Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Top ! J’ai commencé ma carrière en 1959 et me démarque immédiatement comme étant un excellent scoreur et rebondeur. Je reste dans les annales de la Grande Ligue comme étant l’un des rares joueurs à avoir un jour terminé une rencontre avec 40 points et 30 rebonds. Je suis, je suis, je suis ? Wilt Chamberlain ? C’est non.
Laissons Julien Lepers à sa retraite pour nous concentrer sur le spécimen du jour, ce qu’est en réalité Bailey Howell : une sorte d’OVNI dans la NBA telle qu’on la connaissait à une période où les Rolling Stones n’étaient même pas encore à l’état de projet.
Ce constat tient principalement, selon nous, à deux éléments. Premièrement, les chiffres absolument fous qu’Howell a pu réaliser au cours d’une carrière longue de 12 saisons et qui l’a vu porter le maillot de plusieurs grosses écuries de la conférence Est. Deuxièmement, l’anonymat total dont il jouit. Nous nous faisions récemment la réflexion au sujet de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem Christo (mais si, vous savez, les Daft Punk) : quel pied d’être une superstar, peu importe le milieu, et de pouvoir faire ses courses comme Monsieur et Madame Tout-Le-Monde ! Nul doute qu’Howell, âgé aujourd’hui de 84 ans, n’est pas dérangé lorsqu’il se rend au Walmart le plus proche, quand bien même sa taille pourrait mettre la puce à l’oreille des plus curieux.
L’ailier de 2m01 pour 95 kilos réalisa une carrière universitaire et professionnelle absolument retentissante. Au point qu’il fût nommé au Hall of Fame en 1997. Et pourtant, si vous arrêtez 100 fans de NBA dans la rue aujourd’hui, gageons que rares sont ceux qui connaissent son nom.
Top ! Le biathlète Emilien Jaquelin est mon sosie officieux. Le trophée du meilleur joueur universitaire de l’année dans l’État du Mississpi porte mon nom. Je suis, je suis, je suis ? Bailey Howell ? Oui, oui, oui, oui, oui !
Action !
Né dans le Tennessee, Howell fît ses première gammes basketballistiques dans la ville de Middleton. Au lycée, c’est un prospect 5 étoiles qui marqua l’histoire de l’établissement, puisque les 1187 points inscrits entre 1953 et 1955 y constituent encore aujourd’hui un record. Avec 31,2 points de moyenne pour sa dernière année, une sélection dans la All-American Team, il n’eut qu’à se baisser pour ramasser les offres des multiples universités qui lui ouvraient grand leur(s) porte(s). Alors qu’il semblait donner sa préférence à Kentucky, il céda finalement aux sirènes de Mississippi State, où il passa quatre années.
27,1 points, 17,1 rebonds : voici sa ligne statistique moyenne sur l’ensemble de ses trois exercices universitaires (75 rencontres disputées), sachant qu’à cette époque, à l’instar des premières années de Poudlard avec le Quidditch, les rookies universitaires n’avaient pas le droit d’intégrer l’équipe de basket. Quatre années universitaires pour trois saisons sportives, pour un bilan de 61 victoires et 14 défaites, dont un exceptionnel bilan de 24-1 lors de sa dernière année. Il est nommé à deux reprises MVP de sa conférence, la South Eastern Conference (SEC).
Dominant comme personne ou presque dans le pays, Howell se voit cependant priver de ses rêves de tournoi NCAA par sa propre faculté : en cause, une règle non-écrite mais appliquée dans l’État du Mississipi, qui interdisait les rencontres contre les “équipes intégrées”. Comprenez ici que certains refusaient de disputer un match contre une équipe qui possédait en son sein des joueurs afro-américains. Vous pourriez vous croire revenus au 19è siècle, mais il n’en est rien : nous sommes alors en 1959, une année où Mississipi State était la meilleure équipe du pays et la grandissime favorite d’un tournoi final qu’elle ne disputa finalement pas.
“Je ne sais pas si nous aurions gagné le tournoi NCAA, mais nous voulions au moins essayer. C’était incroyable de remporter la SEC, mais on nous a ensuite renversé un seau d’eau froide dessus. C’est la plus grande déception de ma carrière de basketteur” – Bailey Howell dans le SunHerald après sa retraite NBA.
