La force et la finesse, la puissance et la fluidité, la taille et la technique … Inlassablement Luka Garza terrasse ses adversaires soir après soir dans la Carver Hawkeye Arena. Floqué du magnifique maillot noir et or, Garza est un véritable gladiateur de péplums. Il est le myrmidon qui surnage dans le colisée, celui qui capte toute l’attention, porte son Ludus vers la victoire et récolte les faveurs du publique. Héros d’une université peu médiatisée il y a encore quelques mois, les Iowa Hawkeyes possèdent pourtant en leur rang un des meilleurs joueurs de la NCAA, une exception dans une championnat où les monstres physiques sont légion. QiBasket vous propose d’embarquer pour le Midwest où Europe de l’Est, ruralité et baskets forment une alchimie unique.
Le Basket dans le sang
Le jeune joueur est né de l’union d’un père américain (Frank Garza qui a notamment joué en NCAA à Idaho) et d’une mère bosnienne ancienne joueuse professionnelle en Europe (désormais assistante exécutive à l’ambassade de Bosnie Herzegovie). A cela, ajoutez qu’il est le neveu de Teoman Alibegovic (All time scoreur de la sélection Slovène) et vous obtenez un pivot à la maturité rare pour un joueur NCAA. L’éducation dans un milieu qui baigne dans le basket est une lame à double tranchant qui peut créer autant de belles carrières (les exemples récents de la famille Ball, ou la moins médiatisée famille Mcgee qui regorge d’athlètes NBA et WNBA) qu’être sources de conflits (demandez à un fan des Kings ce qu’il pense du rôle des pères de D’aaron Fox et Marvin Bagley).
Ce n’est pas le cas de Luka Garza, qui garde les pieds sur terre, s’appuie avant tout sur une bonne compréhension du jeu, une éthique de travail que l’on peut apprécier autant à la salle de musculation que lors de ses interminables sessions de shoot. Du haut de ses 22 ans,le fils Garza a un regard éclairé sur le monde du basket universitaire et ses chances d’être drafté (ou non) et d’évoluer un jour au plus haut niveau. Il sait très bien qu’il est une exception dans une faculté modeste (dont le dernier joueur drafté est BJ Armstrong en … 1989) mais en fait sa force. Il a progressé au même rythme que son équipe. Son importance grandissante et les victoires des siens font que désormais, Garza a attiré l’œil des médias sportifs jusqu’à devenir le visage de son équipe et la source de tout leurs espoirs. 2021 ne serait-elle pas l’année pas parfaite pour terminer son cursus à Iowa avec un titre avant une éventuelle sélection à la draft ?
Le titan colossal
Ce qui marque au premier regard posé sur Luka Garza, ce sont ses mensurations. 2m11 pour 120 kilos, un corps taillé dans le marbre et forgé par et pour les joutes au poste bas, le pivot capte toute l’attention dès qu’il est le sur terrain, en étant le seul intérieur dans une équipe composée de 4 arrières (dans un modèle de jeu comparable à celui du Magic de Howard ou plus récemment des Bucks de Giannis). Garza n’en est pas pour autant réduit à un rôle de pivot athlétique coast to coast. Initialement arrivé avec le bagage technique classique d’un face up player (un joueur qui joue face au panier), Garza a progressivement amélioré son jeu au poste bas.
S’il n’est pas doté d’une grande mobilité, saint graal de notre NBA moderne, il compense cela avec un niveau technique rare à son poste : spin moves, up and under et autres nombreux moves font ainsi partis de son arsenal offensif. Peu adepte des dunks pleins de rage, Garza préfère faire danser son adversaire et terminer avec élégance près du cercle… avant de dévoiler son arme la plus létale : un shoot d’une efficacité mortelle.
