Enfin, ils tombèrent. Après 22 ans de bons et loyaux services envers les playoffs, les San Antonio Spurs ont mis un terme à la relation privilégiée qu’ils avaient noué depuis plus de deux décennies avec les joutes printanières, ou plutôt estivales pour cette saison 2019-20 à part entière.
Pour les Spurs, cette saison si particulière s’est déroulée en deux temps. Comprenez-nous bien : deux vrais temps.
Jusqu’à l’interruption de la saison régulière, les noirs et blancs de San Antonio n’avaient donné que de maigres os à manger à leurs fans. Des défaites en pagaille, une défense des plus poreuses – le terme est faible, 25è defensive rating -, une attaque balbutiante et des joueurs pas toujours au niveau, semblant parfois ne pas savoir quoi faire sur le parquet.
Si Dejounte Murray revenait d’une blessure l’ayant écarté des parquets pendant un an et peut en cela être un tantinet excusé de ses performances en dents de scie, d’autres ont, à juste titre, été pointés du doigt, et non des moindres : LaMarcus Aldridge en premier lieu, mais également Rudy Gay, Marco Bellinelli, Bryn Forbes, et j’en passe. Bref : des valises de points encaissées, un fond de jeu risible, 27 victoires pour 36 défaites à la pause COVID, circulez, il n’y a plus grand chose à voir.
Et puis, il y a eu le second temps de la saison des Spurs, celui de la bulle d’Orlando.
Devant composer avec les absences des blessés LaMarcus Aldridge, Trey Lyles et Bryn Forbes, il a fallu bricoler pour coach Popovich et son staff. Les fans ont alors retrouvé ce qu’ils avaient perdu depuis le début de saison : de l’excitation. No LMA ? No problem. Les Spurs version Disney jouent small ball, avec des cinq majeurs composé de 4 joueurs de périmètre et d’un seul vrai intérieur, Jakob Poeltl, entouré de Derrick White, Dejounte Murray, Lonnie Walker IV et DeMar Derozan, parfois même le jeune Keldon Johnson. Le rythme de jeu s’accélère, et les cartes sont redistribuées offensivement : Derozan laisse les gamins faire leurs gammes, laisse le jeu venir à lui, et termine les match en patron, plus frais. Enfin, on retrouve du basket à San Antonio. Pas de défense, mais bon, on ne peut pas tout avoir d’un seul coup.
Si les Spurs partaient de trop loin pour envisager une qualification en playoffs, qui plus est avec deux matchs en moins que certains concurrents, ils auront au moins eu le mérite de se servir de la bulle d’Orlando pour tenter de nouvelles choses… Jusqu’à les exporter sur une saison entière ? Rien n’est moins sûr.
In & out : le point sur le roster
Ils ont quitté l’équipe : Marco Bellinelli (Virtus Bologne), Bryn Forbes (Milwaukee Bucks), Chimetze Metu (Sacramento Kings),
Ils ont rejoint l’équipe : Drew Eubanks (two-way contract, signé pour 3 ans), Tre Jones (draft), Devin Vassell (draft),
Le roster à ce jour :
Meneurs : Dejounte Murray, Patty Mills, Tre Jones,
Arrières : DeMar DeRozan, Lonnie Walker IV, Derrick White, Quindary Weatherspoon (2-way contract)
Ailiers : Keldon Johnson, Devin Vassell, Keita Bates-Diop (2-way contract)
Ailiers-forts : Rudy Gay, Trey Lyles, Cam Reynolds, Luka Samanic,
Pivots : LaMarcus Aldridge, Jakob Poeltl, Drew Eubanks, Tyler Zeller.
A l’heure d’écrire ces lignes, pas de réelles certitudes sur le cinq majeur exact qui sera aligné par Gregg Popovich fin décembre.
Lors de ses récentes interviews, le coach texan a affirmé sa volonté de s’inscrire dans la continuité du jeu développé dans la bulle d’Orlando cet été – avec de nombreuses séquences avec 4 arrières/ailiers et un seul pivot – ce qui confirmerait le virage vers un small ball affirmé. Si le pivot autrichien jouait son rôle à merveille à Orlando, on voit tout de même mal comment il pourrait passer devant Aldridge dans la rotation si jamais San Antonio se décidait à jouer avec un seul “vrai” intérieur. Tant que LMA est là, il restera titulaire.
