Il y a quelques jours maintenant, la March Madness 2021 a rendu son verdict. Au terme d’un tournoi des plus haletants attendu de pied ferme après son absence de 2020, Baylor a posé son empreinte dans l’histoire NCAA en remportant son premier titre universitaire, dominant de la tête et des épaules une équipe de Gonzaga jusqu’alors invaincue.
Cette March Madness 2021 était une première pour votre serviteur du jour. Après des années de “l’an prochain, je m’y mets“, cette année, tout était réuni pour enfin s’y mettre, pour enfin faire cette plongée au cœur du basketball universitaire, qui plus est dans son mois le plus intense. Voyage au bout de la March Madness : action !
La NBA somnolente et l’envie d’ailleurs
Le constat était froid et implacable : cette saison NBA me laissait un goût amer en bouche, ou plutôt, pour être totalement transparent, un goût qui n’en n’a pas.
Fan de l’équipe reine du Texas – San Antonio, bien sûr -, je voyais pourtant celle-ci mener une première partie de saison des plus agréables en dépit des pronostics peu avantageux d’avant-saison. Mais les victoires les plus probantes et les défaites les plus amers ne réveillaient pas pour autant un excès de sentiment. A peine quelques “On a pas perdu contre eux quand même ?”, de légers “Putain, ça fait plaisir“, de très menus “Non mais LaMarcus faut y aller là…“, et c’est tout. Pourtant, promis, j’ai essayé de m’emballer. J’ai lu, beaucoup. J’ai écrit, un peu. J’ai regardé quelques replays. Mais rien n’y faisait, et ça, même pour les autres équipes.
Pourtant, nombreux étaient les phénomènes intéressants à voir, pas de doutes. Mais cette saison particulière, couverte d’une ambiance des plus étranges avec l’absence de public, les forfaits des uns et des autres pour cause de protocole santé, un calendrier étrange, un All-Star Game sans aucun sens, tout ça me plongeait dans un faux-rythme total, empêchant tout plaisir réel de suivre l’activité de la balle orange Outre-Atlantique.
Et puis, vint le mois de mars et la sacrosainte March Madness du basket universitaire. Là encore, le dispositif était nécessairement adapté, avec une bulle digne du campus Disney Word de la Grande Ligue. Et si c’était là l’occasion, dans cette morosité ambiante de la NBA, d’aller découvrir ce qu’année après année, je me promettais d’aller suivre de plus près ? La décision était prise, la March Madness 2021 allait se faire avec moi.
Ne prenant aucun kiff particulier à suivre cette saison NBA, c’est décidé : je vais vivre la March Madness.
N’ayant rien suivi ou presque à part Gonzaga, mon seul point de repère sera ce que @frdslb30 & @skinnyprop ont écrit sur QiBasket.
LET’S GO GONZAGA.
LET’S GO AYO DOSUNMU.— Val – What If ? (@ValWhatif) March 16, 2021
Entrez, pauvres fous
Le problème quand on veut s’intéresser à quelque chose qu’on a longtemps – toujours – délaissé, c’est qu’on ne sait pas réellement par où commencer. Laissez-moi vous dire que cette problématique prend d’autant plus d’importance quand elle concerne un évènement comme la March Madness et ses 68 équipes, divisées en 4 régions et classées, dans chaque région, de 1 à 16 via un procédé que je n’ai toujours pas saisi si ce n’est que :
-
- Les plus forts sont en haut,
- Les moins forts sont en bas,
- Mais on sait jamais.
Le premier coup d’œil au bracket de la March Madness a vite fait de vous donner le tournis. Impossible de suivre tous les matchs, même avec toute la plus bonne volonté du monde. Surtout que le but n’était pas de regarder d’un air niais le premier match venu, mais au contraire, de plonger avec intérêt dans un environnement inconnu, et pour lequel je ne voulais surtout pas me tromper de porte d’entrée.
Premier constat, en bon cartésien que je suis : tout ce que je savais de la NCAA, c’est que je n’en savais rien. Alors, parfaitement conscient de mon inculture et ayant un temps limité à consacrer pour démêler l’intéressant du commun, le must-see de l’ordinaire, le bon sens a frappé à ma porte : si tu sais que tu ne sais rien, vas voir ce qui savent. Cette philosophie que n’aurait pas renié Matthieu Ricard, m’a poussé naturellement vers ceux qui suivent le basket universitaire avec attention et intérêt depuis des années, ceux pour qui le mois de mars est le mois le plus intense de l’année.