Aujourd’hui encore, Howell est la figure des Bulldogs de Mississpi State, université qui vit aussi passer Jeff Malone, Erick Dampier ou, plus récemment, Rodney Hood. Il en est le second meilleur scoreur (2030 points), mais affiche la meilleure moyenne, de très loin : 27,1 points par match, là où Jim Ashmore, deuxième du classement, culmine à 20,6 points de moyenne entre 1953 et 1957. C’est aussi lui qui détient la meilleure marque au point et au rebond sur une seule rencontre, avec 47 points inscrits en 1958 et 34 rebonds gobés l’année précédente contre Louisiana State. Il en est le meilleur rebondeur (au total et à la moyenne) et demeure celui qui a inscrit le plus de lancers pour le compte de la faculté.
En d’autres termes, Bailey Howell est le meilleur joueur de l’Histoire de son université. Le tout sans ligne à trois-points et, surtout, sans horloge des 24 secondes. Un monstre d’une autre époque.
Les débuts à Detroit
À la fin de son cursus universitaire, Howell décida logiquement d’exporter son hook et son éthique de travail au sein de la Grande Ligue. Alors que Wilt Chamberlain et Bob Ferry furent sélectionnés grâce au territorial pick, Howell est choisi en 2è position de cette cuvée 1959 derrière Bob Boozer, et rejoint la franchise de Detroit, tout juste orpheline de George Yardley. Il se voit directement confier le poste d’ailier-fort titulaire, et compose avec Walter Dukes, All Star cette année-ci, une raquette compétitive.
Il joue le rôle de lieutenant de luxe au cours de cette première saison, les rênes offensives étant confiées à Gene Shue, un meneur scoreur assez spectaculaire, alors au milieu de son prime. Le rookie possède tout de même 15 tickets shoot par soir et les fit fructifier avec une redoutable précision.
Alors bien évidemment, faire ses débuts en NBA en même temps que Wilt Chamberlain, c’est l’assurance de passer inaperçu. Ce n’est pas pour autant qu’Howell – qui n’avait manifestement pas de surnom – fût discret dans ses performances. Si les Pistons ne sont pas bons, le rookie performe. Pour son 8è match, disputé face aux Lakers d’Elgin Baylor et Larry Foust, il scora 23 points et attrapa 28 rebonds. Une ligne de stats aussi tôt en carrière, la NBA ne l’a vécue qu’à neuf reprises : Wilt Chamberlain (7 fois), Elgin Baylor (26 points et 31 rebonds pour son 6è match) et Bailey Howell donc.
C’est indubitablement sa plus belle rencontre de cette saison rookie, qu’il termina avec 17,8 point et 10,5 rebonds de moyenne. Des statistiques rares pour un débutant : 23 occurrences dans l’Histoire, 2 au 21ème siècle. Ainsi, derrière Bob Pettit et Elgin Baylor, et avec le grand Wilt, il est le troisième rookie à afficher de telles statistiques. Depuis lors, on retrouve dans le club des joueurs comme Willis Reed, Kareem Abdul-Jabbar, Terry Cummings, Hakeem Olajuwon ou, plus proche de nous, Blake Griffin et Karl-Anthony Towns.
Les résultats de Detroit n’étaient pourtant guère réjouissants, avec 30 victoires et 45 défaites, mais une qualification en playoffs. L’ailier-fort, drapé dans son numéro 18, disputa l’intégralité des rencontres, ce qui sera une constante dans sa carrière. Il brilla pour sa première rencontre de post-season, avec 29 points inscrits dans une très courte défaite face aux Lakers (-1), qui terminèrent le travail dès le second (et dernier à cette époque) match de la série.
Le bilan – au sens large du terme – sera le même l’année suivante, avec une défaite au premier tour des playoffs face aux Lakers (3-2). Pourtant, au cours de la saison, Howell prit le pouvoir au sein des Pistons.
Après 6 rencontres, Detroit affiche 2 victoires au compteur, et son nouveau franchise player présente des moyennes chamberlainesques, avec 23 points et 21 rebonds de moyenne. Au cours de la dernière défaite de la saison, il se fendra de 27 points, 32 rebonds et 2 passes décisives sur la tête de Dolph Schayes.
Les rencontres en 20 points et 20 rebonds se multiplieront au cours de cet exercice, terminé avec 34 victoires. Nous pouvons en répertorier 10, étant précisé que nous n’avons pas pu mettre la main sur l’ensemble de ses statistiques au rebond (25 manquantes sur les 52 rencontres où il a inscrit a minima 20 points).
