A son arrivée l’an passé chez les Chicago Bulls, l’objectif semblait clair pour Arturas Karnisovas : ramener cette équipe à la compétition, sans repasser par la case “reconstruction”. Dès lors, exit l’objectif top pick de draft, le nouveau vice-président des opérations basket devait regarder vers les Playoffs, quitte à ne pas devenir un prétendant au titre. Pour cette NBA Trade Deadline 2021, le mot d’ordre fut clair : être actif pour palier les nombreux manques observés depuis le début de saison.
Comme ces dernières années, les Bulls ont regardé vers la post-saison. Et si le fond de jeu est meilleur, la copie rendue par Chicago ne fait pas rêver pour autant : seulement 19 victoires en 43 matchs, une équipe qui a du mal à gagner même avec de belles avances, une fâcheuse tendance à se faire étriller par les pivots adverses, une défense peu satisfaisante et des difficultés structurelles à la mène.
Malgré tout, plusieurs lueurs d’espoir. Les joueurs sont en phase avec leur nouveau coach (Billy Donovan), l’animation offensive est bien meilleure que les saisons précédentes et Zach LaVine est devenu un All-Star à l’efficacité redoutable. En prime, en raison d’une conférence des plus faibles, les Bulls sont toujours en lice pour les Playoffs malgré leurs 44% de victoires.
Dès lors, avec des faiblesses et des forces bien identifiées, il restait à bien utiliser ses assets pour tenter de remanier l’effectif.
Que s’est-il passé ?
Avant les deux dernières heures de la trade deadline, Arturas Karnisovas a frappé. Et pas à moitié.
Chicago envoyait Otto Porter Jr (efficace mais souvent blessé, et expirant), Wendell Carter Jr (décevant dans son profil et souvent blessé) et deux 1er TDD (2021 protégé Top 4 et 2023 sans protection) à Orlando en échange du pivot All-Star Nikola Vucevic et d’Al-Farouq Aminu.
Un peu plus tard, la franchise montait un échange à 3 avec les Wizards et les Celtics. Elle envoyait Daniel Gafford et Chandler Hutchinson à Washington, Luke Kornett à Boston et recevait en échange Troy Brown (Wizards) et Daniel Theis (pièce importante des Celtics).
Avec ces deux échanges, la franchise obtient un second All-Star à aligner aux côtés de Zach LaVine et renforce sa puissance intérieure. Et nous allons voir que si tous ces mouvements renforcent les Bulls, le plan de Karnisovas ne devait certainement pas s’arrêter en si bon chemin.
Un duo pour chercher les playoffs
Le Magic était une équipe plutôt médiocre cette saison. Mais s’il y a bien un joueur qui ne devait pas se sentir coupable de la situation c’est bien Nikola Vucevic. Dans une équipe décimée par les blessures, le pivot a tenté de maintenir l’ensemble à flot avec ses meilleures statistiques en carrière : 24,8pts, 11,8rbds, 3,8asts et 40,6% à 3 points. La principale force de cet échange est là : Vooch peut immédiatement apporter énormément à des Bulls qui dépendaient trop souvent de Zach LaVine pour finir les matchs.
Pour commencer, Vucevic est devenu une des principales menaces de la ligue sur pick and roll. S’il n’est pas dans l’élite en termes de points par possession (1,14), il reste un joueur efficace qui peut chercher plusieurs paniers par match sur cette phase. Excellent pour libérer ses coéquipiers sur ses poses d’écran, il est également un excellent passeur sur le roll quand il ne prend pas le tir, bien au-dessus des standards du poste. En outre, lorsqu’il refuse le roll pour s’écarter, il est un excellent tireur longue distance, qui ouvrira le jeu pour les slashers de l’équipe, en particulier LaVine et Coby White.
Le danger que représente le pivot sur ses phases de pick and roll ne sera que plus létal aux côtés de Zach LaVine, l’un des joueurs les plus agressifs et les plus dangereux de la ligue balle en main sur écran.
En associant les deux joueurs, difficile pour les défenses de choisir son poison.
Globalement, Vucevic est aussi une présence imposante et capable de batailler avec les meilleurs pivots de la ligue. Alors que les intérieurs adverses se régalaient face aux Bulls, la franchise s’offre une forte présence poste bas, mais aussi quelqu’un capable de rendre les coups de l’autre côté du terrain, ce qu’ils n’avaient pas jusqu’ici. Et disons-le, cet aspect est important puisque Vucevic n’apporte ni une grande dissuasion en raison de sa verticalité, ni un joueur capable de gérer les mismatchs face à des joueurs plus mobiles.