Après avoir combler mon retard à coup de lecture de portrait de joueurs et d’équipes, après avoir pris connaissance des “gros noms” de cette édition 2021 à surveiller, des états de forme des équipes, des favoris, des outsiders, quelques pistes de suivi s’étaient dégagées.
Pour le reste, j’allais naviguer au fil des performances des uns et des autres, et je comptais également découvrir de nouveaux visages et paysages via les replays et autres condensés de matchs proposés. Justement, parlons-en un peu.
Maintenant que j’avais quelques points d’ancrages définis, restait en suspens l’une des questions principales : comment regarder la March Madness ? Le problème fut ici rapidement réglé : quelques appels à l’aide, et une flopée de chaînes YouTube m’étaient recommandées, des liens de streaming, le fameux Reddit NCAA, et, Graal suprême, l’ESPN Pass.
Tout était prêt, le voyage pouvait enfin commencer.
Mars est bel et bien fou
Pour rendre la lecture un tant soit peu agréable et ne pas vous sortir le fameux “effet catalogue” en vous listant un à un les matchs que j’ai pu visionner, tâchons de faire simple et de procéder avec méthode.
La March Madness commence avec une mise en bouche à peine sucrée, le First Four. Concrètement, une seule chose à retenir : deux matchs, dont les vainqueurs intégreront le prestigieux tableau et le premier tour “officiel”. De quoi vous mettre un peu en chauffe, et surtout, de vous faire décoller de votre siège rapidement, très rapidement.
Après la mise en bouche, vient l’entrée. Avec 68 équipes engagées, inutile de vous préciser que la programmation est des plus chargées : 16 matchs le premier jour, 15 le second (un match ayant été annulé pour cause de cas COVID dans l’une des équipes). Et si vous pensiez vous reposer le dimanche, que nenni, le second tour enchaine aussitôt jusqu’au lundi.
Au total, du vendredi au lundi, 48 matchs de basketball. Une overdose complète, un shot d’adrénaline pour les amateurs et férus de basketball universitaire et pour moi, soyons honnête, une sensation de “je sais pas où je clique mais je clique” quasi-permanente.
Les premiers jours, la March Madness a des airs de foire géante. Si les habitués et les fans suivent leur équipe fétiche ou les prospects qui les intriguent, le néophyte que je suis a vite fait de naviguer en pleine mer, les quelques bouées que j’avais dissimulé ça et là prenant rapidement le large. Mais après tout, à quoi bon se limiter quand on est pris dans la folie de mars ? On a peur de louper l’upset, de louper la performance d’un prospect ou encore de louper une fin de match à rebondissement, alors on ouvre 5 fenêtres Internet simultanées, et on improvise.
Les choses se calment ensuite pendant 5 petits jours, jusqu’au sprint final, où s’enchaineront en 4 jours l’intégralité du Sweet 16, du Elite 8, avant le grand final, une semaine plus tard, avec le Final Four et finalement, la Finale tant attendue.
C’est sûrement aussi pour ça, qu’on l’appelle Madness.
Heureusement la couverture de l’évènement est exemplaire, notamment sur les médias français spécialisés. Site d’Envergure à l’appui pour le Big Board publié quelques jours plus tôt (qui permet de repérer en un coup d’œil où évoluent les principaux prospects), fil Twitter animé par les copains fans de NCAA de l’équipe de QiBasket et les équipes de Midnight on Campus, on identifie rapidement quel est le match à suivre à l’instant T.
Et il faut dire que bien aidé, bien orienté, on se prend rapidement au jeu, et on termine par faire le plus dur : arrêter de naviguer d’un match à l’autre pour se poser en intégralité, enfin, devant l’un d’entre eux. Pour ne pas se contenter d’un shot de basket, mais l’apprécier pleinement. On en regarde un, puis deux. On se prend de curiosité pour tel joueur ou telle équipe, peu importe que l’on sache son nom, son background ou ses éventuelles perspectives de carrière, et on a envie d’en savoir plus, d’en voir plus.
C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Scottie Barnes, Drew Timme, Davion Mitchell, Buddy Boeheim, Cameron Kurtwig, Kofi Cockburn et autres Jaime Jaquez Jr, ou encore que j’ai entendu pour la première fois parler de l’université de Loyola-Chicago ou d’Oral Roberts. Et que, manifestement emballé par l’évènement, je me suis laissé aller à des comparaisons… osées. Madness, on vous dit.
Je ne vois aucune différence entre Loyola Chicago de 2021 et les Chicago Bulls de 1996.
