Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Nous ne l’avons jamais vraiment mis en avant, mais le fil conducteur initial de notre série était de mélanger les époques tout en constituant des 5 majeurs compétitifs, que vous retrouvez d’ailleurs en fin d’article. Celui qui nous occupe actuellement, à savoir le onzième et avant-dernier, n’a peut-être pas la ligne extérieure la plus compétitive. Cependant, le trio composé par Micheal Ray Richardson, Drazen Petrovic et désormais George Yardley possède toutes les qualités pour faire passer une soirée cauchemardesque à la défense adverse.
Né le 3 novembre 1928 à Hollywood, George Harry Yardley III était non seulement un ailier longiligne (1m96 et 86 kilos, soit un frêle meneur aujourd’hui), mais surtout un attaquant exceptionnel. Sans avoir peur de grossir le trait exagérément, il est possible de le considérer comme le meilleur joueur offensif d’une décennie qui n’était pas encore toute tournée vers la raquette.
Athlétique, il fût l’un des premiers à apporter un semblant de verticalité dans le basket-ball américain, aspect du jeu qui sera ensuite démocratisé par Elgin Baylor. Ainsi, en son temps, Yardley était l’un des rares joueurs à dunker en pleine rencontre. Une aptitude qui est notamment liée à son passé de volleyeur, sport pour lequel il possédait le talent nécessaire pour en faire son métier. En effet, l’homme était un sportif accompli, également quintuple champion national de sa catégorie d’âge en tennis.
Et pourtant, c’est à la basket orange qu’il décida de dédier sa vie professionnelle. A ce titre, il fût le premier à dépoussiérer les records qu’avait amassés, quelques années plus tôt, un autre George, Mikan cette fois-ci. S’il ne reste aujourd’hui plus grand-chose de son éphémère passage dans une NBA balbutiante, attachons-nous à remettre sur le devant de notre modeste scène la carrière d’un joueur qui, une fois n’est pas coutume, semble plus oublié que mésestimé.
Action !
Après avoir amassé titres et breloques sur des terrains munis principalement de filets, Yardley intégra l’équipe de basket-ball de son lycée (Newport Harbor), avant d’enfiler le maillot de l’Université de Stanford. Il y disputa trois saisons, au cours desquelles il fût doublement nommé dans la All-american Team, lors de ses années sophomore et junior. Il faut dire que si ses débuts dans le basket universitaire furent timides – 2,9 points par rencontre lors de sa première saison, en 1947 – 1948 -, cette moyenne sera plus que multipliée par cinq deux saisons plus tard (16,9 points lors de sa dernière année). Dès lors, fort logiquement, le jeune adulte se présenta à la draft 1950.
De son passage universitaire, il garda son surnom, acquit au sein de la fraternité Phi Kappa Psi : Yardbird. Un surnom duquel les quatre premières lettres disparaîtront lors de sa carrière NBA. Il en résulte que plus de 25 ans avant un certain Larry, George fût le premier oiseau à chausser les sneakers – les converses, plutôt – en NBA.
La draft 1950 reste comme celle de Bob Cousy, mais accueillie également Paul Arizin (territorial pick, Philadelphia Warriors) et Larry Foust (#6, Chigago Stags), par exemple. Yardley y est sélectionné en 7è position par les Pistons, alors installés à Fort-Wayne. Pour autant, il ne foula ses premiers parquets NBA que trois années plus tard, pour la saison 1953 – 1954. En effet, entre temps, il disputa tout d’abord une saison au sein de l’Amateur Athletic Union, qu’il remporta en étant également nommé meilleur joueur de l’exercice 1950 – 1951. Lors des deux années qui suivirent, il dut répondre à l’appel du drapeau et intégra l’US Navy.
Lorsqu’il rejoint le roster des Pistons en 1953, il côtoie Max Zaslofsky et Larry Foust. Le premier nommé est alors l’un des arrières phares de la Ligue, dont il fût le meilleur scoreur en 1948 (21 points / match). Foust, lui, était un pivot sur lequel il fallait compter, triple All-star au autant de saisons professionnelles (il le sera 8 fois lors de ses 9 premières saisons) et franchise player d’une équipe qui venait d’échouer en finale de division contre les Lakers de Slater Martin et George Mikan.
