Mais il reste un beau bébé tout de même, qui n’est pas forcément fait pour enchaîner les matchs de 42 minutes tout en étant ciblé par l’ensemble de la défense adverse. Cette affirmation est confirmée par la statistique suivante :
- premiers quart-temps de Doncic sur les 7 matchs : 85 points, à 54% au tir et 48% de loin,
- second quart-temps de Doncic sur les 7 matchs : 71 points, à 62% au tir et 57% de loin,
- troisième quart-temps de Doncic sur les 7 matchs : 54 points, à 44% au tir et 32% de loin,
- quatrième quart-temps de Doncic sur les 7 matchs : 40 points, à 35% au tir et 28% de loin.
Indubitablement, le slovène souffrait physiquement en fin de rencontre, et cela semble bien plus lié au fait d’être ciblé qu’au fait de trimballer 5 kilos de trop. Recruter un second ball-handler capable d’apporter a minima 20 bonnes minutes en playoffs permettrait donc à Doncic d’être moins ciblé par la défense adverse et de souffler un peu plus longtemps. En l’occurrence, les profils intéressants sont nombreux. Qui sait alors si ses performances affichées en première mi-temps ne pourraient pas être répétées lors des 24 dernières minutes ?
Il faudrait donc à Dallas une seconde option offensive efficace. Celle-ci aurait pu être Porzingis. Elle aurait dû être Porzingis. Pourtant, l’intérieur européen a cloué son propre cercueil avec une série indigeste.
Diantre ! Que faire de Kristaps Porzingis ?
Ce sera le sujet majeur de l’été 2021 côté Dallas. Arrivé au Texas en janvier 2019, le Letton était alors indisponible suite à sa rupture des ligaments croisés. Son retour, certes intermittent en raison de certains rechutes, était très prometteur. Comme le faisait remarquer le compte français de franchise, Porzingis était le co franchise player de l’équipe à compter du mois de février 2020 et jusque dans la bulle.
Force est toutefois de constater que malgré une saison régulière pas mauvaise (20 points, 9 rebonds, 37,5 % de loin), quelque chose s’est cassé. Sur les 7 rencontres de la série, il présente les terribles statistiques de 13 points, 5,4 rebonds et 29,6 % de réussite à trois-points. Pourtant, son net rating global sur l’ensemble des matchs est positif (+28). Il est toutefois rentré dans le rang, au point que certains observateurs ne le considèrent désormais plus que comme un role player. La chute est terrible pour celui qui avait prouvé, l’an passé, qu’il avait les épaules pour jouer le rôle de lieutenant, voire d’exceptionnelle troisième option dans une équipe très ambitieuse.
N’épiloguons pas plus sur son dossier. En effet, vous aurez droit à un second article sous peu, qui reviendra plus en détail sur les alternatives des Mavericks par rapport à Porzingis. Faut-il envisager un trade ? Si oui, qu’espérer en échange…?
***
En conclusion, Dallas est éliminé, mais Dallas a peut-être de très beaux jours à venir. Les espoirs semblent, aujourd’hui, plus nombreux que les désespoirs. Pour autant, alors qu’il va falloir donner un contrat maximal à Doncic, la flexibilité financière va en prendre un coup. La franchise n’a-t-elle pas déjà raté un virage ? L’avenir nous le dira ; pour l’heure, faisons confiance à Mark, Rick, Luka et compagnie.