Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Véritable institution médiatique française (n’ayons pas peur des mots), Le Magnéto fait régulièrement la part belle aux personnages hauts en couleur. Il s’agirait donc de ne pas déroger à la règle dans l’épisode du jour… Bill Walton vous dites ? On devrait arriver à se débrouiller.
Né le 5 novembre 1952 à La Mesa (Californie), Walton est loin de correspondre au stéréotype, malheureusement répandu, du joueur NBA ayant misé sur le basketball pour sortir de la misère. Membre à part entière de la contre-culture hippie des années 60, il marquera les esprits avec son style de vie atypique, ses fortes convictions sociales et sa personnalité attachante. Et le basket là-dedans ?
Nous y venons, chers amis. Car ces aspects divertissants ne sont que l’enrobage de ce qui nous intéresse aujourd’hui : Walton était par-dessus tout un formidable joueur de basket-ball, sans doute l’un des plus doués de sa génération. Entre 1970 et 1978, il va tout gagner que ce soit en NCAA ou en NBA, avant que son corps ne le trahisse en pleine ascension. S’il existe un panthéon des carrières gâchées, celle de Walton y figure assurément, une immense tristesse au regard de ce que le pivot était capable de proposer sur un parquet.
Revêtez donc votre plus belle chemise ou robe à fleurs, lancez un album de The Grateful Dead en fond sonore, et découvrons ensemble l’un plus gros What if de l’histoire de la balle orange.
Action !
Fils d’une libraire et d’un professeur de musique, Bill Walton grandit dans une maison où les arts et la culture occupent une place prépondérante, et où aucun débat n’est proscrit. Cet “âge d’or”, comme le qualifie l’intéressé, lui permet de s’éveiller très tôt aux questions de société, dans une Amérique qui commence à sérieusement sentir le souffle des années 60 lui caresser la nuque.
Alors qu’il s’oriente dans un premier temps vers le cyclisme et la randonnée, Walton voit le basket-ball entrer réellement dans sa vie à partir du lycée. Peu à l’aise dans son corps, peu à l’aise avec les gens (il souffre de bégaiement), le grand Bill trouve dans ce sport un moyen d’expression et d’évasion. Sous la houlette protectrice de son frère Bruce, jamais bien loin pour distribuer les bourre-pifs quand le cadet se fait maltraiter, Bill explose aux yeux des universités de tout le pays, et pas seulement. Lorsqu’ils sont en ville, les San Diego Rockets viennent régulièrement s’entraîner à la Helix High School et n’hésitent pas à faire participer le détenteur des clés du gymnase, aussi connu sous le nom de… Bill Walton. A même pas 18 ans, celui-ci se retrouve donc sur le parquet avec quelques sympathiques spécimens de l’époque comme Elvin Hayes, Pat Riley ou Rudy Tomjanovich, de la bonne petite opposition comme on les aime pour travailler ses gammes.
Après une ultime saison à 29 points et 25 rebonds de moyenne, Walton intègre UCLA, quadruple champion NCAA en titre, coachée par le légendaire John Wooden. Ces 4 années sur le campus californien vont être extrêmement riches, sur les parquets comme en-dehors.
Sportivement, UCLA roule sur ses adversaires sans aucune forme de pitié et s’offre une série de QUATRE VINGTS HUIT victoires consécutives, pour trois nouveaux titres NCAA. Au cœur de cette armada complètement disproportionnée, Walton occupe une place centrale, car le système de John Wooden nécessite un pivot sachant distribuer le ballon. Ce que le natif de La Mesa fait parfaitement.
Sa capacité à gober un rebond, se tourner lorsqu’il est encore en l’air puis transmettre le ballon pour lancer la contre-attaque alors que ses pieds viennent de toucher le sol devient sa marque de fabrique, et le symbole du joueur qu’il est. Lucidité offensive exceptionnelle, fondamentaux ultra-robustes, touché de velours et défense irréprochable, le jeu de Walton ne présente quasiment aucune faiblesse. Les adversaires n’ont d’autre choix que de s’incliner, en particulier Memphis State, qui se prend 44 points (à 21/22 !) et 13 rebonds sur le coin de la figure lors de la finale du tournoi NCAA 1973.