Son chef-d’œuvre, nous en parlions en introduction. Contre les Lakers, encore, il plante 43 points et attrape 30 rebonds, dans une énième défaite. Il figure donc dans le groupe des 6 joueurs qui sont parvenus à réaliser cette performance qui se passe de mots, et en est le seul anonyme, puisqu’il côtoie Elgin Baylor (2 fois), Wilt Chamberlain (54 fois… oui, on sait), Elvin Hayes, George Mikan et Bob Pettit. Howell done.
Peu de temps après, il prend part, avec ses 25 points et 15 rebonds, à un record qui tient toujours au sein de la franchise de Detroit : dans une victoire écrasante remportée face aux Hawks (113-83), les Pistons reviennent non seulement dans la course aux playoffs (9-13 de bilan), mais attrapent surtout 88 rebonds. Si la marque est “commune” dans l’Histoire ancienne de la Grande Ligue, il s’agit d’une référence collective à Detroit. Aucune équipe n’a attrapé autant de rebonds en une rencontre depuis le 1er novembre 1963. Pour l’anecdote, le record de la saison 2020-21 à l’heure de la rédaction de ces lignes est codétenu par les Nuggets (vs Phoenix) et New-York (vs Washington), avec 65 rebonds pris.
Et pour l’anecdote +++, sachez que ce sont les Celtics de Bill Russell qui détiennent le record en la matière, avec 105 rebonds le 26 février 1960 face aux Lakers. Aujourd’hui, ce sont les Bucks qui dominent la Ligue dans l’exercice de la cueillette avec 48,1 prises de moyenne. Les temps changent.
Le All Star Game 1961 se déroula à la mi-janvier et vit Bailey Howell célébrer sa première sélection, des plus justifiées : si collectivement les Pistons sont à la peine, leur numéro 18 score 24 points tous les soirs, et prend 15,1 rebonds. Il n’y a qu’un seul joueur qui présente ces statistiques sans avoir été nommé All-Star dans l’Histoire : Wilt Chamberlain, en 1970, dans une saison où il ne joua que 12 rencontres.
Il passa en tout et pour tout 5 saisons aux Pistons.
Et s’il n’afficha plus jamais les chiffres de son exercice 1960-61, il demeura un joueur majeur dans la raquette et dans la Ligue, comme le démontre son premier match de la saison suivante : 35 points, 23 rebonds. Tranquille comme Bailey. Pour éviter d’être redondant (comme le fenouil), allons jeter un œil au rayon des nouveautés. Pour ce troisième exercice, il s’agit des playoffs, où les Pistons passèrent enfin le 1er tour dans le sillage de leur ailier très fort. Ils vinrent à bout des Royals de Robertson en 4 rencontres (3-1) avant de s’incliner en Finale de conférence, 4-2, face aux inusables Lakers d’Elgin Baylor.
Malgré le renfort de Dave DeBusschere, les Pistons ne rejoindront plus ce stade de la compétition avant le départ d’Howell. En cinq saisons dans le Michigan, il fût All Star à 4 reprises, et se retrouva même dans la All NBA 2nd Team en 1963, dans une saison terminée avec 22,7 points, 11,5 rebonds et 51,6 % de réussite au tir (4è de la Ligue). Par manque de résultats, il est tradé le 18 juin 1964 aux Bullets de Baltimore, contre l’excellent Terry Dischinger et le double All-Star Don Kojis. Un bien mauvais trade pour Detroit, puisque Dischinger, qui scorait régulièrement 22 points par soir, réalisa deux années de service militaire fut bien loin de son niveau d’antan à son retour.
Bailey Howell quitte alors Detroit avec 21,1 points et 11,8 rebonds de moyenne sur 5 saisons, des moyennes que seul Bob Lanier a ensuite atteint et dépassé dans l’Histoire des intérieurs de la franchise.
En transition à Baltimore
Howell arrive donc à Baltimore, où il fréquente Gus Johnson (alors ailier) et Walt Bellamy, alors que le secteur extérieur était lui bien plus pauvre. L’attaque tournait alors particulièrement bien, mais la défense était la pire des 9 équipes engagées dans la Grande Ligue à cette époque. Dans l’une des rares équipes de l’Histoire où 4 joueurs inscrivaient 18 points ou plus tous les soirs, Howell est désormais le lieutenant d’un Bellamy en plein dans son prime. Il ne sera pas All-Star pour sa première saison à Baltimore (1965), alors même qu’il tourne encore et toujours en double-double de moyenne (19,2 points, 10,9 rebonds).