Dans le cas d’un small ball assumé donc, on pourrait ainsi avoir droit à un 5 majeur remanié, avec une association Murray/White sur les postes 1-2, et un décalage des DeRozan, Johnson et autre Walker IV sur les postes 3-4. Si DeRozan est un titulaire indiscutable, le small ball pourrait ainsi avoir le mérite de motiver les jeunes à gagner leur place dans le cinq, Rudy Gay semblant conserver son costume de 6è homme. Mais une question persiste : Popovich osera-t-il une telle line up sur toute une saison… ?
S’il préfère continuer à évoluer avec deux grands dans la raquette, notamment pour s’assurer une certaine qualité de rebond – paramètre cher à SA depuis des années – le coaching staff dispose de deux options : associer Aldridge et Poeltl, ou préférer associer Trey Lyles aux côtés d’Aldridge. Cette seconde option semble d’autant plus crédible qu’elle permettrait de faire jouer Poeltl en unique intérieur avec la second unit sur un modèle small ball. N’oublions pas après tout que si Popovich a affirmé vouloir pérenniser ce système, celui-ci peut très bien couvrir 80% des matchs sans pour autant apparaître comme tel dès le coup d’envoi.
Les tendances de l’automne
DeRozan & Aldridge : du bruit, et c’est tout
Si la free agency est pour certains fans une période d’excitation palpable, elle reste, pour les fans de San Antonio, celle d’un moment de repos intense, de sieste profonde et d’apaisement. Pourtant, cette année, les sacrosaints insiders américains l’avaient assuré : les Spurs allaient être très actifs. Quelle était la cause de cette soudaine activité en pleine période d’hibernation ? Le cas DeRozan et Aldridge, dont nous vous avions parlé il y a quelques temps ici-même.
L’arrière a, sans surprise, activé sa player option, et se retrouve, à l’instar de son compère intérieur, en dernière année de contrat. Autrement dit : l’été prochain, sans prolongation de leurs parts, Aldridge et DeRozan quitteront les rangs des Spurs, laissant un trou béant sur le terrain, mais également dans les finances. Les rumeurs de trade étaient donc légions, et, disons-le, tout à fait fondées. On sait la valeur que peut avoir un contrat expirant pour une équipe à la recherche de flexibilité financière pour la free agency 2021, guettée par tous les general managers de la ligue.
Sauf que oui, mais non.
A ce jour, aucun trade, et aussi bien DeRozan qu’Aldridge devraient être présents le 22 décembre, revêtus du superbe maillot City Edition aux couleurs fiesta. Est-ce que pour autant, cela signifie portes closes à un départ ? Loin de là. San Antonio a encore tout le temps – jusqu’à la trade deadline – pour montrer la valeur de ses deux stars, et trouver un partenaire de trade intéressant. Engagés dans une reconstruction qui ne dit pas son nom, pas sûr cette fois-ci que les Spurs refusent d’accueillir en retour de jeunes joueurs ou des picks de drafts intéressants. Si rien ne se présente ? Et bien… Tant pis ?
Ciao Marco, ciao Bryn, welcome Devin !
Avec le pick #11 de la draft 2020, les fans des Spurs expérimentaient là encore une nouvelle sensation : s’intéresser aux profils des jeunes joueurs pouvant tomber en lottery pick. Au terme d’un avis à peu près unanime, la franchise avait des besoins sur les ailes, et à l’intérieur. Après tout, avec une flopée de joueurs sur les lignes extérieures, pas besoin d’en rajouter (Dejounte Murray, Derrick White, Patty Mills, Marco Bellinelli, Bryn Forbes, Lonnie Walker IV, Keldon Johnson, DeMar Derozan).
Oui mais voilà. Les Spurs, nous l’avons dit, sont dans une reconstruction qui ne porte pas son nom. Et lorsqu’une équipe veut repartir sur un nouveau cycle et qu’elle est bien positionnée dans la draft, bien souvent, le choix est fait non pas du fit idéal, mais du meilleur talent disponible. Or, voici qu’en pick #11, un certain Devin Vassell se présente au front-office texan.
Dans une équipe certes blindée d’arrières, mais dont les profils défensifs laissent à désirer pour la plus grande majorité, le joueur de Florida State, affublé du statut de deuxième meilleur défenseur de la cuvée derrière Isaac Okoro, avait tout d’une opportunité à saisir. Long, intelligent, vif dans les aides et mains actives : nul doute que le profil a séduit en un clin d’œil le coaching staff. Surtout que depuis, les lignes arrières se sont allégées, avec les départs notables de Bryn Forbes et Marco Bellinelli, notables au regard du temps de jeu occupé par les deux arrières l’an dernier encore. Un temps de jeu dont profiteront sûrement Lonnie Walker, Keldon Johnson… Ou Devin Vassell, qui avec sa belle envergure et sa taille, aura aussi un coup à jouer sur un poste 3 beaucoup moins fourni.
