Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Enfin, pourrait-on dire. Il aurait été étrange de citer le nom de Schayes dans l’ensemble de nos épisodes consacrés à la préhistoire de la Ligue, sans avoir la politesse – que dis-je, l’obligeance ! – de faire de lui le sujet central de l’un d’entre eux. Lorsqu’on aborde la NBA des années 1950, Dolph Schayes – qui a fait tomber le “A” de son prénom pour des raisons assez évidentes – est absolument incontournable. Plus connu par le grand public que certains de ses adversaires de l’époque, son impact sur les prémices de la Grande Ligue est indéniable. Celui sur celle qu’on appelle aujourd’hui “Philadelphia 76ers”, mais qui se nommait alors “Syracuse Nationals“, est absolument inestimable.
Le bonhomme vit le jour le 19 mai 1928 dans le Bronx. Doté du physique type de l’intérieur des fiftees, avec ses 2m03 et sa grosse centaine de kilos, il déploie cependant une panoplie technique qui l’éloigne drastiquement du pivot standard d’alors. En effet, en plus d’être doté d’un footwork excellent, il se démarquait par un remarquable tir à longue-distance, mais également par une faculté à utiliser ce qu’on appellerait aujourd’hui un floater, aussi bien de la main droite que de la gauche. Plus encore, il demeure l’un des tous meilleurs intérieurs de l’Histoire dans l’exercice si spécifique des lancers-francs.
Selon les mots d’Alex Hannum, coach hall-of-famer, Schayes – qu’il eut sous ses ordres – contribua avec Bob Pettit à créer le poste d’ailier-fort que l’on connaît aujourd’hui. Un poste qu’il pourrait d’ailleurs occuper dans notre NBA contemporaine, qui mise énormément sur la capacité de ses intérieurs à dégainer de loin. Plongeons donc dans la si vaste carrière de Dolph Schayes, précurseur de son temps.
Action !
Le basket-ball prit très rapidement une grande place dans son quotidien. Il mena ainsi son lycée de DeWitt Clinton au titre de champion d’arrondissement, avant d’intégrer, à l’âge de 16 ans, la faculté de New-York. Il contribue d’ailleurs, dès sa saison freshman, à emmener son université jusqu’en finale du tournoi NCAA, où elle s’inclina de peu face à Oklahoma State (49 – 45). Diplômé d’ingénierie aéronautique et membre de la All-american Team, il s’illustre déjà par une éthique de travail digne du professionnel qu’il sera bientôt, comme l’énonce son coach de l’époque :
“Il était à la salle dès qu’il avait une minute de temps libre, nous devions le chasser !”. Howard Cann, entraîneur de NYU.
Après une quatrième et dernière année à New-York, terminée avec 14 points de moyenne, il se présente à la draft 1948 de la BAA (Basketball Association of America), mais également à celle de la NBL (National Basketball League). La fusion des deux institutions, au courant de l’année 1949, constituera l’acte de naissance de l’actuelle NBA. Dès lors, il est sélectionné au 4ème rang par les Knicks de New-York en BAA et par les Tri-Cities Blackhawks en NBL. Les Blackhawks cédèrent toutefois immédiatement les droits sur le joueur aux Nationals de Syracuse, qui offrirent au joueur un salaire deux fois supérieur à celui proposé par les Knicks.
Sa saison rookie est donc disputée en NBL. Il y brillera suffisamment pour être nommé rookie de l’année de cette seconde Ligue, en étant d’ailleurs le meilleur scoreur de son équipe, avec 12,8 points / soir, ce qui le classe en 4ème position des scoreurs de la saison. Les Nationals réalisèrent une saison régulière très honnête, en terminant à la seconde place de sa conférence (40 victoires, 23 défaites), juste derrière les Anderson Duffey Packers, futurs champion de la Ligue. De ce côté du pays (à l’Est, donc), la concurrence était cependant inexistante, au-delà des deux équipes précitées. En effet, les Hammond Calumet Buccaneers, troisième de la conférence, ont terminé leur campagne avec 33,9 % de victoires.
À l’instar du système de playoffs qu’adoptera la NBA des années 1950, le premier de chaque conférence compostait immédiatement son ticket pour les finales de conférence. Les Nationals croisèrent donc le fer en demi-finale avec les Buccaneers, et se qualifieront en 2 rencontres largement remportées. En finale, les Packers feront régner la hiérarchie, malgré de très belles performances de Schayes, qui, sur les quatre rencontres (3 – 1), affiche 14,3 points de moyenne.
