Le temps où ces deux franchises s’affrontaient en Playoffs n’est pas si lointain. En 2019, les deux équipes voyaient la vie en rose. D’un côté, les Denver Nuggets, l’une des sensations de la saison, terminaient à la 3eme place, recouvraient les Playoffs et filaient en demi-finales de conférence avec un très jeune groupe. De l’autre, les Portland Trail Blazers confirmaient, en arrivant une fois de plus à ce stade de la compétition, en sortant d’un premier tour très maîtrisé pour gagner le droit de faire leurs premières finales de conférences de l’ère-Lillard.
Se dessinera un duel de haut vol, puisque non contentes de disputer un Game 7 très accroché, les deux équipes allaient s’offrir le record de prolongations en Playoffs sur un match. Au sortir de l’ultime rencontre, Portland, pourtant à la traîne sur la série, allait gagner son ticket pour affronter les Warriors derrière un CJ McCollum tonitruant tout le long de la série et la ponctuant de la plus belle des manières : 37pts, 9rbds.
Depuis, les effectifs ont bien changé. Et si le futur MVP aurait pu faire des Nuggets et de ses coéquipiers les grands favoris de cet affrontement, la blessure de Jamal Murray et celles de plusieurs joueurs majeurs pourraient bien avoir rebattu les cartes de ce 1er tour de Playoffs. D’autant que, si les Trail Blazers ont mangé leur pain noir durant cette saison, l’équipe semble prête pour les joutes de printemps.
Décryptons la série à venir dans cette Preview.
Dynamiques fin de saison
Si la blessure de Jamal Murray, mais aussi celles de Monte Morris, PJ Dozier et Will Barton planent sur ce premier tour de Playoffs, la fin de saison des Denver Nuggets fut, malgré tout, de toute beauté. Nonobstant les absences qui se sont additionnées au fil des matchs, les hommes de Mike Malone vont s’affirmer avec le 3ème pourcentage de victoire de la ligue depuis la blessure de Murray. Véritable révélation des Playoffs de la bulle, le meneur a toujours été le second moteur de cette équipe dans le jeu à deux avec Nikola Jokic, et si la philosophie “next man up” de Denver fait merveille, il n’en reste pas moins que le manque de menaces balle en main pourrait poser problème à l’équipe, une fois les défenses capables de s’adapter, sur l’ensemble d’une série.
Pour autant, on murmure dans le Colorado qu’en plus de Monte Morris fraîchement revenu, Will Barton et PJ Dozier seraient également proches d’un retour. De quoi donner de multiples options à Mike Malone puisque, si le coach des Nuggets ne peut plus compter sur Murray pour ces Playoffs, les attentes sont toujours au RDV. Entre la résilience de l’équipe, ses progrès en défense sur les 18 derniers matchs (10eme défensive rating) et les progressions interne, il y a de quoi poser des problèmes aux Trail Blazers. A l’instar de Michael Porter Jr, parmi les plus belles progressions de cette saison et déjà scoreur hors-pair pour un sophomore, l’équipe possède toujours des ressources. Et si l’effectif a changé, avec les départs de Gary Harris et de Torrey Craig (qui ne pourront pas se charger de Lillard-McCollum cette saison), et les arrivées d’Aaron Gordon et JaVale McGee, certains éléments clés de 2019 pourraient se retrouver dans le jeu.
Côté Trail Blazers, la fin de saison fut également solide. 10 victoires en 17 rencontres sur le dernier mois de compétition, des progrès défensifs rassurants après avoir affiché durant l’essentiel de la saison l’une des pires défenses NBA (29eme defensive rating) et une faculté retrouvée à enfin gagner des rencontres sans nécessairement passer par le money time. Car oui, si pendant l’essentiel de la saison, la bonne dynamique de l’équipe tenait dans sa faculté à dominer les fins de matchs serrées et à vaincre les équipes plus faibles qu’elle, elle s’est “rassurée” en fin de saison. Moins performante dans le clutch, elle a en revanche trouvé le moyen de progresser en défense (18eme defensive rating sur le dernier mois de compétition).
Mieux, derrière les retours de McCollum et Nurkic, revenus après de longues absences, et le nouvel arrivant Norman Powell, débarqué, de Toronto, l’équipe a même su trouver chez ses titulaires un groupe capable de battre le fer et de s’imposer comme une des meilleures rotations NBA.
De Cleaning The Glass, via @GuillaumeBinfos
Si la défense est un élément crucial sur lequel il convient d’appuyer en Playoffs, c’est aussi car les deux équipes vont faire face à l’élite en matière offensive. Sur l’ensemble de la saison, on trouve deux des meilleures franchises de la ligue en attaque (6eme off’ rating pour Denver, 2eme pour Portland). Et si les multiples blessures ont un peu ralenti les Nuggets (14ème), malgré la présence toujours aussi solaire de Nikola Jokic, les Portland Trail Blazers sont, eux, intenables depuis 1 mois : 1er, 121,2 au rating.