Finalement, le plus difficile pour Walton au cours de sa carrière universitaire n’est pas de gagner des rencontres ou de faire montre de son talent, mais plutôt de maintenir l’équilibre entre sa vie sportive et le reste.
A la rigueur extrême de John Wooden, dont les entraînements sont planifiés à la minute près, s’opposent la soif de liberté et les revendications politiques de la jeunesse du campus, qui sont loin de laisser Walton de marbre. Le pivot s’investit pleinement dans la contre-culture hippie et dans les mouvements contestataires de l’époque, avec la guerre du Vietnam comme principal cheval de bataille.
Au cours d’une manifestation contre le président Nixon, Bill est embarqué par la police et jeté en prison, avant d’en être sorti par un John Wooden passablement déçu. Par la suite, il écrit une lettre demandant au président de démissionner. Végétarien et fan revendiqué du groupe de rock psychédélique The Grateful Dead, Walton est un personnage atypique mais son talent prédomine sur tout le reste : les Portland Trail Blazers, détenteurs du premier choix de la draft 1974, n’hésitent pas bien longtemps avant de le sélectionner. Cependant, cette première saison NBA sera vécue comme un brusque retour à la réalité.
Non content de passer de l’excellence de UCLA à une situation sportive beaucoup moins enviable dans l’Oregon, Walton se retrouve confronté à un problème assez peu mis en lumière par le calendrier allégé de la NCAA : sa fragilité physique.
Malgré des débuts en trombe (18 points, 24 rebonds, 5 passes décisives et 4 contres pour son premier match, 16 points et 25 rebonds peu de temps après), il est limité par des problèmes au genou et ne prend part qu’à 35 rencontres sur 82. Alors que ses prises de position socio-politiques n’avaient jamais perturbé l’opinion publique tant qu’il écrasait l’intégralité du pays avec sa fac, son mode de vie est désormais clairement remis en question, en premier lieu son régime végétarien et son opposition à la prise d’anti-douleurs. On ne sait alors pas grand-chose de la nature du mal dont souffre le joueur, ce qui laisse la porte ouverte à tous les fantasmes quant à l’existence même d’une blessure. Persuadé que le management cautionne ces critiques publiques, il songe carrément à quitter la Ligue, avant de se raviser.
Walton est venu en NBA pour gagner, il ne se laissera pas abattre par une première saison difficile. Il travaille ainsi sérieusement sur sa condition physique, accepte de mettre de l’eau dans son vin quant à ses convictions personnelles (ou plutôt du thon dans sa salade, dans ce cas précis), et attaque la saison 1975 – 1976 dans de bien meilleures dispositions.
Si les blessures le tiennent encore éloigné des terrains pendant 30 matchs, il nous gratifie de plusieurs pointes au-delà de la barre des 30 unités, dont son record en carrière avec 36 points et 22 rebonds dans une victoire contre Atlanta. Il termine la saison avec 16.1 points, 13.4 rebonds et 4.3 passes décisives au compteur, mais Portland ne fait toujours pas rêver (37 – 45). C’est alors qu’entre en scène Jack Ramsay.
L’oscar de la saison 1976-1977
Après 4 saisons frustrantes sur le banc des Buffalo Braves, qu’il n’a pas réussi à mener au titre en dépit de la présence du scoreur d’élite et MVP 1975 Bob McAdoo, Jack Ramsay débarque dans l’Oregon pour donner une identité à cette équipe en manque de repères collectifs. Si la défense des Blazers est déjà correcte (merci Bill), l’animation offensive est des plus médiocres.
