Licorne – nom féminin
- Animal mythique ayant le corps et la tête d’un cheval avec une corne torsadée unique au front.
- Du latin unicornis : “une seule corne”
- Synonyme : Kristaps Porziņģis
Attendus par beaucoup de fans NBA – nous y compris – proche des sommets de la conférence Ouest, les Mavericks sont à la peine en ce début de saison 2020-21 : 11 victoires, 14 défaites, et une récente série de 6 revers consécutifs qui fait tâche, interrompue le 3 février dernier. Les troupes de Rick Carlisle, si enthousiasmantes la saison dernière (meilleure offensive rating de l’histoire, on le rappelle), semblent cette année marquer le pas, ou, à tout le moins, reposer les pieds sur Terre. Comme pour chaque franchise dans le dur, les causes sont multiples : effectif touché par les blessures et les absences dûes au protocole sanitaire, manque de rythme, de repères et d’automatismes avec les nouveaux arrivants, effet de surprise dissipé, etc.
Lorsqu’on évoque Dallas, on n’a souvent d’yeux que pour la pépite locale, le slovène Luka Dončić. Mais il est un autre joueur important de l’effectif qui, malgré lui, représente en partie la fébrilité ambiante des Mavericks : Kristaps Porziņģis.
De retour de blessure depuis une quinzaine de matchs, le letton est un cas clivant depuis le début de sa carrière, et cette saison encore. Quand certains l’adorent, d’autres l’exècrent. Dans la très récente période trouble des Mavericks, son niveau de jeu était des plus discutables, et était sans conteste l’un des facteurs expliquant la déroute collective des texans. L’occasion était trop belle pour ne pas se saisir du phénomène Porziņģis, et pour passer ce dernier au crible.
L’intérieur contribue de bien des manières sur le terrain, et l’article qui va suivre n’a pas vocation à traiter de son apport global, mais va se concentrer uniquement sur son seul apport offensif. Et pour cause : c’est dans ce secteur-là que KP est attendu de pied ferme depuis son arrivée, lui qui est censé être la seconde lame d’un one-two punch nouvelle version avec Luka Dončić.
Pour l’occasion, nous procéderons avec trois subdivisions des plus primaires : le jeu au poste, le jeu balle en main, et le tir extérieur. Trois catégories pour tenter de faire le point sur l’énigme de la licorne Porziņģis. Il y a-t-il un “problème” dans son jeu, ou assiste-on simplement au début de saison d’un joueur en manque de rythme, de repères et de confiance ? Tentatives d’explications.
***
Kristaps Porziņģis & le jeu au poste
“Poster un joueur n’est plus une bonne action. C’est comme ça maintenant. Ce n’est pas une bonne chose, une chose profitable, même pour un joueur de 2m21. Nos statistiques sont meilleures quand il est derrière la ligne à 3 points, et notre attaque est l’une des meilleures de l’histoire : quand on joue au poste, elle diminue. C’est contre-intuitif. Je comprends qu’on puisse penser comme ça, mais c’est un fait. Sur certaines situations, ça fait encore sens : il pose un écran, et roule vers le cercle. Là, c’est ce qu’on recherche, mais sinon, on ne poste plus, donc arrêtons avec ces discussions sur le fait que KP doive aller au poste” – Rick Carlisle, décembre 2019
Dans ce plaidoyer des plus saisissants, signé Rick Carlisle himself, le coach texan venait au secours de son joueur, critiqué pour avoir un jeu quasiment dépourvu de toutes situations au poste bas, et ce en dépit de ses avantages physiques naturels lui procurant un avantage sur presque tous ses adversaires directs.
Il faut dire que Kristaps Porziņģis, ce sont 2 mètres 21 sous la toise pour quasiment 110 kilos sur la balance. Depuis son arrivé dans la Grande Ligue, l’intérieur s’est étoffé physiquement, notamment du haut du corps, mais reste néanmoins dans ce fameux moule “licorne” qui a eu la côte – et qui l’a encore – en NBA : un profil d’intérieur très longiligne, prioritairement axé sur le tir extérieur.
