De tous les joueurs ayant pour but un lottery pick, Obi Toppin est l’un des plus controversés. Pour certains, surtout nos amis outre-Atlantique, ce dernier ne doit, sous aucun prétexte, sortir du top 6. Pour d’autres, la superstar de Dayton n’est pas calibrée pour intégrer le top 10, voire 15 de la draft. A titre d’exemple, au moment de la rédaction de ses lignes, le pick 13 de la #MockDraftNBAFR2020 a été annoncé, et il n’a toujours pas été sélectionné.
La vérité, comme souvent, doit résider entre ces deux versants. Dans une draft relativement faible, où chaque joueur semble avoir des défauts identifiables, Toppin, lui, voit ses errances défensives et son âge avancé peser bien plus dans la balance que ses qualités offensives évidentes.
La question se pose donc : Toppin a-t-il un profil réellement moins adapté à la NBA que certains de ses collègues de cuvée ? Pour essayer de répondre à cette problématique, il faut avoir toutes les clés en main pour aborder le personnage.
Un story telling plaisant pour les observateurs
Certains jeunes sont programmés depuis leur tendre enfance pour devenir des stars. D’autres mettent plus de temps à taper dans l’œil des observateurs, et leur hype prend racine lors de leurs années lycées. Obi Toppin, lui, ne se retrouve dans aucune des deux catégories. L’ailier-fort a dû s’accrocher pour être reconnu à sa juste valeur, créant alors un storytelling comme l’affectionnent tant la NBA, les médias et le public.
Toppin est né en mars 1998 à Brooklyn. Après avoir fini son cursus de lycéen en passant par trois établissements différents, il essaie d’intégrer la Division I de la NCAA. Cette tentative sera un échec, et il sera contraint de retourner un an supplémentaire en high school, au Mt. Zion Prep. Une nouvelle saison qui sera, elle, une franche réussite : 17 points, 8 rebonds, 4 passes décisives de moyenne. Ce bel exercice lui ouvrira les portes du championnat universitaire. Nous sommes maintenant en 2017, et le new-yorkais rejoint Dayton.
Il ne jouera pas lors de sa première saison sur le campus, étant en année redshirt – statut qui veut qu’un jeune joueur puisse s’entrainer avec l’équipe, sans prendre part à aucun match officiel. Mais dès ses premiers pas sur le parquet, en 2018, les capacités athlétiques de l’intérieur mettent tout le monde d’accord. 14 points, 5,6 rebonds, 1,8 passe décisive de moyenne, des highlights marquants et le cœur du public conquis. Obi fait son bout de chemin, et décide alors de s’inscrire à la draft 2018… Sans succès.
Il retourne donc une deuxième saison dans l’Ohio, afin de réaliser sa saison sophomore. Celle de l’explosion, ni plus ni moins. Avec 20 points, plus de 7 rebonds et 2 passes de moyenne, Toppin était partout : Joueur de l’Année en NCAA, saison historique pour Dayton (29-2) et potentielle place au Final Four, dans une saison malheureusement stoppée par le COVID-19.
Cette explosion tardive (il a aujourd’hui 22 ans) émerveille autant certaines personnes qu’elle en gêne d’autres, d’autant plus que les défauts de la star des Flyers semblent être aussi dérangeants que ses capacités offensives semblent évidentes.
Forces et faiblesses : le clivage attaque-défense de Toppin
Obi Toppin est un ailier-fort de plus de 2m05, pour 100kgs. A titre de comparaison, Pascal Siakam pointe à 2m06 pour 104kgs, tandis que John Collins, lui, pèse 106kgs, et mesure 2m06. Un physique classique pour un poste 4, me diriez-vous. A la différence près qu’Obi est extrêmement athlétique. Ses attributs premiers, reconnus par tous les scouts sont simple : rapidité à se rendre au cercle (et accessoirement dunker), spacing vertical et vitesse en transition pour apporter le surnombre.
Mais le réduire à être un simple dunkeur serait confiné – le terme est d’actualité – à la mauvaise foi. Obi Toppin possède d’autres cordes à son arc. Ses capacités physiques lui permettent de finir très proprement près du cercle. Étant également capable de dribbler sans perdre la balle à chaque pas, il devient automatiquement un possible bon élément en pick’n roll, capacité essentielle pour tout joueur voulant évoluer dans la Grande Ligue aujourd’hui.