C’est dire si les Pistons étaient compétitifs à l’orée de l’exercice 1953 – 1954. Une saison au cours de laquelle Yardley, désormais âgé de 25 ans, ne brilla pourtant pas particulièrement. Vous comprendrez – bien évidemment – que l’immense majorité des statistiques manquent à l’appel. Tout au plus pouvons-nous nous féliciter de pouvoir très aisément mettre la main sur son nombre quotidien de points. Nous sommes donc en mesure d’affirmer qu’il scora en moyenne 9 points par rencontre lors de cette saison rookie, en dépassant à deux reprises la barre symbolique des 20 unités (career high à 25 points, alors).
Pour autant, avec 5 joueurs au-dessus des 10 points par soir, les Pistons réalisèrent une saison régulière tout à fait correcte, et la terminèrent avec 40 victoires pour 32 défaites et une qualification en playoffs. En ce temps, la post-season suivait alors un format différent, qu’il convient de rapidement expliquer ; trois franchises étaient qualifiées par division – la division d’hier est la conférence d’aujourd’hui – et se disputaient une place en finale de division dans un tournoi à trois équipes. En l’espèce, les Lakers, les Royals et les Pistons se sont toutes affrontées dans des rencontres aller-retour. Fort-Wayne perdit ses quatre rencontres et fût donc éliminée avant même de disputer les playoffs à proprement parler.
Qu’à cela ne tienne. C’est avec de toutes nouvelles ambitions, et avec un George Yardley transfiguré, que les Pistons abordent l’exercice 1954 – 1955. L’ailier, devenu titulaire, va s’imposer comme la première option de l’équipe. Au sein du roster, c’est lui qui possède le plus de tickets shoot (14,5 / soir), et si son adresse moyenne reste fluctuante, il terminera tout de même sa saison sophomore en tant que meilleur scoreur des siens.
Il ne se hisse cependant pas aux sommets que les joueurs contemporains atteignent, loin s’en faut. En effet, les standards du milieu des années 1950 n’affichent aucun trait de gémellité avec ceux de d’aujourd’hui, ou presque. Ainsi, avec ses 17,3 points par rencontre, Yardbird est le 11è scoreur de la Ligue, dans un classement dominé par Neil Johnston (22,7 points / match). À titre de comparaison, cette moyenne de points ferait de lui le 49è scoreur de la saison 2020 – 2021, juste devant Harrison Barnes et De’Andre Hunter. Ou comment passer d’un statut de titulaire au All-star game à celui de bon role player.
Puisqu’effectivement, grâce à ses performances individuelles et au bon bilan des Pistons, Yardley va honorer sa première sélection au All-star game cette année-là. Il faut dire qu’à l’heure de disputer le match des étoiles, l’ailier affichait un double-double de moyenne, avec 17,5 points et un peu plus de 10 rebonds par soir. Il termina d’ailleurs la saison avec cette moyenne, ou presque (9,9 rebonds). Le fait peut sembler banal, mais il est loin de l’être. En effet, en cette saison, George Yardley devint, avec Paul Arizin, le premier extérieur rebondeur que la NBA ait connu. D’ailleurs, depuis lors, ils ne sont que 4 à pouvoir être considérés comme des ailiers (poste 3) et à avoir terminé une saison avec plus de 9,5 rebonds : Cliff Hagan, Chet Walker, Marques Johnson et Grant Hill.
Bien évidemment, si nous souhaitons tendre à l’exhaustivité, n’omettons pas d’énoncer que Tom Gola, Oscar Robertson, Magic Johnson, Quentin Richardson et Russell Westrook ont également terminé une saison NBA avec au moins 9,5 rebonds dans la musette par soir en tant que meneur(s) ou arrière(s).