Mais alors, qu’en fut-il lors des affrontements cette saison ?
Affrontements de la saison régulière
Par 3 fois ces équipes se sont affrontées cette saison. Si les Nuggets l’ont emporté à 2 reprises sur 3, il est difficile de faire pleinement confiance à cet échantillon. En effet, une fois mis de côté la large victoire des Trail Blazers dans le dernier match de la saison, où les Nuggets n’ont pas semblé vouloir l’emporter et ont largement reposé leurs joueurs, on remarque que les deux autres matchs ont aussi été disputé dans des conditions pas forcément représentatives.
Lors du premier affrontement (23 février), les Nuggets possédaient encore Jamal Murray et Aaron Gordon n’était pas arrivé. En face, les Trail Blazers étaient toujours privés de CJ McCollum et Jusuf Nurkic, tandis que Gary Trent Jr et Rodney Hood n’avaient pas encore été échangés pour Norman Powell.
C’est donc la rencontre du 21 avril, remportée d’un point par les Nuggets (106-105 à l’extérieur) qui semble la plus représentative de ce que nous pourrions voir pour cette post-saison, autant dire que le flou règne…
Qu’apprendre ?
Pour Denver, une interrogation se dessine clairement : comment défendre Lillard… mais aussi McCollum ?
Les Trail Blazers, années après années, ne changent pas réellement. Comme chaque saison, un énorme volume de création provient de son duo d’arrières. La balle circule peu, ainsi, de nombreuses équipes sont tentées de retirer la balle des mains de leur principal danger : Damian Lillard. Pour ce faire, il convient d’appliquer une forte pression sur le joueur. En jouant le Blitz, les équipes poussent donc le joueur et ses coéquipiers à s’adapter : soit réussir à sanctionner la prise à deux, soit placer le bon écran pour libérer son meneur. Aucun joueur en NBA n’y fait plus face que Dame – lui – grand adepte du pick&roll et de l’isolation. Selon Kevin O’Connor, le meneur à fait face à cette solution 406 fois cette saison. Problème pour Denver : en cette fin de saison, à chaque fois que cette solution a été appliquée par la défense, le meneur y a très bien réagi. Face au Blitz, Lillard marque 1,2 pts par possession. Une nouvelle d’autant plus mauvaise pour la franchise du Colorado que cette stratégie, dont l’objectif est de mettre pression sur le porteur de balle en envoyant les deux joueurs défendant le P&R à l’assaut, fut à la base même du système défensif de Denver et cela dans le but de protéger Nikola Jokic durant plusieurs saisons.
Le switch, un peu plus efficace, n’est effectivement pas vraiment une arme possible pour les Nuggets quand Nikola Jokic est ciblé, ces derniers y préférant la défense en drop, durant laquelle le pivot laisse le tir à mi-distance au meneur en protégeant la raquette. Or soyons honnête, les Playoffs, plus que la saison régulière est une chasse sans merci au mismatch. Et si la perte de poids du géant Serbe lui permet de bien maîtriser ces systèmes défensifs, il conviendra encore pour le reste de l’équipe d’appliquer des rotations de très bonne qualité, si le Blitz est choisi (schéma choisi 8% des possessions cette saison, mais peu contre Portland).
Néanmoins, si Lillard brille face à ce schéma, ses coéquipiers n’arrivent, quant à eux, pas vraiment à profiter des espaces que cela créé (seulement 0,98pt par tir pris). Les Nuggets pourraient alors se satisfaire de ce système, surtout que l’équipe est habituée à cette manière de défendre et possède désormais Aaron Gordon, bien meilleur défenseur collectif que Jerami Grant pour combler les brèches.
Ce serait toutefois sans compter sur CJ McCollum, capable de les sanctionner sévèrement et qui les avait déjà brisés en 2019. Nurkic, absent à l’époque, pourrait aussi se révéler problématique offensivement grâce à sa capacité de création poste haut.
Durant le match du 21 avril dernier, la défense des Nuggets fut plutôt efficace sur le meneur. Cantonné à 9/23 au tir, pour seulement 22 points, l’équipe n’a par ailleurs pas vraiment appliquée un traitement spécial à Lillard.