Les observateurs s’accordent également à dire que son shoot est loin d’être ridicule, et qu’il progresse constamment à ce niveau depuis son arrivée en NCAA. Selon quelques sites spécialisés, il pourrait même devenir consistant à longue distance, tournant à 39% sur sa saison sophomore à Dayton (avec un échantillon de 2,6 tentatives par match). Cela fait de lui l’un des meilleurs joueurs de la cuvée en pick’n pop. Le jeu au poste fait également partie de sa panoplie, même s’il doit encore travailler ses moves pour le rendre plus efficient et moins prévisible.
Enfin, toujours offensivement, Toppin est un spécialiste du “cut”. Ces qualité d’anticipation, de jeu sans ballon et de déplacement, doublée de ses aptitudes physiques, lui permettent d’inscrire régulièrement des paniers “faciles”. Or, avoir un jeu sans ballon d’ores et déjà efficace en NBA est toujours un précieux atout, surtout lorsque vous n’êtes pas la première option offensive de votre équipe.
Malheureusement, même si sa panoplie offensive est moderne et s’adaptera sans nul doute à la Grande Ligue, tout n’est pas rose chez le prospect.
Vous l’aurez remarqué, jamais n’est abordée la défense dans ses qualités. Malgré quelques contres évidents dus en grande partie à ses qualités physiques extraordinaires, l’ailier-fort est en dessous de la moyenne sur les autres aspects du jeu de ce coté du terrain. Il a très peu de mobilité latérale, ce qui l’empêche de tenir son défenseur en 1 vs 1, y compris sur des espaces restreints. Même souci lorsqu’il est posté, ses qualités athlétiques ne lui permettant pas de compenser son manque de vivacité et de QI défensif. A de nombreuses reprises, Toppin tente l’interception lorsque son adversaire poste bas reçoit le ballon, sans succès : naïveté, quand tu nous tiens.
De plus, le prospect a des gros sauts de concentration lorsqu’il s’agit de défendre, et notamment quand il faut switcher. À très haut niveau, cela lui causera énormément de torts, surtout lorsque l’on connait les spécimens capables de dégainer en un instant, et la tendance accrue dans la Grande Ligue à cibler les joueurs les plus exposés sur pick and roll défensivement parlant : être défendu par Toppin va rapidement devenir un objectif pour bon nombre de joueurs NBA, ce dernier offrant la certitude de laisser des espaces pour accéder au panier ou pour prendre un tir longue distance.
Si l’on couple l’éventail offensif impressionnant de l’intérieur à ses errances défensives problématiques, en saupoudrant cela d’un âge déjà avancé pour un futur rookie, nous obtenons un joueur intriguant, laissant les franchises curieuses. Suffisant pour être choisi en tête de gondole ?
Programmé pour les Cavs ? Les Knicks en embuscade
Si les fans français ne sont pas convaincus par le prospect, en témoigne son choix tardif lors de la draft que nous avons organisée avec l’aide des comptes français, les étasuniens, eux, sont bien plus emballés. En effet, selon la plupart des mock drafts venant de médias outre-Atlantique, Toppin va tomber plus ou moins autour du pick 5.
Utilisons la même formule que pour l’article concernant Killian Hayes et jetons un coup d’œil aux lottery pick :
En dehors du top 3 qui parait être promis au trio Ball, Edwards et Wiseman (même si c’est de moins en moins sûr), tout est possible. Concernant le poste d’ailier-fort, on peut regrouper les franchises en fonction de leurs besoins. Obi pourra également être positionné en 5, mais sa taille lui jouera des tours contre un grand nombre de pivots déjà installés (Capela, Robinson, Drummond pour ne citer qu’eux).
Les Bulls et les Hawks, respectivement pick 4 et 6 ont chacun une raquette complète, dont un jeune ailier-fort à développer : Markannen et Wendell Carter d’un côté, Collins et Capela de l’autre. Doubler ce poste à la draft est loin d’être une priorité, même si côté Chicago le finnois ne semblait pas sur la même longueur d’onde que son front-office la saison passée.
Arrive ensuite une triade de franchise : Cleveland (pick 5), Detroit (pick 7) et New-York (pick 8). Trois équipes de fin fond de tableau, possédant malgré tout dans l’effectif un poste 4 trustant une place de titulaire indiscutable.
