Nous y sommes. Ou tout du moins, ils y sont. Quoi que cela ait un sens un peu différent que vous soyez les Nets et les Bucks.
Pour les premiers, le premier tour apparaissait comme une formalité. Opposés à des Celtics décimés et sans véritables certitudes, il s’agissait de se chauffer et de commencer à gratter le potentiel de son trio. S’il a fallu un cinquième match pour se défaire de l’opposition, toujours est-il que l’ensemble a paru très maîtrisé pour la troupe new-yorkaise. Pour eux néanmoins, la campagne devait commencer à partir du second tour. Et ce sont donc les Bucks qui se dresseront sur leur route et avec, le double MVP : Giannis Antetokoumpo.
Les Bucks quant à eux ont vécu un premier tour qui s’avérait d’une importance capitale. Après avoir vécu un upset expéditif la saison face à Miami, difficile de voir cette revanche comme le fruit du hasard. Milwaukee souhaitait frapper un grand coup. Laver l’affront. Et les hommes de Mike Buldenhozer n’ont pas fait les choses à moitié en infligeant un cinglant 4-0 à Jimmy Butler et son Heat. Maintenant, ils sont enfin où les choses s’étaient arrêtées il y a un an. Et il est l’heure pour eux de partir à l’abordage.
Le révélateur du 1er tour
Enfin au complet. C’était probablement la principale arme à disposition des Nets pour ce premier tour. La troupe Kyrie Irving, James Harden, Kevin Durant n’ayant joué que 8 matchs ensemble cette saison, il va sans dire que Boston affrontait un mythe. Pour résoudre une équation à plusieurs inconnues, Brad Stevens devait en prime faire sans plusieurs cordes à son arc. Et sans surprise, le stratège n’a pas vraiment su déjouer l’énigme. Malgré un Jayson Tatum tonitruant, se jouant aisément de leur défense, les Nets se sont facilement défaits des celtes. Les Celtics ont eu quelques bonnes pointes au scoring, mais Brooklyn apparaissait comme tout simplement trop talentueux. Le trio a régulièrement fait exploser les compteurs. Et puisque la force de frappe opposée était insuffisante, rivaliser fut simplement trop compliqué.
On attendait un affrontement plus disputé de l’autre côté. Certes le Heat faisait un peu moins peur, certes les Bucks semblaient un peu renforcés. De là à imaginer un sweep ? Pas vraiment. Pourtant, le Heat a échoué. Après être passés tout prêts d’emballer la série en arrachant le Game 1 et l’avantage du terrain, ils n’ont malheureusement plus réussi à suivre la cadence. Pour éviter les mêmes problèmes que la saison dernière, le plan défensif de Milwaukee avait changé. Plutôt que de laisser Jimmy Butler cibler leurs défenseurs les plus faibles, ils se sont efforcés de laisser Giannis sur sa route. Incapable de trouver des solutions, Butler a semblé aux abois. Et alors que la star du Heat coulait, c’est tout le bateau qui prit l’eau. Milwaukee est dès lors entré en véritable démonstration. Un probable soulagement pour l’équipe, qui eut connu un premier tour parfait à cette exception : l’équipe a perdu Donte Di Vicenzo pour l’ensemble de la campagne. Shooteur capable de faire un peu de tout, son absence sera forcément préjudiciable… Et particulièrement face à leur prochain adversaire.
Affrontement en saison régulière
Comme pour d’autres séries, difficile de juger des affrontements de saison régulière. Quand il s’agit de Brooklyn, c’est et ce sera systématiquement le cas si leur parcours continue. Toute la saison, l’équipe a évolué sans un ou plusieurs membres de son trio. Le match-up avec les Bucks n’a pas réchappé à cette logique puisque jamais ils n’ont affronté Milwaukee avec leur roster au complet.
Dès lors, oui, la franchise du Wisconsin peut se targuer d’avoir remporté les débats puisqu’ils ont pris 2 de leurs 3 affrontements, toutefois, ils ne seront pas aussi préparés à leur adversaire qu’à celui du tour précédent, qu’ils avaient probablement sagement attendu toute la saison.
En voyant cette série, un soudain flash de 2018 m’a frappé. Plus précisément, une réminiscence des séries entre les Cavaliers & Celtics, mais également et surtout, celle entre Warriors et Rockets. Pas uniquement pour la présence de Kevin Durant et James Harden (d’autant qu’ils jouent désormais ensemble), mais pour l’aspect pléthorique des effectifs et la bataille tactique à laquelle nous devrions assister.