Sidney Wicks et Geoff Petrie, les deux meilleurs scoreurs, ne peuvent pas se voir en peinture et le premier nommé devient rapidement le coupable désigné des maux de l’équipe. Peu de temps après avoir accusé à demi-mots coach Ramsay de prendre une place trop importante au sein des finances de l’équipe à ses dépens, Wicks est expédié à la Nouvelle Orléans, qui refuse de le conserver à cause de son caractère ingérable. Il atterrit finalement à Boston. Quant à Petrie, il est transféré aux Hawks en échange de Maurice Lucas dans ce qui ressemble à un très bon coup pour Portland. En peu de temps, la face de l’équipe a complètement changé.
Amoureux du beau jeu, Ramsay n’a qu’une idée en tête : faire de Walton la clé de voûte de son système offensif. Un système basé sur la vitesse d’exécution, la contre-attaque et du mouvement incessant autour de son pivot sur jeu placé. Une configuration similaire à UCLA, tout simplement.
La mayonnaise prend immédiatement. Avec un Walton tournant à 19.9 points, 16.6 rebonds et 4.6 passes décisives, Portland réalise le meilleur début de saison de son histoire – d’accord, ce n’est que sa 7e saison en NBA, mais permettez à l’auteur cet excès d’enthousiasme – et remporte 7 de ses 8 premiers matchs. De quoi donner le ton d’un exercice gravé dans les annales de la franchise.
Sur leur lancée, les Blazers enchaînent les victoires. L’effectif manque de noms ronflants mais regorge de joueurs intelligents, avec des fondamentaux aiguisés et un sens du placement qui fonctionne à merveille dans le système Ramsay.
Articulés autour de leur tour de contrôle, les arrières et ailiers se régalent des espaces offerts par la défense. Quand vous avez la garantie que chaque cut, chaque backdoor sera récompensé par une passe millimétrée offerte par votre pivot depuis le poste, il y a de quoi garder la motivation pour cavaler encore et encore. Walton ne prend parfois même pas la peine de dépasser la moitié de terrain sur phase offensive, car sa première passe suffit à donner un temps d’avance décisif à son équipe.
Cette complémentarité quasiment instinctive, dont le meilleur exemple n’est autre que le tandem formé par Walton avec Maurice Lucas dans la raquette, permet à Portland de tenir tête à bon nombre de grosses cylindrées. Parfaitement épanoui dans le collectif (22 rencontres à 5 passes décisives ou plus), notre rouquin favori n’en oublie pas de noircir méchamment la feuille quand l’enjeu le demande. En l’espace d’une semaine, il plante 30 points, 19 rebonds et 5 passes décisives sur la tête des 76ers puis 28 points et 26 rebonds au nez et aux lunettes de Kareem Abdul-Jabbar et ses Lakers. Malgré deux défaites de justesse, ces prestations envoient un message clair : il faudra composer avec Portland.
Présentant enfin un bilan collectif à la hauteur de son talent, impérial dans tous les compartiments du jeu, Walton est logiquement sélectionné pour le All-star game 1977… qu’il ne jouera pas. On vous laisse quelques secondes pour deviner pourqu-oui c’est ça, il est encore blessé.
Il fallait bien que la scoumoune revienne frapper notre ami. Son absence va faire très mal aux Blazers, qui perdent 11 matchs sur 15 sans leur leader. Fort heureusement, le destin a décidé d’épargner Bill pour cette fois. Cette mésaventure sera la seule jusqu’au terme de la saison. De nouveau au complet, les ouailles de Ramsay remettent le bleu de chauffe, montent tranquillement en pression à l’approche des playoffs et terminent la phase régulière en collant 145 points aux Lakers, un avant-goût des festivités à venir. Patron incontesté en défense et en attaque, Walton boucle l’affaire avec une ligne de stat ronflante, pourtant loin de traduire son impact réel : 18.6 points, 14.4 rebonds, 3.8 passes décisives, 3.2 contres, 1.0 interception.
