Après une saison régulière passionnante, huit équipes ont coiffé au poteau un peloton extrêmement compétitif (il n’y a que deux victoires de différence entre le 4ème et le 9ème) et se sont qualifiées pour les Playoffs de la meilleure compétition européenne. L’équipe Europe de QiBasket vous présente ses traditionnelles previews des oppositions. Dynamiques récentes, forces en présence et oppositions clés sont étudiées pour bien appréhender la série !
ERRATUM :
A l’heure d’écrire ces quelques lignes sur l’affrontement entre la Maison Blanche et la Fusée Bleue, le premier match de la série est en cours.
Pour des raisons logistiques, nous n’avons hélas pas pu le publier avant. Aussi, j’essaierai autant que faire se peut, de faire un travail rétrospectif sans être tenté de modifier cette preview et vous proposer un contenu aussi cohérent que possible.
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Trajectoires opposées.
Si l’on devait restreindre l’analyse des parcours de ces rivaux à deux mots, ceux-ci illustreraient à la perfection le parcours de ces deux cadors des dernières années d’Euroleague (Madrid vainqueur en 2018, 3ème en 2019-qualifié pour le Final Four, 2ème en 2020 ; Anadolu 4ème en 2019, finaliste, 1er en 2020).
A Istanbul, le début de saison s’avérait chaotique. En effet, privés de Shane Larkin pour un tiers de la phase aller et avec un Ergin Ataman qui persistait à responsabiliser Vassilje Micic sur courant alternatif, les turques n’étaient pas au top de leur forme.
Avec une rotation forcée sur les postes intérieurs, sans parvenir à trouver la bonne association, et des role players rarement au diapason de leurs créateurs offensifs, le seul vrai motif de satisfaction semblait être l’impression visuelle de cohérence et de cohésion défensive qui s’installait peu à peu.
Aussi, à l’exception d’une victoire de prestige lors de la 16ème journée, l’enthousiasme à Istanbul comme chez les spécialistes de la compétition n’était pas de mise, avec un bilan de 8 victoires pour 9 défaites à mi-parcours.
Plus à l’Ouest, en Castille, si les cinq premiers matchs étaient comme souvent poussifs et ponctués par une seule victoire (contre le Khimki Moscou, piètre satisfaction), les hommes de Pablo Laso enchainaient ensuite 11 victoires en 12 matchs avant la symbolique 17ème journée, ne s’inclinant que d’un point (74-73) contre le CSKA Moscou.
A mi-saison, les joueurs de la capitale ibère se retrouvaient, avec un bilan de 12 victoires pour 5 défaites à une très honorable 4ème place.
Mais alors que l’Anadolu lançait, avec une victoire sans appel contre leurs victimes expiatoires du soir, l’ASVEL (102-80), une deuxième partie de saison qui les verrait passer de déception potentielle à contender redoutable, le Real Madrid allait souffrir des absences de leur leaders Facundo Campazzo (depuis la 10ème journée, le 20 Novembre, parti pour la NBA et les Denver Nuggets) et Anthony Randolph (blessé lors de la 15eme journée, le 18 Décembre).
L’un assurait la création offensive et garantissait une alternance dans le tempo et la gestion des temps forts/temps faibles, l’autre était un homme à tout faire défensif, un joueur de rôle parfait et un complément idéal à Walter Tavares, étincelant.
Restreint dans ses rotations, limité dans la création, moins versatiles en défense (historiquement la force madrilène), handicapé par la succession de blessures (dont les anciens, Rudy Fernandez et Sergio Llull), Laso n’avait d’autres choix que d’aligner les prometteurs Garuba, Alocen et Abalde régulièrement, sans pouvoir utiliser le sas de décompression de la Liga ACB puisque caracolant en tête dans la ligue domestique.
Conséquence : 9 défaites lors de la phase retour, aucune victoire contre le Top 4 de la compétition (Barcelone, Anadolu, CSKA, Milan), deux victoires lors des ultimes journées pour ne pas être éliminés avant les Playoffs. Un jeu lisible, poussif, et une surutilisation des cadres, des perspectives inquiétantes avant d’affronter les anciens de la Maison Pilsen.