Il se démarque avec sa rencontre du 1er mars 1965, au cours de laquelle il devint le second et dernier joueur à ce jour à avoir inscrit a minima 36 points sans rater un seul tir : 37 points, 11 rebonds et 5 passes décisives à 14/14 aux tirs. Seul Wilt Chamberlain, à deux reprises, a réalisé une telle performance (37 points à 16/16 et 42 points à 18/18), tandis que Nikola Jokic s’est arrêté à 35 points en 2018. “Hors saison”, Giannis Antetokounmpo vient d’être élu MVP du All-Star game 2021 avec 36 points et 16/16 de réussite.
Les Bullets, malgré un bilan négatif (37-43) se qualifièrent pour les playoffs, et éliminèrent les Hawks au premier tour, avant de chuter contre … les Lakers en finale de conférence : en cinq participations aux playoffs, Bailey Howell a donc été éliminé à 4 reprises par les Angelinos.
Il disputa une seconde saison à Baltimore. La présence de Bellamy n’était alors plus un véritable obstacle à son épanouissement sous les cercles, puisque celui-ci fût tradé aux Knicks après 8 rencontres. Pour autant, Howell n’est que la 4è option offensive de son équipe en 1965-66, derrière Johnson, Kevin Lougherty et Don Ohl, qui prenait plus de 18 tirs par rencontre. Cela n’empêcha pas l’ailier-fort de se faire remarquer, avec, par exemple, 40 points et 18 rebonds dans une victoire face aux Sixers. S’il score moins qu’à Detroit, il demeure suffisamment régulier pour s’inviter pour une cinquième fois au All Star Game.
Les Bullets s’inclinèrent sans combattre au premier tour des playoffs face aux Hawks. Les 17,5 points et les 10 rebonds d’Howell ne semblent plus satisfaire suffisamment le front-office, et le bonhomme est prié de monter dans le premier avion … destination Boston. Échangé contre l’encore plus anonyme Mel Counts, le nouveau numéro 18 débarque in the place to be au milieu des sixties : les Celtics restent alors sur 8 titres lors des 9 dernières saisons. La voilà, l’occasion pour Howell de garnir son armoire à trophées collectifs !
L’avènement à Boston
Comme s’il suffisait de le dire, les Sixers éliminèrent Boston en Finale de conférence 1967, et le titre échappa aux hommes d’Auerbach pour la première fois depuis 10 ans. Howell s’imposa rapidement comme le poste 4 titulaire d’une équipe désormais orpheline de Tom Heinsohn. Autant vous dire que face à une paire Howell / Russell, il était inutile de sauter : vous ne prenez de toute façon pas le rebond.
L’examen des chiffres démontre que s’il prend 4 tirs de moins que le duo Sam Jones / John Havlicek, l’ailier-fort scorait autant eux, grâce à une précision au tir à nouveau excellente : 51,2 %, soit la troisième marque de la Ligue derrière Walt Bellamy (52,1 %) et Wilt Chamberlain, seul dans sa galaxie (68,3 %).
Ainsi, bien que troisième option offensive, il contribue activement au bilan bostonien ; c’est d’ailleurs le premier bilan positif de sa carrière, avec 60 victoires et 21 défaites. Bien évidemment, ses chiffres individuels ne sont plus aussi impressionnants qu’ils l’étaient. Logique puisqu’il est désormais intégré dans un roster taillé pour la gagne, et dont le niveau moyen est nettement plus élevé que ceux que le bonhomme a connu à Detroit ou Baltimore où il pouvait surdominer. Cela se ressent notamment au rebond, où sa meilleure marque de la saison fût 16 prises, ce qui constituait presque sa moyenne quelques années auparavant.
Pour autant, avec 20 points et 8,4 rebonds de moyenne, il s’offre sa 6ème étoile d’All Star. Et si Philadelphia mit fin à l’hégémonie des Celtics, quelque chose nous dit que pour Howell, le titre NBA était à portée de main… Au sens propre.
L’oscar de la saison 1967 – 1968
Âgé désormais de 31 ans, Howell entamait alors sa 9è saison professionnelle. Neuf, c’est également le nombre de rencontres ratées depuis son arrivée dans la Grande Ligue.