Place aux playoffs.
Fidèles à eux-mêmes, les Blazers appliquent les recettes qui les ont menés jusque-là, ce qui se traduit par deux séries remportées sereinement face aux Chicago Bulls et aux Denver Nuggets de David Thompson. Le n°32 n’a pas spécialement besoin de sortir le grand jeu mais se fend tout de même d’un triple-double (19 points, 16 rebonds, 10 passes décisives) dans le match 2 du second tour. A part ça, sobriété, justesse, défense, business as usual.
Il aura par contre beaucoup plus de pain sur la planche en finale de conférence, puisque ce sont les Lakers de Kareem qui se présentent désormais sur sa route.
Tout Walton qu’il est, Bill n’empêchera évidemment pas le meilleur scoreur de tous les temps de planter sa trentaine de points de moyenne syndicale sur la série. Mais cela n’a pas vraiment d’importance tant le collectif de Portland va exceller. Le match 1 en est l’exemple parfait avec 4 joueurs au-dessus des 20 points, dont Walton, qui ajoute 6 passes décisives à ses 22 points et 13 rebonds.
Et que dire du match 2, où les titulaires mal embarqués – notre ami Bill se fait plus ou moins victimiser par KAJ, soyons honnêtes – voient Herb Gilliam revêtir la cape du sauveur improbable avec 24 points en sortie de banc ? Insubmersible, le navire de l’Oregon mène 2-0 alors que L.A possède l’avantage du terrain.
Malgré cette position confortable, l’ego de Walton est quelque peu chatouillé par les 40 points encaissés des mains de son vis-à-vis. Il va alors faire les choses en grand au Game 3, histoire de laver l’affront. Sa nouvelle démonstration de polyvalence (22 points, 15 rebonds, 9 passes décisives, 2 interceptions, 2 contres) est agrémentée d’un Abdul-Jabbar limité à 5/12 aux tirs, et saupoudrée d’une nouvelle victoire. Avec, en guise de cerise sur le gâteau, l’une des actions les plus célèbres de sa carrière :
La messe est dite et la série se termine comme elle avait commencé, par un récital collectif des joueurs de Jack Ramsay qui expédient Kareem et ses sbires aux oubliettes en 4 rencontres sèches. À qui le tour ?
La finale NBA 1977 est un véritable choc des cultures. D’un côté, les Blazers dont nous venons de vanter les mérites, et de l’autre, les Philadelphia 76ers, véritable collection de stars avec Julius Erving en tête de gondole, secondé par George McGinnis et le futur coach de Michael Jordan aux Bulls, Doug Collins.
Au départ, la balance semble clairement pencher en faveur des champions de l’Est. Walton signe 28 points et 20 rebonds en ouverture mais seulement 3 passes décisives, symbole de Blazers quelque peu moribonds. La suite est encore moins reluisante avec une belle claque reçue au match 2. Dos au mur, les Blazers vont devoir puiser au fond de leur ressources et s’en remettre à leur Dr J à eux, Jack Ramsay.
Profitant du retour à la maison et de la Blazer-mania complètement folle qui s’est emparée de la ville, les locaux en reviennent à leurs bonnes vieilles habitudes en éparpillant Philly façon puzzle au cours des games 3 et 4, remportés par un écart cumulé de 59 points. Tous les titulaires sont au-dessus des 10 unités, Walton opère avec une justesse ahurissante, et les stars adverses ne peuvent tout simplement pas tenir le choc face à cet ennemi frappant de tous les côtés à la fois.
