Dans une ville qui ne vit que pour les belles histoires et pour la hype, Immanuel Quickley émerge comme enfant prodigue. Recrue 5 étoiles en sortie de lycée et malgré une convaincante saison Sophomore à Kentucky (il est nommé meilleur joueur de la SEC), il perd de sa sublime auprès des scouts NBA. Il dégringole même dans le ventre-mou du second tour dans les drafts factices. Le front office des Knicks, qui venait d’embaucher Kenny Payne, ancien assistant coach de Kentucky, surprend le soir de la draft en le sélectionnant en 25ème position.
Un pari qui apparait pour l’instant réussi tant le jeune meneur affole les compteurs. Auteur de cartons offensifs en sortie de banc, dont une pointe à 31 points contre Portland puis 25 contre Cleveland, le jeune homme à l’énergie communicatrice a conquis la grosse pomme. Sa performance fidèle à ses plus beaux éclats contre les Clippers dans le prime-time français, match à 19h diffusé sur BeIn Sports, finit d’établir sa réputation auprès du public français : le phénomène Immanuel Quickley est en marche.
Le cadre de la hype médiatique est posé. Comment expliquer, sur le terrain, ce début de saison tonitruant ? D’ailleurs, est-il si tonitruant ? Les supporters des Knicks ont-ils raison de réclamer la tête d’Elfrid Payton et de voir en Quickley leur meneur du futur ? Au-delà d’une sensation hivernale, quel plafond pour le rookie ? Tant de questions auxquelles l’analyse de son jeu nous donne des indications précoces.
Ce qu’il fait déjà très bien : le triptyque de la star offensive moderne
Immanuel Quickley étonne par sa capacité à générer les tirs les plus efficaces dans le jeu moderne. Au milieu de choix hasardeux, ils seront évoqués plus loin, IQ revêt l’attirail d’une star offensive moderne. Sa capacité à provoquer des fautes, à tirer à trois points en sortie de dribble et sa menace sur pénétration sont les principales raisons de son récent succès.
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Provoquer des fautes (et des LF)
Demandez à James Harden quel est le tir le plus efficace au basket. Il vous répondra sûrement les lancers-francs. Immanuel Quickley semble l’avoir compris. Son pourcentage de réussite aux lancers-francs, 95.2%, le place entre Chris Paul et Damian Lillard. Surtout, il allie à son efficacité un volume conséquent. Il est en effet le 8ème meneur à provoquer le plus de faute sur 36 minutes, et possède un free throw rate respectable de 0.27 (il provoque donc un lancer franc tous les 4 (3,7) tirs tentés sur le terrain).
Cette fréquence est d’autant plus impressionnante que Immanuel Quickley ne prend que très peu de tirs directement au cercle (seulement 7% de ses tirs !), la zone où se concentre les dons de lancers-francs.
Le jeune Knick passe ici pour un baroudeur de la Ligue, au fait de l’arbitrage et des tendances défensives de ces adversaires. Il s’inspire ici des meilleurs dans le domaine (Lou Williams, Damian Lillard) et profite de la tendance des arbitres à protéger, parfois à outrance, les tireurs. Toute contestation de tir extérieur devient aux yeux d’Immanuel Quickley une opportunité de lancer-francs, et il ne se prive pas de l’exploiter. Même si cela nécessite une gesticulation qui va à l’encontre de tous fondamentaux. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour abuser d’un système corrompu.
https://youtu.be/T5NKKe6E2ww
Quickley est déjà très bon dans le contrôle de son corps et de son défenseur sur Pick and Roll, le gardant très bien dans son dos une fois passé. La combinaison de son contrôle et de son talent pour vendre un contact à peine existant lui permet d’être déjà excellent pour provoquer des fautes en sortie de Pick and Roll. Dès qu’il sent le défenseur dans son dos, voulant surpasser l’écran, Quickley profite de cette position illégale de défense pour provoquer un contact alors qu’il s’élève pour son tir. Appréciez-le ou pas, mais ce genre de manœuvre sont pour l’instant récompensées. Et Quickley se place déjà en grand maitre de la discipline, partageant le trône avec Damian Lillard.
https://youtu.be/-7xBJFMjBWs
Dernier atout en sa faveur pour obtenir des coups de sifflet : sa chétivité. A la manière d’un Trae Young, deux meneurs à l’IMC bas (81kg pour Trae Young et 85kg pour IQ), il profite de son petit gabarit pour amplifier les contacts marginaux qu’il crée ou subit. Se jetant sur la hanche d’Anfernee Simmons qu’il vient de déborder, Immanuel Quickley explose au contact et obtient deux lancers-francs généreux.
https://youtu.be/qKGiJWKKvlQ
Cette tendance appelle toutefois à être ralentie. Les scouts adverses insistent sûrement déjà sur l’importance d’une défense conservatrice sur Quickley. Les arbitres aussi, pour en être un moi-même, évoquent très certainement de sa tendance à amplifier le contact lors de leur préparation d’avant-match, limitant le facteur surprise qui amène parfois à des coups de sifflet réflexe et généreux. Deux explications pour les quelques déchets, inévitables et encourageants :
https://youtu.be/yz4Dc7IWjSI
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La menace du trois-points “pull-up”
Autre élément clef qu’Immanuel Quickley maitrise déjà : s’élever à trois-points en sortie d’écran porteur. Deux éléments évidents soulignent l’importance de cette maitrise : le Pick and Roll est l’alpha et l’oméga en NBA, le pull-up 3 est un trampoline vers les sommets de la Ligue.
