Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Pour clôturer cette série d’articles en beauté, nous avons gardé la plus ancienne saison de notre sélection. Pas la moins importante néanmoins, car elle met en scène un monument absolu de notre merveilleux sport. Plus que cela, il est même considéré comme le taulier de la balle orange.
George Mikan est né le 18 juin 1924 à Joliet, dans l’Illinois. 16 ans jour pour jour avant un fameux appel londonien, ses parents Joseph et Minnie ne savaient pas qu’ils venaient de mettre au monde celui qu’on appellera presque 100 ans plus tard “Mr. Basketball”. Rien que ça. Pourtant, il est de ceux dont on connait le nom mais trop peu l’histoire.
Véritable OVNI alors que la balle orange est alors réservée aux “petits”, Mikan va révolutionner ce sport du haut de ses 2m08 et ses 111 kilos. Après une brillante carrière à DePaul University, il écuma les parquets de la NBL, de la BAA puis de la NBA.
Nous vous parlons aujourd’hui de l’époque préhistorique du basketball et de son premier tyrannosaure, George Mikan. Celui qui est aujourd’hui considéré comme le pionnier des big men et la première superstar de la Grande Ligue. Revenons sur son parcours, de son enfance à ses faits d’armes professionnels.
Action !
Lorsque l’on se plonge aussi loin dans le passé, on déterre toujours une quantité considérable d’anecdotes. Rien ne semblait destiner George Mikan à devenir une légende de notre sport, alors dominé par les meneurs. À 11 ans, le garçon mesure déjà plus d’1m80 et s’avère être la cible des moqueries de ses camarades à cause de sa taille mais également de sa maladresse et de ses épaisses lunettes. Le seul sport qui l’intéresse est le jeu de billes, auquel il est d’ailleurs très doué. Lorsqu’il intègre l’équipe de basketball du lycée, son coach le vire car sa myopie l’empêche de jouer sans lunettes.
Peu de temps après, Mikan se casse une jambe sur un playground. Le géant a des os fragiles qui lui causeront du tort toute sa carrière. Il ne pourra pas marcher normalement pendant plus d’un an après cet incident. Il décide alors de devenir prêtre, avant de faire machine arrière. Il retrouve les joies du terrain une fois sa jambe guérie, mais voit les portes universitaires se fermer. Le coach de Notre Dame refusera sa venue – et donc la bourse qui va avec – à cause de sa grande taille, sa lenteur et son manque de mobilité.
Avec tous ses éléments en mains, difficile de vous faire croire que nous parlons de quelqu’un qui porte aujourd’hui le surnom de Mr. Basketball. Et pourtant.
C’est du côté de DePaul University que sa vie va prendre un incroyable tournant. Fraichement recruté, le coach Ray Meyer voit Mikan d’un œil nouveau. Intrigué par ce freak, il décide de lui laisser sa chance et lui accorde une bourse sportive complète. Meyer n’a qu’une idée en tête : aider Mikan à faire de sa taille un avantage et minimiser les faiblesses qu’elle engendre. Alors qu’il a du mal à déplacer cette longue carcasse, Mikan raconte :
“Lorsqu’on devait danser à l’école, il (Meyer) me disait de danser avec les filles les plus petites. Il pensait que cela me forcerait à améliorer mon footwork. Sinon, je leur marchais dessus et leur faisais mal.”
Il lui fait donc travailler sa mobilité, mais aussi son ambidextrie. Lorsque vous voyez un pivot s’exercer sous le panier, alternant les tirs/rebonds de la main gauche à la droite, vous penserez désormais à George Mikan et Ray Meyer. Un exercice qui porte aujourd’hui le nom de Mikan Drill. Ce dernier avait également dessiné un exercice spécifique pour développer un hook à son joueur, l’obligeant à s’élever au-dessus d’un banc pour gagner en hauteur.
Véritable précurseur, le coach fait d’un pivot la pièce centrale de son équipe. Du jamais vu dans le basketball à l’époque. Pourtant, les résultats donnent rapidement raison à Meyer. DePaul, alors peu connue dans l’univers de la balle orange universitaire, enchaîne les succès. Mikan s’affirme comme un magnifique scoreur près du cercle, et mène son équipe aux points. En 1945, DePaul remporte le National Invitation Tournament, un titre majeur en ce temps. En demi-finale face à Rhode Island, au Madison Square Garden, Mikan inscrit 53 points. Un total plus élevé que l’équipe adverse dans son intégralité. À DePaul, le pivot excelle et devient une légende : il sera nommé 3 fois All-American, et 2 fois meilleur joueur universitaire. Sur les deux saisons de 1944 à 1946, il tourne à plus de 23 points de moyenne.
