C’est au lendemain d’une victoire convaincante que j’écris ces lignes. Alors que le roster des Nuggets était qualifié de profond la saison passée, au point que le problème majeur était de parvenir à satisfaire tout le monde, il se pourrait bien qu’en un an, tout ceci ait drastiquement changé. L’an dernier à la même époque, les fans grondaient. Pas pour les résultats, mais pour le fond de jeu en mouvement perpétuel et pour la frustration de ne pas voir Michael Porter Jr, Malik Beasley ou encore Torrey Craig obtenir leurs minutes de jeu. Dans ce grand embouteillage, le casse-tête de Mike Malone est plus vite devenu les choix à faire que la qualité des options.
Hier soir, les Nuggets battaient les Timberwolves sans jamais avoir été réellement inquiétés. Mieux, peut-on se dire, il semblerait que le coach ait trouvé une line-up au relais de ses titulaires lui permettant de faire vivre ensemble un paquet de joueurs qui, sur le papier, ne semble pas forcément voués à jouer ensemble. Toutefois, ce groupe proposé présente à lui seul le problème majeur auquel Denver et Mike Malone vont faire face cette saison. Malgré une somme de talent toujours intéressante, l’équilibre de l’effectif pourrait pousser ce beau monde à monter des line-ups “par défaut”, quand il y a 12 mois, le souci était de savoir comment agencer de manière idéale ses pièces (et déterminer qui était l’homme en forme sur qui parier sur le long-cours).
Une line-up improbable
A Minnesota, Facundo Campazzo a réalisé sa première rencontre de haut-vol sous la tunique des Nuggets. En seulement 21 minutes, le meneur a semblé être partout : 15 points à 5/7 à 3 points, 3 interceptions, un paquet de ballons déviés, et des extra-pass de qualité dont 2 passes décisives. Une bonne nouvelle pour tous les aficionados de basketball européen sûrement heureux de voir l’un de leurs plus beaux représentants briller en NBA. Pour autant, 8 de ses 21 minutes ont été jouées dans un quatuor… inattendu.
En effet, hier, pour la première fois, Mike Malone a aligné 4 joueurs connus comme des meneurs de jeu ensemble sur le terrain : Facundo Campazzo – Monte Morris – Jamal Murray – PJ Dozier. Quand bien même la notion de poste a perdu de son sens dans la NBA moderne, a fortiori chez des Nuggets en mouvement permanent autour de Nikola Jokic, toujours est-il que la démarche interpelle.
En terme de résultat, on peut dire que la solution trouvée par le coaching staff des Nuggets pouvait faire sens face à une équipe portée vers l’attaque, privée de son pivot titulaire et ne possédant pas vraiment de joueurs capables de sanctionner durement l’expérience. Ainsi, si l’échantillon est bien évidemment trop modique, cette expérimentation s’est soldée par un net rating de (+6,7), mais au prix de statistiques très révélatrices de la principale problématique à laquelle la franchise risque de se heurter cette saison : un défensive rating de 133,3. Évidemment, qui dit line-up miniature dit également risque d’être exposé en défense et au rebond (on ne parle pas d’ailiers comme Houston l’an dernier, mais de meneurs). Ces mini-Nuggets n’ont pas échappé à la sentence.
Nous savions depuis l’an dernier que grâce à sa taille, PJ Dozier jouerait régulièrement les ailiers. En prime, puisqu’à l’instar de Monte Morris et Jamal Murray il sait jouer sans ballon, il était évident que les trois seraient encore associés. On pouvait sans souci imaginer que d’autres tentatives seraient faites avec Facundo Campazzo, ce que nous n’avons pas raté d’observer. Toutefois, il était moins probable de voir les 4 jouer ensemble.
La sauce a pourtant plutôt bien fonctionné hier. Pour deux raisons, elle peut cependant sembler inquiétante :
- elle ne peut, a priori, pas fonctionner contre des équipes mieux équipées sur les ailes et à l’intérieur. La quantité de mismatchs que cela entraînerait a de quoi laisser plus que songeur ;
- surtout, le recours à cette line-up inédite est induit par les aléas, mais aussi les choix, réalisés par le front office cet été.
De fait, le propos n’est pas réellement : est-ce qu’elle doit être reconduite ?, mais plutôt, est-ce que l’effectif des Nuggets peut réaliser ses ambitions avec les lacunes qu’il possède ?
Un roster bipolaire ?
Effectivement, il suffisait de voir le roster de Denver pour nourrir des inquiétudes.
D’un côté, les Nuggets ont renforcé leurs lignes arrières en faisant l’acquisition de Facundo Campazzo, mais aussi en draftant R.J Hampton. Si le rookie ne verra que peu le terrain pour le moment, il présente des lignes déjà bien garnies. De même, si Mason Plumlee est parti, il a été remplacé par une autre recrue sortie de l’université : Zeke Nnaji. Tim Connelly ne s’arrêtait pas là ; au cours du même été, il confirmait la place de Bol Bol en NBA tout en allant récupérer Isaiah Hartenstein, anciennement pivot aux Houston Rockets.
Autrement dit, la franchise garnissait largement les postes 1-2 et celui de pivot.