Différentiel on/off the court en carrière via Cleaning The Glass
Il faut cependant être clair : c’est un joueur qui bonifie autant l’attaque qu’il coûtera de l’autre côté du terrain.
L’avantage, s’il en est un, c’est que cela permettra au staff de déterminer quelles qualités il faut à ses côtés pour compenser ses faiblesses. Son expérience à Orlando témoigne que lorsqu’il était accompagner d’ailiers polyvalents pour le protéger des extérieurs adverses, il devenait un défenseur positif pour son équipe. A Patrick Williams, Al-Farouq Aminu et Thaddeus Young de faire de leur mieux pour protéger leur nouveau pivot.
En attendant, il apportera une force de frappe offensive à l’intérieur avec ses +11 post-ups par match (2è de la ligue) et pourra prendre le relais de Zach LaVine dans le moneytime.
Les arrivées et les départs
Aux côtés de Vucevic, plusieurs autres arrivants.
Qu’attendre de leur part ?
Al-Farouq Aminu, ailier polyvalent, débarque lui aussi du Magic. Souvent perçu comme un joueur à caractère plutôt défensif, il lutte pour obtenir ses points de manière à occuper son vis-à-vis de l’autre côté du terrain. Néanmoins, pas d’emballement, il est souvent un joueur peu efficace sur qui il est très tentant de faire l’impasse.
Troy Brown Jr. est lui un sophomore de 21 ans arrivé tout droit de Washington. Doté de belles qualités athlétiques, tout le souci pour lui à Chicago sera de se faire une place dans la rotation. Manquant d’efficacité offensive (en ayant pourtant évolué dans une bonne équipe en attaque), difficile d’imaginer l’ailier devenir une rotation majeure. Néanmoins, le joueur représente un atout intéressant dans une franchise souvent handicapée par les blessures. En outre, ses atouts physiques en font un bon atout potentiel en défense. Pas de quoi retourner l’équipe, mais assez pour offrir quelques passages dans une équipe qui se cherche sur les ailes.
Enfin, Daniel Theis arrive de Boston. Joueur important de la rotation de Brad Stevens, le pivot allemand est certes sous-dimensionné (2m03), mais sera une solution très intéressante derrière Nikola Vucevic. Malgré sa petite taille, il est mobile, bon défenseur, efficace au scoring et bon second playmaker. Il est la véritable bonne pioche de ce deal à 3 équipes. Idéal dans des compositions plus “small-ball“, il peut contribuer des deux côtés du terrain.
Les joueurs partants vont-ils manquer ?
C’est probablement la plus grande réussite de Karnisovas dans ces échanges.
Parmi les partants, deux joueurs importants de la rotation de Chicago, mais qui n’ont jamais pu ou su donner à l’équipe ce qu’elle avait besoin.
Otto Porter Jr est probablement la plus grosse perte, dans la mesure où il donnait d’excellentes minutes à son équipe. Le souci, c’est qu’il est injury prone. Depuis 2017-18, il n’a pas joué + de 70% des rencontres d’une saison. Et ce chiffre fut bien pire depuis son arrivée dans l’Illinois. En ce sens, la perte est minime pour Billy Donovan. D’autant que le schéma fut plutôt semblable pour Wendell Carter Jr. Très prometteur, le jeune pivot n’a pas su s’imposer comme ce défenseur qu’il semblait être, tout en étant offensivement trop limité pour compenser sa difficulté à contenir les big men en NBA.
Enfin, la dernière perte “notable” est sûrement celle de Daniel Gafford. Doté d’un potentiel de pivot très intimidant, physique, la franchise a semblé y préférer l’expérience de Daniel Theis, mais aussi le côté couteau suisse que Gafford n’est pas. Quant aux pertes de Chandler Hutchinson et Luke Kornett, disons que cela n’a pas réellement besoin d’être développé.
Un plan inachevé
Pourtant, si ces arrivées sont enthousiasmantes, il semble que cela ne résout pas tous les problèmes de l’équipe.
L’autre gros problème de la franchise se trouve effectivement à la mène. Deuxième plus gros taux de perte de balle de la ligue, l’équipe empire ses statistiques dans les derniers QT (16,2% des ballons perdus !). Cette difficulté à organiser le jeu, cette tendance à être très dispendieux avec la balle coûte cher. D’autant qu’elle oblige Zach LaVine à endosser ce rôle dans lequel il n’est pas encore pleinement à l’aise.