Le constat est sans appel : Immanuel Quickley est déjà un excellent porteur de ballon sur Pick and Roll. Parmi les joueurs qui initient plus de 3 par match balle en main, Immanuel Quickley se hisse à la 15ème place avec 1.05 points par possession. Impressionnant quand on considère la difficulté, la complexité et la concurrence en NBA. Et l’efficacité n’est pas due à un échantillon restreint. Immanuel Quickley joue 48.7% de ses possessions sur Pick and Roll (ce qui le classerait 10ème dans la Ligue).
Sa menace de pull-up three explique sa présence dans le top 20% de la Ligue sur Pick and Roll. 62.2% de ses tentatives à trois-points sont en sortie de dribble, 57,3% après 3 dribbles ou plus. Les défenses mal avisées et qui décident de passer sous les écrans jouent avec le feu, les Nets en ayant fait les frais en décembre.
https://youtu.be/FFDK5bhXkNI
En outre, on parle de tirs qui sont loin d’être les plus efficaces et qui sont réservés, à fort volume, à l’élite des extérieurs NBA. Parmi les joueurs qui prennent plus de deux tirs à trois points en sortie de dribble par match, Immanuel Quickley est dans la moyenne d’efficacité, à 37% de réussite. Bien assez pour forcer les défenses à respecter son tir. Sa réputation grandissante devrait le forcer à prendre des tirs de plus en plus difficiles à mesure que les défenses s’adaptent.
Si les réussites sont moins nombreuses qu’en sortie de Pick and Roll, Immanuel Quickley montre une belle capacité, et surtout une vraie fluidité, sur ses step backs.
https://youtu.be/7S2NNIzT1zc
N’ayant besoin que de très peu d’espace pour dégainer, et n’hésitant pas à le faire de très loin, nul doute qu’Immanuel Quickley devrait être efficace à longue distance pour le reste de sa carrière.
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Un floater d’exception
Si le jeu à mi-distance n’existe aujourd’hui plus que par les meilleurs joueurs offensifs de la Ligue, quelques irréductibles résistent. Les Grizzlies, par exemple, allaient à contre-courant en tentant pléthore de floaters (notamment Ja Morant, Brandon Clarke, Tyus Jones et Kyle Anderson). Cette année, c’est Immanuel Quickley qui semble remettre ce geste au goût du jour, en (ab-)usant dès que l’occasion se présente (les floaters représentent presque 40% de ses tirs, la deuxième plus grande fréquence en NBA) et en en faisant son geste signature.
Cet outil, qu’il dit avoir développé dans sa jeunesse du fait de se petite taille et de son manque d’explosivité, lui permet aujourd’hui de représenter une double menace sur Pick and Roll, difficile à contenir pour les intérieurs adverses, selon les propos rapportés par Mike Vorkunov de The Athletic.
“The floater is a real big piece of my game. I wasn’t always really the most athletic, so having skill was really important. […] Just having that floater I could use over big men is really vital. I feel like pretty much every guard needs it.”
Au tour de son coach de le complimenter :
He does a good job of getting people on his back. He puts the big in a pickle. It’s a high percentage play for us, and he’s very good at it.”
A 46,7% de réussite (0.93 point par tentative), ces tirs ne sont pas les plus efficaces de l’arsenal d’Immanuel Quickley, loin de là. Mais les comportements défensifs qu’ils impliquent, notamment sur Pick and Roll, les rendent extrêmement profitables. Notamment pour Nerlens Noel, comme nous allons le voir.
Au-delà du scoring : les signes prometteurs d’un attaquant complet
Ses prouesses au scoring démontrées, passons maintenant à d’autres aspects, peut-être moins relatés, du jeu d’Immanuel Quickley.
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Un playmaking réactif mais promettteur
C’est sûrement l’aspect le plus inattendu de son jeu. A seulement 2.07 passes décisives (sur 36 minutes) en NCAA, la qualité de passe n’était pas un attendu au niveau supérieur. Sur ce début de saison, il a plus que doublé cette stat, avec 5 passes décisives sur le même temps de jeu. Même rapportée à l’augmentation de son utilisation offensive (de 23,4 à 28,0 d’usage % à son passage en NBA), cette amélioration est notable.