Si l’on y ajoute le départ soudain et avouons le quelque peu brutal pour nos petits coeurs sensibles de l’argentin all-around Gabriel Deck juste avant la fin de saison, n’en jetez plus, la coupe est pleine.
Sixièmes au classement général, pas si loin que ça de notre preview, dont je rappellerai les dernières lignes :
“A parier donc cette saison :
- implication plus importante des prospects Usman Garuba (dont le profil n’entre dans aucune catégorie jusqu’alors présente dans l’effectif, ni vrai protecteur d’arceau, ni en capacité d’écarter le jeu, dans un moule type Montrezl Harrell), Carlos Alocen, lui en revanche meneur typique espagnol et Alberto Abalde (ailier all around moderne sur le modèle des Deck, Nocioni ou encore il y a quelques années Garbajosa, San Emeterio ou Mumbru),
- essais défensifs avec périodes de quelques matchs en utilisation systématique du drop et d’autres du edge (à outrance),
- du déchet à prévoir jusqu’en janvier, réussite au tir, pertes de balle, passages à vide défensifs,
- à partir de janvier, montée en puissance progressive avec avantage du terrain pour les playoffs.
Je rappelle que ces pronostics ont une valeur substantiellement subjective et que mes compétences d’oracle sont fortement discutables…
Dernier élément à prendre en compte, la perte potentielle du binome argentin Campazzo/Deck, en partance pour la NBA, qui le cas échéant devrait entrainer l’arrivée de deux joueurs issus de la NBA (les dernières rumeurs évoquaient Vincent Poirier, JJ Barea ou Brad Wanamaker). Réponse dans quelques semaines.”
Pas vraiment le compas dans l’oeil…
Dynamiques inversées, trajectoires opposées, vous aurez compris l’idée.
Quelques ajustements décisifs, tels que l’arrivée de Rodrigue Beaubois dans le cinq majeur, d’une part dans le but de le responsabiliser mais aussi et surtout de permettre à Shane Larkin d’attaquer les bancs adverses, et d’autre part la surprise Sertaç Sanli en pivot !!!
Joueur fétiche du technicien turc Ataman, le pivot besogneux s’est inclus dans le fonctionnement collectif de l’Efes. Propre, appliqué, assurant une fonction dissuasive tout en étant productif offensivement, il permit de fait le décalage de Bryant Dunston dans la second unit.
Dès lors, quel casse-tête pour les entraineurs adverses lorsque votre banc doit défendre une lineup Micic-Larkin-Anderson-Singleton-Dunston alors que leurs meilleurs joueurs ont déjà dû céder leur place.
Il n’en fallait pas davantage pour que l’Anadolu enchaine 14 victoires lors des 17 matchs de la phase retour pour décrocher la troisième place de cette saison régulière d’Euroleague et faire honneur à notre preview de début de saison, puisqu’il s’agit précisément de notre pronostic.
Opposition en saison : 1-1
Match aller : J17, à Istanbul, victoire de Madrid, 73-65
Peu d’enseignements à tirer de cette opposition, si ce n’est la médiocrité du niveau affiché lors de la rencontre. Une réussite au tir calamiteuse (7/31 à 3pts pour les turcs et 13/34 à 2pts pour les espagnols). Le Real n’avait dû son salut qu’à un quatrième quart-temps appliqué, et un Fabien Causeur précieux (15 points à 5/8 en 16 minutes), comme souvent lorsque son équipe est à la peine.
Match retour : J32, à Madrid, victoire des turcs, 108-83
Autre période de l’année, changement de paradigme. Malgré une grande application tactique au regard du plan de jeu de Pablo Laso, du fait des lacunes à la création, et des efforts réalisés notamment par les joueurs du secteur intérieur (on notera la progression de Garuba et l’importance de Thompkins), se traduisant sur le plan statistique avec un match à 86 d’évaluation collective, l’Anadolu avait livré une prestation dans les standards de sa phase retour.
Un “ensemble-équipe” concerné, le pied constamment sur l’accélérateur, le peu de déchêt pourtant généré est saisissant.