Dès lors, personne ne fut étonne d’apprendre que les Bulls étaient prêts à miser gros pour obtenir Lonzo Ball dont la place n’était pas garantie chez les Pelicans. Malheureusement, New Orleans n’a pas trouvé des offres à la mesure de leurs attentes et Karnosivas n’a pas trouvé (ou n’a pas souhaité se lancer) sur un plan B. Probablement partie remise pour la franchise, mais qui soulève néanmoins une problématique : l’effectif des Bulls est-il suffisamment équilibre pour accrocher le wagon des Playoffs ?
Que penser de ces “nouveaux-Bulls” ?
Si l’arrivée de Nikola Vucevic est énorme, que le trio Brown-Aminu-Theis aura sa part à jouer, il n’en reste pas moins que tout n’est pas parfait. Pour commencer, plusieurs choses :
- Ces échanges ne devraient pas résoudre les problématiques défensives de l’équipe (28è defensive rating à l’heure actuelle),
- Comme susmentionné, le problème à la mène demeure inchangé,
- Difficile d’imbriquer Lauri Markkanen avec Nikola Vucevic,
- Il faudra peut-être du temps (trop ?) pour trouver les bonnes rotations.
Concernant la défense, le problème est clair. Certes les renforts sont de bons défenseurs, mais Aminu peut handicaper l’attaque et ne sera pas forcément beaucoup utilisé. Je vous invite à regarder son impact en carrière en cliquant ici. Par ailleurs, j’ai du mal à voir comment Donovan peut faire cohabiter Markkanen et Vucevic sans prendre des valises au scoring. Cela veut donc dire qu’il faudra moins utiliser l’ailier fort (le remettre sur le banc ?), mais peut-être également tout simplement moins l’utiliser. De là à dire qu’il était la principale pièce envisagée par Karnisovas pour obtenir un meneur, il n’y a qu’un pas…
Dans ce contexte, comment Donovan va-t-il construire ses rotations ?
Quelques pistes de réflexion
Avant d’imaginer qui pourrait tirer son épingle du jeu, voici quelques pistes intéressantes à prendre en compte :
- Tomas Satoransky va rester le meneur de jeu principal de cette équipe,
- Garett Temple et Denzel Valentine ont ralenti après de très bons passages plus tôt dans la saison,
- L’équipe va devoir en demander beaucoup au rookie Patrick Williams,
- Titulariser Thaddeus Young au poste 4 semble la meilleure chose à faire à court terme,
- Entre Denzel Valentine, Troy Brown & Al-Farouq Aminu, il va falloir trouver quelqu’un capable d’apporter de grosses minutes sur les ailes.
Après deux saisons à galérer avec ses problèmes de genoux, Aminu n’est plus le joueur qui rendait de bons services à Portland, et s’il vient d’enchaîner une quinzaine de rencontres avec Orlando, il faut prendre en compte qu’il n’en a joué que 35 en 2 ans.
Vers quelles rotations ?
Arturas Karnisovas a décidé d’aller chercher, en grande partie, des vétérans. Vucevic, Aminu et Theis sont tous des joueurs assez proches de la trentaine. Dans ce contexte, on sait approximativement deux choses. Tout d’abord l’équipe souhaite en priorité revenir en Playoffs. Ensuite, elle ne doit logiquement pas avoir peur de faire reculer certains jeunes joueurs dans la hiérarchie.
Ainsi, ce 5 là me semble le plus équilibré :
Tomas Satoransky – Zach LaVine – Patrick Williams – Thaddeus Young – Nikola Vucevic
Cela permet à Chicago d’avoir un meneur et deux autres playmakers (LaVine et Vucevic), tout en s’offrant des scoreurs de qualité en sortie de banc. White, Markkanen en tête de liste. A leurs côtés, que Daniel Theis devrait prendre de solides minutes.
Le challenge pour Donovan sera de déterminer qui entre Temple, Valentine, Aminu et Brown apportera suffisamment en défense pour prendre l’ascendant. Dans l’absolu, l’équipe pourrait être tenté d’avoir une rotation à seulement 8 joueurs pour accrocher le wagon des Playoffs. Mais il semble que dans cette configuration, l’équipe manquerait d’un joueur capable de protéger la raquette, alors qu’aucun joueur dans l’équipe n’a réellement les facultés d’apporter “une force de dissuasion dans la raquette”.
En somme, si l’arrivée de Vucevic signifie une amélioration significative de cette équipe, pas mal de problématiques liées au déséquilibre de l’effectif vont perdurer. Et si les money-time pourraient être moins affligeants pour les fans des Bulls, il faudra trouver des rotations qui fonctionnent. Et l’horloge tourne contre Chicago, actuellement 10è à l’Est.