L’ouverture des échanges était attendue en NBA. Il ne fallut qu’une (longue) heure pour que le premier couperet tombe, envoyant Chris Paul aux Suns en échange d’une multitude de joueurs et quelques picks. Alors que les fans de Phoenix exultaient à l’idée de voir une saison où l’objectif Playoffs semblerait réalisable, dans la nuit, trois nouveaux échanges allaient tomber. Alors que les Trail Blazers étaient les premiers à venir désosser la carcasse des Houston Rockets en mettant la main sur Robert Covington, les Milwaukee Bucks allaient entrer en action.
Tout d’abord, ils envoyaient une multitude de tours de draft et joueurs afin de récupérer Jrue Holiday. Étant l’un des joueurs les plus prisés de l’intersaison, l’arrière va finalement rejoindre un prétendant au titre. Ce mouvement a pour objectif d’apporter le soutien supplémentaire à Giannis Antetokoumpo dans la quête du titre (nous y reviendrons). La cueillette pour les daims ne s’arrête toutefois pas là. Dans un second temps, ils montent un sign&trade avec les Sacramento Kings pour ramener Bogdan Bogdanovic. En échange, seulement 3 joueurs de rotation, permettant d’apporter un surplus de création et de scoring dans le Wisconsin. Bien que remis en cause 24 heures plus tard, ce dernier semble désormais flirter avec l’annulation pure et simple (les Bucks tenteraient encore de monter un échange). La rumeur dit que Bogdan n’aurait pas donné son accord, annulant sa faisabilité. Dans les faits, l’annonce par Adrian Wojnarowski pourrait bien avoir tué l’échange dans l’œuf.
Qu’il finisse par être réalisé ou pas, ces échanges en disent long sur la situation de Milwaukee. Il valide la pression reposant sur les épaules des Bucks. Ces derniers doivent entourer Giannis Antetokoumpo qui aurait fait part d’une fidélité à la franchise relative aux efforts produits par le front office pour lui apporter des menaces supplémentaires. Mieux encore, il confirme une nouvelle façon de procéder dans la manière de gérer les échanges en NBA. Alors que les tours de draft ont toujours eu une valeur importante, la typologie des échanges depuis 1 an laisse penser à un système proche du système boursier. Choisir son partenaire d’échange lorsqu’on souhaite évacuer un joueur n’a jamais été aussi important : ce à quoi nous consacrerons la seconde partie de cet article.
Jrue Holiday rejoint les Milwaukee Bucks : décryptage
C’est donc fait. Et nous connaissons (normalement), la contrepartie totale pour obtenir Jrue Holiday.
L’arrière rejoint donc, seul, Milwaukee.
Les New-Orleans Pelicans recevront eux : Eric Bledsoe, George Hill et plusieurs picks : 1er TDD 2020 (via Indiana), 1er TDD 2024 (swap), 1er TDD 2025 (sans protection), 1er TDD 2026 (swap), 1er TDD 2027 (sans protection)
Alors que l’avenir de Giannis Antetokoumpo dans le Wisconsin pourrait se jouer durant les Playoffs 2021, les Bucks devaient se montrer actif pour réaffirmer leur volonté de gagner maintenant. Dans cette optique, remplacer Eric Bledsoe au poste 1 semblait être l’une des priorités. Parmi l’élite défensive à son poste, Bledsoe a en revanche montré des limites offensives problématiques pour soulager Giannis à la création. Pas suffisamment dangereux balle en main, le meneur a eu tendance à disparaître aux pires moments lors des deux dernières campagnes de Playoffs. La force de Jrue Holiday est de proposer une alternative offrant un meilleur niveau offensif que le meneur, sans pour autant dégrader l’efficacité défensive des Bucks. Si on peut trouver dommageable la perte d’un George Hill très convaincant durant son temps avec l’équipe, l’échange semble créer un enthousiasme certain autour de ce mouvement des Daims.
