Après une année d’absence et d’innombrables questions sur sa tenue, la March Madness est enfin revenue sur le devant de la scène, emportant avec elle de nombreuses surprises et nous offrant un tournoi particulièrement passionnant.
Tombés dans la bataille du Final 4 face aux hommes de Mark Few après un dernier tir primé de Jalen Suggs au buzzer, les Bruins d’UCLA ont cette année fait office de trouble-fêtes dans un tableau où personne ne les attendait. En effet, riches sont désormais ceux qui auront pronostiqué une telle place pour l’université californienne après une saison moyenne, clôturée avec un bilan de 22 victoires pour 10 défaites et une 4ème place au tournoi de la PAC-12.
Fort d’un parcours alimenté en upsets, renvoyant à la fois les deux équipes principales du Michigan (les Spartans & les Wolverines) dans leur campagne ainsi que le Crimson Tide d’Alabama après un overtime maîtrisé, UCLA s’est imposée comme une entité coupeuse de tête et assoiffée du sang de ceux qui étaient mieux classés.
S’il ne fait aucun doute sur les capacités de l’équipe, il reste encore à savoir si elle sera désormais capable d’assumer la saison prochaine un rang plus élevé. En effet, la reconduite d’un effectif semblable à celui proposé durant le tournoi national propulserait les Bruins vers le top 5 des équipes à abattre en NCAA dès l’automne.
Retour sur les forces en présence et quelques éléments d’appréciation pour définir réellement le succès passé et ceux à venir pour l’équipe californienne.
Le Final Four : un véritable miracle ?
Les miracles existent, c’est un fait. Ne laissez d’ailleurs jamais personne vous dire le contraire, surtout lorsqu’il est question de March Madness. Cependant, en est-il véritablement question pour qualifier le parcours de UCLA ? Rien n’est moins sûr. Certes il est déjà arrivé dans l’histoire du tournoi que des équipes plombent les brackets de tout le monde. Néanmoins, les raisons qui ont poussé les californiens aussi haut sont assez étrangères à la seule chance.
Il convient dans un premier temps de parler du véritable maître à penser de l’équipe : coach Mick Cronin.
Arrivé il y a maintenant deux saisons depuis Cincinnati où il aura passé 13 années de sa vie, Mick Cronin se voulait être l’homme de la situation pour ramener les Bruins sur un chemin déserté depuis fort longtemps. Armé d’un solide ratio de 365 victoires pour 171 défaites, le coach des bleus et or a su – dès sa première année en Californie – user de ses qualités pour emmener une équipe plus que moyenne vers un bilan positif de 19 victoires pour 12 défaites. Mais l’histoire ne s’arrête pas aux chiffres, fort heureusement.
Cronin est un véritable meneur d’hommes, capable de galvaniser ses troupes au moment opportun. Pour preuve, que peut-on dire à son équipe quand elle est clairement sous-estimée et qu’elle rentre dans un tableau de March Madness en n’ayant ni rien à perdre ni rien à gagner ?
« They’re saying we’re the underdogs ? C’mon man, we’re UCLA. We got 11 banners. »
11 bannières, cela fait d’UCLA l’équipe la plus titrée de l’histoire de la NCAA. Aux yeux de Coach Cronin, cet élément empêche, de facto, d’être sous-estimé. De quoi donner un bon coup de fouet et rappeler aux troupes dans quelle université prestigieuse elles évoluent.
Au-delà de cette motivation, il convient de noter que l’université a beaucoup souffert durant cette saison. Autant sur le plan physique que sur le plan mental. On pense notamment à la recrue 5 étoiles, Daishen Nix, qui a jugé bon en début de saison de s’envoler pour la G-League tandis que son accord avait été donné pour rejoindre les californiens. On peut également citer la blessure de Chris Smith, le meilleur marqueur de l’équipe sur la saison 2019-20, qui était vraisemblablement bien parti pour réitérer sa performance. On pense encore à la mise à l’écart d’un des éléments les plus importants du roster à l’intérieur : Jalen Hill, contraint d’abandonner ses coéquipiers pour des raisons personnelles. Les choses n’ont donc pas été toujours faciles pour les Bruins, même si leur bilan en saison ne reflète pas vraiment ces difficultés.