Et si nous avons beaucoup évoqué ses performances chiffrées, il semble nécessaire de revenir sur un point : nous l’avons dit, mais vous n’en aviez pas besoin, Bailey Howell est aujourd’hui un quasi no-name. Il a été suffisamment mis en exergue, nous l’espérons, qu’il était pourtant une véritable star de son époque. Transcendons cette affirmation : c’est une star dans l’Histoire de la Ligue. En voici une preuve, chiffrée bien évidemment :
Ils ne sont que 13 à, au cours de leur 8 premières saisons NBA, avoir inscrit a minima 12.700 points et à avoir, en même temps, pris au moins 6.900 rebonds. Bailey Howell ferme la marche, mais il en fait partie. Sur cette période, il tire à 48,4 % de moyenne. Si l’on rajoute ce critère au tableau ci-dessus, il ne demeure que 10 joueurs : Elgin Baylor, Elvin Hayes et Bob Pettit sont alors exclus du groupe. Voilà ce qu’était Bailey Howell en son temps, alors même qu’il n’était pas – à l’inverse de l’intégralité des joueurs susmentionnés – le franchise player identifié de son équipe.
Était-ce là une erreur de la part de ses anciens entraîneurs ? Peut-être.
Quoi qu’il en soit, pour cette 9è saison NBA, il se fondit encore une fois dans le moule du meilleur collectif de la Ligue. Il n’atteint plus les sommets qui furent les siens individuellement, mais ne devient pas pour autant un joueur de seconde zone, loin s’en faut. Après 20 matchs (bilan de 15-5), l’ancien de Mississipi State reste dans ses standards habituels, avec 20,3 points et 10,6 rebonds de moyenne. Des statistiques qu’il ne saura pas maintenir exactement jusqu’à la fin de la saison. Mais qu’importe l’étoile de All-Star – qu’il n’aura plus dans sa carrière -, quand on nourrit l’ambition de passer sa première bague au doigt (de champion, nous ne connaissons pas la situation matrimoniale du Monsieur) ?
Toujours présent sur le terrain, Howell reste la troisième option offensive de l’équipe, tout en s’intégrant correctement dans la défense étouffante de l’équipe dirigée par Russell. Le roster n’est cependant plus aussi pléthorique qu’au début de la décennie, et la marge de manœuvre des Celtics n’est plus celle qu’elle fût. La preuve, avec 54 victoires, Boston termine deuxième de sa conférence, à 8 victoires des Sixers.
En fin de saison régulière, il frôle son double-double annuel, avec 19,8 points, 9,8 rebonds et 1,6 passe décisive. Point étonnant, qui relève de la pure funfact : il a scoré exactement le même nombre de points que lors de la saison précédente : 1621. Cela fait de lui le 15è meilleur scoreur de la saison, lui qui en est également le 20è rebondeur et le 18è homme le plus précis de l’année, tout en étant la seule troisième option dans chacun de ses trois top 20.
Au premier tour des playoffs, il retrouve son premier amour, les Detroit Pistons. Après 3 rencontres, ce sont eux qui virent en tête, notamment grâce aux performances de Dave Bing. Sans tirer sur la corde de ses joueurs principaux, les Celtics remporteront les 3 rencontres suivantes pour se qualifier et retrouver, en Finale de conférence, les Sixers de Philadelphia.
À ce stade, les affaires étaient encore bien plus mal engagées. Philly, dans le sillage de Chamberlain et Greer, mène 3-1. Sur ces 4 premières rencontres, Howell fût timide, avec 15 points, 5,5 rebonds et 1,5 passe de moyenne. Le voilà soudainement en 18/12 à 54 % aux tirs sur les trois derniers matchs de la série. Effectivement, l’affrontement donnera son verdict après 7 rencontres, au bout desquels les Celtics se qualifièrent pour les Finales NBA.
En face ? La némésis de Howell : les Los Angeles Lakers, emmenés par Jerry West et Elgin Baylor, et au sein desquels on retrouve ce brave Mel Counts. Boston l’emporte pour la grande première, grâce à une homogénéité remarquable : trois joueurs à 19 points et Bailey Howell, meilleur scoreur des siens, avec 20 unités. En face, les Lakers sont limités à 36,8 % de réussite et Boston s’impose de peu (107-101). La revanche donnera lieu à un résultat opposé, avec des verts à la peine au tir et une victoire (+10) des pourpre et or.
Petit à petit, les Celtics imposeront leur rythme. Ils furent les premier à remporter deux matchs de suite, alors que le score de la série était de 2-2. Après 6 rencontres, Boston remporta le 10è titre de son histoire, le premier pour Howell. Sur les deux dernières victoires des siens, il est le parfait relais de John Havlicek. Il termine sa série avec un match à 30 points, 11 rebonds et 3 passes décisives à 59 % de réussite : c’est dire si la bague porte également son empreinte.