En effet, il possède une des mécaniques de shoot les plus meurtrières de la NCAA, un tir soyeux, d’une grande rapidité et des appuis correctement placés. On peut éventuellement lui reprocher une mécanique un peu basse mais au final le faucon tourne à 48% à 3pts (pour 5 tentatives par match). Une précision qui lui permet d’être alimenté sur pick and pop, en fin de système aussi bien que dans un corner. Garza est un réel cauchemar pour les défenses NCAA qui doivent en plus composer avec un animal qui capte plus de 4 rebonds offensifs par match. Il est à la fois trop costaud et trop fluide, punissant la moindre mauvaise rotation ou les intérieurs.
Pour combiner ce physique puissant et cet arsenal offensif, Garza peut compter sur une fluidité qui relève autant d’une maturité sportive et émotionnelle que d’une bonne vision de jeu. Il semble constamment à l’aise, se mettant sans cesse au service du collectif. S’il n’initie pas, il est très souvent à la conclusion et sait saisir les opportunités offertes pour sanctionner la défense adverse. Résulte ainsi un pivot d’une efficacité rarissime (qui rappellent les cas uniques de Shaquille O’Neal et de Wilt Chamberlain).
Toute muraille peut être contournée
Au poste bas, Garza est le dernier rempart des Hawkeyes. Utilisant parfaitement son bas du corps robuste pour contenir les intérieurs adverses et prendre position au rebond, il souffre cependant d’un manque de mobilité criant qui consiste la plus grosse faiblesse de son profil. S’il fait les efforts pour switcher en défense, contenir du mieux qu’il peut les arrières adverses, il ne deviendra jamais un défenseur moderne et c’est bel et bien ce qui l’empêchera d’être drafté haut en NBA. Il devrait avoir de grandes difficultés à tenir le rythme élevé d’une Ligue où les profils physiques sont nombreux.
Le système de jeu des Hawkeyes maximise autant ses forces qu’il fait ressortir ses faiblesses. Récemment lors de la défaite de son équipe face à Gonzaga (autre équipe candidate au titre NCA ) et qui s’appuie sur un rythme de jeu élevé porté par un trio d’arrières rapides comme l’éclair, la montagne Garza a été contournée via une bonne adresse au shoot et des cuts nombreux. Si la star d’Iowa a terminé avec 30 points et 10 rebonds, elle n’a pas pu empêcher les contre attaques éclair des Bulldogs. Vient un moment où la vision de jeu et le bon placement ne peuvent plus cacher ce manque cruel de vitesse latérale qui devraient l’empêcher de pouvoir prétendre à une place de titulaire en NBA. Mais est-ce réellement une mauvaise chose ?
Fais-le ou ne fais pas, mais n’essaye pas
Luka Garza est parfaitement au courant de ce qu’il lui manque pour être appelé dans le haut de la draft. Il connait les aspects du jeu qu’il peut encore améliorer mais sait également où et comment contribuer sur le terrain. Loin d’avoir un jeu flashy riche en highlights, tout ce que le jeune homme fait, il le fait bien. Le joueur a confiance en ses fondamentaux et en son shoot pour se faire une place dans un effectif professionnel. Après avoir su attirer l’attention de nombreux scouts NBA, il doit désormais conclure sa saison NCAA en beauté avant de tenter sa chance dans une draft annoncée de très haut niveau.
Il ne sera probablement jamais une des grandes stars de la Ligue, mais il pourra en devenir un role player sérieux, contributeur au scoring dans une équipe qui saura utiliser son bagage offensif. Si la NBA a connu des Spencer Hawes ou des Frank Kaminsky, elle a aussi eu son sein des Brad Miller, des Nikola Vucevic et elle saura faire une place à Luke Garza s’il se crée une chance dans cette Ligue si concurrentielle.
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La fin de l’idylle est proche entre le géant et l’Iowa. Sa carrière NCAA devrait se conclure dans les mois à venir sur – on le lui souhaite – un titre national. Avant d’entendre retentir l’appel d’Adam Silver le soir de la draft ?