Sa saison sophomore sera celle de la fusion entre la BAA et la NBL. La NBA est créée. Elle rassemble alors 17 franchises, dont certaines ne feront cependant pas long feu : Waterloo Hawks, Sheboygan Red Skins ou St. Louis Bombers, pour ne citer qu’elles. Le trophée de MVP n’existe pas encore, le All-star game verra le jour en 1951 et la Ligue possédait alors trois conférences distinctes. Cependant, au rayon de ce que l’on connaît encore aujourd’hui, les All NBA team existaient déjà. Nous y verrons très rapidement Monsieur Schayes.
Dans cette NBA, il y avait alors un monde d’écart entre la superstar, George Mikan, et le reste des joueurs. En effet, celui-ci truste la première place de toutes les statistiques offensives qui concernent le fait de placer le ballon dans le cercle. Derrière lui – loin derrière – Alex Groza semble être également seul à mener un premier groupe de poursuivant. Enfin, en tête du troisième groupe – ce n’est pas encore le peloton -, nous retrouvons quelque noms connus, comme Ed Macauley, Max Zaslofsky ou Dolph Schayes.
Celui-ci réalise effectivement une très belle première saison dans celle qui est désormais la Ligue unique. Les Nationals survolent littéralement la concurrence dans leur conférence Est. Après 20 rencontres, l’ailier-fort affiche 17 points de moyenne, à 38,9 % au tir et 84 % aux lancers-francs. Précisons, à cet égard, que seuls 7 joueurs dépassaient les 40 % de réussite au tir cette saison-ci. D’ailleurs, Schayes, avec 38,5 % de réussite à l’issue de la saison régulière, se classera en 12ème position de ce classement.
Sur cette période de 20 matchs, son career high s’élève à 29 points. Mieux encore, les Nats affichent 18 victoires, avec un écart moyen avec leurs adversaires de 12,3 points.
Il en ira globalement de même sur l’ensemble de l’exercice régulier. Certes, Syracuse perdra un peu plus souvent. Pas beaucoup toutefois, puisqu’avec 51 victoires et 13 défaites, les Nationals termineront non seulement en tête de leur conférence, mais également de la Ligue. En effet, les Lakers et les Royals, ex-aequo en tête de la conférence centrale, affichent également 51 victoires. Cependant, il s’avère que le nombre de rencontres disputées en amont des playoffs variait en fonction de la conférence. Dès lors, Syracuse en a joué 64, là où les équipes de la conférence centrale en ont disputé 68 et celles de la conférence ouest 64. Par conséquent, au pourcentage de victoires, les Nationals et leur 79,7 % dominent la Ligue.
Schayes, lui, est resté sur sa lancée des vingt premières rencontres : 16,8 points de moyenne, agrémentés par 4 passes décisives, et une pointe recensée à 31 points dans une défaite concédée face aux Nuggets (- 11).
Fort de son statut de co-favoris, Syracuse se défera facilement des Warriors au premier tour des playoffs, malgré un Schayes catastrophique sur la première rencontre (5 points à 1 / 10). Il montera en pression en finale de conférence face aux Knicks, remportées (2 – 1), avec deux performances à plus de 20 points. En finale NBA, c’est le choc des titans à tous les étages ; collectif, tout d’abord, puisque les Nationals font face aux Lakers, l’autre mastodonte de la Ligue. Dans la raquette ensuite, puisque Schayes se voit confronter à l’Himalaya Mikan.
Aux deux étages, il sera vaincu. En effet, les Lakers remporteront le premier titre NBA de l’Histoire, sur le score de 4 – 2. Il faut dire que les différences créées par le seul Mikan sont immenses ; en cette époque, il pouvait, seul ou presque, gagner une rencontre. Les statistiques du pivot sur les 6 matchs de ces finales en sont la meilleure preuve : 32,2 points, 6 passes décisives. Par exemple, lors du game 1, remporté 68 – 66 par les Lakers, Mikan scora 54,4 % des siens, soit 37 points.