Porziņģis et le jeu au poste, c’est un marronnier du paysage NBA. Une discussion qui revient chaque année sur la table, notamment lorsque le joueur connaît un coup de mou assez marqué. Est-ce pour autant, comme le dit Rick Carlisle, un faux problème ? Oui… et non. Ne me remerciez pas pour cet avis tranché, mais promis, je m’explique.
D’un côté, oui, c’est un faux-procès. Tout d’abord, comme l’évoque Rick Carlisle, il est vrai que les tendances du jeu actuel tendent vers une utilisation du poste bas de plus en plus famélique. Globalement, ces phases de jeu sur demi-terrain, où l’attaque se consacre au jeu poste bas d’un intérieur, sont de moins en moins légion en NBA. Rares sont les joueurs qui bénéficient d’une vraie possibilité de s’y exprimer plusieurs fois par match. Et on en vient ici au second argument : les qualités intrinsèques de Porziņģis. Le natif de Liepāja possède un jeu qui, par nature, l’éloigne de cette zone du poste bas et axé, depuis son entrée en NBA et même avant ça, sur le tir extérieur. Porziņģis est l’anti-poste bas, l’anti-intérieur des années 2000, et est naturellement beaucoup plus à son aise au-delà de la ligne primée.
Et pourtant. Pourtant, quelque part, ce procès se justifie, notamment si on en déplace légèrement le prisme.
Que Porziņģis ne joue pas beaucoup au poste parce que le jeu NBA et son jeu naturel l’en éloignent, soit. Mais comment réagir lorsque l’on voit que, depuis son arrivée dans la Grande Ligue, celui-ci n’a visiblement jamais pris le temps d’étoffer son jeu offensif sur ces phases-là ? Sans s’enfermer dans un gymnase à double-tour avec Hakeem Olajuwon, comment réagir lorsque l’on voit que sur les phases de jeu au poste que le jeu lui offre – et la précision est importante-, celui-ci est doté d’un bagage technique très moyen, voire complètement limité, qui le rend totalement inoffensif ?
Quelles conclusions tirer lorsque l’on voit que les équipes NBA ont perçu ce point faible, et n’hésitent plus à laisser leurs “petits” défendre Porziņģis par séquences, devant le manque de danger réel qu’il représente pour punir les mismatchs, pourtant censés lui procurer un avantage naturel ?
Là, le procès se justifie, car il ne s’agit pas pour lui de jouer plus de possessions au poste, mais de jouer celles qui se proposent à lui efficacement.
Reprenons l’exemple des mismatchs dont bénéficie parfois le letton sur le parquet, des situations où il se retrouve défendu par un extérieur, forcément plus petit que lui et où la logique voudrait qu’il en tire profit assez aisément. En pratique, la réalité est toute autre et Porziņģis se retrouve bien souvent confronté à son manque de technicité et de variété dans le secteur.
Son refuge ? Le tir, évidemment, en misant tout ou presque sur des fadeaways compliqués, sans réelle césure créée si ce n’est celle créée naturellement avec sa taille et son point de relâchement très haut sur son tir. Alors évidemment, ça peut faire mouche, et un ancien intérieur de Dallas l’a d’ailleurs démontré. Mais sans manquer de respect à Porziņģis, ce n’est pas pour rien qu’il n’y a eu qu’un Nowitzki dans l’Histoire jusque-là.
Florilèges de mismatchs manqués cette saison :
Y a-t-il des motifs d’espoir ? N’aimant pas voir les choses en noir, je serais tenté de vous dire oui. Mais à vrai dire, il appartient à Kristaps Porziņģis seul d’en décider.
S’il se décide à ajouter ne serait-ce que quelques mouvements poste bas à sa panoplie offensive, cela lui permettrait à n’en pas douter d’enfin devenir efficace régulièrement sur les mismatchs, sans être condamné à devoir les remporter uniquement en rentrant des turnarounds fadeways et autres tirs compliqués. Pour le moment, cette régularité lui fait grandement défaut : Porziņģis est le 15è joueur de la Ligue à tirer le plus au poste, mais n’est qu’à peine meilleur que la moyenne NBA en termes de réussite, avec 0,96 point par possession dans le secteur.