En saison régulière, les Bucks ont dû faire face à des Nets amoindris. De la revue de ces batailles, une problématique majeure semble se présenter. S’il était possible pour l’équipe d’opposer des défenseurs d’élite à Brooklyn lorsqu’ils possédaient un duo, ils ne possèdent pas vraiment de quoi garder le cap avec la réunification du trio. En effet, durant leurs affrontements en saison régulière, Jrue Holiday a été, de loin, le joueur qui s’est le plus longtemps chargé de Kyrie Irving.
… Il est également le joueur qui s’est chargé le plus longtemps de James Harden. Dès lors, si le clonage n’est toujours pas autorisé d’ici samedi soir, alors le problème se profile. Car Steve Nash alignera ses deux arrières ensemble. Et les Bucks ne possèdent pas un autre joueur à mettre sur la route des Nets. Par ailleurs, comme susmentionné, la perte de Donte DiVicenzo vient s’ajouter à la liste des problèmes. Il était le second arrière désigné à s’occuper de l’autre star. Et si Milwaukee est devenu une équipe plus dangereuse en récupérant Jrue Holiday. Elle a aussi perdu en profondeur. Or aucun arrière à disposition ne semble disposer des qualités physiques pour contenir Kyrie ou Harden.
Autrement dit, est-ce que les Bucks peuvent suffisamment bien défendre pour limiter au maximum deux membres du trio ? Et en ce faisant, est-ce qu’ils peuvent l’emporter en leur faisant payer de l’autre côté du terrain ?
Le Heat représentait un challenge, mais Butler était l’unique gros problème. Mike Buldenhozer voit maintenant triple. Et ce n’est pas l’alcool.
Match-up et clés de la série
Chasse au match-up, Scram Switch, opposition défensive
Si cette série a un air de 2018, c’est parce que ces Nets sont de véritables chasseurs. Kyrie, Harden, KD sont tous des techniciens tellement doués qu’ils vont sans cesse tenter d’exploiter les défenseurs faibles adverses pour marquer en isolation. Pour vous donner un ordre d’idée : en saison régulière, les Nets étaient l’équipe la seconde équipe la plus efficace en isolation avec 1,05 points par possession. Et la seconde équipe à en jouer le plus (10,9 par rencontre). Enfin réunis, ils sont en Playoffs l’équipe qui en joue de très loin le plus (26,4 !) et, terreur : ils marquent 1,21 points par possessions. S’il faut relativiser la performance face à des Celtes qui n’étaient plus la forteresse d’antan (13eme defensive rating) et en prime privés de Jaylen Brown, la donnée a de quoi effrayer. D’autant que si l’équipe joue peu de pick&roll, elle est toute aussi létale dans l’exercice 1,18 points par possession.
A ce titre, si dans certaines circonstances, vous pourriez chercher à forcer ces joueurs à lâcher le ballon par des aides ou des prises à deux, il y a deux problèmes majeurs. Un cela ne fait que décaler le problème, puisqu’il y a un autre joueur tout aussi doué pour vous sanctionner. Deux, il y a un supporting cast de qualité avec des shooteurs d’élite (Joe Harris, en tête de liste) mais aussi des joueurs capables de se déplacer dans les espaces et sanctionner (une pensée pour Blake Griffin).
Autre point à élucider : Face au Heat, Giannis (ou autre vis-à-vis), pouvaient travailler plus facilement car Jimmy Butler ne représente pas un danger à longue distance. Avec moins de 25% à 3 points, il offrait à Giannis la possibilité de passer sous les écrans pour le récupérer. Ses longs segments lui permettant éventuellement de rattraper des espaces. Face aux Nets, ce type de largesse ne seront pas possible. Que ce soit face à Kevin Durant, James Harden ou Kyrie Irving.
D’autant que si l’objectif des Bucks sera d’opposer leurs meilleurs défenseurs aux stars de Brooklyn, ces derniers ne se contenteront pas de cette difficulté. Ils chercheront à concéder des switchs de Milwaukee, dans le plus pur style des Rockets de Mike D’antoni, toujours présent aux côtés de Nash sur le banc. Les Nets voudront s’en prendre à Bryn Forbes, à Brook Lopez, à Bobby Portis, à Jeff Teague (s’il joue) voire à Pat Connaughton. C’est dans ces conditions que Mike Buldenhozer pourrait faire appel au Scram Switch.