Il sera bien moins en verve la saison suivante. Pour autant, le résultat collectif ne variera pas d’un iota.
Le générique de fin
En effet, sa troisième saison sur la côte Est sera à nouveau couronnée de succès. Avec un temps de jeu qui décline légèrement, il réalise une saison conforme ou presque à son exercice précédent. Pour la 10è saison consécutive, il score plus de 17 points et attrape plus de 8 rebonds. Très largement même, puisque son 19,7/8,8/2 en fait, encore une fois, un prétendant au All-Star Game. Et s’il ne reçut pas l’étoile, il profita toutefois de cette dernière saison au très haut niveau pour claquer le dernier “30 points / 20 rebonds” de sa carrière, son 8è, et son premier depuis qu’il a quitté les Pistons. Le tout contre les Sixers, comme s’il se sublimait dès qu’il voyait Chet Walker en face de lui.
Allons à l’essentiel. En playoffs, Boston vint d’abord à bout de ces mêmes Sixers au premier tour, en 5 petites rencontres (4-1). Howell eut quelques réminiscences de sa domination de jadis lors du game 2, duquel il termina meilleur scoreur et rebondeur : 29 points, 16 rebonds (victoire +31). Hormis le game 1 de la série suivante, disputée face aux Knicks de Walt Frazier (27 points, 6 rebonds à 66,7 %), sa fin de playoffs fût anecdotique, à un détail près : la seconde bague, remportée au finish au Forum d’Inglewood, théâtre de la fameuse phrase de Bill Russel :
“Ces putain de ballons vont rester au plafond”.
Il réalisa une dernière saison à Boston avant de terminer sa carrière par un dernier exercice chez sa victime favorite, les Sixers de Philadelphia. Il quitte les terrains avec un palmarès impressionnant :
- Hall-of-famer, intronisé en 1997,
- Champion NBA, à 2 reprises,
- All-star, à 6 reprises,
- All-NBA, à 1 reprise.
Crédits et hommages
Jamais vraiment sur le devant de la scène, Bailey Howell a cependant été intronisé dans tous les Hall of Fame qui pouvaient l’accueillir, que ce soit celui de son lycée, de son université ou de la Grande Ligue. Son numéro 52 est désormais retiré, depuis le 7 février 2009, à Mississipi State.
Selon nos recherches, 75 joueurs dans l’Histoire sont à la fois Hall of Famer et sextuple All-Star (a minima). Nous ne tenons pas encore compte de Dirk Nowitzki, Tim Duncan ou Kobe Bryant, dont l’introduction au Memorial de Naismith devra encore attendre un peu. Parmi ces 75 noms, il semblerait que ce soit celui de Bailey Howell qui soit le moins connu du grand public – nous vous laissons vous faire votre propre opinion là-dessus – quand bien même du pur point de vue du palmarès individuel et collectif, il ferait mieux que Pete Maravich, Reggie Miller, Sam Jones, Chris Mullin, Bernard King ou autre Wes Unseld.
L’ailier-fort est également, encore aujourd’hui, le 80è meilleur scoreur de tous les temps, avec 17.770 points. C’est 63 points de plus que Magic Johnson, et 300 devant le trio Jason Kidd, Earl Monroe et Steve Nash. Il est également le 49è rebondeur de l’Histoire, avec 9383 prises : ils ne sont que 23 à faire mieux que lui dans les deux domaines cumulés. Et tout ça en passant entièrement sous les radars.
À cet égard, il y a deux écoles. La première, qu’on pourrait nommer “contemporaine”, s’indignerait qu’un tel joueur soit aussi peu reconnu. Pour vous convaincre, il suffit de vous pencher sur les réactions de certains suite à leur non sélection au All-Star Game 2021. La seconde, certainement plus ancienne, se contente d’avoir performé tout en ayant laissé les projecteurs sur les camarades plus flashy. De quoi vous garantir une retraite anonyme, plutôt peinarde.
En somme, Bailey Howell est bel et bien le Daft Punk que la NBA n’a jamais eu.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston (1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/1974), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/1986), Bill Walton (1976/77),
- Cinq majeur #11 : Micheal Ray Richardson (1981/82), Drazen Petrovic (1992/93), George Yardley (1956/57), Antawn Jamison (2009/10), Dolph Schayes (1960/61),
- Cinq majeur #12 : Walt Frazier (1969/70), Mitch Richmond (1993/94)