Pour l’heure, les défenses sont dans une position on ne peut plus favorable. Si l’intérieur reste sur Porziņģis, l’avantage de taille pour ce dernier est minime, voire nul ; si un extérieur se retrouve face à lui, la défense tire profit de son inefficacité poste bas, annulant de fait l’avantage de taille procuré par le changement défensif.
Surtout que lorsque l’agressivité est là, les mismatchs ne peuvent pas grand chose pour lutter contre son physique.
Kristaps Porziņģis & le jeu balle en main
On vous l’accorde, le poste bas de Kristaps Porziņģis était assez facilement critiquable. Passons à un autre problème identifié de l’intérieur des Mavericks : ses limites balle en main. Pour la faire courte, que Luka Dončić se rassure : jamais son compère ne réclamera d’avoir davantage le ballon dans les mains. Et pour cause : depuis son arrivée dans la ligue, Porziņģis n’a jamais eu pour habitude d’être un ball handler de premier plan – un porteur de balle en VF -, et encore moins d’être l’instigateur principal des offensives de son équipe.
La création pour soi ? Très peu pour lui
Le verdict est simple et quelque peu implacable : pour exister offensivement, Kristaps Porziņģis compte sur les autres, et très peu sur lui même. Le nombre de shoots que l’intérieur se crée par lui-même est infime, la preuve en chiffres dans le graphique qui suit :
Comment expliquer cette ultra-dépendance aux autres ? Le premier facteur d’explication à Dallas aujourd’hui s’appelle Luka Dončić. Le slovène est le dépositaire naturel du jeu offensif des Mavericks depuis son arrivée, et tout le jeu de Dallas part, ou passe, par son meneur fort logiquement. De fait, les opportunités de se créer soi-même son propre tir en sont impactées, et limitées.
Concernant Porziņģis lui-même, on peut trouver deux facteurs d’explications qui s’entrecoupent et qui, au final, illustrent la singularité d’un joueur comme lui en NBA : son physique et son jeu naturel.
S’il existe des profils d’intérieurs tout à fait capables de manier la balle avec aisance, et de créer des césures sur leurs vis-à-vis de la sorte (Anthony Davis, Karl-Anthony Towns, Bam Adebayo, Nikola Jokic, …) Kristaps Porziņģis possède lui un handicap que ces derniers n’ont pas, et n’auront vraisemblablement jamais : 10 centimètres en plus. C’est peut-être un détail pour vous, mais ici, ça veut dire beaucoup.
Du haut de ses 2 mètres 21, il est très difficile pour Porzingis d’être capable de créer de vraies césures balle en main face à son défenseur direct. Du fait d’un centre de gravité très haut et d’une mobilité qui, si elle est plus que correcte pour sa taille, est trop réduite pour le rendre aussi fluide que les joueurs précités en isolation, Porziņģis se retrouverait rapidement confronté, dans ces situations-là, à des limites techniques assez logiques compte tenu du physique qui est le sien.
La difficulté, c’est que l’on est ici face à joueur qui, en dépit de ce physique qui le limite dans les possibilités balle en main, passe la plupart de son temps de jeu au-delà de la ligne à trois-points. Et ce n’est pas ici un reproche : son jeu naturel se situe là.
Or, comme tout joueur référencé “shooteur dangereux”, Porziņģis doit pouvoir développer une seconde arme en plus de son seul tir : une capacité à sanctionner les défenses par le dribble, attaquer le fameux close-out. Des actions où le dribble est certes nécessaire, mais où il est limité à un objectif : avancer, pour profiter de l’espace offert par la défense. Surtout, développer une telle capacité permet deux choses : d’une part, sanctionner les défenses trop agressives ou, au contraire, trop en dilettante ; d’autre part, faire craindre aux défenseurs la possibilité d’être battu sur la reprise d’appui, notamment après les phases de pick and pop que le letton affectionne.
Sans avoir à finir en permanence au cercle par la suite, Porziņģis doit être davantage capable d’évoluer en dribble lorsqu’il se retrouve dans une de ses positions préférentielles de tir, comme il le fait très bien dans la vidéo qui suit face aux Hawks : la prise de balle fait penser à un tir, le défenseur monte en dilettante et surtout KP prend une décision et un départ rapides. Sanction en deux dribbles, avec bonne protection de balle derrière.