Côté Pelicans, c’est un mouvement qui officialise la perte d’un des plus anciens éléments de la franchise. C’est une nouvelle ère qui se met en place et Jrue Holiday était une cible trop demandée pour ne pas capitaliser sur sa valeur. Les joueurs en retour ne seront probablement que de passage, quoi qu’ils puissent rester pour apporter une expérience bienvenue. On imagine que leur gestion sera très liée, pour le moment, aux cas Lonzo Ball et Kira Lewis et aux espoirs que le front-office fondent en l’ex-Laker et leur nouveau prospect. Côté tours de draft, on observe une vision plutôt long terme, qui permet à partir de 2024 d’échanger son pick avec Milwaukee (si avantageux) durant 2 années et de drafter avec leur pick, 2 années également. Un choix qui peut paraître étonnant, mais qui est, finalement, très logique (nous en reparlerons).
C’est un échange qui se base donc sur des dynamismes et des contextes très différents. On pourrait être tenté de dire, comme dans le cas Suns-Thunder que nous sommes dans un échange gagnant-gagnant. Si l’on faisait le choix de cette formule, il serait bon de préciser qu’en revanche, le risque est élevé d’un côté (Bucks), alors qu’il est absolument nul de l’autre (Pelicans).
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Dans la foulée, les Bucks mettaient la main à bien moindre coût sur Bogdan Bogdanovic et Justin James. Dans cette affaire, ils profitaient de Sacramento Kings a nouveau confrontés à un projet caduque qui souhaitent à nouveau (tenter de) remettre de l’ordre dans la franchise. L’acquisition semblait belle puisqu’ils ne se départissaient pas de tours de draft et perdaient trois joueurs (Donte di Vicenzo, Ersan Ilyasova et DJ Wilson) de rotation, dont 1 seulement jouait un rôle important. Depuis Ersan Ilyasova a été coupé, semblant confirmer l’annulation définitive de l’accord.
Bogdan Bogdanovic apportait une présence facilement adaptable dans le roster. Pouvant s’insérer dans le 5 de départ comme jouer le 6th man, lle serbe avait le profil parfait pour apporter une énergie offensive au relais de certains titulaires.
Au cumul, ces deux échanges consécutifs semblaient accroître le talent brut de l’équipe aux dépends de la profondeur. Il sera très intéressant de voir les prochains moves des Bucks pour remplacer ce deal, que ce soit en trade ou durant la free agency pour compenser la perte de plusieurs rotations importantes. L’échange autour de Bledsoe-Holiday, quant à lui, peut évidemment déclencher un débat : Jrue Holiday apporte-t-il suffisamment offensivement pour régler les problèmes de Bucks ? Créateur solide (mais pas élite) et shooteur moyen, rien ne garanti une upgrade suffisante à Milwaukee pour accompagner Giannis offensivement.
Côté Pelicans, on semble tendre vers une nouvelle tendance dans la chasse aux picks en NBA : parier sur les futurs top picks.
Quand la draft devient le nerf de la guerre
Le précurseur
Cet échange semble s’ancrer sur une tendance nouvelle, basée pourtant, sur un exemple qui commence à dater. Vous aurez peut être deviné, mais je parle d’un évènement qui fait date : le 28 juin 2013. En cette date, Paul Pierce et Kevin Garnett prenaient la direction de Brooklyn pour tenter de glaner une dernière bague. Les Nets, eux, donnaient des joueurs pesants sur les finances et des joueurs de compléments. En échange de ce coup de pouce, Danny Ainge, déjà GM des Boston Celtics récupérait ni plus ni moins que l’avenir de la franchise (aka : beaucoup trop de premiers tours de draft).
Plus qu’une récupération de nombreux tour de draft, Ainge allait devenir le père d’une tendance qui semble prendre de l’essor depuis l’été 2019 : parier sur l’effondrement à venir d’une franchise. Ce dernier allait réaliser un hold-up parfait puisque les picks allaient être données sans précautions de la part de Billy King et son propriétaire, tous deux prêts à tout pour obtenir un titre de suite. Problème, l’expérience allait rapidement tourner au vinaigre et priver la franchise de toute chance de reconstruction.
