Cela a été suffisamment dit et redit : cette édition 2020 de la draft NBA est pleine d’incertitudes. Et si Anthony Edwards devrait – notez le conditionnel – devenir le 74è first pick de la draft, les enjeux se situent plus bas. Pas trop non plus ; selon toute vraisemblance, Killian Hayes ne devrait pas avoir à prendre son mal en patience avant d’entendre son nom résonner dans le micro de son ordinateur. Projeté entre la 4è place et la fin du top 10, le combo guard français s’apprête à vivre un grand tournant dans sa jeune carrière de basketteur professionnel.
Tentons ensemble de présenter le jeune homme et d’imaginer les différents scenarios, qu’ils soient idéals ou catastrophes (sur le papier).
Pick’n roll, passing et responsabilités
La draft 2020 n’est pas avare en meneurs. En attendant Cade Cunningham, projeté comme top 1 de la cuvée 2021, nous pouvons dénombrer pas moins de 8 joueurs pouvant potentiellement évoluer au poste 1 dans le top 20. Parmi eux, les noms de LaMelo Ball, Tyrese Haliburton et de Killian Hayes se retrouvent, constamment ou presque, dans le top 10.
Le français, âgé de 19 ans, semble pouvoir indifféremment jouer sur l’un des deux postes arrière. Grand et costaud pour un meneur (1m97 et 97 kilos aux dernières nouvelles), Hayes possède un profil susceptible d’intéresser plusieurs franchises gâtées par la lottery. Quel est-il donc, ce profil ?
Professionnel depuis l’âge de 16 ans, le jeune homme s’est d’abord fait les dents de lait en Jeep Elite du côté du Cholet Basket, en parallèle des rencontres disputées avec l’équipe espoir. C’est à compter de la saison 2018-19 qu’il prit du galon dans l’équipe du Maine-et-Loire, en disputant 34 rencontres, dont 8 en tant que titulaire. Si l’adresse au tir sera moyenne – au mieux -, son pourcentage de réussite sur la ligne des lancers laisse supposer de belles promesses dans ce secteur essentiel du jeu (82 %). Avec quasiment 20 minutes de temps de présence sur le parquet, il score 7 points, délivre 3 passes décisives et chipe 1 ballon par soir.
Depuis, le français a quitté le cocon familial pour aller s’expatrier de l’autre côté du Rhin. Il a évolué toute la saison au Ratiopharm Ulm. Là-bas, il a fait plus que confirmer les attentes placées en lui. On le disait doué à la création, que ce soit pour lui ou pour les autres et il s’est affirmé comme un excellent playmaker. On pouvait douter de ses facultés d’adaptation, et il a immédiatement su obtenir la confiance de Jaka Lakovic, son coach, au point d’avoir débuté l’intégralité des rencontres nationales et internationales (10 matchs en Eurocup) sur le terrain.
Pas intimidé pour un sou, ses performances dans la seconde coupe européenne sont d’ailleurs à souligner. Il a démontré, avec un volume tout à fait correct (un peu plus de 4 tentatives par match) qu’il pouvait constituer une menace derrière l’arc, avec 39% de réussite dans l’exercice. Son adresse aux lancers, elle, est désormais élite (90,1% de réussite), même si nous pourrions déplorer le fait qu’il ne se rende que peu sur la ligne (2,5 fois par rencontre sur la saison).
Il s’est surtout imposé comme étant un excellent initiateur de pick’n roll, qualité Ô combien recherchée par l’ensemble des franchises NBA aujourd’hui.
Doté d’une bonne lecture du jeu, bien qu’handicapé lorsqu’il est orienté sur sa main droite (Hayes étant gaucher), le meneur est capable de sanctionner à trois-points ou à mi-distance si son défenseur lui laisse de l’espace. Il dispose également des facultés physiques certaines pour terminer près du cercle, quand bien même son premier pas ne devrait pas donner des sueurs froides aux athlètes de la Grande Ligue. Au-delà, son floater lui permet déjà de tirer sur la tête des colosses qui viendraient se placer entre lui et le cercle. Enfin, si le décalage est créé, il sera tout à fait capable de le lire et de passer la balle à un tireur démarqué (5,3 passes décisives de moyenne cette saison en championnat, 6,2 en Eurocup).
Ces facultés sur pick’n roll, Hayes ne devrait avoir aucun mal à les exporter outre-Atlantique, où les défenses sont bien souvent plus permissives que sur le Vieux Continent, et où les aides dans la raquette, moins fréquentes, permettent une navigation parfois plus fluide derrière l’écran. Il pourrait donc, dès le jour 1, contribuer de façon positive à mettre en place l’attaque de la franchise qui fera le pari de le drafter. Le diamant est certes à polir, mais il est déjà capable de briller.
Offensivement, tout n’est pas parfait, bien entendu. Pour l’heure, le français ne constitue une menace que lorsqu’il a le ballon entre les paluches. Il semble bien plus à l’aise pour dégainer en sortie de dribble que sur catch & shoot, à l’inverse par exemple de Tyrese Haliburton, l’un de ses concurrents directs à la draft sur ce poste 1.
Qu’en est-il de l’autre côté du terrain ?
Hayes profite de sa longueur (2m04 d’envergure) et de sa lecture des lignes de passe pour être un intercepteur plus que correct. Plus encore – et cela semble prometteur – il sera tout à fait capable de défendre sur les meneurs et arrières de la Grande Ligue. Sa vitesse de jambe et sa mobilité latérale lui permettront ainsi de ne pas se faire dépasser par les dragsters qui sévissent en NBA (on pense, par exemple, à Fox, Westbrook, Morant …).