Pour en finir avec son parcours universitaire, précisons qu’une première règle actuelle du basket nous vient directement de George Mikan. En effet, sa taille lui a rapidement conféré un avantage inéquitable ; il pouvait tout simplement empêcher les tirs adverses de rentrer dans le panier lors de leur phase descendante. Les instances ont donc été obligées de créer la règle du goaltending, que nous connaissons bien aujourd’hui. Nous l’avons suffisamment mentionné avec certains de ses successeurs que sont Kareem Abdul-Jabbar ou Shaquille O’Neal ; faire changer les règles de son sport est la marque des grands. Et Mikan en fait partie, au sens propre comme au figuré.
II est temps pour lui d’entamer sa carrière professionnelle.
Au terme de cette saison universitaire 1945-1946, George Mikan s’engage avec les Chicago American Gears, pour un salaire annuel de 12 000€. Un record à l’époque pour un joueur de basket. La franchise évolue en National Basketball League (NBL), et la NBA n’existe pas encore. Du moins, pas sous cette appellation. Cette nouvelle Ligue, la Basketball Association of America (BAA), se créée en 1946. Alors que la NBL est déjà établie depuis 1937, la BAA vient donc la concurrencer.
L’histoire d’amour entre Mikan et les American Gears sera noueuse et de courte durée. Le joueur quitta même la franchise pendant six semaines en raison de désaccords contractuels. Finalement, il revient à temps et permet à Chicago d’atteindre les playoffs. Il joue 25 matchs de saison régulière, pour une moyenne de 16,5 points. Le pivot continue de dominer dans le monde professionnel, et tire sa franchise vers la 3ème place de la division. En playoffs, il approche des 20 points sur la campagne et emmène tout simplement Chicago vers le titre NBL, dont il est nommé MVP. Les American Gears battent les Rochester Royals, que Mikan retrouva quelques années plus tard sur son chemin. A l’époque, le titre NBL est le plus prestigieux de la balle orange, alors que la BAA vient tout juste de se créer.
Cependant, les folies du propriétaire des American Gears, Maurice White, vont causer la disparition de la franchise de Chicago. Une fois la saison terminée, la popularité grandissante de son pivot incite White à voir plus grand. Il décide alors de retirer les Gears de la NBL pour créer son propre championnat, la Professional Basketball League of America. Elle est composée de 24 équipes, que White détient toutes. Un calendrier de 60 matchs est mis en place, et l’homme d’affaires compte sur le meilleur joueur du moment, Mikan, pour faire de cette nouvelle compétition un succès national. Seulement, le marché américain ne comportait plus de place pour une quatrième ligue majeure de basket puisqu’au-delà de la BAA et de la NBL, la ABL survivait encore malgré ses difficultés.
Les audiences sont infimes et après seulement 3 petites semaines de compétition, la PBLA s’effondre. George Mikan y aura joué 8 matchs avec les American Gears, pour plus de 24 points de moyenne. Ironiquement, c’est la NBL qui obtient les droits sur les joueurs issus de cette Ligue déchu. Un tirage au sort doit attribuer les joueurs aux franchises NBL, et chacune détient environ 9% de chances de récupérer George Mikan. Le destin décide alors d’envoyer le pivot légèrement plus à l’Ouest, chez les Minneapolis Lakers. Il y signe un contrat de 12 500€, nouveau record.
George Mikan et Magic Johnson ont donc posé leurs valises chez les Lakers suite à un tirage au sort. Comme quoi, co-posséder le plus grand palmarès de la Grande Ligue ne tient parfois qu’à un coup de pouce du destin.
C’est dans la région des Lacs que Mikan va devenir une légende de notre sport. Dès sa première saison (1947-1948) dans le Minnesota, il confirme sa domination avec la meilleur moyenne de points sur la saison (21,3). Le pivot est épargné par les blessures et emmène les Lakers la première place de la division Ouest avec un bilan de 43 victoires pour 17 défaites. Il est nommé MVP et fait partie de la All-NBL First Team en compagnie de son coéquipier Jim Pollard. Il devient également le premier joueur de l’histoire NBL à marquer plus de 1 000 pts sur une saison. En playoffs, Minneapolis ne laisse aucune chance à la concurrence, derrière un Mikan à plus de 24 points de moyenne. En finales, il retrouve les Rochester Royals, et remporte à nouveau son duel en 4 manches.
