Après une saison régulière passionnante, huit équipes ont coiffé au poteau un peloton extrêmement compétitif (il n’y a que deux victoires de différence entre le 4ème et le 9ème) et se sont qualifiées pour les Playoffs de la meilleure compétition européenne. L’équipe Europe de QiBasket vous présente ses traditionnelles previews des oppositions. Dynamiques récentes, forces en présence et oppositions clés sont étudiées pour bien appréhender la série !
Dynamiques récentes : blessures et Covid-19 pour gâcher la fête ?
C’est un duel entre deux mastodontes de l’Euroleague qu’on aurait facilement pu imaginer au Final four ! Au moins un des deux clubs apparait chaque année en finale depuis 2016 et ils rassemblent à eux deux 3 des 4 derniers titres de la compétition. Nous écrivions en octobre 2020 :
« Il est difficile de savoir, la faute à la concurrence parmi les 18 équipes engagées, si nous retrouverons ces équipes au Final Four, mais en ce qui me concerne, je signe immédiatement. »
Le remake de la finale de 2016 se fera donc avant le Final four, en raison, notamment, d’une septième place bien sévère pour les Stambouliotes. Victime de blessures à répétition (Nando de Colo a souffert de pépins qui l’ont gêné tout du long de la saison, Danilo Barthel a été absent tout le mois de janvier, Edgaras Ulanovas a manqué 6 matchs, Jan Vesely manquera le début des playoffs pour une blessure à la cheville…), le club a donc du faire appel à des renforts en cours de saison pour pallier les manques : Marko Guduric, qui a relancé une équipe à la traine et impulsé une série de dix victoires consécutives, puis Kyle O’Quinn, recruté fin janvier, qui est désormais appelé à remplir le vide laissé par l’absence de Jan Vesely.
Le Fener arrive donc en playoffs avec une mentalité de challenger face à une équipe du CSKA qui aura l’avantage du terrain. Surtout, le Fener va devoir faire sans une bonne partie de son effectif, en raison de cas positifs au COVID-19. Seraient concernés Igor Kokoskov (coach), Jarrell Eddie, Dyshawn Pierre, Ali Muhammad, voir Ahmet Duverioglu, selon des rumeurs encore bien opaques.
De leur côté, on ne peut pas dire que les Moscovites arrivent en playoffs avec le vent en poupe. La bonne série de cinq victoires pour terminer la saison régulière en Euroleague contre des adversaires qui n’avaient plus rien à jouer (ASVEL, Etoile Rouge et Kimkhi) ne fait que cacher les difficultés du CSKA, bien loin de leurs standards. Le bilan final, très positif avec une deuxième place à l’arrivée, est un bon résultat après une saison qui n’aura pas été sportivement une longue démonstration de domination.
Blessures à répétition (Hackett et Bolomboy ont raté des matchs, Milutinov est out depuis janvier), mais surtout instabilité extra-sportive : l’épisode Mike James a en effet secoué l’institution moscovite, qui a suspendu celui qui est sûrement le meilleur joueur de la compétition pour quelques matchs, avant de le réintégrer à l’effectif, avant de finalement le suspendre à nouveau.
Le Fenerbahce affrontera donc un CSKA en forme mais qui parait moins dominant que pendant la saison régulière, d’autant plus que les moscovites devront faire sans leur pivot star, Nikola Milutinov, blessé depuis janvier, et possiblement sans Daniel Hackett, l’arrière ayant aggravé une blessure à l’épaule lors du dernier match de saison régulière face à l’ASVEL. La défaite 103-94 en VTB League contre la très belle équipe du Lokomotiv Kuban ne fait que confirmer un manque de forme actuel pour le CSKA.
Duels de saison régulière : 1-1, balle au centre.
Si la série s’annonce aussi serrée, c’est aussi que parce que les deux équipes se sont livrées deux des meilleures joutes durant la saison régulière. Evidemment, les enseignements à tirer de ses confrontations sont limitées en raison des changements d’effectifs et des blessures.
La première rencontre entre les deux équipes a accouché d’un match extrêmement défensif et d’une victoire du CSKA en prolongations, 78-77. Un énorme match de Will Clyburn (26 points dont 4/7 à trois-points) avait suffi au CSKA pour l’emporter sur le fil. Le Fener avait pu compter sur Jarrell Eddie, sniper bien connu en France pour son passage à Strasbourg, 18 points à 6/6 trois points.
La deuxième rencontre, en janvier, fut toute aussi disputée, la victoire allant cette fois-ci aux Stambouliotes, 89-83. Un duo Nando de Colo-Jan Vesely (possiblement le meilleur duo de la compétition) était en grande forme (46 points à 18/24 au tir). Un Fener renforcé par l’arrivée de Marko Guduric, de retour après son rapide exil en NBA, prend finalement le dessus dans les dernières minutes face au CSKA privé de Will Clyburn et emmené par Tornike Shengelia (18 points à 7/10).
Les clés tactiques de la série
Il est évidemment compliqué, pour raison de blessures et d’absences liées au Covid-19, de faire une analyse fine de la confrontation. Les additions en cours de saison et les départs de certains qui avaient joué lors des deux confrontations en saison régulière rendent cet exercice encore plus difficile. Nous nous intéresserons donc plutôt aux oppositions qui pourraient faire basculer cette série dans un camp ou dans l’autre.