A l’instar de notre conclusion sur son jeu au poste : il n’y a aucune obligation pour lui de devenir dès demain un ball handler de haut calibre. Ce n’est ni ce que Carlisle lui demande, ni ce dont il est capable. Par contre, ajouter de simples séquences comme celles-ci plus fréquemment à son jeu, ça, c’est une demande envisageable et un réel axe de progression. Encore une fois, il s’agit de prendre ce que la défense et le jeu offrent en réponse à son jeu naturel, et non de se forcer à jouer contre-nature.
Cette saison, ce manque d’agressivité balle en main a une conséquence négative majeure pour lui, mais également pour les Mavs : Porziņģis ne va que très rarement sur la ligne des lancers francs. Rien de plus logique : plus vous limitez vos incursions dans la raquette, moins vous sollicitez d’interventions défensives. Les chances de provoquer des fautes se réduisent, et celles d’obtenir des lancers francs également . En chiffres, le constat est sans appel.
Comment expliquer cette baisse ? Simple manque de rythme, vraie perte de mobilité, ou de confiance, en raison de la blessure contractée l’an dernier (opération subie au ménisque du genou droit) ? Difficile à dire, mais quelque part, on espère pour lui que cela s’explique par l’appréhension du retour de blessure. Une fois passés ces temps de doute, l’agressivité pourrait refaire surface. Si en revanche le problème vient d’ailleurs… Il faut le corriger, vite.
Pour finir sur la partie création “pour soi”, il est important de préciser que celle-ci ne se limite pas à la création pour soi balle en main, sans quoi sera occulterait tout ce qui intéresse le jeu sans ballon. En la matière, Porziņģis est parfois capable de belles lectures de jeu (qu’il devrait encore, à notre sens, optimiser davantage). Les paniers issus de ces coupes sont évidemment le fruit d’une passe décisive, mais ils sont avant tout le fruit d’un bon jeu sans ballon de l’intérieur, comme sur la vidéo ci-dessous.
La création pour les autres ? Trop peu pour eux
Autre prisme par lequel observer le jeu balle en main de l’intérieur des Mavs : la création pour les autres. Et si nous venons de dire que quand le letton avait la balle entre les mains, il l’utilisait très peu pour dribbler, il nous faut maintenant préciser qu’il l’utilise également très peu pour passer.
Alors, ici, quelles explications ? Et bien, disons que l’on a sous les yeux l’une des principales conséquences du jeu à sens unique développé offensivement par Kristaps Porziņģis.
Nous venons de mettre en évidence les lacunes de ce dernier au poste bas et ses conséquences, avec des défenses qui n’ont pas besoin de venir doubler en cas de mismatchs. Nous venons tout juste de noter l’absence de danger réel qu’il représentait balle en main, l’empêchant de fait d’attaquer le cercle et d’obliger les défenseurs du second rideau à faire des choix et donc, de créer des décalages. En pointillés, et nous le détaillerons dans la partie suivante, nous avons abordé le fait qu’en substance, son jeu offensif s’axait quasiment uniquement, sur le catch and shoot. Et bien le résultat de tout cela est, en partie, ici : un jeu autocentré, et une très pauvre participation “directe” au jeu collectif.
Sur les 13 matchs qu’il a disputés jusqu’au 7 février 2021, Kristaps Porziņģis a délivré seulement 17 passes décisives. Rompus à la prise de statistiques hasardeuses des tables de marque NBA, nous sommes allés voir dans le détail ces 17 passes décisives, pour voir de quelles situations celles-ci étaient issues et repérer celles où Porziņģis créait réellement le décalage. Exit donc les passes décisives fruit d’un main-à-main en tête de raquette où, sans vouloir enlever de mérite à l’intérieur, la situation ne relève pas vraiment du domaine de la “création”. Exit également les passes issues d’un rebond offensif où KP redonne à un extérieur qui artille instantanément.
Une fois ceci fait, deux situations ont particulièrement retenu notre attention, les deux contre Golden State, et dans des situations similaires.
