Vous avez certainement ressenti cette sensation quelques fois dans l’univers de la balle orange : un moment où vous croisez le chemin d’un joueur au détour de quelques highlights d’High School. Ce dernier vous fait une très bonne impression, marque votre esprit, mais vous restez lucide et savez pertinemment – à contre-cœur – que son véritable niveau ne pourra être révélé qu’après ses débuts dans la catégorie supérieure.
Vous l’aurez compris à travers ces lignes – ou non, d’ailleurs -, le joueur dont il est question ici n’est autre que Ziaire Williams.
Né à Lancaster, le jeune Ziaire est un pur produit de la Californie, passé par le collège Notre Dame et le lycée Sierra Canyon. Il est désormais la nouvelle recrue « 5 étoiles » (d’après les classements ESPN) de Stanford, une université dont vous avez pu entendre parler la saison passée pour son guard Tyrell Terry désormais rangé du côté de Dallas depuis la draft 2020.
Cette note attribuée chaque année par les scouts américains n’est pourtant qu’un indice du niveau d’un joueur : nombreux sont les détenteurs de cette distinction qui se sont cassés les dents en sortie d’université. Pour Ziaire, les choses sont différentes. Étant le premier à rejoindre Stanford avec une telle distinction, il y a fort à parier que les deux parties auront à cœur cette saison, par le travail et le succès, de démontrer toute l’étendue du talent du jeune homme.
Il convient en premier lieu de s’interroger sur un choix, effectué en sortie de lycée, le propulsant à la Stanford University située en pleine Silicon Valley. Pourquoi cette décision ? Pourquoi s’être orienté vers une université qui est bien plus réputée pour ses résultats sur le plan éducatif que sur le plan sportif ? On sait de fait que d’autres programmes universitaires sont bien plus reconnus dans le milieu pour faire évoluer les prospects les plus médiatisés du pays dans les meilleures conditions (Kentucky ou Duke par exemple). Personne ne doute de l’intelligence du jeune homme et il serait certainement logique de penser qu’au vu de la situation géographique de l’Université, tout ceci ait pu jouer dans cette décision. Cependant il y a d’autres raisons – plus pertinentes et bien moins connues du grand public – qui ont poussé le jeune Williams à rejoindre les bancs californiens.
Valeurs et maturité
Vous l’avez certainement aperçu la saison dernière, jouant pour les couleurs du programme Sierra Canyon aux côtés d’un autre prospect 5 étoiles, B.J Boston (Kentucky Wildcats) et de Bronny James qu’on ne présente plus. L’adolescent était donc suivi, toute l’année, par des centaines de caméras. Une situation pas forcément idéale pour se développer, non seulement en tant que joueur, mais également en tant qu’homme. D’ailleurs, Marquita Fields-Williams et Ziaire Williams senior ont longtemps hésité avant d’autoriser la présence quasi-permanente de caméras autour de leur fils.
Le père de Ziaire est un ancien Marine, c’est donc logiquement qu’il a insufflé à son fils certaines valeurs apprises durant ses années de service. Le jeune homme aime raconter à son propos qu’il est à la fois son meilleur supporter et son pire hater. La raison tient au fait que le paternel n’est jamais loin quand il s’agit d’assister aux entraînements et d’être transparent lorsque les prestations de son fils ne sont pas à la hauteur de ses espérances. N’y voyez pas une relation néfaste pour le prospect mais plutôt une source de motivation inépuisable, qui lui rappelle instantanément d’où il vient et pourquoi il en est arrivé là.
Marquita, la mère de Ziaire, n’a jamais été en reste s’agissant de l’éducation de son fils. Ancienne professeure, elle s’est ralliée à la volonté de ce dernier de devenir un sportif professionnel en lui imposant cependant une petite condition qui en fera sourire plus d’un : obtenir au minimum « B » sur son bulletin scolaire au risque d’être exposé à des sanctions privatives de ballon lors du retour à la maison. Cette volonté de garder son fils sur le chemin de l’école peut paraître en décalage quand on connait le seuil nécessaire (minimum 2 de moyenne) pour continuer à évoluer dans une équipe universitaire. Il n’en reste pas moins que pour nous français, cette démarche en dit long sur l’éducation dispensée, perçue in fine par le jeune Ziaire. Cela explique également mieux le choix d’intégrer le programme californien.
