Arrivé dans l’Indiana en 2017 en compagnie de Victor Oladipo après que Paul George ait été débarqué du navire Pacers, Domantas Sabonis a bien évolué. Depuis sa draft en 2016 par le Thunder, la progression de l’intérieur formé en Espagne puis à Gonzaga est constante. D’année en année, celui qui était avant tout le “fils de” est devenu quelqu’un dans la Grande Ligue, bien que le chemin reste encore long. La saison dernière aura été celle de l’explosion.
Pourtant, l’exercice 2019-20 ne débutait pas de la meilleure des manières pour le mariage Sabonis-Pacers. Avant le début de saison, devant les doutes sur un accord concernant une prolongation, Sabonis se retrouvait au centre des rumeurs de transfert. Finalement, quelques heures plus tard à peine, un accord était trouvé, à hauteur de 77 millions sur 4 ans. Une extension pour mieux partir ? Rien de tout ça. La saison 2019-20 ouvrait ses portes, et Domantas comptait bien participer à la fête.
DONE DEAL FOR DOMAS 💪
We’ve signed @Dsabonis11 to a contract extension ✍️
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— Indiana Pacers (@Pacers) October 21, 2019
Privés de leur franchise player Victor Oladipo, Nate McMillan et son coaching staff ont dû réagir en conséquence, et se reposer sur les autres individualités de l’effectif pour créer une vraie dynamique collective avec l’objectif playoffs dans le viseur. Et si Malcom Brogdon a mené les siens avec brio depuis la mène ou si TJ Warren a fait un énorme boulot dans les ailes, c’est bel et bien l’intérieur lituanien qui a crevé l’écran du côté de l’Indiana l’an dernier : 18,5 points, 12,4 rebonds, 5 passes décisives par match, et un dévouement de tous les instants.
Depuis le début de saison, malgré le maigre échantillon de matchs, la chose semble se confirmer à nouveau. Avec un nouveau coach et un nouveau fond de jeu appréhendé, on aurait pu croire que la machine allait mettre du temps à se mettre en route. Or, pas du tout. A nouveau baladé entre le poste 4 et 5, Sabonis est prêt à confirmer la règle qu’il semble s’être imposée : another year, another step.
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Les mains ouvertes, tu garderas
L’une des principales forces du jeu de l’intérieur des Pacers depuis son arrivée dans la ligue réside en sa capacité à optimiser les situations de pick and roll et de dribble hand-off (main à main).
Du début à la fin de ces phases de jeu, aujourd’hui ô combien présentes sur les parquets NBA, Sabonis maîtrise tous les fondamentaux intérieurs mobilisés : pose d’écran solide (attention toutefois pour les puristes, nous sommes en NBA, terre d’écrans mobiles), ouverture rapide, mains ouvertes en permanence, dextérité pour le catch – le fait d’attraper la balle en étant en mouvement -, lecture de jeu, feintes, toucher de balle, et j’en passe. Autant de qualités nécessaires que Sabonis a peaufiné avec le temps jusqu’à les maîtriser aujourd’hui à un niveau proche de la perfection.
Ca paraît simple, mais ça ne l’est pas pour tout le monde. L’écran est parfaitement posé, le roll derrière est rapide, et les mains sont prêtes à recevoir la balle dès l’ouverture, le regard de Sabonis ne quitte pas la balle pendant la passe, le catch est parfait à travers la défense. Ca ne brille pas, mais c’est terriblement efficace.
Ici, la passe d’Oladipo n’est pas un cadeau quand vous êtes un intérieur de 2 mètres 10 comme Domantas Sabonis. Mais encore une fois, le bon réflexe d’avoir les mains ouvertes directement après l’écran permet à Sabonis de rapidement jeter ses mains sur la balle, même très basse. Les mains rapides et la dextérité font le reste.
Autre illustration des très bons réflexes de Sabonis, toujours face aux Knicks lors de l’opening night. L’écran libère Brogdon mais la défense s’adapte. Une fois de plus, les mains sont ouvertes, prêtes à recevoir la balle sur le roll. Quand McConnell prend possession du ballon, Sabonis est placé pour un éventuel jeu au poste, mais voit son meneur tenter le drive : plutôt que de se désintéresser de l’action et de se cacher ligne de fond bras balans, Sabonis reste en position en suivant la pénétration des yeux, toujours les mains ouvertes. Un détail qui se transforme en un repère très précieux pour le passeur.
Tes deux mains, tu travailleras
Intérieur gaucher, Sabonis a, à l’image de son illustre paternel, un touché de balle de très haut niveau. Vous connaissez le cliché, et vous l’avez déjà sûrement entendu dans le domaine sportif, qu’il s’agisse de basketball ou non : “Lui, c’est un vrai gaucher, il va toujours à gauche !“. Alors est-ce que les gauchers sont plus réfractaires à aller vers leur main opposée que les droitiers ? Désolé, je n’ai pas la réponse à cette question qui va désormais hanter vos nuits, mais je peux vous dire ceci : Domantas Sabonis, lui, il s’en moque pas mal.