Technique mise au point par les Warriors de Steve Kerr, elle vise à corriger les matchs-ups désavantageux, notamment au poste bas, en opérant un échange de joueur avant ou pendant que la passe est effectuée. Si cette tactique est risquée, dans la mesure où elle demande une coordination millimétrée entre les défenseurs, elle permet, bien exécutée, de refuser des points faciles à l’adversaire. Un exemple ? Les Celtics, en 2018, font face aux Cavaliers. Cleveland a décidé de cibler Terry Rozier facilement attaquable pour LeBron et Love. La réponse, des Scram Switch pour remettre le bon défenseur face au frontcourt des Cavs :
L’objectif sera en ce faisant d’éviter que Kevin Durant, James Harden, Blake Griffin se retrouve face à des adversaires plus petit ou plus lent, selon leurs qualités personnelles.
Oppositions défensives ?
Comme évoqué précédemment, il faudra aussi trouver quelles oppositions les Bucks souhaitent face aux Nets. Si Jrue Holiday sera assigné à Kyrie ou Harden, il convient à suite de déterminer comment gérer Kevin Durant. De là, vont dépendre pas mal de choses.
En effet, l’opposition qu’on est en droit d’attendre : Giannis. Le Grec est probablement le seul joueur au monde, de taille équivalente à KD et capable de le suivre au large, de lutter à travers les écrans pour limiter l’espace disponible (si vous souhaitez un article sur le sujet, cliquez ici). Néanmoins, les Bucks aiment également bien défendre avec un Giannis en électron libre. Ne vont-ils pas, de fait, tenter de régulièrement attacher Khris Middleton à Kevin Durant pour libérer Giannis ? Ou l’assigner à une autre star des Nets (n’oublions pas, Jrue ne peut en garder qu’une) ? Par ailleurs, quel temps de jeu sera assigné à P.J Tucker, également arrivé pour ce genre de tâches défensives et encore capable de donner de bonnes minutes ?
De même, si Giannis défend sur KD, est-ce envisageable de voir Middleton être lancé sur James Harden pour éviter que le match-up attitré du barbu se trouve être Pat Connaughton ?
Connaughton est en effet un joueur très vertical capable de proposer de bonnes aides, mais l’absence de Di Vicenzo pose un problème direct : aucun joueur (Forbes ou Connaughton) ne représente une opposition de choix, pour un face face avec les arrières de Brooklyn.
En bref, il y a pas mal de possibilité pour Mike Buldenhozer. Et si la défense des Bucks n’est plus première de la NBA, c’est aussi parce que contrairement aux saisons précédentes, elle a expérimenté en défense durant la saison régulière. Cette méthode de préparation sera-t-elle suffisante pour rendre l’équipe plus flexible et plus créative ? Réponse dans la série.
Contrôler les fautes.
Dernier élément concernant la défense des Bucks : la gestion des fautes. Les Nets, avec 3 esthètes offensifs sont forcément des équipes qui vivent sur la ligne des lancers. Avec 27,4 lancers par match dans la série précédente et 25,6 en saison régulière, Brooklyn obtient beaucoup de points sur la ligne, mais pose également des problèmes de fautes aux joueurs assignés en défense. Or si les Bucks réussissent à éviter les match-ups désavantageux, cela veut aussi dire que ce sont leurs propres moteurs offensifs qui seront très impliqués en défense (Jrue Holiday, Khris Middleton, Giannis Antetokoumpo).
La bonne nouvelle pour Milwaukee, c’est qu’elle a le second ratio de lancers accordés à l’adversaire sur la saison. Autrement dit, l’équipe sait bien défendre sans concéder des tonnes de lancers à l’adversaire. Reste à voir si elle maintiendra le cap quand en face se trouve de telles machines offensives sur toute une série.
Défense des Nets ?
Pour autant, si on a tendance à résumer la série à la faculté des Bucks à contenir les Nets, il ne faut pas oublier que Brooklyn va aussi devoir défendre une très bonne attaque (5eme offensive rating en saison régulière) et qu’ils n’offrent pas de grandes garanties de ce côté du terrain. En régulière, les Nets avaient le 22eme defensive rating NBA. En Playoffs, l’addition est encore plus salée avec leur 115,9pts encaissés pour 100 possessions. Si on pouvait être tenté de relativiser leur implication défensive face aux celtes, tant la marge offensive était énorme, il est aussi nécessaire de rappeler à nouveau que plusieurs joueurs majeurs de Boston étaient absents, et pas des moindres en attaque (Kemba Walker en partie, Jayson Tatum ou même Robert Williams).
Brooklyn a fait le choix très simple de TOUT switcher en défense. Pas d’énergie perdue à combattre les écrans, mais la nécessité d’être bien coordonnée car le switch initial s’accompagne de switch off-ball pour éviter les match-ups vraiment trop désavantageux.