Tous ces éléments pris un par un permettent de se rendre compte de la mentalité ambiante dont les joueurs auront su se servir pour réaliser un des plus beaux parcours depuis bien des années. Alimentés par la rage de vaincre et l’union d’un vestiaire partiellement décimé, ne cherchez pas plus loin les raisons d’une domination sans précédent. A titre d’exemple, le match en demi-finale régionale face à Alabama ; pour poser un contexte, UCLA et le Crimson Tide se tiendront tellement en joue tout au long des 40 minutes que la rencontre se terminera en OT après un tir primé au buzzer d’Alex Reese bien heureux de sauver Alabama d’une défaite. Le score était alors de 65-65.
Désemparés par cette situation, les hommes de Mick Cronin n’écouteront même pas les mots prononcés par ce dernier avant d’entamer l’ultime étape qui les séparent d’une finale régionale. Comme plongés dans une bulle, emparés de la rage de vaincre, les californiens ne feront qu’une bouchée de leurs adversaires jusqu’à compter neuf points d’avance à moins de 40 secondes du terme (79-70). Les fautes occasionnées par le manque de temps porteront le score à 88-78 en fin de rencontre, balayant tous les espoirs du Crimson Tide, une équipe qui pouvait pourtant espérer aller chercher une place en Final Four.
C’est ce mood, cette mentalité, construite au long de la saison qui portera les bleus et or jusqu’aux portes d’une finale nationale, échouant héroïquement contre l’équipe la plus en vue de l’année, les Gonzaga Bulldogs. Les hommes de Cronin déclareront être fiers d’avoir perdu contre ces derniers, ne pouvant espérer meilleure équipe pour les battre à la régulière.
Mais bien au-delà des besoins mentaux, le basketball est devenu depuis des années maintenant – et avant tout – un sport nécessitant de fortes individualités, un aspect dont la NCAA ne se prive pas. Mention spéciale au dynamiteur de l’entité californienne, artisan du succès de ses pairs : Johnny Juzang.
Johnny Juzang, le dynamiteur
Avec un nom qui le propulserait sans aucune difficulté dans le scénario du prochain film de Quentin Tarantino, Johnny J. se veut être la grande révélation de cette année 2021. En provenance des Kentucky Wildcats après une première saison plus que limitée, Johnny s’est trouvé être le parfait artilleur remplaçant d’un Chris Smith absent.
Prototype accéléré d’un shooteur fiable avec une mécanique rapide, le droitier californien a réalisé une March Madness “plus que convenable” avec 22.8 points sur l’ensemble de l’exercice pour porter son équipe au sommet. Mais ses performances ne s’arrêtent pas au tournoi national ; voyez plutôt ces quelques lignes de statistiques regroupées sur l’ensemble de la saison : au total Juzang tirait à 35% à trois points, à 39% en catch and shoot et se trouvait être d’une redoutable efficacité en sortie d’écran, avec 44% de réussite sur ses 52 tentatives. Encore un dernier chiffre ? Notre cowboy tournait à 47% de réussite sur ses 127 tirs tentés en pull-up.
Sa capacité à déstabiliser les défenses ne réside néanmoins pas uniquement dans ses prétentions offensives. Sa morphologie longiligne fait de lui un ailier au profil redouté des principales défenses du pays. Sur le tournoi de mars, aucune équipe rencontrée par UCLA n’a jamais été en mesure de freiner l’appétit du joueur, un atout dont on sait que les équipes NBA sont particulièrement friandes.
Pour vous permettre de faire plus ample connaissance avec ce dernier, voici un petit florilège de ses meilleures actions passées en March Madness :
A la lumière de ces quelques statistiques énoncées et d’un extrait vidéo probant, il apparaît clairement que le californien est plein de talent. Sa contribution offensive avec les Bruins dans le tournoi fût inégalable, au point que l’on est en droit de vouloir son retour l’année prochaine pour porter l’université une deuxième fois au sommet de la pyramide. Son come-back est d’ailleurs un enjeu majeur pour l’équipe ; avoir dans ses rangs un coéquipier nommé comme un des meilleurs most improved player de l’année est un atout de taille.