Par deux fois, Porziņģis enfonce son vis-à-vis dans la raquette pour profiter du mismatch créé par l’écran en raison de la défense en switch des Warriors. En réponse, la défense se précipite vers lui pour lui barrer l’accès au cercle, et l’intérieur lit intelligemment le jeu pour servir son coéquipier démarqué, pour un tir extérieur. Par le simple fait de rouler agressivement vers le cercle après son écran, et de s’imposer physiquement face à son mismatch, Porziņģis attire la défense et libère des espaces.
Alors, est-ce un hasard si ces deux situations se sont produites contre les Warriors ? Avec la blessure de James Wiseman, les Dubs doivent composer avec un cinq très small ball, et des rotations plutôt courtes dans le secteur. Inévitablement, devant la crainte de se faire prendre près du cercle à outrance, la défense surréagit et vient aider, parfois sans raison.
Les plus optimistes y verront des motifs d’espoir quant aux capacités de passe de KP. Les plus sceptiques noteront eux que deux actions de la sorte sur une quinzaine de matchs, c’est peu. La vérité se situe probablement entre ces deux observations, mais encore une fois, cela montre que si Porziņģis développe son agressivité, il se créera non seulement plus d’opportunité de scoring, mais obligera surtout la défense à agir, à réagir, quitte à laisser certains Mavs esseulés au large.
Kristaps Porziņģis & le tir extérieur
On en vient au gros morceau, après l’avoir abordé en filigrane tout au long de nos précédents développements. Le tir extérieur, c’est la principale force du jeu de Kristaps Porziņģis, ce que nous appelons depuis le début de notre article son jeu naturel, ce pourquoi il a d’abord intrigué la ligue, puis ce avec quoi il s’est fait un nom, puis une place. Mais derrière cette idée communément admise, qu’en est-il de la réelle efficacité du letton en la matière ? Est-il en pratique le sniper qu’il est en théorie ? Voyage au centre du shoot de Kristaps.
Techniquement parfait
Pour commencer, un nécessaire rappel : pour un joueur de 2 mètres 21, le shoot de Kristaps Porziņģis est quasi-parfait techniquement parlant.
- Au niveau des pieds, Porziņģis favorise la plupart du temps le 1-2 step : le pied gauche reste collé au sol, et c’est le pied droit – côté main forte – qui fait le mouvement d’impulsion “haut-bas”. Le pied gauche ne se lève que lorsque les genoux se fléchissent, et le léger élan ainsi donné permet à Porziņģis d’amorcer son shoot en “one motion“. Niveau équilibre, l’écart des pieds est équivalent à celui des épaules, rien à dire.
- Sur sa shooting line : du dip – la légère balance de bas en haut à la réception de la balle – au relâchement du tir, Porziņģis suit une ligne parfaitement centrée au milieu de son corps, sans mouvements parasites, et qui plus est assez rapide. De même, son corps reste parfaitement droit pendant le tir, en étant face au cercle, pendant, avant, et après le tir.
- Sur le geste global : Porziņģis est un “one-motion shooter“, un joueur qui tire en un seul mouvement, fluide. Si certains comme Stephen Curry ont un geste de “poussée” – “push motion” – pouvant favoriser une haute courbe, Porziņģis lui est plus dans une forme “catapulte”, ou de lancement en avant plutôt que vers le haut – “throwing motion“.
Mais quoi de mieux qu’une mise en image ?
Pour peaufiner ce shoot, KP a passé du temps dans les gymnases à enchainer les séries, mais également à décortiquer ce geste en salle vidéo, notamment pour se rendre compte, les jours de disette, des éventuels dysfonctionnements de cette arme sur laquelle il s’appuie tant. Comme ce jour de janvier 2017, alors qu’il évolue encore aux Knicks après un match à 3/11 aux tirs… contre les Mavs.
“J’avais des tirs ouverts. C’est juste que parfois, quand j’ai autant d’espace, mon tir est plat. Quand un défenseur me fonce dessus, je le relève et c’est là qu’il entre. Aussi, quand je rate beaucoup de tirs comme ça, c’est souvent que je shoote en deux temps. Je monte, puis j’enclenche le mouvement et je tire. Alors que quand je mets dedans, il n’y a qu’un seul mouvement, c’est fluide. Soit j’utilise mal mes jambes, soit je me précipite, mais ce sont toujours des petites choses, des petits détails“.