Au regard de la qualité du toucher de balle de sa main droite, pas sûr qu’appeler ça une “main faible” soit réellement pertinent. Voyez plutôt sur les trois actions qui suivent. La première face à Drummond, où Sabonis met en marche ce qui devient peu à peu un mouvement signature chez lui, avec un spinmove proche du cercle, finition main gauche. La deuxième, face à DeAndre Jordan avec un enchainement qui perd le pivot des Nets : face-up, drive épaule en avant, spot et spin très rapide, finition main droite. La dernière, lors du dernier match des Pacers face aux Celtics : face-up, jab step, feinte, drive, finition main droite au contact.
Alors, où est la main faible là-dedans ?
Ta panoplie offensive, tu varieras
A elles seules, les deux actions précédentes pourraient permettre d’illustre de la vaste panoplie technique du lituanien balle en main. Mais là où le cliché de l’intérieur technique nous tend les bras, nous le balayons avec plaisir d’un revers de main : non, Sabonis n’est pas “que” ça. Il n’est pas un intérieur technique, il est un intérieur complet.
Avec ses 2 mètres 10 et ses presque 110 kilos de muscle, Sabonis sait et peut tout faire : finition en mouvement, après feinte, dunk puissant, charge à l’épaule, lay-back, tir mi-distance, etc. Qu’il soit dans une situation de jeu au poste arrêté, où il a une tendance marquée au face-up – à se mettre face à son défenseur immédiatement sans rester dos au jeu -, ou lancé sur pick and roll, il sait s’adapter à la défense, analyser ce qu’elle lui propose, et faire preuve de variété.
Attention, florilège.
Deux actions de la saison 2019-20 tout d’abord, avec un Sabonis version déménageur.
DeAndre Jordan défend le pick and roll très bas, sans doute pour dissuader le drive de Brogdon… Sauf que l’attitude est tout sauf un modèle du genre : jambes tendues, pas d’appuis, bras ballants, bref, une dilettante totale. Sabonis arrive lui lancé, et vient défier Jordan au physique. Pas prêt à prendre le choc, le pivot des Nets vole en éclat.
Sabonis le déménageur, épisode 2. La défense des 76ers est attirée par la pénétration de TJ McConnell, laissant une raquette totalement libre à Sabonis, sans aucune aide opposée. L’intérieur arrive lancée, encore une fois les mains prêtes, et saisit l’avantage du retard défensif créé. L’envergure de son bras gauche fait le reste : badaboum.
Après Sabonis le déménageur, Sabonis le soyeux. Face à Chicago d’abord, où Sabonis est servi dans l’un de ses spots préférentiels. Une fois la balle prise, il se met de suite face au jeu et à Markannen. Drive sur la ligne de fond, protection de la balle avec l’épaule en avant qui fait reculer suffisamment l’intérieur des Bulls pour permettre à Sabonis de venir terminer tout en finesse de l’autre coté du cercle.
Face aux Celtics, lors du dernier match des Pacers, Sabonis affrontait un intérieur un poil plus solide que Markannen en la présence de Tristan Thompson. Ce dernier ne mord pas aux feintes en jab step de Sabonis, encaisse les coups dans l’axe mais ne peut que subir le changement de direction soudain de l’intérieur en spin move, qui enroule merveilleusement Thompson avant de finir en shoot.
Mon pêché-mignon, toujours face à Thompson, lors de ce même match. L’intérieur des Celtics contrôle à nouveau les coups de butoir de Sabonis au poste. Au lieu de forcer, Sabonis se resitue via un dribble de dégagement, qui a pour effet de faire immédiatement sur-réagir Thompson, qui fait le pas de trop, offrant l’axe à Sabonis. Ce dernier s’y engouffre aussitôt, et place son mouvement signature pour deux points faciles. Trop fort.
Ta vision de jeu, tu peaufineras
S’il sait se montrer extrêmement convaincant balle en main en termes de scoring, Sabonis sait également faire profiter les autres de son toucher de balle à travers ses passes. Si Nikola Jokic et Bam Adebayo sont souvent montrés en exemple de ce point de vue là, Domantas Sabonis sait également faire preuve d’une très bonne lecture de jeu de ce point de vue là.
L’an dernier, les qualités de passes de l’intérieur se sont parfaitement alliées à la qualité de coupe et de jeu sans ballon de T.J Warren, mais également des Malcom Brogdon et autres Doug McDermott. Cette saison, avec l’arrivée de Nate Bjorkgren sur le banc, les fans espèrent voir se développer une attaque plus variée et plus structurée que durant l’ère Nate McMillan. D’ailleurs, durant les matchs de présaison et les premiers matchs de la saison 2020-21, les insiders des Pacers n’ont pas manqué de pointer les similitudes entre le jeu déployé par l’ancien assistant des Raptors et le jeu pratiqué par ces derniers.
