Après une saison régulière passionnante, huit équipes ont coiffé au poteau un peloton extrêmement compétitif (il n’y a que deux victoires de différence entre le 4ème et le 9ème) et se sont qualifiées pour les Playoffs de la meilleure compétition européenne. L’équipe Europe de QiBasket vous présente ses traditionnelles previews des oppositions. Dynamiques récentes, forces en présence et oppositions clés sont étudiées pour bien appréhender la série !
Dire que la saison des hommes de Sarunas Jasikevicius, fraichement arrivé en Catalogne durant l’été 2020, fut un long fleuve tranquille serait une déclaration quelque peu… emphatique…
Néanmoins, à l’aube d’attaquer les Playoffs et lorsque l’on met en perspective le parcours des coéquipiers de Nikola Mirotic, ceux-ci ne semblèrent jamais en situation de ne pas jouer les premiers rôles en Euroleague.
Quelques ajustements stratégiques, dans un effectif ayant finalement peu bougé, une période tout en discrétion pour laisser passer l’orage russe et sa série hivernale de victoires, puis après la blessure de Nikola Milutinov chez les moscovites, un léger coup d’accélérateur afin de s’adjuger une pôle position que nous lui prévoyions avant le coup d’envoi de la saison.
Le bilan catalan (24 victoires pour 10 défaites) est élogieux, d’autant plus lorsque l’on considère le contexte sanitaire et ses conséquences logistiques.
Fait notable, parmi ces 10 défaites, 8 eurent lieu contre 4 équipes (0-2 donc contre l’Anadolu, le Bayern, le Maccabi et… l’ASVEL), les deux autres étant face à l’Olympiacos et le Zenit.
L’analyse statistique renforce encore davantage ce ressenti d’omnipotence au sein des spectateurs.
En effet, non contents d’être dans le peloton de tête des catégories statistiques offensives (aux rebonds, pourcentages au(x) tir(s), évaluation, points), ce qui a du sens lorsque l’on sait tout le talent offensif de l’effectif (Mirotic, Calathes, Abrines, Kuric, et maintenant Pau Gasol), l’ogre barcelonais a aussi et surtout été outrageusement dominant EN DEFENSE, et nous y reviendrons ultérieurement.
Dès lors, comment ne pas rêver lorsque l’on est supporter des blaugranas de soulever le trophée qui les fuit depuis cette belle soirée parisienne de 2010, et leur victoire sous la direction du technicien catalan, adversaire 11 ans plus tard, Xavi Pascual.
Xavi Pascual.
Arrivé sur la pointe des pieds au printemps dernier à Saint Petersbourg, en remplacement de son compatriote Joan Plaza (désormais au Betis Séville), le stratège catalan a dû laisser passer les critiques en lien avec le maintien du club sponsorisé par Gazprom en Euroleague (au détrimens “d’historiques” du basket européen).
“The EuroLeague said ‘we don’t give any gifts.’ I have a question for them – What has Zenit done for European basketball more than Partizan? Because there’s Gazprom. What is it if not a gift? It would be gentlemanly that two more clubs, the best in Europe to enter EuroLeague: Partizan Belgrade and Virtus Bologna.” Bozidar Maljkovic.
Critiques, nous le fûmes, en témoigne notre preview, qui offrait une 15ème place aux russes. Notre erreur aura été d’oublier le talent et la capacité à transcender un groupe de Xavi Pascual.