Mikan est au sommet de son art. Véritable phénomène, il attire les foules en ville comme sur les parquets. Tout le monde veut voir ce grand blanc à lunettes qui martyrise les raquettes NBL. Los Angeles est l’endroit parfait pour donner de la visibilité à ce merveilleux joueur. Lorsqu’il va jouer à New York, le Madison Square Garden affiche même “Mikan vs. Knicks”. Certains journalistes sportifs n’hésitent pas à élever Mikan au rang de sauveur de la balle orange. Il est la première superstar de ce sport.
Alors que la NBL est la Ligue de basket la plus populaire, les Minneapolis Lakers sentent le vent tourner et décident de rallier la jeune BAA, en compagnie de trois autres franchises. Qu’importe, George Mikan continue de dominer, inlassablement. Sa moyenne de point atteint des sommets (28,3) et on imagine qu’il en est de même pour les rebonds, pas encore comptabilisés à cette époque. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le pivot détient également la plus haute moyenne de passes chez les Lakers (3,6). Preuve de la polyvalence et surtout de l’omniprésence du garçon dans son équipe.
Notons qu’à l’époque, seuls trois joueurs dépassent les 20 points de moyenne sur la saison. En effet, l’absence d’horloge des 24 secondes ralentit considérablement le jeu. À titre d’exemple, les Lakers ont marqué 84 points par match en moyenne sur la saison, un total qui passera à plus de 95 après l’instauration de la plus célèbre horloge du monde du sport. Après avoir dominé la NBL, c’est donc au tour de la BAA de succomber au talent du pivot. George Mikan est à nouveau MVP. Les Lakers deviennent champions face aux Washington Capitols (4-2) alors coachés par la future légende des Boston Celtics, Red Auerbach. Rien et surtout personne ne peut arrêter le pivot.
Finalement, après cette saison 1948-1949, la NBL ne tient plus le choc face à sa jeune concurrente. Les deux Ligues fusionnent alors pour devenir la NBA. Une troisième Ligue en trois saisons pour les Lakers et leur tête d’affiche George Mikan. Cela ne semble pas les perturber pour autant. Le championnat compte alors 17 équipes, et le pivot continue de tout écraser sur son passage. Plus de 27 points de moyenne, alors que seul un autre joueur dépasse la barre des 20 points, Alex Groza. Les Lakers améliorent encore leur bilan (51-17) et arrivent en playoffs en favoris. Minneapolis ne compte pas dans ses rangs le seul George Mikan. Le pivot est magnifiquement entouré par les Jim Pollard, Slater Martin, ou encore Vern Mikkelsen. Les Lakers atteignent les finales sans concéder la moindre défaite, et sont opposés aux Syracuse Nationals de Dolph Schayes. Le Game 1 se soldera par une victoire de Minneapolis grâce à un panier miraculeux de Bob Harrison d’une douzaine de mètre, au buzzer. Après 4 matchs accrochés, les Lakers de Mikan finissent par l’emporter (4-2). Nous vous laissons deviner qui termina meilleur scoreur de l’ensemble des rencontres.
L’oscar de la saison 1950 – 1951
A l’aube de la saison 1950-1951, Mikan et les Lakers viennent donc de remporter trois titres consécutifs – et dans trois Ligues différentes, accessoirement. Surtout, ils sont officiellement les premiers champions NBA de l’histoire. Le pivot est alors nommé par l’Associated Press “Meilleur joueur de basketball de la première moitié de siècle”. Une marque de plus dans l’histoire pour George Mikan, même si cette nouvelle saison fera office d’exception sur le plan collectif.
Individuellement, Mikan domine encore et encore. Agé de 26 ans, il est au sommet de son art et conserve largement son titre de meilleur marqueur sur cette saison, avec plus de 28 points de moyenne.
Cette année marque plusieurs événements en NBA. Par exemple, l’arrivée de la légende Paul Arizin qui sera élu Rookie of the Year. Surtout, la Ligue se met à comptabiliser les rebonds dans les lignes statistiques. Si Dolph Schayes domine cette catégorie avec plus de 16 prises par match, Mikan n’est pas en reste à la deuxième place (14,1). Toujours sur le plan individuel et statistique, Mikan écrase la concurrence sur le Win Shares, bien loin devant Alex Groza (23,4 contre 18). Les trophées individuels sont moins nombreux à l’époque – le MVP n’existe pas encore en NBA – mais nul doute que le pivot aurait eu son mot à dire dans la course au Defensive Player of the Year.