Malheureusement ce retour est pour le moment incertain. Bien que la plupart des hommes de Cronin aient accepté de ne pas être transférés de la Californie, Johnny s’est empressé d’aller tester sa côte en se déclarant à la draft 2021. N’y voyez pas un manque de loyauté ou autre, beaucoup de jeunes joueurs réalisent cette étape pour avoir un premier retour sur leur valeur marchande (cf : le français Yves Pons en 2019). Néanmoins un élément peut nous permettre de rêver : le joueur a souhaité conserver son éligibilité et son droit de retour à l’université dans tous les cas. Il y a fort à parier de ce fait que s’il tombe bien au-delà d’une place le satisfaisant au moment de la draft, Johnny sera de retour cet été pour détruire les défenses de la PAC-12 sous le soleil brûlant de la Californie.
Un retour en fanfare ?
A défaut d’assister à un véritable match dont l’ambiance serait portée par la fanfare de l’université californienne, l’équipe des Bruins pourrait bien faire son retour la saison prochaine parmi les candidats potentiels au titre. Alors que l’équipe est classée dans les prédictions présaison (qui ne veulent pas dire grand-chose à part déterminer une tendance d’après les transferts et recrutement des équipes) avec Gonzaga et Villanova au sommet du pays, l’avenir des Bruins semble s’orienter vers une résurgence.
Après quelques années de disette pour le programme, le groupe de Mick Cronin semble plus que jamais paré à toutes éventualités. Certains pouvaient encore émettre des doutes sur la capacité du Head Coach à conduire ses hommes tout le long de la March Madness compte tenu des ses résultats avec Cincinnati (6 victoires en 13 ans), mais cette année les choses ont changé. Et pour de bon. Tous les joueurs s’accordent à le dire, leur coach n’est pas là pour plaisanter. Cronin a fait de son honnêteté un véritable atout pour gagner la confiance de son vestiaire, poussant par exemple les nouvelles recrues dans leurs retranchements en ne leur garantissant jamais une place dans le 5 de départ, là où d’autres Head Coach peu scrupuleux préfèrent attirer du sang frais en promettant monts et merveilles aux nouveaux. Cette volonté de s’aventurer sur les terrains de la vérité semble être pour Mick Cronin la bonne formule pour faire naître dans son équipe à la fois un fighting spirit et une cohésion en acier.
D’autre part, si Johnny Juzang revient dans le roster, ses coéquipiers pourront également compter sur l’apport de Jaime Jaquez, un véritable lieutenant tournant à 12,3 points de moyenne en saison régulière. Ce dernier est d’ailleurs absolument capable de step-up son jeu dans des moments cruciaux, comme il l’avait fait dans les derniers matchs du tournoi national avec pour clé de voûte un pic impressionnant à 19 points et 50% d’efficacité au tir face à la défense de Gonzaga. Sa contribution n’est évidement pas qu’offensive ; Jaime reste un défenseur correct, voire agressif quand il le décide. A titre d’exemple, il a posé bien des problèmes à la mécanique d’attaque des Zags qui jusqu’alors n’avait pas – ou peu – connu de difficultés pour surpasser ses adversaires dans ce secteur.
Pour continuer sur l’aspect défensif des hommes de Cronin, l’addition en début de saison dernière d’un véritable intérieur comme Myles Johnson leur a réellement permis de rattraper leurs lacunes dans la protection de leur raquette. En effet, UCLA avait un énorme déficit à combler dans ce secteur comme le montre l’exercice 2019-20 où l’équipe se classait 11ème (soit avant-derniers) en PAC-12 par rapport au nombre de blocks/game.
Les bleus et or l’ont bien compris à travers leur odyssée dans la March Madness : rien n’égale une bonne défense dans les moments cruciaux. Cette nouvelle saison 2021-22 sera donc l’occasion d’observer les progrès de l’équipe dans ce secteur, bien influencée par la réussite du tenant du titre, Baylor.
En guise de conclusion il convient certainement d’énoncer que les attentes sont fortes du côté californien. Il est cependant bien trop tôt pour s’enflammer et formuler des pronostics pour les Bruins, tant la réussite de leur équipe dépend forcément du retour de son meilleur joueur et de l’alchimie installée par leur coach. Cependant, cette équipe aura eu le mérite de nous faire vivre une March Madness mémorable à travers son parcours et la force qu’elle a su dégager tout du long. En restant sur ce magnifique souvenir, il y a fort à parier que l’avenir des joueurs d’UCLA s’annonce prometteur, portés par la chaleur d’un soleil californien qui ne demande qu’à briller de nouveau.