Surprenante pour les uns, totalement illogique pour les autres, la signature de Gordon Hayward aux Hornets a suscité toutes sortes de méfiances, à juste titre. Entre blessures à répétition et niveau de jeu incertain à moyen terme, il y avait effectivement de quoi considérer le pari comme extrêmement risqué à ce prix-là (120 millions sur 4 ans, pour rappel).
Les premières rencontres de saison régulière se devaient donc d’apporter des éléments de réponse, aussi “court-termistes” soient-ils. Au-delà des résultats collectifs, les fans de Charlotte avaient besoin de voir ce que leur nouveau franchise player avait dans le ventre, afin de jauger sa capacité à tirer l’équipe vers de nouveaux sommets. Autant le dire tout de suite, ces derniers ont de quoi être rassurés.
Efficace mais très cher, c’est Hayward que je préfère
Auteur de 7 rencontres à plus de 25 points, dont son record en carrière le 6 janvier dernier face aux Hawks (44 pts), Gordon Hayward a débuté la saison sur un rythme offensif très élevé. L’ailier a su prendre le taureau par les cornes d’entrée de jeu et s’établir comme le leader offensif incontesté des jeunes Hornets, comme on l’en espérait capable.
D’un point de vue statistique, ses 23,1 pts, 5.1 rbds et 3.7 ast par match sont d’ailleurs très proches des valeurs auxquelles le joueur nous avait habitués lors de sa dernière saison dans l’Utah en 2016-2017. Une saison qui lui avait valu une sélection au All-Star Game, faut-il le rappeler.
D’aucuns diront que ce retour au-dessus des 20 points de moyenne n’est guère surprenant. Passer de quatrième option chez les Celtics à première option en Caroline du Nord confie forcément plus de responsabilités et d’occasions de marquer, ce qui se traduit par un usage percentage (estimation du pourcentage de possessions que le dit joueur termine par une tentative de tir, des lancer-francs ou une perte de balle) de 24.9%, contre 19% à Boston.
C’est bien joli tout ça, mais encore faut-il profiter de cette recrudescence d’opportunités. Comment cette implication plus forte se traduit-elle en points marqués ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.
La première chose à noter est évidemment la réussite remarquable de Hayward en ce début de saison. Présent aux côtés de Kyrie Irving, Paul George et Khris Middleton dans le club des 50-40-90 (50% au tir, 40% à 3 points, 90% aux lancers francs), il sanctionne avec sévérité le moindre espace laissé par la défense.
Concernant le tir longue distance, il n’y a pas de quoi tomber de sa chaise quand on connaît les moyennes du bonhomme. Hayward est capable de tourner autour des 40% malgré un volume de tirs important (5.1 par match), et ce dans toutes les configurations possibles.
Déjà efficace en pull-up ou en sortie d’écran chez les Celtics, il profite cette année de l’affection des Hornets pour le jeu en transition pour se procurer de nombreuses positions ouvertes dans le corner, où sa précision est tout simplement diabolique (62,5%).
Que ce soit en contre-attaque, en début de possession quand la défense n’est pas encore en place ou à la suite d’un rebond offensif, Hayward a un don pour se trouver où il faut, quand il faut :
Qui dit adresse longue extérieure dit aussi défense resserrée, et donc possibilité de prendre son vis-à-vis de vitesse. Gordon ne se contente pas de vivre sur le périmètre en attendant que le ballon lui arrive, l’attaque de cercle est également au programme. C’est d’ailleurs en cela que le début de saison de l’ailier est des plus encourageants : son agressivité et sa confiance dans son drive sont à un niveau que nous n’avions pas observé depuis belle lurette.
Si vous avez suivi régulièrement les Boston Celtics au cours des deux dernières saisons, vous voyez probablement ce à quoi nous faisons allusion. De retour de sa fracture à la cheville, l’ancien de Butler avait parfois des difficultés à se montrer tranchant en pénétration. Ses drives manquaient d’assurance et renvoyaient l’image d’un joueur emprunté, qui n’osait pas appuyer franchement sur l’accélérateur.
La donne a bien changé cette année. Nous retrouvons, pour notre plus grand plaisir, un Hayward capable de mettre à mal la défense en allant ferrailler dans la raquette.