Pourtant, plusieurs éléments sont venus aggraver cette impression de bipolarité du roster. Le problème fut évidemment le départ inattendu de Jerami Grant, qui donna sa préférence à un rôle plus important en attaque plutôt qu’à la compétitivité à court terme. Un mouvement qui a poussé la franchise a rattraper Paul Millsap, mais surtout à aller récupérer JaMychal Green. Or, si sur le papier Green occupe le même poste que Grant, son bagage physique et technique fait qu’il est plus proche du poste de pivot que de celui d’ailier, comme c’était pourtant le cas du néo-Piston. Pour ne rien arranger, la franchise a décidé de ne pas poursuivre l’aventure avec un de ses défenseurs les plus polyvalent : Torrey Craig.
Si ces mouvements ont donc fait une place de choix au très en vue Michael Porter Jr, cela créé néanmoins plusieurs problèmes.
Tout d’abord, la palette des rotations de Denver en est largement amoindrie, particulièrement dans une ère où les ailiers occupent une part cruciale dans le jeu, notamment lorsqu’il s’agit de s’adapter défensivement. Leur polyvalence tant technique que physique (taille), qu’en terme de qualités athlétiques en font des couteaux-suisse indispensables. Par ailleurs, si MPJ peut s’exprimer, cela veut dire qu’il ne reste plus que deux ailiers dans le roster. Or le second, Will Barton, revient d’une blessure handicapante et pose à son tour trois problématiques :
- La première, c’est qu’il entend conserver un poste de titulaire et le revendique.
- La seconde, c’est qu’il n’évolue pas au même niveau que la saison passée et ne semble pas encore pleinement remis et en rythme. De fait, entre une decision making qui n’a jamais fait sa force et son impact désormais réduit, l’équipe se trouve très courte en termes de solution en ce début de saison.
- La dernière, ce dernier évolue comme un énième créateur offensif quand l’équipe recherche plutôt un finisseur.
En conséquence, dans une soirée où l’un des deux ailiers est absent (face aux Suns et aux Wolves, MPJ a été écarté pour précautions sanitaires), le coaching staff se trouve vite à court d’options. Et puisque plusieurs intérieurs ne semblent pas encore prêts à servir (Bol Bol est apparu perdu sur le terrain, tandis que Nnaji n’a pas encore les faveurs de son coach), il ne reste plus que la multitude de guards pour constituer les rotations de l’effectif. Face aux Wolves, cela a donné ceci :
Autrement dit, Jamal Murray (1m91) fut l’équivalent d’un ailier 15 de ses 38 minutes, PJ Dozier (1m96, 92kg) fut ailier fort 11 de ses 19 minutes. Et finalement, ce qui est le plus embêtant, ce n’est pas que Malone ait fait ce choix, c’est de constater qu’il n’avait pas d’autres options que d’empiler les arrières ou faire un mix avec des intérieurs. En définitive, le coach n’a pas vraiment tenté une expérimentation saugrenue en alignant ses meilleurs joueurs coûte-que-coûte : il n’a fait que réagir à une réalité : en l’absence de Porter Jr, Will Barton, ou les deux, Denver sera voué à un déséquilibre permanent. Un déséquilibre qui existe, en réalité, même lorsque l’équipe est au complet.
De fait, que craindre ?
En perdant Jerami Grant et Torrey Craig, les Denver Nuggets ont perdu gros et ont dû renoncer à leur polyvalence défensive. De fait, ils se sont contraints à une mutation à court terme.
En effet, sur les 3 matchs où les Nuggets ont aligné leur nouveau starting five (Murray – Harris – MPJ – Millsap – Jokic), ils ont pour le moment été catastrophiques en défense. Bien sûr, tout cela devrait se rééquilibrer : adresse très importante sur des tirs contestés, tendance à piétiner en fin de match et maladresse du duo Murray-Harris donnant des opportunités à l’adversaire.
Néanmoins, au global, après 6 rencontres, les Nuggets ont l’une des pires défenses de la ligue 115,8 points encaissés pour 100 possessions (29è). C’est bien loin de ce qui leur a permis de devenir une équipe de Playoffs en 2018-2019 (108,1; 10è). Le souci, c’est donc que pour continuer d’exister dans la jungle de l’Ouest, il leur faudra faire mieux tout en acceptant qu’ils n’ont pas le personnel pour être parmi les bons élèves cette saison. Autrement dit, il faudra être élite de l’autre côté du terrain, retrouver une courbe ascendante dans cette catégorie (alors qu’ils ont régressé / stagné des années durant). Or si le personnel laisse entendre que le talent pour réussir est là, plusieurs craintes peuvent d’ores-et-déjà être formulées en guise d’ouverture :
- une bonne défense offre des paniers faciles en contre-attaque (ce qui pourrait leur manquer) ;
- la pénurie d’ailiers reste évidemment inquiétante ;
- Mike Malone, coach orienté défense, n’a jamais brillé par son inventivité offensive.
Une affaire qui reste à suivre pour une équipe qui a prouvé qu’elle était pleine de ressources. Pour autant, la marge de manœuvre et la menace d’éventuelles absences n’ont jamais été aussi pesantes. Une vérité qui, sans échange, devrait persister pour l’exercice en cours.