Cette fois-ci, les Pistons purent disputer les playoffs sans passer par un mini-tournoi qualificatif. En quatre rencontres rondement menées (3 – 1), ils éliminèrent les Lakers, pour se qualifier en finale NBA, au cours de laquelle ils firent face aux Nationals. Les deux premières rencontres, jouées sur le parquet de Syracuse, furent perdues de peu (- 4 et – 3). Cependant, après cinq rencontres – et alors même que le terme de remontada n’existait pas – c’est Fort-Wayne qui a pris la tête de la série, et qui s’offre deux balles de titre NBA. Les 31 points et 12 rebonds de Yardley au game 6 n’empêchèrent pas Dolph Schayes et les siens de recoller à 3 – 3. C’est donc lors d’une septième et ultime rencontre que l’une des deux franchises allait remporter le premier titre de son Histoire. En effet, les Nationals comptaient alors à leur palmarès deux finales perdues (1950 et 1954), là où les Pistons n’avaient encore jamais atteint ce stade de la compétition.
Le match fût marqué par la contreperformance malvenue de Yardbird, dont le 3 / 12 au tir enterra définitivement les espoirs des siens. Si toutes les défaites au cours d’un game 7 sont porteuses de déception, certaines d’entre elles laissent moins de regrets que d’autres. C’est le cas par exemple de la défaite des Knicks en 1952, au cours de laquelle les joueurs de la Grosse Pomme se sont faits étrillés par les Lakers (82 – 65). Autant dire qu’il n’y a alors pas eu match, et que les hommes de Joe Lapchick n’ont jamais vraiment pu croire à la victoire finale.
La victoire, George Yardley, Larry Foust et leurs coéquipiers l’ont touchée du bout des doigts. Les regrets n’en sont que plus grands. Au moment de plonger dans le dernier quart-temps, les deux équipes affichent le même score : 74 – 74. En effet, après un départ supersonique et avoir mené de 17 points en début de second quart-temps, les Pistons ont vu les Nationals revenir à toute berzingue dans leur rétroviseur. Alors que Dolph Schayes était parfaitement contenu (seulement 4 tirs pris sur la rencontre, mais 100 % de réussite) et que Foust réalisait son petit chantier sous le panier adverse (24 points), le numéro 12 des Pistons était en perdition totale. Si les archives ne coïncident pas toutes, il semblerait ainsi que Yardley n’ait inscrit aucun panier au cours de la seconde mi-temps, se contentant de deux points sur lancers-francs.
Au final, un seul panier supplémentaire aurait fait l’affaire. Syracuse remporta la rencontre à l’arrachée (92 – 91), et la victoire porte le sceau du méconnu George King. Il s’avère ainsi que les Pistons avaient opté pour la tactique du hack-a-King au cours du money-time, puisque le meneur Syracusain affichait un médiocre 61 % de réussite dans l’exercice des lancers-francs cette saison-ci. Sauf que le poignet de King n’a pas tremblé, et il inscrivit 100 % de ses tentatives (3 / 3) lors de la dernière minute de la rencontre. C’est ainsi lui qui fît passer les siens en tête à 10 secondes du terme.
Le score ne bougea plus, puisque c’est également King qui intercepta le ballon de la gagne à trois secondes de la sirène décisive, pour sceller définitivement la victoire des Nats. Bien qu’infiniment plus talentueux, Yardley perdit, au pire des moments, son duel à distance face à “l’autre” George, qui n’a jamais aussi bien porté son nom de famille qu’en ce 10 avril 1955.
Il en ira presque exactement de même pour l’exercice suivant. La moyenne statistique n’a varié que d’un chouia (+ 0,1 point, – 0,2 rebond, + 0,1 passe décisive, – 1 point de précision au tir), et les résultats collectifs sont les mêmes, avec une défaite des Pistons en finale NBA. Mettons tout de même en exergue sa prestation du 18 février 1956, où il devint le premier extérieur de l’Histoire à compiler 30 points et au moins 19 rebonds, dans une défaite face à Syracuse.