En effet l’université californienne reste le meilleur endroit pour le petit prodige. Ce dernier est vraisemblablement l’archétype contraire des jeunes joueurs que l’on peut observer depuis quelques années : même s’il y est habitué – par la force des choses – il n’aime pas l’exposition des médias, et préfère oublier l’engouement qui s’est créé autour de lui ces derniers temps. Ce comportement pourrait se révéler rédhibitoire dans un monde où l’information surpasse parfois le reste. Cependant il n’en est rien. Ziaire préfère davantage se concentrer sur lui-même et son jeu, lui permettant ainsi de s’affranchir de toute sorte de pression négative.
Lors d’une interview avec The Athletic, il raconte que sa venue sur le domaine universitaire de Stanford fût une révélation. Voyant les rues vidées de toutes âmes, celui-ci ne put faire autrement que de se réjouir d’un espace à son image, en tranquillité et sans aucune superficialité. Ziaire, simplement mature pour son âge, sait quel chemin emprunter et dans quelles conditions il doit être pour donner le meilleur de lui-même. Pour autant, il n’est pas ce qu’on appelle – parfois péjorativement – un inadapté.
Ses coéquipiers déclarent à son égard qu’il est comme eux, qu’il n’a pas la prétention d’être au-dessus des autres. Il vient s’entraîner comme tout le monde, exécute les ordres et suit les conseils du staff, communique beaucoup avec les gens qui l’entourent et prend du temps pour connaître chacun d’entre eux. Le joueur est à l’écoute, ce qui constitue indéniablement une force dans un milieu où les relations humaines peuvent accoucher d’une rupture anticipée, lorsque l’appel du monde professionnel résonne aux oreilles des prospects.
C’est au prisme de ces relations que le recrutement de l’ailier sur les terres de la Silicon Valley s’explique enfin. Il existe là-bas un homme qui connaît le gamin aussi bien – ou presque – que ses parents : le coach du Cardinal Jerod Haase.
Pour vous plonger dans le contexte de la rencontre peu commune de nos deux protagonistes : imaginez-vous recevoir pendant une année entière, 365 lettres d’une personne qui veut absolument que vous veniez travailler pour lui. Cette même personne qui au tout début, dans sa première lettre, vous garantit qu’il vous écrira chaque jour et ce dans le but de vous prouver que vous êtes fait pour le programme de Stanford. Une relation épistolaire (unilatérale) qui aux yeux de certains pourrait passer pour du harcèlement. Il s’est avéré que chaque lettre était unique, un sujet différent était abordé à chaque fois par le coach, témoignant de son envie de faire découvrir bien avant l’heure l’environnement dans lequel son petit protégé allait évoluer.
Aujourd’hui on peut largement affirmer que l’investissement s’est avéré payant, l’éducation et la mentalité de Ziaire lui ayant permis d’être particulièrement sensible à ce genre d’attention. Williams déclare d’ailleurs à ce sujet : « Si je devais recruter un joueur, je ne sais pas si je serais capable d’écrire pendant 365 lettres. C’est juste une belle preuve de ce que je suis pour lui. » Une forme de reconnaissance qui reflète bien le jeune homme : maturité, discipline et respect. Quand la rencontre avec les bonnes personnes magnifie votre parcours, les portes futures ne peuvent que s’ouvrir devant vous.
Un ailier initiateur en devenir ?
C’est en le regardant jouer que l’on comprend les tentatives de son coach. Ziaire Williams sent le basketball, et cela n’est pas près de changer. Du haut de ses 2m03 (pour 2m09 d’envergure), le garçon est athlétique et longiligne, et sait déjà pratiquement tout faire sur un terrain. Cette année, si la Covid-19 ne trouble pas trop la saison, Stanford devrait l’utiliser en tant que porteur de balle. Cela en dit long sur sa capacité à manier la gonfle. Il faut dire que le gamin n’est pas maladroit dans cet exercice ; il sait passer, dispose d’une bonne vision de jeu et profite d’un premier pas exceptionnel qui lui permet de prendre le meilleur à la fois sur son adversaire direct et de créer des décalages pour ses coéquipiers.
Pour ne rien gâcher, l’éthique de travail de son père semble avoir déteinte sur lui. Ziaire travaille beaucoup, qualité qui ne le desservira pas tant on connait l’importance accordée par les scouts NBA à celle-ci. Durant cet été, ses entraînements se sont principalement focalisés sur sa constance à convertir des tirs primés, son jeu au poste et l’utilisation de deux dribbles pour rendre son premier pas létal. Son premier match contre Alabama est le meilleur moyen de vous le prouver.