Le pari de Danny Ainge est un succès et va permettre aux Celtics de monter un roster compétitif tout en bénéficiant d’un apport de pick équivalent à un tanking. Une situation idyllique lorsqu’on pilote une franchise et souhaite s’offrir un large panel d’options.
Une tendance en plein essor
Si l’exemple Danny Ainge est demeuré un sujet de discussion majeur, il a mis longtemps avant de se voir récupéré. Plutôt considéré comme une rencontre fortuite entre un GM retors et un GM incompétent, peu d’équipes ont, probablement à raison, imaginées pouvoir échanger deux vétérans en fin de carrière contre autant de tours de draft.
En revanche, plusieurs franchises sont en train d’opérer une stratégie semblable dans le cadre de leur reconstruction. Les deux principaux exemples en date ? L’Oklahoma City Thunder et les New-Orleans Pelicans, évidemment.
Les premiers ont vu le vent tourner soudainement l’an passé. Paul George demande subitement son transfert et Russell Westbrook semble accepter que le temps est venu de poser ses valises ailleurs. Sam Presti ne perd pas de temps pour réagir. Plutôt que de lutter contre une reconstruction qui semble inéluctable, il se rend arrangeant avec ses partenaires de trade, et s’il obtient plusieurs contreparties de qualité pour égaliser les salaires, il réussit surtout à soutirer d’énormes quantités de swap et tours de draft aux Clippers & Rockets. Ainsi, entre les deux stars et Jerami Grant envoyé à Denver, la franchise va cumuler une un grand nombre de picks de draft, dont une bonne partie courent de 2024 à 2026 (cette liste ne comprend pas les nouvelles acquisitions autour de la draft).
Dans le même temps, les New-Orleans Pelicans préparaient une stratégie semblable. Alors qu’à la trade deadline 2019, Anthony Davis demande à partir vers les Lakers, les Pelicans refusent habilement de l’envoyer vers LA. Ils acceptent la demande de transfert du joueur mais refusent catégoriquement de l’envoyer à la destination souhaitée. Méthode pour faire monter les enchères ? Probablement à mi-chemin entre égo et stratégie. Ils finissent par céder l’été suivant, mais non pas sans délester les Lakers d’une bonne partie de leur jeunesse (Lonzo Ball, Brandon Ingram, Josh Hart), ainsi qu’un pick dans le top 5. Suffisant pour NO ? NO. La franchise récupérait subrepticement des picks situés plus loin dans la timeline des Lakers.
En effet, ils glanent le pick 2021, un swap en 2023 et le pick 2024 ou 2025 (sans protection).
Fort de ce premier essai, les Pelicans ont réitéré le coup sur des Bucks aux abois, puisqu’ils récupèrent : 1er TDD 2024 (swap), 1er TDD 2025 (sans protection), 1er TDD 2026 (swap), 1er TDD 2027 (sans protection). Plus fort cette fois, ils obtiennent des picks sur un terme encore plus long, pour un joueur bien moins fort qu’Anthony Davis.
Pourtant, on peut se dire que récupérer des choix de draft très loin alors que la franchise est en pleine reconstruction n’aide pas vraiment, n’est-ce pas ? Regardons ça d’un peu plus près.
Objectif : parier sur le délitement des concurrents
C’est désormais officiel, les transferts possèdent un marché parallèle. Qu’on pourrait qualifier de marché premium : Le marché des contenders sous pression. Je n’ai pas trouvé mieux, excusez-moi.
Si on le souhaite, on peut presque établir un profil-type : “S’approche du statut de contender mais a besoin d’une ou plusieurs pièces supplémentaires pour se conforter. Son franchise player met possiblement pression pour obtenir ce renfort immédiatement“.