Symbole de cette agressivité retrouvée, le joueur se présente 5 fois par match sur la ligne de réparation, contre moins de 3 l’an passé. Les contacts avec les défenseurs se font plus rugueux et plus fréquents, ce qui mène logiquement à une augmentation du nombre de fautes provoquées.
Tranchant mais mesuré, l’ailier maîtrise bien le rythme de ses pénétrations, attendant que son intérieur ait fini de lui dégager la voie près du cercle et usant de feintes pour forcer son défenseur à s’engager. Petit florilège :
Cette lucidité lui permet également de mettre en valeur son jeu à mi-distance. Lorsque son défenseur le colle d’un peu trop près, l’occasion est parfaite pour utiliser le step-back et trouver une position ouverte entre 3 et 5 mètres, où sa réussite est impressionnante (55.9%). On vous laisse admirer le travail, tout en constatant que cette position à haut pourcentage peut également être recherchée sur du jeu en transition, comme face aux Knicks (2e séquence) :
On récapitule. 3 points ? Check. Près du cercle ? Check. Mi-distance ? Check. Oui, ça commence à faire pas mal.
Certes, il n’y a rien de spécialement nouveau là-dedans. Gordon Hayward n’est pas un perdreau de l’année et possède des fondamentaux rodés, tout le monde le sait. Cependant, au regard des épreuves traversées, on ne peut que s’enthousiasmer de voir toutes les facettes de son jeu revenir, petit à petit, à leur niveau d’antan.
Au service du collectif
Intéressons-nous maintenant à l’intégration du natif d’Indianapolis dans l’attaque des Hornets. En continuant la comparaison avec la saison dernière, il faut noter que le ballon circule beaucoup plus à Charlotte, première équipe de la ligue au nombre de passes décisives par match (28.3). Pour Hayward, cela se traduit par 62% de tirs à deux points inscrits sur assist, contre 48% en 2019-2020.
Cette bonne relation avec ses meneurs joue un rôle important dans ses performances offensives. Si ses qualités de playmaker sont régulièrement mises à contribution, Gordon Hayward peut s’appuyer sur Lamelo Ball et Devonte’ Graham pour animer l’attaque et se concentrer sur un rôle de finisseur. En plus des passes ligne de fond lorsque le pivot adverse vient contester le drive, le danger représenté par Hayward oblige parfois les extérieurs adverses à stunt, et quitter brièvement leur joueur initial pour se montrer au porteur de balle et gêner sa pénétration.
C’est le cas sur les deux dernières séquences de la vidéo suivante : Austin Rivers et Fred VanVleet sont obligés de rester quelques instants dans l’axe pour dissuader le drive, un temps suffisant pour démarquer des tireurs frénétiques comme Terry Rozier et Devonte’ Graham.
Pour terminer d’illustrer cette bonne alchimie collective, nous avons choisi de nous pencher sur une facette originale du jeu de Charlotte. En plus des interactions “classiques” entre meneurs et ailiers (passe pour un tir en sortie d’écran, passe sur un backdoor…), les Hornets s’amusent à utiliser Hayward comme poseur d’écran sur le porteur de balle, pour du pick and roll ou du pick and pop. Pour le moment, ces actions sont utilisées avec parcimonie et en fonction de l’opposition, mais n’en demeurent pas moins intéressantes car elles s’appuient pleinement sur les qualités évoquées plus haut. L’équation proposée à la défense est parfois difficilement soluble.
Par son excellente implication à tous les niveaux de l’attaque, Gordon Hayward justifie la confiance placée en lui par les dirigeants de Charlotte. La prochaine étape ? Réussir à faire rimer performances individuelles et résultats collectifs, au cours d’une série de rencontres importantes à venir contre des équipes de la conférence Est. Malgré le scoring de leur franchise player, les Hornets peinent à être efficaces en attaque (22e offensive rating), une situation qui s’explique notamment par l’adresse calamiteuse de Devonte’ Graham jusqu’à présent, ainsi qu’un apport famélique du banc en dehors de Lamelo Ball et Miles Bridges. Hayward a montré la voie à suivre. Ses coéquipiers doivent désormais lui emboîter le pas. Quoi qu’il en soit, le retour de l’ailier au plus haut niveau est une des belles histoires de ce début de saison, une histoire dont nous sommes impatients de connaître la suite.