— Val – What If ? (@ValWhatif) March 21, 2021
C’est surtout là, à nouveau rapidement, que mon esprit d’amoureux de balle orange, endormi par les replays NBA – à tort ou à raison, ce n’est pas vraiment le débat ici -, se réveille, enfin.
Le réveil du basketball, enfin
Venu à la March Madness par curiosité, celle-ci s’est muée en véritable intérêt au fil des matchs. Et c’est là que je dois faire au basket universitaire un vrai mea culpa.
Car oui, en dépit de ma méconnaissance totale du paysage universitaire, du championnat NCAA, des équipes et du jeu qui y était pratiqué, j’avais quelques jolis préjugés. Le plus gros d’entre eux, c’était justement qu’en terme de “jeu”, je ne m’attendais à rien. Et pourtant, dès les premiers matchs, quel plaisir.
Je me limiterai ici aux grands lignes, car il faudrait nécessairement plus de temps – d’écriture, mais surtout de visionnage – pour pouvoir entrer dans le détail et développer plus longuement, un à un, les aspects qui m’ont séduit.
Tout d’abord, ce n’est pas tant les différences parfois flagrantes avec le jeu NBA qui m’a interpellé le plus, que l’impression d’avoir, pour la plupart des universités que j’ai vu jouer, un basketball pensé de manière collective, autour d’une identité assez claire que l’on a voulu affirmer. Le jeu de Gonzaga, Baylor, Loyola-Chicago, Syracuse, ou d’autres s’inscrit dans un schéma global, aussi bien offensivement que défensivement. S’en dégage une impression de discipline, de rigueur, pour que les schémas et constructions travaillés soient appliqués, que les consignes données soient respectées, les points forts identifiés exploités.
Ce premier constat général m’a mené à réfléchir sur une réflexion que j’avais pu entendre ça et là chez certains fans du basket universitaire : la NCAA est un championnat de coachs. Si je n’ai évidemment pas assez de recul sur la question pour pouvoir l’affirmer avec autant de vigueur, j’avoue avoir tendance, sur le faible échantillon que j’ai pu voir, à rejoindre le mouvement.
Plusieurs raisons à cela. D’une, il est très difficile d’arriver au niveau de jeu proposé par certains programmes alors que certains, rappelons-le, ne doivent compter sur des joueurs à très haut potentiel qu’une année avant que ces derniers partent faire le grand saut en NBA. Pour palier à ces arrivés-départs éclairs, il faut créer, autour de ses futures grands, une ossature de joueurs stables, solides, prompts à épouser votre vision du basketball en tant que coach. Un sacré boulot.
De l’autre, la force du championnat NCAA c’est évidemment sa jeunesse. Quel terreau plus fertile que la jeunesse pour un coach pour pouvoir s’éclater en proposant des schémas de jeu différents, aussi bien offensivement que défensivement ? Evidemment, la question mérite de plus amples réflexions, mais c’est là un axe qui, à mon avis, mérite réflexion. Et sur l’ensemble de cette March Madness, j’avoue avoir été séduit plus d’une fois par les schémas dessinés offensivement, et aussi un peu bluffés des choix défensifs parfois effectués.
Cela m’amène justement à mon deuxième point : la variété.
Quel pied de voir des défenses variées. De la zone, de la pression tout terrain, demi-terrain, des trappes hautes, au poste, du switch. Certains programmes se distinguent avec une vraie identité défensive, encore une fois marquée d’une rigueur de fer. On sent le travail derrière, les consignes maintes fois répétées, et l’application collective qui y est mise.
Loyola-Chicago-Cadenas. pic.twitter.com/GXnLP8WnqX
— Val – What If ? (@ValWhatif) March 27, 2021
Même chose offensivement : des ballons au poste pour les big, des big mens tête de raquette qui joue les points de fixation, des systèmes de jeu pour les shooteurs, pour les slasheurs, des backdoors, des systèmes courts, longs … En phase offensive, il faut avouer que les choses sont notamment bien aidées par l’horloge des 30 secondes. Après avoir encaissé un panier et remonté le terrain, vous bénéficiez grosso modo de 24 secondes pleines pour développer du jeu et multiplier les phases. Une tentative de jeu poste pas avortée ? En ressortant la balle, il vous reste encore 15 secondes – le temps d’un système complet. Mais quand bien même, la variété des systèmes de jeu et l’application qui y est mise, encore une fois sûrement aidée par la mainmise des coachs sur le jeu développé par leurs jeunes pousses, est des plus agréables à voir.
Bref, le constat était là : je ne m’attendais à rien, et je suis resté pour en voir plus. Ca y est, la magie de la Madness avait bel et bien frappé.