De quoi optimiser davantage la qualité de passe d’un Sabonis ? Une chose est sûre : si tel est le cas, c’est tout bénéf’ pour Indiana !
Progresser, tu continueras
Vous l’aurez compris, offensivement, Domantas Sabonis est d’ores et déjà un intérieur complet. Mais, et c’est peut-être le plus inquiétant pour ses adversaires, sa marge de progression est encore importante et nul doute qu’il ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Premier point sur lequel le lituanien a une réelle marge : son tir à 3 points. Les puristes du jeu intérieur me maudiront certainement, mais c’est un fait : posséder un tir extérieur efficace, même pour un intérieur, est une arme incontournable ou presque en NBA aujourd’hui. Si la mécanique de tir peut parfois être un peu lente à se mettre en place, Sabonis dispose déjà d’un très bon tir à mi-distance, et surtout, d’une adresse aux lancers-francs plus que correcte pour un intérieur (plus de 72% en carrière). Autant de prérequis qui sont un terrain favorable à une vraie progression par-delà la ligne primée.
Cette saison, malgré le maigre échantillon de matchs disputés, on peut d’ores et déjà constaté une prise de confiance en la matière. L’an dernier, sur les 63 matchs joués, il n’avait tenté qu’à 5 reprises au moins 3 tirs à trois-points, avec un seul match à 4 tentatives ; cette saison, la barre des 4 tentatives a déjà été atteinte 2 fois en 3 matchs, à chaque fois avec succès (50%). Surtout que les tentatives lointaines que Sabonis est amenée à tenter ne sont pas des tirs forcés, mais des tirs offerts par la défense, plus valuable qu’un tir à mi-distance et qui élargissent davantage sa panoplie offensive.
Exemple ci-dessous contre Boston.
Nous l’avons largement vu, Sabonis est déjà une arme de destruction massive sur pick and roll et dribble hand-off lorsqu’il agit en tant que poseur d’écran. Là où un nouvel axe de progression se dégage, c’est lorsque ce dernier agit en tant que preneur d’écran, ou plus largement en tant qu’initiateur. Jusqu’alors, ces phases de jeu là n’ont pas été légion chez les Pacers de Nate McMillan. Toutefois, les insiders ayant souligné la ressemblance du fond de jeu développé par Bjorkgen ne s’y sont pas trompés : si le coach veut exporter quelques idées de Toronto à son équipe, celle de développer Sabonis en un Pascal Siakam bis est sûrement dans un coin du playbook du coach.
On surveillera de près l’évolution de l’intérieur sur ce point, qui dispose de toutes les armes nécessaires pour pouvoir se muer en point forward, ces fameux intérieurs auxquels les coachs demandent parfois d’initier le jeu. Une fois la dextérité balle en main mieux maitrisée, on ne voit pas ce qui pourrait franchement empêcher Sabonis de s’éclater sur de telles situations.
Les Pacers se paieraient ainsi le luxe d’avoir un nouveau joueur capable de créer du mouvement et des décalages dans la défense balle en main, une solution qui manque cruellement à la franchise pour passer un cap en playoffs… Affaire à suivre !
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Jusqu’où peut aller Domantas Sabonis ? Personne ne peut le savoir à ce jour. Nous n’avons passé en revue ici que les aspects offensifs du jeu de l’intérieur, délaissant volontairement l’aspect défensif, non pas par désintérêt, évidemment. En la matière, le jeune Sabonis a de solides armes à faire valoir, à commencer par un sens aigu du rebond, du placement et de la combativité, tout en ayant, ici aussi, une vraie marge de progression.
Les envies de départ de Victor Oladipo ont agité l’automne du côté des Pacers, et nul doute qu’à l’approche de la trade deadline, les rumeurs vont aller bon train. Agent libre en fin de saison, il se dit que l’arrière aurait des envies de gros chèques à son nom pour son futur contrat. Au regard de son passif de blessure, il va toutefois falloir une vraie grosse saison d’Oladipo pour que ce dernier justifie ses exigences. Est-ce qu’Indiana se laissera tenter ? Une fois encore, impossible de se prononcer, même si les bruits de couloir font état d’une grande méfiance dans le front-office de la franchise.
Si l’arrière part, Domantas Sabonis pourra-t-il revêtir le costume de franchise player ? Ou est-il, plus modestement, un très bon lieutenant, une deuxième option de haute volée, à l’image d’un Khris Middleton ou d’un Bam Adebayo ? L’avenir nous le dira, mais en attendant, on suivra de près sa saison !