Parmi les nombreux mouvements dans l’effectif à l’intersaison, les arrivées de Kevin Pangos (nous en parleront aussi) à qui seront données les clés de la boutique, du monolithique Arturas Gudaitis, des tireurs d’élite KC Rivers et Billy Baron, et du couteau suisse (polonais en réalité) Mateusz Ponitka eurent un rôle prépondérant. Ils sont le socle du projet collectif du Zenit, et grands artisans de leur incroyable parcours. Car si les coéquipiers de l’emblématique capitaine Will Thomas durent arracher leur qualification en terminant sur trois victoires lors des journées 33, 34 et…6, afin de jeter Baskonia et Valence hors du wagon (et peut-être de l’Euroleague pour ces derniers), n’oublions pas qu’à mi-parcours, ils étaient encore seconds (12v-5d). Coupables de manquer de profondeur, avec un effectif et un jeu qui gravite autour de six joueurs, et un playbook dépendant pour beaucoup du fonctionnement de son axe meneur-pivot (Pangos-Gudaitis et Thomas), le Zenit a semblé s’essouffler tout en devenant plus lisible.
Mais ne nous y trompons pas, si l’opposition entre le 1er et le 8ème paraît évidemment pencher en faveur de Barcelone, l’opposition entre deux entraineurs de la trempe de Jasikevicius et Xavi Pascual revêt bien évidemment son lot d’interrogations !!!
Opposition en saison : 1-1, balle au centre
Il s’agissait d’une des nombreuses surprises de ce début de saison.
Lors de la deuxième journée, le Zenit s’imposait 74-70, dans une recontre serrée de bout en bout, où l’énergie de la recrue Alex Poythress (22 points, 11 rebonds, 2 contres) allait mettre Barcelone en difficulté, ne parvenant pas à vérouiller l’accès à l’intérieur.
Will Thomas, KC Rivers, allaient dans le quatrième quart-temps sceller le sort de la rencontre et lancer la belle saison russe.
Le match retour avait lieu lors de la 22eme journée, à la fin du mois de janvier. Les Catalans avaient depuis peu pris la tête du classement.
Dans le sillage d’un Nick Calathes étincelant (9 points, 7 rebonds, 12 passes, 2 interceptions), Barcelone allait montrer toute sa maitrise, et l’étroitesse du score final (85-81) n’illustrerait pas la différence de niveau lors de cette rencontre (69-50 en fin de troisième quart-temps).
Les clés tactiques de la série :
-
Plancher, plafond et profondeur, les enjeux architecturaux
Nous l’évoquions un peu plus tôt, un des écueils à la continuité du niveau de performance du Zenit a été le manque de profondeur de son effectif.
Parmi les 16 joueurs utilisés, 9 d’entre eux jouaient plus de 10 minutes, 5 plus de 20 minutes (Gudaitis, Pangos, Rivers, Ponitka, Thomas). Si l’importance de ce quatuor (en y ajoutant Baron, Hollins, Rivers) se rentrascrit sur le volume statistique (tous au-dessus de 10 à l’évaluation), la défaillance d’un de ses membres impacte nécessairement le niveau de jeu et la mise en oeuvre du plan de jeu de Pascual. Garantie de niveau plancher donc.
En revanche, l’absence d’un joueur que l’on pourrait définir comme “Top 5” à son poste (Kevin Pangos étant en balance), ne permet au Zenit d’atteindre son niveau “plafond”, que si l’ensemble des éléments clés performe de manière optimale, ce que l’on pourrait illustrer par un plafond sous condition.
Côté catalan, le coach Sarunas Jasikevicius aura eu tout le loisir d’essayer l’ensemble des associations possibles et imaginables.
Car si à chaque poste, Barcelone possède un des 15 meilleurs joueurs (Calathes, Higgins, Abrines, Mirotic, Davies), les remplaçants ont quasiment tous le niveau d’un titulaire dans les autres équipes d’Euroleague (Westerman, Kuric, Hanga, Claver, Smits, Oriola et maintenant Gasol). C’est donc pas moins de 14 joueurs qui passaient plus de 10 minutes sur le terrain. Le fait de responsabiliser l’ensemble des membres de cet effectif a rapidement fait naitre une cohésion, dans un premier temps offensive, puis par la suite étendue à l’ensemble des compartiments du jeu, au service de la créativité tactique du technicien lituanien.