- 128 d’évaluation collective,
- 34/50 au tir, dont 14/26 à 3pts,
- 22 passes décisives pour seulement 9 pertes de balle.
Le match référence, contre son futur adversaire, à deux journées de la fin. De quoi provoquer un état de stress post-traumatique.
Les clés tactiques de la série :
Dès lors, plusieurs questions émergent, afin de vous proposer dans angles d’approche analytiques sur ce quart de finale.
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Comment contenir la traction arrière de l’Anadolu ?
Avant d’aborder une hypothétique réponse à cette interrogation, rappelons tout d’abord que le serbe Vassilje Micic, 27 ans, qui devrait rejoindre Oklahoma City à l’issue de la saison 2020-21, réalise sa meilleure saison en carrière (33 matchs, 29 titulaire, 16.1pts à 56.4% à 2pts et 35.3% à 3pts*, 2.6 rebonds, 5 passes, 17.7 d’évaluation).
Dans cette orgie statistique, à noter 8 matchs au-delà des 25 d’évaluation, et 4 à plus de 30 (dont un 37 points à 6/6 à 3pts et 5 passes pour 44 d’évaluation le 26 février contre les rivaux du Fenerbahçe). Statement.
*Ce pourcentage est à pondérer du fait de l’augmentation de la difficulté de ses tirs. Alors que Micic prenait pour moitié des tirs en spot-up la saison passée, la proportion des tirs après dribble est dorénavant de plus de 60%).
Auprès de lui, Shane Larkin, bien qu’il ait été diminué cette saison, du fait des blessures et vraisemblablement de l’impact psychologique du contexte sanitaire, demeure dans des volumes tout bonnement excellents, et figure plus que jamais dans le gotha des talents de la compétition (28 matchs, 13 comme starter, 15.1 points à 50.5% au tir, 41.2% à 3pts pour 177 tentatives soit plus de 60% de ses tirs tentés, 4 passes, 17 d’évaluation.
Si le différentiel de niveau parait moins flagrant que lors des deux saisons précédentes, cela semble attribuable au partage de la création de manière substantielle entre les deux arrières.
En témoigne la performance de l’américano-turc (il faudra s’y habituer) contre Baskonia (30 points à 6/9 à 3pts).
Peu d’éléments de réponse pour le Real.
La faible profondeur des postes arrières limite les possibilités madrilènes. Les carences défensives des meneurs Laprovittola et Alocen sont rédhibitoires sur la durée, et auraient pour conséquence de puiser dans l’énergie nécessaire à la création. Sergio Llull et Rudy Fernandez peuvent apporter ce supplément d’âme et d’expérience mais qui ne semble pouvoir que peu compenser les lacunes potentielles.
Le compromis pourrait être de choisir d’envoyer en mission les Abalde, Causeur et Taylor spécifiquement sur Larkin et Micic, mais au détrimens de la création offensive.
Si cela tempère les ardeurs du duo, alors le pari sera temporairement gagné.
En revanche, le cas contraire pourrait avoir pour conséquence néfaste non seulement de permettre à ces deux virtuoses d’alimenter leurs coéquipiers mais par ailleurs que l’équipe castillane soit stérile d’un point de vue offensif.
A suivre.
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L’expérience au service de la performance
Rudy Fernandez, Sergio Llull, Fabien Causeur, Edy Tavares, Trey Thompkins, Jeffery Taylor, Jaycee Carroll et à un degré moindre Felipe Reyes. Huit joueurs dont Pablo Laso dispose dans son effectif et qui étaient présents lors de la surprenante aventure victorieuse de 2018.
Bien sûr, le talent de Luka Doncic ne se rencontre pas à tous les coins de rue et il sera bien difficile aux merengue de réitérer un exploit tel que celui de Belgrade.Toujours est-il que l’expérience, lorsque l’on arrive aux phases finales est un facteur déterminant. Quant la dimension tactique rejoint l’initiative empirique stratégique, tout peut arriver.
Tout ?
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L’importance de Walter Tavares
Le géant (2.20m) cap-verdien aura surpris tout le monde cette saison. A 29 ans, Walter “Edy” Tavares n’a jamais été aussi fort. Exit le protecteur d’arceau dissuasif et scoreur près du cercle “théorique”, celui que nous avons pu apercevoir à ses débuts à Gran Canaria.