Si le site basketball-reference liste Giannis Antetokounmpo et Dave DeBusschere comme des postes 3, il s’avère que le premier évolue désormais intégralement dans la raquette, là où le second a effectivement réalisé l’immense majorité de sa carrière au poste d’ailier-fort. Dès lors, seul Oscar Robertson a réalisé plus de rencontres avec a minima 19 rebonds en carrière que George Yardley, dans la catégorie des joueurs extérieurs.
L’oiseau des Pistons fût à nouveau All-star, titulaire pour la conférence Ouest, qui remporta largement la rencontre. En playoffs, Fort-Wayne remonta un handicap de deux défaites au premier tour face aux Hawks de Bob Pettit, pour finalement remporter les trois suivantes. Ils se qualifièrent ainsi en finales NBA (3 – 2). En finale, ce ne sont pas les Nats de Schayes qui se présentent, mais les Warriors d’Arizin, Gola et Johnston. Philadelphia remporta le titre en 5 rencontres et cette fois-ci, ce n’est pas Yardley qui plomba les chances de victoire des siens.
S’il passa totalement à côté du game 4 (4 / 21 au tir), il réalisa ce qui deviendra sa spéciale à deux reprises : 30 points et 19 rebonds au game 2 (victoire + 1), 30 points et 20 rebonds au game 5 (défaite – 11). La liste des joueurs en 30 / 19 en finale NBA est particulièrement courte : Elgin Baylor, Wilt Chamberlain, Tim Duncan, Tom Heinsohn, Shaquille O’Neal, Bob Pettit, Bill Russell, George Yardley. Sur les 5 matchs de ces finales NBA, Yardbird affiche 24,5 points et 15,2 rebonds de moyenne, mais ces statistiques n’auront servi à rien d’autre que d’être citées dans des livres d’Histoire, et l’ailier courait toujours derrière le premier titre NBA de sa carrière.
L’oscar de la saison 1956 – 1957
Il ne le savait pas – bien entendu – mais il venait de laisser passer sa dernière chance de soulever un jour le trophée qui ne s’appelait pas encore “Larry O’Brien”. En effet, l’exercice 1956 – 1957 signe l’acte de naissance de la plus grande dynastie de l’Histoire du basket-ball américain. À l’issue du match du siècle, les Celtics remportèrent le premier titre d’une série qui allait en appeler tant d’autres.
N’allons pas trop vite en besognes, et remontons au 27 octobre 1956, date de la première rencontre de cette nouvelle saison. Une saison que Fort-Wayne allait d’ailleurs mal commencer, avec 4 défaites lors des 5 premières rencontres. Pourtant, l’effectif des Pistons pouvaient faire nourrir de grandes attentes. Foust et Yardley étaient toujours présents, et furent rejoints par Gene Shue et Bob Houbregs, ce dernier étant le premier joueur non-américain à avoir été intronisé au hall-of-fame.
Dans cette spirale négative, Yardley restait dans ses standards des deux exercices précédents. Insuffisants, manifestement, pour faire passer un cap à sa franchise. Il fallut attendre la 13è rencontre, disputée face aux Warriors, pour voir son premier coup d’éclat : 30 points, 15 rebonds et 54 % de réussite au tir. Une performance qui put ressembler à un coup d’épée dans l’eau, puisqu’elle fût suivie par une nouvelle série de 4 défaites en 5 matchs. À Noël, les Pistons ont toujours un bilan négatif (11 – 14), mais ne sont pour autant pas décroché au sein de leur division. Leur ailier phare, lui, tourne alors à 17,3 points par soir.
Ce n’est qu’ensuite que l’oiseau prit son envol. D’un statut de All-star confirmé, George Yardley démontra qu’il avait tout le potentiel pour devenir une superstar. Avec 24,3 points de moyenne sur les 30 matchs qui suivirent, il composta sans trembler un nouveau ticket pour le All-star game. Devenu un attaquant de tout premier ordre, il permit aux Pistons de rester à flot, (15 victoires et autant de défaites). L’alchimie ne semble pas optimale dans un effectif qui ne manquait pourtant pas de talents individuels. Il fallait un excellent Yardley pour que Fort-Wayne ne termine pas la rencontre tête basse.