Autrement dit, vous l’aurez compris, le parfait client à ce braquage possède deux caractéristiques clés : il a besoin de gagner rapidement, il ne croit pas nécessairement en ses chances de subsister durablement. Le deuxième point pourrait le refroidir, mais en l’état, peu lui chaut. Il a perdu toute conception de moyen ou long terme. Une équipe patiente avec un young core construit par la draft est peu susceptible d’être un partenaire intéressant, tout comme une équipe déjà championne (ou sûre de ses chances). Il faut un sentiment d’urgence déjà établi. Ceci explique notamment que personne n’a pu extorquer les Warriors ou les Cavs ces dernières années.
Pour la franchise qui souhaite récupérer les tours de draft, il s’agit alors de trouver le bon partenaire (si le choix est possible). De préférence, il faut alors cibler des franchises pour lesquelles vous pressentez une baisse de régime, de préférence rapide. Plus l’avenir de l’équipe que vous allez renforcer semble incertain, plus vous obtenez de chance de profiter de leur chute.
Quand la draft devient une bourse de la NBA
Soudainement, la NBA trouve son propre système boursier. La draft aurait en cela de nouveaux codes.
Des critères pour parier ?
Dès lors qu’on se met à parier sur l’effondrement à venir d’une équipe, quels peuvent être les éléments favorables ?
On pourrait s’amuser à lister les éléments qui font d’une franchise une cible de choix pour cette forme d’échange :
- Posséder un effectif mature, autrement dit des stars déjà dans le trentaine et susceptibles de décliner d’ici quelques saisons. C’est un élément qui peut justifier demande de trade/ échange soudain d’une franchise ou régression soudaine d’une équipe.
- Posséder un ou des joueurs clés avec un historique de blessure. C’est moche mais hélas les blessures font partie des réflexions charnières autour d’une franchise. Prendre le risque de construire avec un ou plusieurs joueurs fragiles, c’est s’exposer à l’explosion d’un roster si la santé du joueur atteint un point irrémédiable.
- Un joueur clé ou plusieurs éléments du projet qui menacent de tester le marché. Le cas d’une star qui semble envisager un départ n’est jamais anodin. Il est certes possible de la reconquérir, mais lorsqu’une franchise est prête à sacrifier beaucoup pour une échéance court terme, elle peut faire des erreurs accélérant sa fin de cycle. C’est essentiellement ce qui fait, par exemple, des Bucks une cible de choix pour les Pelicans.
- Des rumeurs de mécontentement. Quand l’entente entre joueur, de joueur à coach ou staff ressort souvent comment un problème, il y aussi un pari intéressant à faire. On peut citer l’exemple des Rockets dont il émanait de nombreuses dissensions internes depuis le saison 2018-2019. A cela, on ajoutait des stars dans leur trentaine et des role players clés d’un âge avancé. Prolonger le cycle Rockets était risqué. Parier sur une fin prochaine était tentant.
- Une direction jugée défaillante. Il va sans dire que tous les staffs ou les directions NBA ne se valent pas. Là où certaines franchises se montrent pleines de ressources quand il s’agit de bricoler, entourer, drafter, etc, d’autres voient leurs projets s’effondrer pour des choix douteux. Parier sur la déliquescence de rosters bâtis par ces staffs de mauvaise réputation est forcément plus tentant. Au risque de tirer sur l’ambulance, des franchises comme Knicks, Kings, Wolves possèdent leur réputation.
- Un effectif bâti sur des trades. On peut aussi penser qu’un effectif qui a grandi ensemble sera plus lié. Si certaines machines construites sur la FA subsistent longtemps (on peut penser aux Celtics 2008), leur durée de vie est souvent plus réduite. On peut évoquer les “three amigos” qui malgré des liens forts n’ont pas subsisté. Les effectifs bâtis sur des échanges brutaux, des comptabilités sur le terrain sans antécédents humains risquent d’être moins solides ou de moins bien fonctionner. L’exemple parlant et récent est probablement celui des Clippers. Construire à la hâte, avec de nombreux mouvements d’effectif, comporte évidemment plus de risques. Ils pourraient donc avoir une durée de vie amoindrie.