Autre élément à surveiller et enseignement de ce match, cette fois pour Portland, fut l’aisance de Michael Porter Jr. Si le sophomore n’a pas fait péter les scores contre les Trail Blazers, il a en revanche fait preuve d’une aisance inquiétante. Il faudra réserver un traitement solide à l’ailier pour ne pas le laisser prendre ses marques à distance et pour cela, Portland devra compter sur Covington mais aussi Powell tout juste arrivé. Avec une adresse historique au tir après seulement 2 saisons, il conviendra de surveiller l’impressionnant 46,5% à 3pts sur catch & shoot de l’ailier, mais aussi ses coupes caractéristiques de son activité, des pièges tendus par ses coéquipiers et du jeu autour de Jokic. Exemple : cette coupe de Campazzo qui fait hésiter Powell suffisamment longtemps, pour offrir une ouverture très satisfaisante pour un shooteur aussi létal (et grand) que MPJ :
Match-up & clés de la série
Comment remplacer les pertes de Gary Harris & Torrey Craig ?
En 2019, les Nuggets avaient perdu. Pourtant, ils avaient réussi à faire déjouer (40,7% au tir dont 28,6% à 3 pts) un Damian Lillard en état de grâce après son premier tour face à OKC. Et pour cause, Portland avait su l’emporter grâce au travail de McCollum, mais aussi du manque d’aide en attaque pour Nikola Jokic. Depuis, Denver a laissé partir Craig et a choisi de transférer Gary Harris au profit d’un défenseur à l’aile, en la personne d’Aaron Gordon. Une perte de personnel défensif sur les lignes arrières certainement pas étrangère aux difficultés défensives subies pendant l’essentiel de la saison. Ainsi une question se pose : que mettre face à Lillard & McCollum pour éviter de prendre l’eau ?
Une interrogation d’autant plus grande qu’entre les nouveaux arrivants (Shaquille Harrison, Austin Rivers), les joueurs encore blessés (Will Barton, PJ Dozier) et de très longues rotations sur les lignes arrières (Facundo Campazzo, Markus Howard), le choix ne sera pas facile pour Mike Malone. Surtout pour un coach qui peut être long à s’ajuster en post-saison.
La bonne nouvelle toutefois, c’est qu’il a des joueurs à opposer aux arrières adverses. Voici une liste de possibilités :
- Facundo Campazzo, limité par sa taille il s’avère toutefois un défenseur très dynamique, agressif et capable de lire les lignes de passe. Une vision qui lui permet de voler beaucoup de ballons et être un plus pour la défense de Denver.
- Shaquille Harrison. Très limite offensivement, l’arrière, à la manière d’un Craig, est un défenseur hors pair. En sa présence, les adversaires marquent -3,7pts pour 100 possessions, l’efficacité offensive adverse chute drastiquement alors que leurs pertes de balle augmentent. S’il ne peut être utilisé sur de très longues séquences, il peut être intéressant face à une équipe contre laquelle il faut couper la tête du serpent.
- PJ Dozier. On ne sait pas si le meneur pourra jouer dès le début de la série, en cours, ou pas du tout. Le statut de sa blessure a évolué et laisse donc penser que tout est possible. Peu de joueurs considérés comme des role players, n’étant même pas des titulaires indiscutables, peuvent se targuer d’avoir un tel impact sur leur équipe. C’est pourtant le cas du joueur dont les chiffres sont sans équivoque (impact on/off offensif et défensif, voir rectangle vert) :
De fait, s’il est difficile de savoir qui aura du temps de jeu dans ce large back-court et comment les temps de jeux seront répartis. Le banc des Nuggets n’est pas exsangue de solution. Reste à Mike Malone, fervent prêcheur de la défense, à faire les meilleurs choix quitte à bouleverser la hiérarchie de l’équipe (chose qu’il peine à faire avec un effectif au complet).
Existe-t-il une solution à Nikola Jokic ?
Pour Portland, cette question doit agiter le coaching staff. Très probable MVP de la saison, le Serbe avait déjà fait de lourds dégâts à Portland en 2019 (27pts, 13,9rbds, 7,7asts – 52,4% au tir dont 46,6% à 3pts). Depuis, le joueur apparaît en meilleure forme physique, encore plus capable de prendre le match à son compte (au scoring notamment), et tout simplement plus fort dans divers compartiments du jeu. Premier pivot capable de porter une telle charge de création, le plan de jeu des Nuggets est sans véritable équivalent (historiquement parlant), et la solution pour faire déjouer le serbe n’a pas été trouvée. Si les Lakers avec des intérieurs très athlétiques ont su lui poser des problèmes l’an passé, la paire Nurkic-Kanter n’est pas vraiment armée de la sorte.
Par ailleurs, si la présence du bosniaque améliore la défense de son équipe (meilleur rim protection), il n’est pas LA solution idoine pour vraiment gêner son ancien coéquipier. De fait, les Blazers vont devoir faire un choix entre le laisser faire des dégâts au poste (1,12 pts par tirs pris) ou tenter, comme d’autres, de faire des prises à deux pour le pousser à lâcher la balle. Le soucis, c’est que ce plan de jeu fonctionne mal et ceux qui s’y sont essayés encaissent 1,4pts par tirs pris par les Nuggets.