Focus sur la saison 2020-21 des Spurs
Le mariage entre LaMarcus Aldridge et les “Bubble Spurs”
“Nous voulons revenir en playoffs, et il est prêt à faire un nouvel effort plus important encore pour devenir sur son tir à à 3pts, qui est primordial dans la Ligue pour réussir, comme nous le savons tous. Il a déjà fait un énorme pas dans le domaine l’an dernier, et il va en faire de même cette année. Ses workouts tout l’été et durant l’automne se sont concentrés sur ça. Il y croit, et il sait combien ça peut nous aider.”
Voilà les mots de coach Popovich lors du media day des Spurs, début décembre. Interrogé sur le mariage entre LaMarcus Aldridge et le nouveau style de jeu de San Antonio aperçu à Orlando, Popovich a balayé les doutes d’un revers de main. Mais derrière cette posture logique du coach texan, quelle est la part de vérité ?
Tout d’abord, un point : qu’Aldridge ait progressé sur son tir extérieur, impossible de le contester. S’il a toujours possédé cette arme, il s’est forcé la saison dernière à s’écarter davantage de ses spots “longs tirs à deux points”, pour migrer au-delà de la ligne primée. Jugez plutôt : de 0,5 tentatives par match à 3 l’an dernier, pour un saut de 23 à 38% de réussite.
Ainsi, plutôt que de transformer DeRozan en menace extérieure crédible, les Spurs semblent vouloir inverser la logique, DeRozan devant le point d’ancrage poste bas, Aldridge s’écartant du cercle. Un set up entraperçu la saison dernière, qui pourrait donc, selon les mots de Pop’, se généraliser cette saison… Avec succès ? Les fans des Spurs peuvent l’espérer, qu’il s’agisse d’augmenter la côte de l’intérieur dans l’optique d’un trade, ou d’une reconquête des playoffs pour les plus optimistes.
Un modèle à suivre pour LMA ? Sans doute son compère Brook Lopez, qui avant de devenir un tireur longue distance crédible était l’un des joueurs effectuant le plus de post up de la Ligue… Avec Aldridge. Avec cette évolution de son jeu, Lopez a su se réinventer, mais aussi et surtout se rendre utile au collectif, libérant des espaces pour ses extérieurs, et sanctionnant les largesses de ses défenseurs attitrés.
Ca, c’est pour le “on y croit“. Pour le versant “on y croit pas“…
Si les départs de Forbes et Bellinelli sont les bienvenus pour permettre à la jeunesse texane d’éclore, ceux-ci ont également leurs mauvais côtés. San Antonio se prive là de deux joueurs identifiés “menaces extérieures”, parfaits pour le système décrit plus haut, avec un DeRozan fixant les défenses via ses drives et actions postes bas et 4 joueurs au large. Si Patty Mills reste dans les plans de la franchise, Walker IV, Johnson et White pourront-ils prendre le relais de leurs ainés dans ce rôle ?
Surtout, là où le bas blesse, c’est sur la question du rythme de jeu. A Orlando, DeRozan s’intégrait parfaitement avec les jeunes Spurs, aussi bien dans le jeu, dont les cartes offensives avaient été rebattues, que dans le rythme. Pour Aldridge, les doutes sont permis. Là où Poeltl disposait de la mobilité requise pour suivre le rythme offensivement, pas sur que son ainé dispose des mêmes capacités, et cela fort logiquement.
Haut les cœurs, haut les jeunes !
Drew Eubanks, Keldon Johnson, Dejounte Murray, Jakob Poeltl, Luka Samanic, Devin Vassell, Tre Jones. Le “young core” des Spurs existe, mais si San Antonio dispose de jeunes joueurs, aucun, à ce jour, ne peut décemment revêtir l’étiquette de “futur All-star“. Pourtant, tous semblent pouvoir jouer un rôle cette saison ou dans celles à venir, ou du moins, tous doivent se battre pour que ce soit le cas.