- Des timelines très espacées. Lorsqu’un effectif base sa réussite sur des joueurs clés d’âges très espacés, cela comporte un risque certain. Si amener un top player comme LeBron James est un risque facilement amorti, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, un effectif porté par une star âgée dans un roster jeune possède un risque évident : que la progression des jeunes ne compensent pas la régression des vétérans. Auquel cas, il peut être dur de relancer le projet.
- Etc. Il existe encore des tas de raisons de douter d’un projet et de parier sur son échec à moyen terme. Comme en bourse, posséder une information confidentielle devient de l’or. Savoir étudier les faiblesses devient capital.
Les utilisations d’un pick
Dans le schéma dont on parle, il est important de comprendre quelque chose. Dans une NBA où les stars coûtent très chères et les écarts de salaires entre stars et role players se creusent, les picks de draft proposent divers avantages : ils ne coûtent rien à cumuler, ils offrent la possibilité d’obtenir de jeunes prospects aux salaires stables, ils permettent de renouveler son effectif peu importe que l’objectif soit une jeune star (potentielle) ou des role players à moindre coût.
Par ailleurs, la valeur d’un tour de draft n’est pas seulement rattachée à la soirée de la draft (l’année à laquelle il échoue), mais également à ce qu’il permet d’envisager. Ainsi, cumuler beaucoup de picks n’autorise pas qu’un renouvellement facile de son effectif, il aide à devenir compétitif dans un très grand nombre d’échange. Si leur possession ne garanti pas le succès, elle ouvre le champ des possibilités.
A ce titre, on peut citer deux cas opposés.
Les Celtics de Danny Ainge que nous évoquions plus tôt, et les Lakers de Pelinka, été 2019. Ces deux franchises vont entrer en compétition sur le dossier Anthony Davis. Les Lakers sont plus agressifs mais bénéficient d’un désavantage, le refus catégorique des Pelicans de discuter avec LA (on y revient !). Boston part donc avec une longueur d’avance d’autant que la franchise possède des tours de draft mais aussi les jeunes les plus côtés. Les Lakers sont prêts à donner gros mais possèdent un potentiel moindre en picks.
Pourtant, la loterie va donner un coup de pouce aux Lakers puisque la franchise va atterrir plus haut que prévu en remontant au quatrième choix. Résultat, alors que Danny Ainge défend ses intérêts et souhaite donner le moins possible, les Lakers incluent leur choix de draft et raflent la mise. Le GM des C’s laisse à nouveau passer une superstar disponible.
De fait, quand on voit des franchise comme OKC, New-Orleans accumuler les picks de draft ces derniers jours (cela ne fait que commencer), les front-office s’offrent certes une omnipotence dans la draft pour les années à venir, mais aussi la possibilité, si elles sont déjà compétitives, de contenter des franchises en passe de perdre des stars ou de les échanger volontairement pour lancer un nouveau cycle.
En d’autres termes, ils ont d’autant plus de valeurs que leur utilisation s’adapte à tout besoin qui nécessite de se renforcer. Un luxe.
La valeur variable du Tour de Draft
Si on continue notre comparaison, le tour de draft a aussi dans son ADN des points communs avec les actions en bourse. Leur valeur peut changer soudainement (trade favorable ou défavorable, blessures, changements dans l’organigramme). Elle peut évoluer positivement comme négativement en fonction du classement de l’équipe (sur la dernière année), mais aussi en fonction de l’évolution attendue de l’équipe (plusieurs saisons à l’avance).
Ainsi, plusieurs faits qu’il est intéressant de mentionner :
- Un pick aura des valeurs différentes d’une saison à l’autre jusqu’à son échéance
- Un pick peut avoir une valeur variable au cours même d’une saison (équipe qui progresse ou régresse soudainement)
- Un pick a une valeur très souvent supérieure avant la draft qu’après la draft. Sa valeur est aussi rattachée au champ des possibles qu’il offre, à savoir : monter un échange, choisir un joueur de son choix. Une fois qu’un prospect est drafté, le choix de draft perd immédiatement en valeur (sauf récupération d’un talent considéré comme possible franchise player).