Bien, passons maintenant au nœud du problème.
En catch and shoot KP, tu dead pas
Tout d’abord, mes plus plates excuses pour le titre de cette sous-section. Partons d’abord des constats que nous avons pu faire jusqu’alors : KP s’appuie grandement sur son tir pour évoluer offensivement, et prend quasiment 75% d’entre eux sans avoir effectué le moindre dribble.
Dans une ligue où le tir à 3 points en pull-up est de plus en plus présent, Porziņģis est lui un adepte du catch and shoot – attraper tirer – et dans l’exercice, plutôt que de favoriser les corners, il préfère largement déclencher son tir de la tête de raquette. Logique, étant donné que son placement dans le jeu offensif des Mavericks lui fait poser nombre d’écrans dans ces zones-là pour favoriser la navigation des extérieurs, et générer un grand nombre de pick and pop.
Quelques chiffres pour conforter cette idée :
- 5è de la ligue en nombre de points par match inscrits en catch and shoot ;
- cette saison, sur sa moyenne de 6,1 tirs à 3pts/match, 5,8 le sont en catch and shoot ;
- sur ses 5,8 catch and shoot 3’s, 5,6 sont pris en tête de raquette.
Le problème, c’est l’efficacité de Porziņģis sur ce shoot qu’il affectionne depuis le début de sa carrière NBA. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 30,8% de réussite sur les 5,1 catch and shoot 3’s pris en tête de raquette par match ;
- 34,7% de réussite sur les 5,6 catch and shoot 3’s pris par match ;
- sur les 20 plus gros shooteurs de la ligue en catch and shoot 3’s (plus de 5 par match), Porziņģis est dernier en terme de réussite et 17è à l’EFG% – efficacité globale du shoot ;
- globalement, sur ses 6,1 tentatives à 3 points par match, KP en rentre à peine plus de 2, pour 34,4% de réussite globale.
Tout d’un coup, le ballon semble se dégonfler. Si sur son arme favorite, principale, sur ce vers quoi son jeu naturel tend, Porziņģis ne se montre pas performant, c’est toute la machine déraille. De là s’explique son début de saison difficile, malgré l’embryon d’embellie des derniers matchs… qui correspond, bizarrement, à un regain de forme longue distance (5/8 contre les Warriors, 4/7 contre Minny).
Alors comment faire pour redevenir une menace régulière, crédible ? On l’a dit, techniquement rien n’est à retoucher. Sur les zones de tirs qu’il favorise, là encore, difficile de trouver à redire. Favoriser les corners reviendrait pour Dallas à se priver de ce qui fait fondamentalement la force du duo Dončić-Porziņģis, où l’un attire les défenses sur la prise d’écran, et l’autre profite de l’espace créé pour se mettre en position de shoot.
Le souci est en vérité ailleurs : comme beaucoup de shooteurs, Porziņģis a besoin de rythme et de confiance. Les retours de blessure sont toujours difficiles à appréhender, et les exemples en la matière sont légion. Si diversifier son arsenal offensif permettrait à Porziņģis d’être moins dépendant de ce tir pour performer, ce dernier restera – et doit rester – son arme de prédilection. Pour se remettre dans un bon rythme, seul le joueur sait comment procéder, au-delà du fait d’enchainer les matchs. Quelle est la recette pour Porziņģis : est-ce que retrouver de la réussite aux tirs le rendra plus confiant dans les autres facettes de son jeu, ou est-ce que c’est en trouvant du rythme sur l’agressivité qu’il retrouvera une vraie régularité sur son tir ?
***
Ainsi s’achève ce tour d’horizon de l’énigmatique licorne Porziņģis. Une chose est sûre, son cas ne peut pas laisser indifférent, et on oublie trop souvent le spécimen rare qu’il représente. Un esprit de shooteur dans un corps de 2 mètres 21, l’équation est étrange, mais le résultat peut être tout à fait séduisant lorsque les étoiles sont alignées. Pour la suite de sa saison, on espère en tout cas que la licorne aura trouvé de quoi ajouter une corde à son arc, et que sa flèche longue distance aura retrouvé de sa splendeur !