Si Poeltl doit confirmer les bonnes choses aperçues dans la bulle en intérim de LMA et continuer de progresser sur ses finitions et en défense, si Murray doit relever la tête après une saison de reprise en demi-teinte, si Walker IV et Johnson auront des minutes à prendre dans la rotation, si Vassel, Samanic et Jones devront tirer leur épingle du jeu à chaque fois que Popovich fait appel à eux, le mot d’ordre pour tous ces joueurs devra être le suivant : jouez.
Popovich doit lâcher les chevaux, et enfin se débarrasser des potentiels freins de la saison dernière. Les départs de Forbes et Bellinelli laissent des minutes disponibles pour les jeunes, et le rôle de Patty Mills, s’il est important dans le vestiaire, devra également être restreint sur le terrain pour donner davantage de temps aux minots. Au-delà du simple temps de jeu, il serait de bon ton de donner à ses jeunes de vraies responsabilités dans une saison où les Spurs ne joueront, concrètement, rien. De fait, si DeRozan et Aldridge continueront de jouer leurs minutes, la redistribution des cartes offensives aperçue dans la bulle d’Orlando doit être instaurée et pérennisée.
Tout ne sera pas rose, la défense risque d’être encore poreuse, et les carences certaines, mais après tout, quitte à ne rien jouer, autant que ça soit fun à regarder, non ? M’sieur Pop’, s’il vous plaît : haut les cœurs !
Popovich, clap de fin ?
Et oui, ça aussi, il faut que ça arrive un jour. L’illustre coach pourrait, potentiellement, raccrocher la plaquette en fin de saison. Si cette phrase semble être un refrain annuel pour la franchise depuis quelques saisons, elle semble cette fois-ci s’approcher encore plus de la vérité. Pourquoi ? Parce que les Jeux Olympiques ont été repoussé à l’été 2021, et que cet évènement semble être marqué d’une croix rouge dans le calendrier de la légende du coaching depuis quelques temps, lui qui sera à la tête de Team USA.
Quoiqu’il en soit, seul le concerné sait de quoi son avenir sera fait. Lorsque vous êtes Gregg Popovich et que vous avez incarné votre franchise depuis plus de 20 ans, vous vous êtes en effet arrogé un droit que seuls les plus grands ont : celui de choisir quand vous souhaitez en terminer. Mais c’est un constat malheureusement vrai : les matchs NBA coachés par Popovich sont comptés, alors profitons-en.
Au final, quel(s) objectif(s) ?
Si Popovich et les joueurs martèlent à l’envie que l’objectif commun est de retrouver les playoffs, il faut savoir dissocier le discours “politique” de la réalité. Evidemment, on rentre ici dans de l’hypothétique, mais bon, que serait une preview sans une bonne dose de “pif” ?
La course aux playoffs à l’Ouest est une jungle. C’était déjà le cas avant, c’est peut-être encore pire maintenant. Sans compter les cadors qui joueront les premiers rôles, les équipes qui vont se tirer la bourre pour les derniers spots qualificatifs semblent légions. Dans ce chaos, quelle place pour les Spurs ? Les plus optimistes viseraient les spots 7-8, voire un passage par le play-in, qui offre une chance aux équipes classés 9-10è. Les plus pessimistes voient eux un échec retentissant, avec un ranking au-delà de cette 10è place.
Disons le honnêtement : pas sûr que le classement final ait une quelconque importance cette saison pour San Antonio. Bien sûr, Popovich et consorts ne peuvent tenir ce discours, mais les besoins semblent être ailleurs.
En premier lieu, l’objectif sera de savoir quel est le sort réservé au cas DeRozan et Aldridge. Trade ? Pas trade ? Discussions officieuses en coulisses entre joueurs et front-office ? Tout reste plausible, mais il sera nécessaire de trancher. Derrière ce premier enjeu, difficile d’en voir un autre que la formation des jeunes pousses texanes. On l’a dit et redit tout au long de la preview, Popovich doit lâcher les chevaux, faire jouer ses jeunes, leur confier un vrai rôle, avec de vraies responsabilités. Leur formation n’en sera que meilleure et le jeu des texans plus plaisant à suivre dans une saison qui, en terme de résultats, pourrait décevoir.
Si le tanking est un gros mot dans le Texas, il pourrait bien se faire de façon “naturelle” et logique vu les carences du roster. Si DeRozan et Aldridge sont échangés durant la saison, nul doute que les fans des Spurs regarderont les prochains prospects de la draft 2021 avec attention. Mais bon, Popovich a dit viser les playoffs…