Aussi, d’un côté ou de l’autre du terrain, et quels que soient les joueurs alignés, le niveau plancher reste probablement le plus élevé de la compétition.
Si l’on y ajoute le fait que cet effectif comporte dans ses rangs le meilleur joueur de l’Euroleague avec Nikola Mirotic, alors c’est un casse-tête qui se présente devant Xavi Pascual et son relais sur le terrain, le Canadien Kevin Pangos.
-
Pangos et Calathes, les métronomes aux destins croisés
L’un, Kevin Pangos, a quitté Barcelone à l’intersaison après avoir été confronté aux blessures puis à la concurrence (de Thomas Heurtel notamment), pendant que l’autre, Nick Calathes, arrivait d’Athènes, où il portait (à nouveau) depuis 2015 le maillot vert du Panathinaïkos.
Si l’arrivée de l’américano-grec en Catalogne, accompagné du nouveau coach Saras, venait signifier un changement de stature, celle de Pangos en Russie était passée plutôt inaperçue. Mais dès la première journée contre l’Anadolu, il est venu nous rappeler avec 23 points à 8/14, 7 passes et 25 d’évaluation dans la victoire du Zenit, qu’il n’était pas un choix par défaut. En concluant la saison par une performance dantesque dans un match en retard contre le Panathinaïkos justement, en rattrapage avec 33 points à 10/15 dont 7/12 à 3pts, 11 passes décisives, 1 seule perte de balle et 41 d’évaluation, sa meilleure marque de la saison, il qualifiait son équipe pour les premiers Playoffs de son Histoire.
Pangos-dépendants ? Lors des 14 matchs perdus par le Zenit, le meneur affichait moins de 15 d’évaluation pour 12 d’entre eux. Cause ou conséquence de cette omnipotence, Xavi Pascual a articulé l’essentiel de son playbook sur des variantes de pick and roll, une maitrise du tempo. Sur le plan statistique, cette maestria dans la gestion des temps forts/temps faibles, notamment contre les équipes supposées plus riches en talent s’illustre :
- 2ème à l’évaluation adverse autorisée
- 1er au rebond adverse autorisé
- 2eme aux passes décisives autorisées
- 3ème au pourcentage à 3pts adverse
- 2ème meilleure défense tout en étant derniers aux interceptions
- 4ème à l’assist/turnover ratio
Est-il juste de parler de qualité défensive ? Il s’agit en tout cas de la meilleure équipe pour ce qui est de ne pas permettre à leur adversaire d’attaquer. Et le rôle de Kevin Pangos dans cette propension est primordial.
Son adversaire, Nick Calathes, est un joueur clivant. Son départ d’Athènes a été vécu par les supporters grecs comme une trahison, alimentant encore davantage les critiques souvent émises à l’égard de l’ancien de Florida. Parfois comparé à Chris Paul, du fait de son incroyable talent à la création, sa qualité de passe hors du commun, son Qi Basket élite, mais aussi décrié quant à sa défense que d’aucuns estiment surévaluée, Nick Calathes n’aura, une année de plus, pas réussi à mettre tout le monde d’accord.
Pourtant. Pourtant il est la pièce centrale du puzzle de Sarunas Jasikevicius, son relais sur le terrain. Si la création offensive est au sein des occupants du Palau merveilleusement partagée, l’initiation échoue au Grec. Si la défense catalane est aussi solide cette saison, il en est le garant (comme vous pourrez le voir lors du point tactique suivant). Mais le revers de la médaille de ce rôle, comme pour son adversaire en Playoffs, est l’impact sur son équipe d’une mauvaise performance. Lors de 8 des 10 défaites barcelonaises, Calathes affichait moins de 10 d’évaluation, et lorsqu’il est opposé à un créateur agressif et rapide (Larkin, Baldwin, Micic), il est en difficulté dans les situations de post up.