***
Avant de passer à la présentation de l’exercice 1960 – 1961, il nous reste la bagatelle de 10 saisons à présenter. Vous comprendrez dès lors – on l’espère – que nous les évoquions de manière accélérée. Commençons par un bilan global : 10 saisons, 10 All-star game, 10 All-NBA team (6 fois dans la première, 4 fois dans la seconde), toujours dans le top 6 du classement du MVP. En une phrase comme en cent, Schayes est l’une des trois figures les plus marquantes de la décennie, et seuls Bob Cousy et Bob Pettit peuvent légitimement lui être préférés au moment de choisir la figure de la NBA des années 1950.
Au-delà de ces nominations dans ces différentes équipes, Schayes fût également meilleur rebondeur de la saison 1950 – 1951, avec 16,4 prises par soir. Sur ces 10 années, il terminera chaque saison avec, a minima, 12,1 rebonds et 14 points. Étant précisé que neuf de ces dix saisons sont conclues avec au moins 17 points / match. On constate une augmentation graduelle de son impact statistique au fur et à mesure des années. Ainsi, par exemple, en 1957 – 1958, il scora 24,9 points de moyenne, ce qui fait de lui le second scoreur de la saison derrière George Yardley.
Sur l’ensemble de la décennie, le constat est sans appel : Dolph Schayes en est le meilleur scoreur et le meilleur rebondeur. Certes, rares sont les joueurs, notamment sous les cercles, qui ont disputé l’intégralité des fiftees sur les parquets. C’est néanmoins un argument à mettre au crédit du Syracusain, qui affiche une régularité inédite pour l’époque, aussi bien dans ses performances que dans sa longévité. Ainsi, Schayes n’était pas le meilleur – mais pas loin – mais était très largement le plus régulier. Il domine allègrement le classement des meilleurs rebondeurs, avec 9 372 prises. Il en va autrement au scoring, où il devance Bob Cousy de 516 petits points (13 915 contre 13 399). D’ailleurs, si Paul Arizin n’avait pas été écarté des terrains pour des raisons militaires, il aurait très certainement dominé ce classement.
L’héritage de Dolph Schayes est également bâti sur ses résultats collectifs. En effet, au cours des 10 années qui nous concernent ici, Syracuse a tout d’abord à nouveau échoué en finale NBA 1954. Le bourreau des Nats est le même, à savoir les Lakers de Mikan, qui sont venus à bout de Syracuse aux termes de 7 rencontres. Ce n’était cependant qu’une question de temps avant de voir Schayes brandir le trophée de champion, puisque l’année suivante, les Nationals vinrent à bout des Pistons, à nouveau au meilleur des 7 matchs. Nous en parlions il y a deux semaines, Schayes fût particulièrement discret lors du game 7 : 4 tirs pris, 4 tirs convertis, pour 13 points et 12 rebonds au final. Néanmoins, d’un souffle et grâce à un George King en état de grâce, Syracuse remporta le premier titre de son histoire (92 – 91).
C’est donc avec lui en tant que franchise player que l’une des plus belles pages de l’Histoire des actuels Sixers fût écrite. Toutefois, une fois le titre remporté en 1955, les Nationals ne retournèrent plus en finale NBA. La faute, parfois, aux Warriors d’Arizin. Celle, souvent, des Celtics de Boston, qui devinrent injouables à compter de 1957. Alors que la concurrence se renforçait substantiellement, le roster de Syracuse n’a pas véritablement évolué, et certains – au-delà de Schayes – étaient donc considérés comme de véritables meubles indéboulonnables : Larry Costello, Al Bianchi et Red Kerr, notamment.
Lorsqu’arrive la fin des années 1950, la face de la NBA a changé du tout au tout. La Grande Ligue a connu la tornade Stokes, et voit désormais Bill Russell et Wilt Chamberlain s’imposer comme les deux figures incontournables. À l’heure de célébrer le changement de décennie, Dolph Schayes a 32 ans. Il reste cependant sur une saison conclue avec 22,5 points, 12,8 rebonds et 3,4 passes décisives, mais aussi le meilleur pourcentage de réussite aux lancers-francs, pour la seconde fois de sa carrière. Le passage à la trentaine l’a également vu atteindre, pour la seule et unique fois de sa carrière, la barre des 50 points (50 tout rond, sur la tête de Bill Russell et Tom Heinsohn, excusez du peu). C’est sur ces bases, toujours aussi solides, qu’il convient de se plonger dans l’exercice 1960 – 1961.