Les rumeurs les plus insistantes envoient Toppin chez les Cavs.
Ces derniers semblant toujours chercher une porte de sortie pour Kevin Love (et son lourd contrat), pourraient jeter leur dévolu sur le dynamique intérieur de Dayton afin, qu’à court terme, il puisse lui prendre sa place. Concernant le poste 5, Thompson est agent libre, et Drummond entre dans son année d’option, ce qui signifie qu’il sera en fin de contrat à l’été 2021. Toppin apparait donc comme le profil idéal. Problème : défensivement, allier un troisième larron plus que limité de ce côté du terrain au duo Garland-Sexton apparait comme une fausse bonne idée, d’autant plus s’ils comptent l’utiliser au poste de pivot.
Du côté du Michigan, le besoin de talent immédiat est plus important que dans les 29 autres franchises de la Ligue.
Hormis notre ami Blake Griffin, qui pourrait être tenter de chercher un point de chute loin de Motor City, personne n’a une place de titulaire indiscutable. Vous l’aurez donc compris : le seul joueur sûr d’être dans le 5 majeur s’il est en bonne santé joue sur le poste d’Obi. Même si la rumeur Patrick Williams enfle, prendre un poste 4 ne semble donc pas être l’option privilégiée par les instances de la franchise. Nous n’avons même pas abordé le cas Wood, qui, s’il reste, trustera un grand nombre de minutes dans la raquette. D’autant plus que les lignes arrières sont décimées du côté des Pistons, et qu’un poste 1, jeune, distributeur et scoreur ferait le plus grand bien : Ball, Hayes ou Haliburton.
Pour conclure avec ces trois cancres de l’Est, évoquons les Knicks.
Julius Randle est ancré à son poste de titulaire, et les roles players Gibson et Portis (qui ont cependant une team option à l’été/hiver 2020) sont encore sous contrat. Robinson, quant à lui, semble vraiment intouchable. Le poste 3 étant quasiment vide, il y a de fortes chances que le front office de Manhattan se concentre dessus en particulier.
Dans les trois situations, les ailiers forts titulaires sont en sursis, et en cas de bonne offre, les franchises n’hésiteront pas à les envoyer de l’autre côté du pays. Il y a donc une chance de voir le prospect tomber dans une de ces trois franchises, s’ils estiment que le mettre en concurrence quelques temps avec un vétéran lui apportera du bien. Mais pour le moment, aucune équipe n’apparait comme le fit parfait pour le poste 4.
Un choix pas si évident
Après avoir abordé les 8 premiers picks, on n’est donc pas plus avancé sur la probable destination d’Obi Toppin, tant aucune pièce du puzzle NBA n’entre parfaitement en corrélation avec le joueur et son profil.
Les scouts, eux, semblent en contraste extrêmement emballés par le joueur, notamment par sa polyvalence offensive, un atout de poids dans une NBA qui se veut de plus en plus offensive. Si les Cavs, Pistons et Knicks le laissent glisser, est-ce que des équipes telles que les Suns ou les Wizards se jetteraient dessus sans hésitation ? Il y a de fortes chances.
Cependant, est-ce que Topin serait aussi valuable que ses camarades Isaac Okoro, Killian Hayes et Deni Advija après que chacun d’eux ait prit ses marques dans la Ligue ? Rien n’est moins sûr.
Si un aspect peut en effet être développer pendant sa carrière, c’est le shoot, voire la panoplie complète en attaque. Déjà bien doté de ce côté-là du terrain, Toppin pourrait devenir une option en sortie de banc frôlant les 15/17 points par match sans trop forcer. Mais défensivement en revanche, le bas blesse. Difficile de progresser dans le domaine lorsque vous apparaissez comme un produit “fini” du fait de votre cursus. D’autant plus lorsqu’on sait que la défense, outre les aspects techniques qui peuvent être enseignés et corrigés, se base avant tout sur un instinct quasiment inné, et surtout une concentration de tous les instants, dopée d’une envie débordante. Est ce que Toppin l’a ? Non. Est ce que ça lui fera défaut ? Sûrement. Est-ce que ce sera rédhibitoire pour son avenir dans la Ligue ? A lui de prouver que non.