A 2-2, on sent le vent prêt à tourner et cela se confirme avec une nouvelle victoire haute en couleur chez les Sixers dans le match 5, durant lequel Walton gobe le coquet total de 24 rebonds. Portland, franchise dont à peu près tout le monde se fichait jusqu’alors, est à un match du titre et ne va pas se priver pour achever son voyage devant son public, offrant par la même occasion l’une des séquences les plus mémorables de son histoire :
Et voilà comment mettre un point final à une saison incroyable. Pour le plaisir, la ligne de stat de notre ami Bill au cours de ce dernier match : 20 points, 23 rebonds, 7 passes décisives, 8 contres. Il est élu sans surprise MVP des finales, et peut repartir sillonner les routes de Californie sur son vélo avec le sentiment du devoir accompli.
Le générique de fin
Ramsay et les siens viennent de frapper un très grand coup, en hissant une franchise sans histoire sur le toit de la Ligue. C’est tout à fait sympathique, mais pourquoi s’arrêter là ? Le groupe est jeune, produit un jeu de grande qualité et sa défense est excellente. Autant vous dire que les réjouissances vont se poursuivre durant la saison 1977 – 1978.
De l’avis général, les Blazers sont encore meilleurs dans l’année qui suit le titre. Fin février, ils présentent un bilan de 50 victoires / 10 défaites et peuvent presque rêver de faire tomber le record de 69 succès en saison régulière, acquis par les Lakers en 1972. La mécanique parfaitement huilée de Jack Ramsay ravage tout sur son passage, menée par un pivot au sommet de son art. Le 21 février, face aux Spurs, Walton nous gratifie d’une performance de mammouth dont il a le secret, avec 34 points, 18 rebonds, 6 passes décisives et 5 contres. La dernière de la saison.
Une semaine plus tard, il est victime d’une nouvelle blessure, celle de trop. Pendant des années, Walton a compensé tant bien que mal (souvent au détriment de ses genoux) une réalité aussi implacable que rédhibitoire : ses pieds, pour diverses raisons, ne sont absolument pas adaptés à la pratique du basketball. Bill possède une bombe à retardement à l’extrémité de chaque jambe, dont l’explosion est inéluctable. De façon très cruelle, le couperet tombe alors qu’il pratique le meilleur basket de sa carrière.
Les répercussions de cette fracture au pied gauche vont bien au-delà de la saison 1977 – 1978, que Portland finit en roue libre avant de se faire sortir logiquement par les Sonics au premier tour. Problème, Walton participe aux deux premiers matchs de cette série alors que son pied est fracturé, bien que le diagnostic n’ait pas encore été clairement établi à ce moment-là. On vous laisse imaginer les dégâts supplémentaires causés par ces deux matchs.
Cet événement marque le début de la rupture entre la franchise et sa star. Pour Walton, élu MVP de la saison 1977-1978 malgré son arrêt fin février, la responsabilité des Blazers dans la gravité de sa blessure est évidente. Il reproche au staff médical d’avoir donné le feu vert à sa participation aux playoffs alors qu’il n’avait rien à faire sur un parquet, et à sa direction d’avoir mis de côté sa santé au profit de la quête effrénée de victoires. Un bras de fer s’engage entre les deux parties, Bill ne joue pas de toute la saison 1978 – 1979, et finit par rejoindre les San Diego Clippers.
Cependant, les problèmes physiques ne sont pas restés coincés à l’aéroport de Portland. Son pied meurtri semble tout simplement inguérissable, ce qui a pour effet de le tenir éloigné des parquets pour deux longues années. Entre 1979 et 1982, alors qu’il est théoriquement dans son prime, Walton participe à 14 matchs officiels. Les mots manquent pour qualifier un tel gâchis.
La fin paraît proche mais alors que tout espoir semble envolé, la carrière du pivot va connaître un rebond inattendu. Sans que l’on sache trop pourquoi, son mal le laisse tranquille quelques années et l’autorise à remettre les pieds sur le parquet régulièrement. Il n’est plus le génie offensif qu’il était à Portland, mais ses performances honorables sous le maillot des Clippers tapent dans l’œil de Red Auerbach et Larry Bird, qui lui proposent un rôle de sixième homme chez les Celtics.