L’oscar de la saison 1960 – 1961
Chez les Nationals, l’année 1960 est celle de la révélation – parler de prise de pouvoir serait un peu prématuré – d’Hal Greer aux yeux de tous. Red Kerr, lui, est en plein dans son prime, et les ballons, dans les phases offensives, passent principalement entre ses mains. Depuis le poste haut, il distillait des passes à ses coéquipiers lancés à toute vitesse, et Dolph Schayes, toujours franchise player des Nats, était le premier à en profiter.
Avec son trio, qui a tout d’un big three, Syracuse est le contender numéro un des Celtics, pour retrouver les finales NBA. Cependant, on le sait désormais, venir à bout des hommes d’Auerbach frôlait alors l’irréalisable. Mais le souci principal ne jouait pas en vert, en ce début de saison. Il jouait en rouge et était dirigé par Alex Hannum. En effet, les Nationals commencèrent leur saison avec 6 défaites lors des 7 premières rencontres. Et dans le lot, aucun match contre les terribles Celtics. Ainsi, les Warriors, les Hawks, les Royals et les Lakers firent la leçon à Schayes et cie. Ce n’est pourtant pas faute pour l’ailier-fort de réaliser un départ individuel canon : 22,7 points, 15,5 rebonds, 4 passes décisives et 89 % de réussites aux lancers.
La seule victoire de l’équipe est d’ailleurs arrachée aux Lakers grâce à un 18 / 18 de Schayes aux lancers. Ce qui, pour un intérieur, n’est arrivé que 8 fois dans l’Histoire : Amar’e Stoudemire (20 / 20), Bill Cartwright, Bob Pettit, Bob McAdoo, (19 / 19), Dolph Schayes (18 / 18, à trois reprises) et … Danny Schayes, fils de (18 / 18 également). Comme si les lancers-francs étaient une véritable affaire de famille chez les Schayes.
Le père continuera sur sa lancée, puisque la seconde victoire de l’exercice régulier est acquit face aux Knicks, à 8 / 8 au tir et 18 / 20 aux lancers. Le renouveau durera encore une semaine – et deux rencontres – et les Nats retombèrent dans leurs travers avec 4 défaites de rang, dont 3 de plus de 19 points. La suite se contentera d’être cahin-caha, seulement éclaircie par quelques éclairs des individualités du roster. La plus belle ? L’extermination de la raquette des Celtics par un Schayes manifestement mécontent : 40 points, 14 rebonds et 9 passes décisives (16 / 28 au tir, 8 / 9 aux lancers). Notons que le triple-double en 35 / 14 / 10 à 17 / 17 aux lancers-francs aurait également pu figurer en première position des éclaircies susmentionnées.
Arrêtons-nous rapidement au 25 décembre 1960. Syracuse affronte les Knicks de Richie Guerin et Willie Naulls en lieu et place du repas autour de la traditionnelle dinde. La rencontre tournera à l’exécution et les Nats l’emportèrent 160 – … 100. New-York concède ici la plus large défaite de l’Histoire. Un record qui tiendra jusqu’au 17 décembre 1991, et la victoire de 68 points des Cavaliers face au Heat. Pourtant, aucune individualité Syracusaine n’a véritablement brillé ; c’est simplement qu’à l’exception de Swede Halbrook (9 points), les 9 autres joueurs qui ont posé un orteil sur le terrain ont dépassé les 10 points (ente 10 et 24). Schayes, lui, se contenta de 15 points, 9 rebonds et 3 passes décisives.
Le All-star game se disputa le 17 janvier 1961. Syracuse affiche 19 victoires et 24 défaites. Un bilan qui lui permit tout de même d’envoyer 3 joueurs à l’événement annuel, dont Schayes, qui fête alors sa 11ème sélection consécutive (24,7 points, 13,4 rebonds de moyenne). Onze sélections consécutives, cela place l’ailier-fort dans la caste de Kobe Bryant, LeBron James, Tim Duncan et 18 autres joueurs, dont le “moins fort” – les guillemets sont primordiaux – semble être Elvin Hayes. C’est surtout un record pour l’époque, qui sera bientôt atteint – puis dépassé – par Bob Cousy.
La NBA reprit ses droits, et rien ne changea véritablement. 30 / 15 pour vaincre les Warriors, 22 / 18 pour – une fois encore – dominer la raquette Heinsohn – Russell. Dix jours plus tard, même endroit, même correction pour la raquette verte (28 points, 19 rebonds).