En effet, si nous mettions ci-dessus en exergue l’homogénéité de la répartition du scoring dans la franchise, il n’en est plus rien en 1956 – 1957. Sur cette période de 30 rencontres, l’ailier inscrivit le double de points du second meilleur scoreur du roster, Mel Hutchins (24,3 contre 12,5). Seul à son altitude, Yardbird devint donc l’option n°1, mais également n°2 de bien décevants Pistons. D’ailleurs, sur cette période d’un mois et demi, il était tout bonnement le meilleur scoreur de la Ligue. Ce qui nous permet de ressortir quelques statistiques :
- 30 déc. 1956 vs Philadelphia : 32 points et 14 rebonds à 46,4 % au tir, dans une victoire (+ 5) ;
- 26 janv. 1957 vs Philadelphia : 32 points et 14 rebonds à 54,5 % au tir, dans une victoire (+ 3) ;
- 29 janv. 1957 @ Minneapolis : 40 points, dans une victoire (+ 4).
Il terminera la saison, au cours de laquelle il disputa l’ensemble des rencontres, sur un rythme sensiblement similaire. Difficile d’en dire de même du collectif Pistons ; au 22 février 1957, l’équipe trônait en tête de la division Ouest, avec 31 victoires et 29 défaites. Il restait encore 12 matchs à jouer, dont 8 contre des équipes de la division Est, bien plus compétitive. Au lieu d’en profiter pour arriver lancée en playoffs, la franchise se liquéfia et perdit 9 de ces rencontres, pour terminer la saison avec 34 victoires pour 38 défaites.
Du pur point de vue individuel, Yardley termina sa 4è saison professionnelle avec 21,5 points (5è scoreur de la saison), 10,5 rebonds, 2 passes décisives, une nomination dans la All-NBA 2nde Team et une 5è place au classement du MVP remis à Bob Cousy, son camarade de draft. Une fois encore, la ligne statistique de l’ailier est rarissime pour un extérieur :
Collectivement, la triste fin de saison des Pistons conduit la Grande Ligue dans une situation ubuesque. Pour la première et unique fois de l’Histoire, les trois premiers d’une division (conférence, aujourd’hui) affichent exactement le même bilan. Fort-Wayne se retrouve ainsi ex aequo avec les Hawks et les Lakers, et il s’agissait de savoir comment les départager. La NBA organisa donc des matchs de classement, et les Pistons terminèrent donc 3è de la conférence. Ils rencontrèrent alors les Lakers en demi-finale de division, étant précisé que la victoire des Hawks dans ce mini-tournoi de classement assurait à la franchise frappée du faucon une place en finale de division.
Au cours de la saison régulière, Pistons et Lakers ont croisé le fer à 12 reprises. Court avantage Fort-Wayne d’ailleurs, avec 7 victoires au compteur. Néanmoins, Minneapolis possède l’avantage du terrain, sur lequel elle va capitaliser lors du game 1 : 131 – 127, malgré les 34 points de Yardley, meilleur scoreur de la rencontre. La demi-finale se disputant au meilleur des trois rencontres, Fort-Wayne était déjà dos au mur.
Le trio Yardley – Foust – Shue fît le forcing pour répondre au quintet Leonard – Garmaker – Lovelette – Dukes – Kalafat, qui ont tous scoré entre 15 et 19 points lors de la revanche. À la fin de la rencontre, ce sont les Lakers qui pouvaient jubiler, avec une seconde victoire acquise sur le fil : 110 – 108. Avec 23 points à 50 % au tir, Yardley a pourtant réalisé une prestation convaincante. Un bémol cependant : il n’a tiré qu’un seul lancer-franc de toute la rencontre ! Un chiffre étonnamment faible pour un joueur qui avait l’habitude de se rendre à 9 reprises sur la ligne cette saison-là.
Encore raté, pourrions-nous dire. La saison du Bird laissait pourtant présager à qui voulait bien le voir une explosion du niveau individuel de l’ailier flanqué du numéro 12. Le souffle fût tel qu’il balaya l’un des records les plus prestigieux de l’époque.