Cette saison, Jokic fut maladroit de loin face à Portland, ce qui ne l’a pas empêché de faire un véritable chantier à l’intérieur. La véritable question qui s’impose en réalité est la suivante : comment limiter ses coéquipiers ? En l’absence de Jamal Murray, isoler le pivot est peut-être la meilleure solution pour la troupe de Terry Stotts. Encore faudra-t-il suivre le mouvement de balle des Nuggets.
Le rebond !
En Playoffs, le rebond est souvent un enjeu déterminant. Maîtriser son rebond défensif et arracher des possessions peut changer le cours d’une série. Enes Kanter l’a prouvé en 2019 face à Denver. Cette saison, le turc est encore l’un des meilleurs en la matière avec ses 3,9 prises par rencontre. Autant de secondes chances permettant de creuser ou réduire un écart. Or, si Kanter a de quoi effrayer dans ce compartiment du jeu, il faudra pour les Blazers faire une affaire de leur rebond. Denver est en effet une équipe intraitable dans ce compartiment. 2eme au % de rebond offensif sur la saison, 1ere depuis l’arrivée d’Aaron Gordon, elle possède un front-court grand et athlétique. Mais également des joueurs très capables sur le banc : JaMychal Green, Paul Millsap, JaVale McGee.
Pour autant, avec la polyvalence de leurs ailiers et deux pivots rugueux sous l’arceau, Portland a des armes à faire valoir. Et selon les choix tactiques et les line-ups choisies par les coachs, cette bataille pourrait bien pencher d’un côté comme de l’autre.
Les bancs
Nous le disions tout à l’heure, la défense de Portland s’est grandement améliorée dans le dernier mois de compétition. En particulier lors des 12 derniers machs de la saison (10 victoires – 2 défaites). Une dernière ligne droite qui démontre bien la dynamique de l’équipe. Pour autant, ce progrès a particulièrement été porté par les titulaires. Le banc ne peut pas en dire autant, pourtant, puiser dans ces ressources pourrait bien faire pencher la balance dans la série. Trouver les bons renforts pour équilibrer des 5 et trouver des renforts au relais des 5 de départs sera capital.
A ce jeu-là, Denver semble haut-dessus sur le papier. La polyvalence du groupe semble supérieure et la faculté de l’équipe à rester à haut niveau malgré l’enchaînement des blessures en atteste. Toutefois, il est difficile d’avoir des certitudes sur qui sera présent, dans quel état de forme, et donc quelle est la profondeur réelle de l’équipe. Si elle pourra compter sur ses intérieurs, les premiers matchs donneront plus d’éléments de réponse sur les lignes extérieures.
Le banc des Trail Blazers, aussi talentueux soit-il, possède une cohérence moindre (rapport attaque/défense) et n’apporte pas nécessairement cette rugosité propre aux séries de Playoffs. A voir si des joueurs pourront élever leur niveau de jeu (Carmelo Anthony, Derrick Jones Jr, Enes Kanter), alors que le manque de profils défensifs inquiètent. L’enjeur est ici : dans quelle mesure donneront-ils un répit à des titulaires qui risquent d’avoir de grosses minutes ?
Pronostique & mot de la fin
Plusieurs éléments rendent cette série difficile à pronostiquer. Comme susmentionné, les absences côté Nuggets rendent les rotations difficiles à anticiper, mais ce n’est pas le seul élément. L’adresse à 3 points sera un point à surveiller et qui peut largement faire basculer la série. Portland est une équipe très dépendante de son adresse derrière l’arc. Parmi les équipes qui peinent le plus à triompher lorsque le tir longue distance est en berne, elle est également une des plus dangereuses dans l’exercice. De fait, l’intensité défensive des Nuggets sera déterminante, mais il reste difficile d’anticiper les aléas qui font que certains soirs seront plus prolifiques que d’autres.
De fait, face à Denver, beaucoup moins dépendant de sa réussite de loin, la balance pourrait se faire sur les bonnes soirées des uns et des autres. Avec une attaque historique, particulièrement ces dernières semaines, Portland à le vent dans le dos et peut être une équipe très dangereuse.
Si les Nuggets semblent légèrement favoris car la présence de Nikola Jokic apparaît insoluble et que leur réussite offensive semble moins sujette aux aléas, imaginer Portland arracher un ou deux matchs difficiles grâce à une grosse adresse et boucler leur série n’a rien d’impossible. Ainsi, puisque le dernier affrontement de Playoffs fut très difficile, que Jamal Murray est absent et que les Nuggets aiment bien les séries interminables, nous pronostiquerons en leur faveur… mais sur le fil.
Denver Nuggets 4 – 3 Portland Trail Blazers