-
Ralentir Nando de Colo, attente réaliste ou vain espoir ?
N’ayons pas peur des mots, Nando de Colo cimente sa place parmi les tous meilleurs joueurs de l’histoire de l’Euroleague. Dans une saison perturbée par les blessures, il aura tout de même fait figure de leader offensif, initiateur de la très belle attaque mise en place par le nouveau coach Igor Kokoskov. Et il l’a rappelé au CSKA, en postant une des toutes meilleures performances individuelles de la saison face à eux : 22 points, 6/6 à deux-points, 2/3 à trois-points, 4/4 aux lancers, 9 passes décisives, 4 interceptions pour un énorme 38 d’évaluation et une victoire. Les Russes sont prévenus.
Sa capacité de passe et son génie sur pick and roll expliquent en grande partie pourquoi le Fener était cette année l’équipe avec le plus de passes décisives de la compétition. Sa symbiose avec Jan Vesely, son pivot et partenaire de pick and roll favori, devra attendre le retour du Tchèque ( attendu pour le troisième match ) mais va représenter un danger pour les Moscovites. Nando de Colo pour Jan Vesely, c’est cette saison 37 passes décisives. La cinquième meilleure connexion de l’Euroleague, malgré les matchs manqués par les deux hommes.
Le CSKA de Dimítris Itoúdis donnera forcément une attention particulière à Nando de Colo, surtout si les rumeurs d’absence pour Covid sont confirmées. L’effort sera collectif, surtout pour une équipe qui n’a pas de spécialiste en défense sur les postes 1-2. Daniel Hackett sera sûrement celui à qui reviendra le dur labeur de défendre sur de Colo. L’effort encore une fois sera collectif pour le CSKA, et Itoudis pourrait même recourir à une défense de zone pour surprendre le Fener. Ce sera alors au Français de pouvoir trouver ses coéquipiers ouverts. Mais surtout, ce sera aussi à ses coéquipiers, de ceux qui ne sont pas positifs au Covid ou blessés, de relever le défi.
-
L’opposition des additions de mi-saison
Pour toutes les raisons évoquées précédemment, les deux équipes ont eu recours à des additions de mi-saison inédites. Pour le Fenerbahce, Guduric, qui a totalement transformé le visage de son équipe après son arrivée à la 15ème journée, puis Kyle O’Quinn. L’Américain monte encore en régime, mais devrait apporter une présence intérieure bien nécessaire pour le Fener, dans un registre totalement différent de Duverioglu et Vesely.
L’autre pivot américain de la série recruté en cours de saison se trouve à Moscou : Michael Eric. L’ancien coéquipier de Toko Shengelia au Baskonia, a été recruté pour pallier la blessure de Nikola Milutinov. Depuis son retour en Euroleague, à la journée 25, il affiche d’honnêtes moyennes de 7.3 points (72%) et 5 rebonds en 15 minutes, mais il arrive en playoffs avec le vent en poupe : 14 points (7/9) et 5 rebonds contre le voisin du Khimki, puis 21 points (10/14) et 9 rebonds contre l’ASVEL en dernière journée. Propulsé titulaire au poste 5, sa défense sur pick and roll sera une des clés de la série.
Iffe Lundberg est lui arrivé au CSKA en février. Le meneur danois de 26 ans fait des débuts tonitruants en Euroleague. Il fait partie d’un grand nombre de joueurs qui pourraient être des facteurs X sur un match, ou sur l’ensemble de la série face au Fener. Capable de prendre feu en sortie de banc, il arrive également en playoffs dans une dynamique positive, sortant de son meilleur match de la saison contre l’ASVEL avec 23 points (5/7 à 2 points, 3/5 à 3 points), 4 rebonds, 4 passes décisives, 3 interceptions en seulement 23 minutes. Gros scoreur d’isolation et bon joueur de pick and roll, sa production offensive, même si elle peut être irrégulière, sera nécessaire pour une attaque du CSKA qui aura besoin de son scoring.
A quoi s’attendre ?
Vous l’aurez compris, cette équipe du Fener est un cadeau empoisonné à la septième place. Le CSKA, qui devra composer sans l’axe 1-5 James-Milutinov devra lutter pour ne pas subir un upset.
Si la tendance des analystes a vu le CSKA en perte de vitesse et a rapidement donné un avantage au Fenerbahce, ces cas de Covid-19 et la potentielle absence d’une grande partie des role players stambouliotes a refroidi ces ardeurs. On espère toutefois pouvoir assister à une série pas trop hachée par les absences, tant l’opposition entre les deux équipes est alléchante sur le papier.
Finalement, l’effectif XXL du CSKA et sa profondeur pourrait prendre le dessus sur une équipe du Fener, qui, aussi agréable à regarder soit-elle, pourrait manquer de solutions. L’absence de Mike James va forcer le CSKA à trouver une contribution offensive chez Shengelia, Clyburn et Hilliard, mais va aussi forcer Idoutis à réorganiser son attaque. Les retours de Vesely, Pierre, Eddie et de coach Kokoskov pour le Fener devraient toutefois relancer une série qui se jouera sur des détails.
Notre pronostic final sera donc une série très disputée, qui se jouera au dernier match même si l’un ou l’autre match tournera à la démonstration de force du CSKA, dans un soir où l’adresse sera au rendez-vous. La profondeur et la multiplicité des menaces offensives du CSKA l’emporte toutefois sur le fil :