Le générique de fin
Malgré l’élimination, les Pistons croyaient dur comme fer au projet Yardley. Pour le prouver, ils lui proposèrent un contrat qui n’avait encore jamais été signé dans la Grande Ligue : 25 000 $ / an. On revient aux standards que nous évoquions ci-dessus ; 25 000 $, c’est par exemple 1 370 fois moins que le salaire annuel de Blake Griffin (2020 – 2021). Formulé autrement, c’est ce que gagne aujourd’hui Chris Paul en 4h15.
C’est peu dire qu’il va immédiatement justifier le plus gros contrat de la courte histoire de la Grande Ligue. Jusqu’alors, c’est George Mikan qui détenait le record du nombre de points inscrits sur une saison, avec 1 932 en 1950 – 1951. Jamais la barre des 2 000 points n’avait été atteinte ni, a fortiori, dépassée. Pour l’atteindre en disputant l’intégralité de la saison (soit 72 matchs), Yardley devait scorer 27,8 points par soir. Les 10 premières rencontres s’inscrivent dans cette veine, avec 28,7 points de moyenne et une pointe à 41 lors de la seconde rencontre de la saison, perdue contre les Warriors.
Il était toujours dans les temps de passage au moment d’honorer sa 4è sélection au All-star game. Avec 27,3 points par match, il est alors très largement le meilleur scoreur de la saison, devant un trio d’intérieurs composé de Dolph Schayes, Bob Pettit et Clyde Lovellette. Sur les 44 premières rencontres de l’exercice, mettons en avant deux prestations XXL :
- 26 déc. 1957 @ New-York : 48 points à 43,8 % au tir, dans une défaite (- 5). Notons que Détroit disputait alors son troisième match en autant de jours ;
- 15 janv. 1958 @ Boston : 51 points, 19 rebonds à 51,5 % au tir, dans une défaite (- 18). C’était alors le début d’une série de 5 rencontres en 5 jours.
George Yardley joua effectivement l’intégralité de la saison, pour la seconde année consécutive. En cette fin d’exercice, il fût moins régulier, en terminant à trois reprises une rencontre sous les 10 points. En contrepartie, on le retrouva néanmoins en 7 occurrences au-dessus des 40 points. Dans le lot, nous retrouvons ce qui peut être considéré comme sa plus belle performance en carrière, avec 52 points et 20 rebonds contre les Nationals (+ 5). Ses 12 derniers matchs sont d’ailleurs un modèle du genre, avec 33 points de moyenne mais également 9 victoires salutaires dans la courses aux playoffs.
Nous ne résistons cependant pas à évoquer – très rapidement – sa rencontre remportée face aux Lakers le 27 février 1958, puisque par certains aspects, elle est unique. Il s’avère qu’à cette occasion, Yardley devint l’unique extérieur de tous les temps à gober la bagatelle de 27 rebonds. Il survola d’ailleurs la rencontre, puisqu’il eut le bon goût de rajouter 41 points sur l’addition.
Avant de rencontrer Syracuse pour le dernier affrontement de la saison régulière, Yardley avait scoré 1 975 points. George Mikan était déjà dans le rétroviseur. Pour devenir le premier homme à atteindre les 2 000 points sur un exercice régulier, l’ailier devait en inscrire 25. Il fera mouche à 8 reprises dans le jeu, augmentant donc son total de 16 points. Restait alors à assurer sur la ligne des lancers. En carrière, Yardley affiche 78 % de réussite dans l’exercice. Il ne trembla pas et en convertira 10 (sur 11), portant là son total de points sur la saison régulière à 2 001 points inscrits.
En plus d’être le meilleur scoreur de la saison, il figure dans la All-NBA 1st Team et termina 3è du classement du MVP remis à Bill Russell (16,6 points, 22,7 rebonds et 49 victoires), et derrière Dolph Schayes (24,9 points, 14,2 rebonds et 41 victoires). Le vote fût d’ailleurs particulièrement serré. Avec ses 27,8 points et 10,7 rebonds, Yardley aurait sûrement soulevé le trophée si le bilan comptable des Pistons était un poil meilleur (33 victoires). Un bilan négatif, avec lequel Détroit ira tout de même en finale de division, perdue contre les Hawks (4 – 1).