Lorsqu’arrive le dernier tournant de la saison, Syracuse reste sur une excellente série de 13 victoires en 16 rencontres. Si les Celtics sont assurés de terminer en première position de la conférence, la seconde est disputée entre les Nats et les Warriors, étant précisé que les Knicks étaient distancés depuis un moment. En cette époque, la NBA n’était ainsi composée que de 8 équipes, 4 par conférence. Les 3 premières, de chaque côté du pays, étaient qualifiées pour les playoffs.
Ce sont les Warriors qui terminèrent seconds. En effet, en réponse à cette série victorieuse, Syracuse perdit 8 de ses 9 rencontres finales. Dont deux fois contre Philadelphie et trois fois comme Boston. Autant dire qu’à l’heure d’affronter les premiers au premier tour des playoffs, l’optimisme n’était pas forcément de mise. Pourtant, les hommes d’Hannum affichent la meilleure attaque de la Ligue, avec 121,3 points / match. La défense, elle, n’était que très moyenne (4ème, 119,2 points encaissés / match)
Schayes termine ici sa 12ème saison professionnelle, avec 23,6 points, 12,2 rebonds et 3,7 passes décisives de moyenne, à l’âge de 32 ans. Depuis lors, seuls Elgin Baylor (deux fois) et Wilt Chamberlain – dans une saison tronquée, 12 rencontres disputées – sont parvenus à réaliser une telle ligne statistique une fois la 32ème bougie soufflée.
Le propre des grandes équipes est de se relever après une mauvaise passe, paraît-il. Dès lors, les Nationals sweepèrent les Warriors de Chamberlain et Arizin au premier tour des playoffs, qui correspondait alors aux demi-finales de conférence (3 – 0). Wilt the Steelt était pourtant inarrêtable : 46 points et 32 rebonds lors du game 1, 33 / 23 lors du game 3. En face, avec un Schayes discret, c’est le backcourt des Nats qui prit les choses en main, et notamment Larry Costello, véritable moteur de la qualification des siens.
Désormais, pour accéder aux finales NBA pour y affronter les Hawks de Pettit, il fallait passer sur le corps des Celtics. La première rencontre laisse planer la crainte d’un sweep, tant le collectif d’Auerbach sembla supérieur, avec 4 joueurs au-dessus des 20 points, alors même que Sam Jones et Bill Sharman furent particulièrement discrets. Un adjectif qui colle mal à la performance de Bill Russell, qui bien que maladroit au tir (8 / 23), termina sa soirée avec 22 points, 34 rebonds et 5 passes décisives. Schayes, jamais timide lorsqu’il s’agit d’affronter Russell, fût le meilleur des siens : 23 points, 10 rebonds, 6 passes décisives.
Limités à 30 % au tir lors de la revanche, les Celtics s’inclinèrent fort logiquement. Cette fois-ci, drapé dans son numéro 4 fétiche, Schayes regarda dans les yeux le MVP en titre, avec 32 points et 14 rebonds, en 38 minutes de jeu. Syracuse ne reprend pas pour autant l’avantage du terrain, puisque le format des playoffs de l’époque n’était pas l’actuel 2 – 2 – 1 – 1 – 1 ; en effet, les rencontres à domicile et à l’extérieur s’alternait à chaque nouveau match.
Le camouflet sera très rapidement digéré par Boston, qui tuera le suspens dans l’œuf lors des 3 rencontres suivantes, très largement remportées. Malgré un bilan négatif (38 – 41), Syracuse s’est fendu d’un beau parcours printanier. Pour autant, l’hégémonie bostonienne était intouchable, et les finales de conférence constituent alors le plafond de verre des autres équipes de l’Est. Au grand dam de Dolph Schayes, mammouth de son époque, qui n’aura plus jamais l’occasion de remporter une nouvelle bague.
Le générique de fin
Pourtant, il passa encore trois saisons sur les parquets, toujours sont le maillot de Syracuse. Enfin, pas que. Non pas que les Nats aient eu le culot de le transférer au crépuscule de sa carrière. À cet égard, les dirigeants eurent infiniment plus de classe que ceux des Rockets et des Knicks. C’est qu’en 1963 – 1964, les Nationals déménagèrent à Philadelphie, devenant par la même occasion les 76ers.