Tout l’enjeu d’une équipe comme de l’autre sera là, parvenir à faire déjouer le meneur adverse, afin de tuer dans l’oeuf l’initiation de la palette offensive.
-
La défense barcelonaise
Si l’on pouvait s’attendre en début de saison, à une outrecuidante domination offensive de Barcelone, et malgré la présence de défenseurs exceptionnels dans l’effectif (Higgins et Hanga pour ne pas les citer), nous n’imaginions pas que les catalans feraient preuve d’un tel niveau d’excellence.
- 1ers au pourcentage à 2pts autorisé
- 1ers au pourcentage à 3pts autorisé
- 3èmes aux passes décisives autorisées
- 1ers au rebond défensif
- 1ers à l’évaluation autorisée
- 1ers en défense
- 4èmes aux turnovers
Réussir cela, sans protecteur de cercle spécialiste, et en ayant Nikola Mirotic et Brandon Davies à l’intérieur, tient de la prouesse tactique, et tout le crédit en revient à Jasikevicus.
Le travail sur l’adaptation défensive avait vraisemblablement pour objectif de “protéger” ces deux joueurs. L’enjeu étant de pouvoir les rendre “neutres” en défense.
En parvenant à ce qu’ils n’impactent pas négativement la défense, le différentiel avec ce qu’ils apportent en volume offensif devient théoriquement irrattrapable pour l’équipe adverse.
En résulte une défense majoritairement en HEDGE, avec un défenseur haut sur le porteur de balle afin d’empêcher une pose d’écran initiale sur le porteur de balle, des aides défensives systématiques et une application quasi constante du SWITCH-ALL, chaque joueur étant en capacité de changer de vis-à-vis.
Une image valant mieux que mille mots, ici contre le Zenit de Kevin Pangos :
-
Pick and roll et jeu au poste, les armes russes
Nous l’abordions il y a quelques lignes, le jeu offensif des Russes repose essentiellement sur Kevin Pangos et les variantes du pick and roll.
Si Barcelone poursuivra certainement son travail de sape défensif, tout en “cachant” Mirotic, Davies et Gasol, à contrario, l’objectif pour Xavi Pascual sera de parvenir à servir les rollmen Thomas, Gudaitis et Poythress, soit au poste bas, soit dans l’intervalle laissé vide par la montée défensive espagnole.
S’ils réussissent à forcer la défense à protéger la raquette et le backdoor, ouvrant ainsi l’espace à ses artilleurs, ils pourraient bien mettre en difficulté leur adversaire. Il s’agit en tout cas d’une des rares failles des vice champions d’Espagne.
A quoi s’attendre ?
Si l’opposition peut sembler déséquilibrée, autant sur le plan de la dynamique, que sur le niveau intrinsèque, ce premier tour de Playoffs peut s’avérer passionnant.
Si ce que nous montrera le Zenit ne devrait pas être franchement différent de la saison régulière, tant ils auront optimisé leurs capacités, le point de bascule étant donc la mise en place de la connexion 1-5 en se sortant de la tenaille barcelonaise.
Pour les Espagnols, il sera intéressant de voir dans quelle configuration coach Saras abordera les Playoffs, raccourcissement de la rotation ? Diversification des lineups ? Création moins partagée ? Bien malin qui saurait l’annoncer.
En synthèse, il parait envisageable de voir les hommes de Xavi Pascual prendre un match (le second ou troisième, s’il fallait y mettre une pièce), mais difficilement davantage. La probabilité d’un blowout lors d’une rencontre est au moins aussi prévisible.
Seul aspect morose, dans cette bulle d’enthousiasme qui entoure le retour de phases finales, auxquelles nous n’avions plus droit en Euroleague depuis maintenant deux ans, le fait que les salles ne soient pas remplies, afin que nous retrouvions NOTRE ferveur printanière.
Pronostic final : 3-1 pour Barcelona
Calendrier du quart de Finale :
1 |
|||
2 |
|||
3 |
|||
4 |
|||
5 |