L’ailier arrive sur ses 30 ans, lui qui, pour rappel, n’a débuté sa carrière NBA que sur le tard. Et pourtant, le crépuscule était déjà là. Il est tradé au milieu de la saison suivante, et rejoint ses premiers bourreaux, les Nats de Syracuse, contre Ed Conlin, un joueur loin d’atteindre son niveau intrinsèque. Il forme désormais avec Schayes l’un des tous meilleurs duos de la Ligue. Cependant, en cette période – nous en avons déjà parlé -, les Celtics ne laissaient que les miettes aux autres. Et ce sont eux qui stopperont Syracuse, aux termes d’un game 7 tendu, en finale de division (130 – 125).
Pourtant, les deux franchises player des Nationals avaient plus que fait le travail : 35 points et 16 rebonds pour Schayes, 32 points et 10 rebonds pour Yardley. Red Kerr (23 / 17) et Larry Costello (20 / 9 / 9) n’étaient d’ailleurs pas en reste. Néanmoins, en face, l’effectif des Verts était trop profond, comme leur règne l’a suffisamment démontré.
La saison 1959 – 1960 sera la dernière de Yardbird en NBA. Hormis son exercice rookie, il aura été All-star chaque saison (6 sélections). Il est l’un des 7 joueurs de l’Histoire à avois pris sa retraite en étant All-star et en ayant scoré plus de 20 points par match. Il est d’ailleurs le fondateur de ce club si spécial, puisqu’à part lui, on retrouve Paul Arizin (1962), Bob Pettit (1965), Rudy LaRusso (1969), Jerry West (1974), Larry Bird (1992) et Michael Jordan (2003).
George Yardley eut donc une carrière d’exception. Certaines de ses performances constituent encore des records. D’autres le classent dans des groupes très selects, au sein desquels il ne côtoie que des véritables légendes de la Grande Ligue. Celui mentionné ci-dessus en est le parfait exemple, puisque hormis Rudy LaRusso, nous ne retrouvons que des éminents membres des 50 meilleurs joueurs de tous les temps. Et si Yardbird ne peut pas prétendre à une telle place dans l’Histoire, en raison d’une carrière trop courte et dépourvue de tout titre collectif, il demeure néanmoins – et sans véritable contestation – l’un des pionniers de cette Ligue que nous aimons tant.
Crédits et hommages
Il reçut les honneurs du Hall-of-fame en 1996. Le site internet du Mémorial de Sprinfield le décrit comme une “machine à scorer”, ce qui reflète absolument la vérité des terrains de l’époque. Une époque où l’oiseau a pu affronter Elgin Baylor, qui disait de son adversaire :
“C’est le joueur le plus compliqué à défendre contre lequel j’ai joué”.
George Yardley s’est éteint le 13 août 2004. Tom Hawkins, joueur de la Grande Ligue des années 1960, raconta cette anecdote lors des funérailles, au sujet de celui qui fût son idole :
“George Yardley était mon Michael Jordan. Lors de mon année rookie, je devais défendre sur lui. Je n’en avais rien à faire s’il scorait, je voulais juste le regarder ! A un moment, je lui ai dit que j’ai grandi en l’admirant tous les samedis après-midi. George m’a répondu avec un petit sourire : tu ferais mieux de défendre un petit peu, parce que je suis en train de vous exterminer”.
Compétitivité. C’est le mot qui revient le plus souvent lorsque l’on se demande pourquoi un joueur est devenu une superstar. En cela, les époques n’ont rien changé ; les standards sont restés les mêmes depuis 1953.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/1974), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/1986), Bill Walton (1976/77),
- Cinq majeur #11 : Micheal Ray Richardson (1981/82), Drazen Petrovic (1992/93),