Toutefois, si les Bucks sont déterminés à exploiter rapidement Brooklyn dès le switch, il va y avoir un certain nombre de situations assez peu confortables pour Brooklyn :
- Jrue Holiday poste bas face à Kyrie
- Giannis et Lopez au poste face à presque tout le monde
- Les intérieurs au large face aux stars des Bucks
- Les situations d’isolations avantageuses (potentiellement nombreuses) : en effet, si c’est peu mentionné, les Bucks ont été l’une des équipes les plus efficaces de la ligue en iso (5eme). Pas certain que ce soit néanmoins ce que veuillent les Bucks, puisque le blueprint de la défense sur Giannis reste de forcer la star de Milwaukee à jouer l’isolation en l’attendant au poste bas. Toutefois, Middleton et Holiday auront également une part à jouer sur ces séquences.
- Les situations en transition. On peut assumer que les Bucks donneront plus de fil à retordre aux Nets que d’autres équipes en défense. Et de fait, qu’ils auront plus de situation de transition que la moyenne. Or redisons-le, les Nets ont peu joué ensemble au complet. Si Milwaukee arrive à attaquer les switchs avant que la défense soit replacée, il y a un paquet de points faciles à obtenir.Par exemple, avec un double screen permettant à un joueur de s’écarter, l’autre de s’ouvrir un champ vers le panier :
En outre, les Bucks vont chercher à envoyer les intérieurs de Brooklyn au large et à amener les arrières dans la raquette. Si les switch off-ball des Nets représentent une réponse, on peut douter de la discipline globale et l’équipe et de leur faculté à exécuter au long cours d’une série. Et ce point est évidemment à surveiller car aller au titre avec une défense hors du top 20, n’est pas chose facile quand les choses sérieuses commencent. Et elles commencent maintenant.
Les qualités athlétiques au secours de Milwaukee ?
C’est un aspect un peu plus difficile à évaluer. Tout du moins, il dépend des notions que l’on met derrière les qualités athlétiques. Néanmoins, si on les place sur rapport de vitesse, de verticalité et de puissance physique, les Bucks ont un coup à jouer sur leur densité. Ils sont plus jeunes, plus mobiles et plus costauds, dans l’ensemble. Par ailleurs, les Nets largement économisés cette saison, sont certes, frais, mais sont-ils prêts à encaisser l’impact physique de leur adversaire si la série venait à s’éterniser ? Particulièrement pour un joueur comme Durant ayant traversé une lourde blessure et pas mal de petits pépins tout au long de la saison. Quid de l’impact d’un face à face avec Giannis ?
Par ailleurs, dans le jeu, cette puissance va aussi se matérialiser dans certains compartiments. Dont un, précisément : le rebond. Les Bucks sont les maîtres incontestés du rebond sur ce premier tour de Playoffs (57,5% des rebonds arrachés face au Heat). Les Nets, à l’inverse ont été malmenés par Boston au tour précédent, malgré un effectif amoindri et l’absence d’un véritable “freak” comme on en trouve à Milwaukee. Le rebond est le parachèvement d’une défense et les Nets offrent peu de garanties en défense face à une équipe talentueuse. Ils vont ainsi devoir assumer leur défense de switch contre une équipe plus talentueuse que les celtes, mais également éviter de payer les pots cassés en concédant 4 défenses réussies sur 10 une seconde chance aux Bucks.
A fortiori que ce genre de points faciles obtenus sont préjudiciables, mais qu’ils offrent également un boost d’énergie à l’adversaire.
Pronostic & mot de la fin
Si cette série sera probablement la plus scrutée du second tour, c’est car elle promet sur le papier un affrontement titanesque. Le strass et les paillettes d’un côté avec la technique de Brooklyn, la sueur et le muscle de l’autre avec des Bucks impressionnants physiquement. Difficile de savoir vers quel côté penchera la balance. Les Nets ont l’avantage du terrain, et s’ils sortent à 2-0, cela pourrait être dur de leur arracher la série. Dans le même temps, si Milwaukee vole l’avantage ou réussi à répondre à domicile, la série pourrait durer et dans ce cas, cela me semble complètement à leur profit.
Dans la mesure où il est difficile (et triste) d’imaginer un tel match-up être réglé de manière expéditive, nous penchons pour une courte victoire de Milwaukee. Et puisqu’on veut que cela dure et qu’on ne souhaite visiblement pas se mouiller outre mesure : Bucks in 7.
Brooklyn Nets 3 – 4 Milwaukee Bucks