Au sein de cette armada parmi les plus impressionnantes que la NBA ait connu, Walton trouve parfaitement sa place, apportant un savoir-faire défensif et une expérience très appréciés. Il s’offre même une jolie revanche sur la vie, en prenant part à 80 rencontres au cours de l’exercice 1985 – 1986. Son épanouissement est tel qu’il est élu meilleur sixième homme de la ligue, devenant ainsi le premier joueur à remporter les titres de MVP et 6th man au cours d’une carrière. Pour couronner le tout, les Celtics sont sacrés champions, offrant à Walton la sortie qu’il mérite. Après une dernière saison anecdotique, marquée par un ultime combat contre les blessures, il prend sa retraite en 1988.
Sur 14 saisons officielles passées dans la ligue, le futur Hall of Famer n’a pris part qu’à 517 rencontres, phase régulière et playoffs confondus. Cela ne l’empêche pas de posséder un palmarès très sérieux :
- Champion NBA (1977 et 1986),
- MVP des finales (1977),
- MVP (1978),
- Meilleur 6e homme (1986),
- All-NBA (1977, 1978), All-Defensive (1977, 1978), All-star (1977, 1978)
Crédits et hommages
La carrière de Bill Walton laisse un souvenir aigre-doux. Malgré les récompenses collectives et individuelles qui ornent sa cheminée, il fait partie de cette catégorie de joueurs dont la course folle a été brisée par un coup du sort. Alors que les noms de Derrick Rose et Brandon Roy reviennent souvent en tête de liste quand on évoque ces héros malheureux, le natif de La Mesa est en quelque sorte relégué au second plan, victime du manque d’exposition médiatique de la NBA à son époque.
Il ne faut pourtant pas s’y tromper. En pleine possession de ses moyens, Bill Walton est l’un des tous meilleurs pivots à avoir posé le pied sur un parquet, tout simplement. John Wooden, qui a entraîné Walton et Kareem Abdul-Jabbar à UCLA, avait d’ailleurs un avis bien tranché sur la question :
“Si vous deviez prendre en compte tous les fondamentaux que vous voulez voir dans un pivot, je pense que Bill Walton, en bonne santé, serait classé plus haut que n’importe quel joueur ayant jamais joué”. John Wooden
Si sa carrière écourtée rend difficile toute comparaison avec les références du poste, on ne peut effectivement s’empêcher de se demander où se situerait Bill dans la hiérarchie des pivots all-time s’il avait pu exprimer pleinement son talent sur la durée. Excellent à tous les niveaux et capable de rendre ses coéquipiers meilleurs de match en match, il était le relai parfait de Jack Ramsay sur le terrain.
“Je n’ai jamais entraîné un plus grand joueur, je n’ai jamais entraîné un plus grand compétiteur, et je n’ai jamais entraîné une meilleure personne que Bill Walton”. Jack Ramsay
Dithyrambique, ce bon Jack. Sans aller aussi loin dans l’éloge, nous avouerons volontiers que ce portrait fut particulièrement intéressant à dresser. Par son talent, sa personnalité excentrique et les épreuves qu’il a traversées, Bill Walton occupe une place à part dans l’histoire de la NBA. Cet article ne fait d’ailleurs qu’effleurer certains morceaux choisis, qui mériteraient une exploration plus détaillée. En attendant leur éventuel récit sur notre site, nous vous conseillons vivement la lecture de The Breaks of the Game de David Halberstam, qui fut une source très précieuse dans la rédaction de ce Magnéto et qui vous permettra, à coup sûr, de briller en société à l’avenir.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01), Michael Cooper (1984/1985), Lou Hudson (1973/1974), Tom Heinsohn (1962/63), Maurice Stokes (1957/58),
- Cinq majeur #10 : Slater Martin (1953/54), George Gervin (1980/81), Chuck Person (1990/91), Ralph Sampson (1985/1986)