Voyage au bout de la March Madness, jour 5.
Florida State vs Colorado.
Outre le style de Scottie Barnes et son poum poum short, j’ai buggé sur la propreté de ce système de touche. pic.twitter.com/8SRDHkiyUq
— Val – What If ? (@ValWhatif) March 23, 2021
Alors, attention. Loin de moi l’idée d’affirmer que le basket que j’ai vu sur les terrains d’Indianapolis, où se déroulait cette March Madness 2021, était sans égal.
Si la NCAA reste un championnat relevé, avec des programmes universitaires qui développent du vrai jeu, il y a aussi et évidemment d’évidentes faiblesses. Je disais plus haut que l’atout premier du basket universitaire était sa jeunesse, c’est aussi son principal défaut, et c’est finalement ce qui fait tout le charme de ce que l’on voit à l’écran.
Le niveau global est moins élevé qu’un championnat professionnel avec des joueurs “finis” dans leur formation, c’est un fait. Les joueurs que l’on voit évoluer sont en formation permanente, c’est le principe même de leur passage à l’université. Dans le jeu, on perçoit assez rapidement en général la différence entre certains première année ou sophomores et les joueurs en fin de cursus, qui ont engrangé de l’expérience, et qui ont un jeu bien plus mûr ou complet. Ce n’est pas pour rien d’ailleurs que plusieurs observateurs considèrent que lorsqu’un jeune joueur arrive en NBA, il a encore, en théorie, deux voire trois saisons de “formation” à achever.
Evidemment, les joueurs étiquetés “top prospects NBA“, qui forment une caste à part, sont en marge de cette réflexion, eux qui possèdent par définition une grille d’évaluation plus personnelle, plus orientée vers le potentiel que le talent au moment M. Mais pour la plupart des joueurs que l’on voit évoluer, lorsque l’on fait attention aux détails, on remarque ça et là des petites erreurs, qu’elles soient techniques ou non, par exemple dues à de mauvaises lectures de jeu, à des choix offensifs douteux, à un manque de variété face à telle ou telle situation défensive.
Bien loin d’être des freins, ces imperfections font au final que l’on a envie de voir sur la longueur ce que peuvent devenir tel joueur, telle ossature d’équipes, de voir les progrès des uns et les efforts des autres. Surtout, ces imperfections sont inhérentes à la nature même du championnat universitaire. C’est une donnée que l’on peut parfois oublier quand on voit la couverture médiatique et le folklore populaire autour de ce championnat et de la March Madness en particulier, mais c’est un fait pourtant originel : c’est un championnat universitaire, jeune par essence. Mais rien qui en vous empêcherait d’en profiter, bien au contraire.
Mea culpa
Toutes ces réflexions m’ont mené à un point, peut-être évident pour les connaisseurs mais qui ne l’était pas pour moi jusqu’alors : il y a en NCAA des vrais et bons joueurs de basketball, et cela va bien au-delà des top prospects.
Aussi bien défensivement qu’offensivement, certains profils, même lorsqu’ils ne sont pas dans les prévisions des futures drafts NBA, vous tapent dans l’œil au détour d’un match. Certains ne sont pas outillés pour la NBA, ou à peine, mais au final, est-ce là que se situe vraiment l’important ? Pour les premiers concernés, c’est probablement un rêve qui s’envole, celui de jouer dans la ligue la plus reconnue du monde et contre les meilleurs joueurs de la planète, mais certains d’entre eux sont faits pour jouer au basket, et surprise : on ne joue pas au basket qu’en NBA.
Comment ne pas penser à Cameron Krutwig, le pivot aux mains d’argent de Loyola-Chicago, à Buddy Boeheim, le snipeur fou de Syracuse ? A Max Abmas d’Oral Roberts, la surprise du tournoi ? Ou encore au Joueur de l’année, Luka Garza, dont la côte en NBA n’est pas aussi haute que son empreinte en NCAA pourrait le laisser penser ? Ce sont là des joueurs qui ont le basket dans le sang, aucun doute là-dessus quand on les voit évoluer. Auront-ils pourtant leur place en NBA ? Pas sûr du tout, pas pour tous du moins. Mais pour que la balle orange continue de bien se porter, ces jeunes joueurs doivent continuer à jouer au basket, c’est aussi simple que ça. Qu’importe si ce n’est pas avec un roster NBA, il y a bien d’autres paniers à faire trembler, et d’autres publics à faire lever.
En tout cas, une chose est sûre : Mars m’a eu. Je reviendrai, vite, toujours par curiosité, mais aussi et surtout, avec plaisir.