La saison 1960 – 1961 fût la dernière où Schayes put être considéré comme une superstar. Le déclin fût comme la montée : progressif. Ainsi, Schayes fût une 12ème et dernière fois All-star en 1962, qu’il termina avec 14,7 points, 7,8 rebonds et 2 passes décisives, mais également en tant que meilleur tireur de lancers-francs, pour la 3ème fois. Une consécration qui entérine la thèse suivante : Dolph Schayes est le meilleur intérieur tireur de lancers de tous les temps. Il est en effet le seul intérieur, dans l’Histoire de la Grande Ligue qui en a pourtant vu d’autres – à avoir terminé une saison régulière avec plus de 87 % de réussite dans l’exercice (minimum 5 tentatives / soir). Et il l’a fait 4 fois. Pour l’heure, Karl-Anthony Towns version 2021 est bien parti pour rejoindre le club.
En 1962, comme les deux années suivantes d’ailleurs, Syracuse (et Philadelphia, donc), s’inclina 3 – 2 au premier tour des playoffs. Jamais plus Schayes ne disputa une rencontre de finale de conférence après le game 5 perdu face aux verts en 1961. Ses deux dernières saisons sont d’ailleurs anecdotiques, et le numéro 4 fît enfin son âge (9,5 / 5,7 en 1963, 5,6 / 4,6 en 1964). Cependant, lors de ces deux exercices, il possédait la double casquette entraîneur-joueur, pour des résultats modestes.
Il part à la retraite avec un palmarès XXL :
- Hall-of-famer : introduction en 1973 ;
- Membre des 50 greatest, de 1996 ;
- All-NBA Team, à 12 reprises ;
- All-star, à 12 reprises ;
- Champion NBA, en 1955 ;
- Meilleur rebondeur de la Ligue, en 1951 ;
- Premier de l’Histoire, au moment de prendre sa retraite, au nombre de rencontres disputées : 1 059.
- Deuxième meilleur scoreur de l’Histoire, à l’heure de prendre sa retraite (derrière Bob Pettit), avec 18 438 points. Il est aujourd’hui 69ème ;
- Troisième meilleur rebondeur de l’Histoire, à l’heure de prendre sa retraite (derrière Bill Russell et Bob Pettit), avec 11 256 prises. Il est aujourd’hui 29ème ;
- Numéro 4 retiré chez les Philadelphia 76ers.
Il ne quitta pas pour autant les terrains, et deviendra coach à plein temps. Il en profita pour garnir encore un peu plus son palmarès, en étant nommé coach de l’année en 1966, alors qu’il était le banc des 76ers et qu’il avait alors sous ses ordres son ancien adversaire, Wilt Chamberlain. Il s’éloigna définitivement de la Grande Ligue à l’issue de la saison 1971 – 1972, alors qu’il entraînait les Braves de Buffalo.
Il possède, encore aujourd’hui, certains records de la franchise de Philadelphia ; il en est le meilleur rebondeur et trône également en première position du nombre de lancers-francs inscrits. Il en est la première figure, et en est le meilleur poste 4 à en avoir un jour porté le jersey. Et s’il ne figure généralement pas dans le 5 majeur de l’Histoire de la franchise, car on lui préfère souvent l’association Moses Malone – Wilt Chamberlain, il serait blasphématoire de ne pas lui réserver la place de 6ème homme de cette équipe de gala.
Crédits et hommages
Pendant longtemps, son numéro 4 ne se retrouvait pas au sommet de la salle des 76ers. On y retrouvait pourtant le numéro 3 d’Iverson, le 13 de Chamberlain ou le 15 de Greer. Une anomalie qui fût réparée le 12 mars 2016, dans une cérémonie malheureusement posthume. En effet, Dolph Schayes s’est éteint à la fin de l’année 2015, à l’âge de 87 ans.
La cérémonie fût l’occasion pour Scott O’Neil, chief executive officer de la franchise, d’énoncer :
“Dolph Schayes est une des légendes du basketball et nous sommes fiers de faire monter son maillot au sommet de notre salle, aux côtés des autres joueurs marquants de notre franchise”.
Qualifié de “Légendaire” et “d’iconique” par le compte officiel des Sixers, Schayes a toujours clamé son amour pour sa franchise de toujours. Celle-ci le lui rend bien. Leur relation aujourd’hui, à Philadelphie, dépasse largement le côté fraternel de l’amour.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/1974), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/1986), Bill Walton (1976/77),
- Cinq majeur #11 : Micheal Ray Richardson (1981/82), Drazen Petrovic (1992/93), George Yardley (1956/57), Antawn Jamison (2009/10),