Le véritable fait marquant de cette saison restera le match opposant les Minneapolis Lakers aux Fort Wayne Pistons, ancêtres des Detroit Pistons, le 22 novembre 1950. La franchise, championne NBL en 1944 et 1945, estime qu’il est impossible de battre les Lakers et surtout Mikan à la régulière. Pourtant l’équipe de Minneapolis est moins hégémonique cette saison-ci. Le coach des Pistons, Murray Mendenhall, va donc tout simplement demander à ses hommes de faire de l’anti-jeu. Le meneur Boag Johnson doit conserver le ballon et les Pistons ne prennent aucun tir. Les Lakers n’ont d’autres choix que de faire faute, alors que le “bonus” ne donne qu’un lancer franc, pour espérer jouer. A la mi-temps, le score est de 13-11 pour les Lakers !
Un spectacle désastreux qui provoque l’ire du public, qui se met à jeter des pièces et des journaux sur le parquet. Alors qu’une partie de la salle se vide, les Pistons recollent et ne sont menés que d’un point à quelques secondes du terme. Sur une remise en jeu, leur pivot parvient à marquer face à Mikan, et Fort Wayne l’emporte. Score final, 19-18. Soit la plus faible marque pour un match NBA, considéré comme le pire match de l’histoire. On notera que Mikan a marqué 15 des 18 points des Lakers. Une honte au basket qui a fait grincer les dents des instances et qui failli coûter très cher au basket. Les spectateurs, outrés, ont presque créé une émeute autour des joueurs des Pistons lors de leur retour au vestiaire. John Kunda, le coach des Lakers, craint pour la pérennité de la Ligue et tire la sonnette d’alarme.
Ce match sera la première – et la plus grosse – brique d’un nouveau changement en NBA, avec l’instauration de l’horloge des 24 secondes. Après le goaltending, Mikan influence – indirectement, certes – encore le règlement de la Ligue.
Quoi qu’il en soit, Murray Mendenhall sembla retenir la leçon ; le comportement anti-sportif n’est pas accepté en NBA, ni par les instances, ni par le public. Dès lors, le lendemain, les Pistons jouèrent véritablement au basketball … et vinrent à nouveau à bout des Lakers (73-63). L’Histoire de l’horloge des 24 secondes tient donc sur une erreur de jugement d’un coach trop peu confiant dans le talent de ses joueurs.
Mikan participa bien évidemment au premier NBA All-star game de l’histoire, disputé le 2 mars 1951. Il y fût d’ailleurs bien maladroit (4/17 au tir) et la conférence Est s’imposa assez aisément (111-94).
En fin de saison régulière, les Lakers affichent un bilan de 44 victoires pour 24 défaites. Leur franchise player, lui, termine sa saison avec 28,4 points, 14,1 rebonds et 3,1 passes décisives, à 42,8 % de réussite au tir. Un pourcentage qui en fait le 3è homme le plus précis de l’exercice. Depuis lors, seul Bob Pettit (3 fois), Elgin Baylor (4 fois), Wilt Chamberlain (4 fois) et Kareem Abdul-Jabbar (5 fois) ont un jour terminé une saison en 28/14/3, en bénéficiant toutefois de l’horloge des 24 secondes. George Mikan réussit ici l’exploit de ne pas faire tâche dans un groupe composé tout bonnement des meilleurs intérieurs de tous les temps.
Cependant, Minneapolis ne réalisa pas le premier back-to-back de l’histoire NBA. Après être difficilement venu à bout des Olympians d’Indiana, au sein desquels évolue Alex Groza, les Lakers sont à nouveau opposés aux Rochester Royals en finale de division. Les ancêtres des Sacramento Kings prirent cette fois-ci leur revanche. Une série que George Mikan disputa … avec une jambe cassée ! Il joua tout de même, ce qui doit constituer un fait unique dans l’histoire du basket américain. Sans courir, il inscrivit 20 points de moyenne sur la série, perdue par les Lakers (3-1). Dans les années 90, Mikan se souvenait :
“Les médecins avaient scotché une plaque sur ma jambe cassée pour les playoffs. Je jouais bien, j’ai scoré dans les 20 points. Je ne pouvais pas courir, mais plutôt sautiller sur le court”.