- Utiliser ses choix de draft à la perfection, comme avec des joueurs, revient à les utiliser au moment où ils auront, selon la franchise, leur pic de valeur : autrement dit, il faut savoir quand vendre, quand patienter, quand aller en chercher.
Un exemple intéressant en la matière peut être les Grizzlies. Durant la fin des 2010s, obtenir un tour de draft des Grizzlies a moyen terme était un véritable pari, puisque l’effectif arrivait en fin de cycle.
Ces deux paragraphes se basent, en partie, sur une hypothèse, puisque les Grizzlies ont, en réalité, gardé l’essentiel de leurs 1er TDD.
En 2016-2017, le groupe vieillit, connaît une saison compliquée, mais fait tout de même les Playoffs. A ce moment, on peut commencer à envisager que les années de ce groupe sont comptées. Plusieurs cadres sont déjà partis, quand bien même l’axe Conley-Gasol reste une valeur sûre. Si vous êtes un autre GM, vous pouvez très bien contribuer à les renforcer, en échange de TDD futurs, en pariant sur la fin à venir de cet axe. Si à la fin de la saison 2016-2017, vous récupérez des TDD de Memphis sur plusieurs saisons, alors vous pensez que vous avez gagné le gros lot, en toute cause puisque la saison suivante, ces derniers termineront 14eme.
A ce moment-là, l’équipe galère, mais on peut surtout se dire : “la reconstruction se jouera peut-être dès cet été”.
Mais pourquoi ce cas est-il intéressant ?
Parce que les Grizzlies vont faire mieux les 2 saisons suivantes, mais surtout que leurs saisons vont être en dents de scie. Ainsi, après leur catastrophique saison 2018, ils vont rebondir en début de saison 2019, faisant chuter la valeur de leurs TDD. Picks qui vont reprendre de la valeur quelques mois plus tard et ne cesser d’en gagner de toute la saison tant l’effectif va s’embourber dans les défaites. Une série tellement rude que la franchise commence sa reconstruction à la trade deadline en échangeant Marc Gasol (hausse de la côte). L’été suivant, c’est Mike Conley qui part (nouvelle hausse de la côte) et on promet l’enfer à ces Grizzlies (on touche un plafond). Toutefois, grâce à des échanges très bien négociés, ce “nouveau Memphis” va tutoyer les Playoffs toute la saison. Autrement dit, la valeur des TDD de Memphis (potentiellement acquis en 2017) aura été plus élevée avant le démantèlement de l’effectif qu’après. Un cas assez rare mais qui démontre, comme les actions, la volatilité de leur valeur.
Des conséquences à venir ?
Vous l’aurez donc compris, si cumuler des tours de draft a toujours été précieux, la donne a un peu changée. D’abord, l’espacement de la durée des acquisitions s’est justifiée par le durcissement de la “Stepien rule” (originellement créée en 1982), qui tendait à limiter l’envoi de 2 seconds tour de draft consécutifs à une autre franchise après la jurisprudence Brooklyn-Boston… Toutefois, comme susmentionné, depuis 2019, il est entré au cœur de la stratégie de plusieurs franchises de construire son développement sur le précédent cycle d’une autre franchise dans une démarche à court terme.
Un nouveau schéma s’élève autour de ces derniers : aider des contenders à s’élever maintenant, et renforcer son propre cycle à venir sur des équipes qui finiront par chuter peu ou longtemps après l’échange. Si les Rockets, Clippers, Bucks et autres futurs cibles de cette stratégie venaient à connaitre de longues années de galères durant les 2020s, probablement que nous assisterions alors à une nouvelle réforme du CBA (création ou durcissement de règles). En attendant, il y a fort à parier que OKC & Pelicans vont continuer de cumuler des assets, et probablement qu’ils seront rejoints par d’autres GMs dans cette tentative d’hégémonie sur la draft pour construire leurs équipes.
La draft entre donc dans une ère de spéculation plus prononcée que jamais, et les périodes d’échange que connait la NBA n’en deviennent que plus intéressantes, tant elle voit l’affrontement entre des agendas et des timelines de plus en plus marquée.