La raison de son succès se trouve encore une fois dans sa maitrise du Pick and Roll. Le même toucher qui lui permet de trouver la cible sur ses floaters, il l’emploie pour trouver les mains de ses pivots sur alley-oop. Et Nerlens Noel apprécie. Compilation, non exhaustive mais presque :
https://youtu.be/lWsJsy_SqUA
Le revers de la médaille est l’utilisation parfois à l’excès des passes en cloche ou lobées. Même pour des marsupiaux aux bras tentaculaires comme Mitchell Robinson et Julius Randle, certaines passes manquent de précision.
https://youtu.be/ISx-eMP7_VY
Outre la précision, Quickley doit devenir plus sélectif sur ses types de passe. Ici, la passe pour Julius Randle est la bonne, mais elle doit être plus appuyée pour profiter du décalage.
https://youtu.be/WlcWCg0o0m0
Ces deux limitations font de Quickley un passeur moyen à son poste. Avec un passer rating (statistique englobante créée par Ben Taylor) de 7,2 (autour de la moyenne des meneurs titulaires de la Ligue), il est pour l’instant un passeur réactif, qui ne manipule que très peu la défense mais sait profiter des décalages créés. Sa déjà bonne gestion du Pick and Roll, notamment sur les skip pass pour trouver le joueur démarqué à l’opposé de l’action, est un bon indicateur d’une marge de progression à mesure qu’il accumule de l’expérience.
https://youtu.be/nRXo6uIcIKU
Pour l’heure, Immanuel Quickley est principalement un scoreur. Le volume de passe décisive rapporté à son utilisation est pour l’instant un des plus faibles chez les meneurs de la ligue (dans le pire cinquième de la ligue). Mais, s’il semble préférer le tir à la passe, sa qualité de passe est un excellent outil à avoir.
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Un jeu hors ballon prometteur à intensifier
Scoring, passes décisives, voyons désormais ce qu’il fait lorsqu’il n’a pas le ballon. En attaque, son mouvement hors-ballon est faible. Evidemment, le jeu offensif des Knicks, à tendance stationnaire, n’aide pas. Immanuel Quickley ne se retrouve plus dans une situation similaire à son utilisation à Kentucky, où John Calipari l’utilisait parfois en sortie d’écran.
https://youtu.be/m6gS_CtCVRw
Davantage utilisé balle en main cette saison, ce genre de mouvement a été remplacé, on l’a vu, par des situations de pull-up. Cette année, seulement 14,1% de ses trois points sont tentés en catch and shoot.
Pouvoir s’élever à n’importe quel moment ne devrait pas annihiler toute forme de mouvement hors ballon. Demandez à Stephen Curry. Et si Immanuel Quickley tend à rester immobile derrière la ligne à trois-points, il n’est pas incapable de mouvements sans-ballon intelligents. Ci-dessous, deux exemples de sa capacité à se replacer à trois points et trouver un tir ouvert.
https://youtu.be/-LfZf_mfYTA
Ce prochain clip est sûrement mon préféré concernant son activité hors-ballon. La relocalisation après son drive dans le corner, puis l’ajustement pour exploiter le décalage créé.
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Peut-il être meilleur que correct en défense ?
Passons, enfin, de l’autre côté du terrain. Pour l’instant surtout opposé aux meneurs remplaçants de la Ligue, il est difficile de penser son niveau défensif face à l’élite de la ligue. Tant en regardant les matchs des Knicks qu’en consultant les statistiques avancées, Immanuel Quickley ne sort pas du lot en défense. Dans un sens et dans l’autre. Défenseur légèrement moins bon que la moyenne à en croire son -0,2 de Defensive Box Plus Minus et son -0,9 Defensive RAPTOR, Immanuel Quickley paie son manque de taille et de densité physique. Jordan Clarkson peut ici profiter de son avantage physique.
https://youtu.be/9PsFF2cWVtE
S’il est un défenseur correct sur Pick and Roll (dans le 64 meilleurs pourcents de la ligue), c’est hors ballon que le bilan se gâte. Coupable de quelques sautes de concentration, il lui arrive de se perdre loin du ballon, lorsque les rotations deviennent plus compliquées. Ici, il se perd dans la rotation, oublie Bruce Brown qu’il laisse ouvert.
Ces manquements, ils les compensent en tout cas avec son énergie et son engagement. Parfois à intensité variable, il est déjà capable d’actions défensives de haut-niveau, comme le montre sa très belle possession défensive face aux Cavs en janvier.
https://youtu.be/T8fNuEBx3uo
Conclusion : débuts prometteurs, mais est-ce bien durable ?
S’il encore trop tôt pour se prononcer sur quel joueur Immanuel Quickley sera dans 5 ans, il est possible d’apprécier son profil offensif unique et son énergie rafraichissante. De là à voir en lui le meneur que la franchise de New York cherche depuis que Walt Frazier a raccroché les Converses, il faudra attendre. Attaquant déjà redoutable, il devra faire face à des équipes préparées pour lui et qui s’organiseront autour de lui. La maturité et l’expérience qu’il engrangera devrait gommer ses prises de décision parfois hasardeuses, autant offensives que défensives.
New York peut se réjouir d’avoir dans son effectif un tel talent qui semble avoir la mentalité pour réussir dans un marché qui peut dévorer les joueurs les plus fragiles. Propulsé dans un nouveau rôle, dans une ligue où tout va plus vite, plus haut et plus fort, il ne recule en tout cas devant rien. Et s’il peut remettre au goût du jour un geste aussi pur que le floater, les fans l’en remercieront.