C’est ainsi que de tyrannosaure, Mikan se transforma en cabris des parquets. Et si les Lakers concédèrent leur première défaite en playoffs depuis l’arrivée en leur sein de Mr. Basketball, ils n’allaient plus tarder à reconquérir le titre NBA.
Le générique de fin
Cependant, l’ancien de Chicago ne marque “que” 23 points de moyenne au cours de la saison suivante. Une performance qui reste impressionnante à l’époque, mais en-deçà de ses standards. La raison ? Un nouveau changement de règle, que nous lui devons évidemment. Pour limiter son impact titanesque dans la raquette, la NBA décide d’agrandir celle-ci en reculant la ligne des lancers-francs. La règle des trois secondes oblige alors Mikan à prendre position plus haut, et donc à tirer de plus loin. Ses pourcentages flanchent, et le pivot termine la saison à 38.5% au tir (17è total de l’année) ! Une nouvelle règle qui sera nommée… la Mikan Rule. Et de trois pour le pivot, qui n’en finit plus de bouleverser le jeu. Cette énième nouveauté de l’empêche pas de réaliser l’une des plus belles performances de tous les temps, contre les Royals, encore eux : 61 points et prendra 36 rebonds après double prolongations ! Seul Wilt Chamberlain (4 fois) égala au moins cette performance depuis.
Moins dominateurs que par le passé, les Lakers se frayent quand même assez aisément leur chemin jusqu’au finales NBA. Cette série est considérée comme l’une des plus étranges a avoir été disputée, car aucun match ne se jouera à domicile pour les Lakers et les Knicks. En effet, les deux salles étaientt occupées pour des événements jugés plus importants. Vous le constatez, la NBA a fait du chemin médiatique depuis 1952. Au terme d’une série très serrée, les Lakers l’emportent et renouent avec le succès. Ironie du sort, c’est le coach des Knicks, Joe Lapchick qui a grandement initié la Mikan Rule car le pivot était son “némésis”. Cela n’aura pas suffi pour stopper Mikan, qui inscrivit plus de 20 points par soir sur l’ensemble des 7 rencontres de ces finales 1952 (4-3).
Les deux saisons suivantes verront les Lakers maintenir leur domination sur la NBA. George Mikan décline lentement, malgré son jeune âge. Son physique si particulier mais aussi très fragile ne supporte plus que difficilement le haut niveau. Cela fait maintenant des années que le pivot travaille son corps pour en tirer le maximum, ce qu’aucun “grand” n’avait avant lui dans ce sport. En 1952-1953, il fût meilleur rebondeur de la saison, et nommé MVP du All-star game. Surtout, les Lakers remportent à nouveau le titre, toujours face aux Knicks. Mikan ne se contente pas de dominer, il affiche aussi un vrai leadership (20,8 points, 17 rebonds de moyenne sur les 5 matchs de ces finales). Lors de l’exercice suivant, ses statistiques diminuent légèrement (18,1 points, 14,3 rebonds, 2,4 passes décisives). Cela ne ralentit pas les Lakers, qui sous l’impulsion de leur pivot se dirigent vers un nouveau titre. Le premier three-peat de l’histoire, alors que Minneapolis en était resté au doublé lors des deux premières saisons NBA. Une hégémonie qui reste encore légendaire, seulement égalée ou surpassée par les Celtics de Bill Russell puis les Bulls de Michael Jordan.
Malgré son déclin physique, George Mikan n’a que 29 ans et reste l’un des tous meilleurs joueurs de la Grande Ligue. Pourtant, il surprend tout le monde en annonçant sa retraite au terme de cette saison. Il souhaite se consacrer à sa femme et ses six enfants. George n’était pas productif que sur les parquets !
Sans leur pivot, les Lakers ne font plus aussi peur, et échouent en finales de division. Au cours de la saison 1955-1956, Mikan désespère de voir son équipe enchainer les revers, et tente un comeback. Il joua 37 matchs, mais sa “première” retraite a coupé sa carrière. Bien loin de ses standards, il ne permet pas à Minneapolis de passer le premier tour de playoffs. Il se retire définitivement des parquets, le corps meurtri par les nombreuses blessures qu’il a endurées et supportées tout en continuant à jouer. Jambes fracturées à plusieurs reprises, pieds, poignets, doigts ou encore nez : tout y est passé. A la fin de sa carrière, Mikan boitillait en permanence et ne pouvait plus étendre ses bras complètement.