Effacée la frustration ressentie en voyant cette grande carcasse gauche se déplacer avec peine quelques minutes sur les parquets de NBA (Atlanta, Cleveland et beaucoup de G-League).
En 2017-18, le sympathique et longiligne (à l’époque pivot) revenait en Europe. Depuis, une progression constante, sur tous les aspects du jeu.
Défensivement, il est le point d’ancrage de l’organisation de Pablo Laso. Volontaire, il n’hésite plus à effectuer des close-out lorsqu’il est impliqué dans une rotation.
Offensivement, il est recherché dans la moitié des situations offensives lorsqu’il est sur le terrain, et cela se traduit sur le plan statistique (11.5 points en 26 min, à 65.9% au tir, en y ajoutant quelques tirs mi-distance, une prgression notable aux lancers-francs avec 72%, 8 rebonds, dont 3.3 offensifs et 1.7 contre pour 18.5 d’évaluation) et sur la reconnaissance du milieu, avec une deuxième place au ranking officieux des pivots derrière Jan Vesely.
https://www.youtube.com/watch?v=oQEZPePG57M&ab_channel=MickeyMickeal
Contre l’Anadolu, Tavares aura un rôle prépondérant.
Si les turcs ont de quoi lui répondre, avec pas moins de trois pivots pour tenter de le freiner (Sanli, Dunston et Pleiss), l’un d’entre-eux étant l’un des meilleurs défenseurs de l’Histoire de l’Euroleague, le Real n’aurait pas le nez fin s’ils limitaient son utilisation.
En effet, si le plafond offensif qu’apporte leur intérieur n’est pas au niveau de leurs adversaires, le focus défensif engendré, et le ralentissement du rythme global de la rencontre devrait jouer en leur faveur.
Par ailleurs, en verouillant l’accès à la peinture (et aux tirs faciles), les extérieurs de l’équipe espagnole pourront davantage travailler sur la réduction des opportunités de pull-up des lignes arrières de l’Anadolu.
Enfin, dans la mesure où l’absence de longue date d’Anthony Randolph est préjudiciable à la complémentarité défensive de la raquette de la Casa Blanca, l’association de Garuba ou Trey Thompkins avec Tavares minimise leur faiblesses tout en maximisant la densité.
Peu de marge de manoeuvre une fois de plus pour le Real, et toutes les hypothèses gravitent autour de l’imposante stature du souriant Edy.
A quoi s’attendre ?
L’exercice même de la preview suppose une importante subjectivité.
Si l’on s’en tient aux élements analytiques “bruts”, difficile de donner une chance au Real. La démarche de reconstruction d’ores et déjà entreprise, pas vraiment en toute discrétion d’ailleurs (une cohorte d’arrivées programmées supposant autant de départs), semble signifier le pronostic d’une fin de saison précipitée en Euroleague.
Les dynamiques influent forcément d’une part le niveau de performance, mais aussi le prisme de notre évaluation et à ce jeu, l’Anadolu tire encore son épingle du jeu.
Quel(s) atout(s) a Madrid, me direz-vous ?
En toute sincérité, outre l’expérience et le talent tactique de Laso, je ne vois aucun domaine dans lequel les turcs ne sont pas à ce jour supérieurs.
En synthèse, si les nouveaux coéquipiers de Vincent Poirier en Liga ACB parviennent dès le début de la rencontre à imposer un rythme lent et une rugosité physique, alors ils pourront exister.
En revanche, si d’emblée les stambouliotes emballent le match par leurs intentions, les partenaires d’Adrien Moerman pourraient suvoler cette série.
Pronostic final : 3-1 pour l’Anadolu
Calendrier du quart de Finale :
1 | at Anadolu Efes Istanbul | April 20 | |
2 | at Anadolu Efes Istanbul | April 22 | |
3 | vs Anadolu Efes Istanbul | April 27 | |
4 | vs Anadolu Efes Istanbul | April 29 | |
5 | at Anadolu Efes Istanbul | May 04 |