Très tôt en confiance, Ziaire rayonne par sa capacité à prendre des tirs à trois points contestés. L’ailier joue même avec la défense du Crimson Tide en la désorganisant à coup de dribbles bien sentis, conclus pour la plupart sur des tirs en mid-range, un art qui se perd de nos jours et que ne renieraient pas CJ. McCollum et DeMar DeRozan.
Enfin, qualité infiniment recherchée dans la Grande Ligue ces dernières années, Williams a démontré qu’il pouvait, à terme, maîtriser parfaitement le side-step. Cette première rencontre universitaire, soldée par une large victoire (82 – 64), porte la marque du bonhomme : 19 points (8 / 15 au tir, dont 60 % de loin), 8 rebonds et 3 passes décisives.
A contrario, si la confiance fait de Ziaire un atout offensif exceptionnel, ce dernier n’est plus le même lorsqu’elle le quitte. Sur certains matchs l’ailier a eu tendance à se précipiter, notamment en transition, lui valant par exemple des pertes de balle largement évitables ou bien des tirs manqués. Autre point négatif, son handle est pour le moment insuffisant dans son approche vers le cercle.
Côté défense, Ziaire Williams a démontré qu’il était très malin et qu’il disposait de belles capacités : les mains très actives, une bonne posture et des déplacements latéraux le rendant capable de suivre son adversaire direct. Pour exemple, sur la demi-finale du tournoi d’ouverture de saison à Maui – dans l’archipel d’Hawaii – opposant le Cardinal aux Tar Heels, nous avons pu apercevoir l’ailier tenter de provoquer des passages en force, contrer un tir à trois points et réaliser des interceptions.
En résumé le garçon est polyvalent et sait défendre, du moins pour ce qu’on lui demande de faire. Malheureusement son physique – un tantinet frêle pour l’heure – ne lui permet pas d’être véritablement compétitif, explosant sur les contacts notamment lorsqu’il s’agit de garder son adversaire au poste. Son athlétisme global lui permettra de contrebalancer cette difficulté dans d’autres situations de jeu, cependant s’il arrive à s’épaissir un peu plus – comme les programmes de musculation en NBA le permettent généralement – son profil de joueur s’en renforcera forcément.
Adaptabilité et régularité
La saison de NCAA sera longue pour Stanford, très longue comme aiment nous le rappeler les multiples annulations de matchs que nous, spectateurs, subissons actuellement de plein fouet. A l’heure où sont écrites ces lignes, l’équipe connaît une situation inédite depuis son retour du tournoi d’ouverture Maui.
Lors d’une escale dans le Texas, le Cardinal a appris que les règles sanitaires en Californie – plus particulièrement à Santa Clara, ville du campus de Stanford – avaient changées depuis son départ : toute personne qui voyage à plus de 150 miles de ce lieu et qui désire rentrer sur le territoire doit être placée quatorzaine. Les dirigeants de Stanford devant l’impossibilité de rentrer à la maison ont dû s’adapter à ces nouvelles mesures et trouver un endroit où loger une équipe complète, un gymnase et bien d’autres nécessités pour respecter leur calendrier. L’université de North Carolina s’est ainsi imposée en solution miracle, proposant à l’équipe de Jerod Haase d’utiliser ses infrastructures sportives pour une durée déterminée.
Si la crise sanitaire n’a pas fini de nous surprendre en créant des situations comme celle décrite auparavant, espérons – certainement naïvement – que son impact n’affectera que trop peu les organismes universitaires sportifs.
Sur ce point il n’est pas exclu que le jeune Ziaire connaisse des jours difficiles. Cependant l’équipe qui l’entoure saura le mettre dans les meilleures dispositions possibles tous les soirs de matchs.
Comme l’avait annoncé le coach à l’amorce de la pré-saison, Stanford dispose de plusieurs atouts pour déstabiliser les défenses qui se préoccuperaient trop de son petit protégé californien. En somme, il y a encore fort à parier que les talents de passeur de Ziaire ressurgiront dans des moments où il sera forcé de disparaître, déplaçant la lumière des projecteurs sur ses acolytes, les senior Daejon Davis et Oscar Da Silva.
Attendu pour le moment dans les mocks draft 2021 – à ne jamais prendre au sérieux avant la date butoir – en tant que lottery pick, le jeune Ziaire devra faire preuve d’adaptabilité cette saison s’il veut conforter les attentes que les scouts placent en lui. De notre côté, peu importe son classement et l’endroit où il tombera, nous sommes déjà largement conquis par son profil et croisons les doigts pour qu’il nous impressionne le plus possible.