En neuf saisons professionnelles, George Mikan affiche un palmarès impressionnant :
- Hall-of-famer, intronisé en 1959 ;
- Membre des 50 greatest de 1996 ;
- Champion de Ligue, à 7 reprises ;
- MVP de Ligue, à 2 reprises ;
- All-star, à 4 reprises ;
- MVP du All-star game, en 1953 ;
- All-NBA 1st Team, à 6 reprises ;
- Meilleur scoreur de la Ligue, à 5 reprises ;
- Meilleur rebondeur de la Ligue, à 2 reprises ;
- Numéro 99 retiré chez les Lakers.
En somme, il régnait avec une domination sans partage, et quitte les parquets en laissant un incroyable héritage pour tous les big men passés après lui. S’il n’y avait pas eu Mikan, aurait-on vu Kareem Abdul-Jabbar ou Wilt Chamberlain ?
Lors de la saison 1957-1958, il prit les rênes des Lakers mais son expérience au coaching tourne vite au fiasco. Il se concentre alors sur sa carrière d’avocat, dans la région de Minneapolis à laquelle il est très attaché. Étonnant, quand on sait qu’il n’était pas motivé à l’idée de jouer pour les Lakers initialement, car trop éloignés de son Illinois natal.
En 1967, il revient au basket et devient le premier commissioner de la ABA, alors concurrente de la NBA. Il le resta deux ans. Au cours des années 1980, alors que les Lakers ont déménagé à Los Angeles, il mena un lobby pour ramener une franchise à Minneapolis. Un projet qui aboutira à la création des Minnesota Timberwolves. Une statue représentant le Mikan Drill trône d’ailleurs devant le Target Center. Encore une fois, son influence fût déterminante dans l’Histoire de la Ligue telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Malheureusement, George Mikan décèda le 1er juin 2005 des suites du diabète, à l’âge de 80 ans.
Crédits et hommages
George Mikan fut donc le premier véritable big man de l’histoire. Ray Meyer, légendaire coach de DePaul, décrit l’impact que son protégé a eu sur la balle orange :
“George a dominé le jeu comme personne avant lui. Il a fait ce qui était attendu et a rendu ses coéquipiers bons. Il a changé le jeu et donné du respect au poste de big man. C’est devenu un jeu de big men”.
Bob Calihan, un ancien coéquipier, déclarait qu’il n’avait vu de prises à deux avant que Mikan n’arrive. En conséquence, il fallait que le pivot sache ressortir la balle. Ce qui faisait de lui plus qu’un scoreur. Joe Lapchick, immense coach des Knicks et qui l’a bien connu en tant qu’adversaire, reconnaissait ce talent :
“Tout le monde oublie que Mikan est aussi le meilleur passeur au poste que ce sport ait jamais connu. Défendez le normalement et il vous tuera au scoring. Défendez le anormalement (comprenez prise à deux ou plus) et il vous assassinera avec des passes”.
George Mikan fût aussi l’un des tous premiers utilisateurs du hook, un tir au poste qu’il a popularisé, en faisant même une spécialité. Imité par ses successeurs, notamment le plus illustre, Kareem Abdul-Jabbar :
“Il nous a montré comment faire. Je n’aurais certainement jamais développé le hook shot sans les fondamentaux que j’ai appris du jeu de George Mikan”.
Considéré comme le tir le plus léthal de l’histoire, le sky hook d’Abdul-Jabbar n’aurait donc probablement pas existé si Mikan n’avait pas révolutionné le basketball. Existe-t-il un meilleur hommage que celui-ci ?
Sans prétendre faire mieux que l’illustre pivot, nous nous réservons le dernier hommage pour Monsieur Mikan. Car sans lui, ce sport n’en serait certainement pas là où il en est aujourd’hui. Sans sa détermination à vouloir taper la balle orange, mais aussi sans la confiance et l’avant-gardisme de son coach universitaire Ray Meyer, qui sait à quoi ressemblerait le basket aujourd’hui ?
Tant de questions auxquelles nous n’avons pas de réponse. Tant de questions qui nous permettent, aujourd’hui, de clôturer la série des Magnétos en évoquant Mr. Basketball. Pour nous, la boucle est bouclée.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/1974), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/1986), Bill Walton (1976/77),
- Cinq majeur #11 : Micheal Ray Richardson (1981/82), Drazen Petrovic (1992/93), George Yardley (1956/57), Antawn Jamison (2009/10), Dolph Schayes (1960/61),
- Cinq majeur #12 : Walt Frazier (1969/70), Mitch Richmond (1993/94), Bailey Howell (1967/67), Andreï Kirilenko (2005/06),