Pour en terminer sur le profil du meneur, il a été noté par plusieurs observateurs qu’Hayes est particulièrement handicapé lorsqu’il doit utiliser sa main faible, que ce soit pour dribbler ou pour passer. Cette faiblesse aura forcément été indiquée sur tous les scouting reports, et il lui faudra donc impérativement bosser sa main droite s’il ne veut pas être constamment mis en difficulté. Enfin, notons qu’en 26 minutes de jeu outre-Rhin, il perdait en moyenne pas loin de 3,5 ballons par rencontre.
Quoi qu’il en soit, le C.V d’Haynes est très bon : excellent en pick’n roll, bon passeur, défenseur polyvalent sur les postes arrière, le bonhomme intéresse plus d’une franchise. Vous trouverez ci-dessous une vidéo complète de ses highlights de sa saison allemande :
Si LaMelo Ball semble avoir définitivement une longueur d’avance, au point de pouvoir postuler à être sélectionné en tant que first pick (même si les dernières rumeurs feraient état de son glissement à la draft, notamment en raison de ses mauvaises performances lors des interviews avec les franchises), Killian Hayes fait très clairement partie de ce second tier des meneurs de cette draft 2020. Et si, selon les mock draft disponibles, Tyrese Haliburton serait susceptible d’être choisit avant notre frenchy, ce dernier ne semble avoir rien à envier à son homologue américain.
Surtout, Hayes semble en avance sur le reste de la concurrence, composée de Tyrese Maxey, R.J Hampton, Cole Anthony, Kira Lewis Jr, Tyrell Terry ou Théo Malédon. De là à espérer le voir devenir le français le plus haut drafté de l’Histoire, il y a un pas qui ne relève pas forcément du fantasme. Pour cela, il faudra qu’il soit sélectionné avant la 8èmposition, qui était celle de Frank Ntilikina.
Une 8ème place, d’ailleurs, qu’il ferait peut-être bon d’éviter cette année… Du coup, où pourrait-on voir Killian Hayes atterrir à la mi-novembre ?
Pistons et Suns en bon plan, Knicks en cauchemar ?
Avant de poursuivre, jetons un œil à l’ordre de la draft :
Le top 3 de la draft semble dessiné, même si l’ordre de sélection des hommes paraît encore incertain. Il semblerait donc qu’Anthony Edwards, LaMelo Ball et James Wiseman se partageront le podium de la cuvée. En-dessous, tout semble ouvert, mais ce n’est pas pour autant que toutes les franchises présentent dans cette lottery sont à la recherche d’un meneur créateur comme Hayes.
Nous pouvons ainsi exclure les Cavaliers de la discussion, eux qui ont drafté coup sur coup Collin Sexton et Darius Garland ; dès lors, on voit mal la franchise de l’Ohio empiler un nouvel extérieur dans son roster. De source sûre, on sait d’ailleurs que Cleveland n’a pas interviewé le jeune français. Il en sera sûrement de même pour les Wizards, qui, avec le retour tant attendu de John Wall, semblent avoir une collection complète de meneur, entre Jerian Grant, Gary Payton III, Ish Smith voire Shabazz Napier.
Quid des Knicks ? Abonnés à la 8ème place de la draft, la franchise dirigée par Tom Thibodeau possède également toute une tripotée de joueurs susceptibles d’avoir la gonfle en main : Dennis Smith Jr, Elfrid Payton et Frank Ntilikina à la mène, mais surtout R.J Barrett à l’arrière, qui possédait la saison passée 24% d’usage rate. Cela semble être un mal pour un bien, tant les Knicks ont du mal, depuis 10 ans, à développer convenablement un jeune joueur issu de la draft. Mais aussi, bien évidemment, car le contexte new-yorkais n’est jamais évident à appréhender et que la franchise semble en proie à une crise sportive dont on voit mal comment elle pourrait s’en sortir à court terme.
Il reste donc, si nous ne nous plantons pas de A à Z, les Bulls, Hawks, Pistons, Suns au sein du top 10.
La raison nous pousserait à opter pour la franchise de Motor City.
En effet, à l’inverse des franchises présentées ci-dessus, Detroit est clairement à la recherche d’un meneur. Le poste est, pour l’heure, tenu par Brandon Knight et il semble peu probable que Derrick Rose ne cède pas aux sirènes venues d’ailleurs. Être sélectionné par les Pistons, c’est l’assurance d’avoir un temps de jeu immédiat et des responsabilités. Ce qui ne semble pas faire peur à notre prospect, qui avait déjà en Allemagne un bon nombre de cartes en main pour driver son équipe. Cela permettrait également à Killian Hayes de se retrouver avec Sekou Doumbouya, avec lequel il s’entend parfaitement bien, ce qui constituerait un plus dans son intégration dans le roster. Ce n’est pas notre envoyé spécial préféré qui nous dira le contraire :
Je l’ai interrogé sur sa relation avec Sekou Doumbouya, qu’il estime excellente en raison de nombreux camps d’été passés ensemble en jeunes.
Il m’a répondu qu’il adorerait jouer à @DetPistonsFR : Sekou serait pour lui une très bonne relation à avoir en début de carrière.
— FD -QiBasket (@fd_phalip7) September 28, 2020
Quels seraient les bémols d’une arrivée dans le Michigan ? Individuellement, il ne semble pas en avoir véritablement. Par contre, à l’instar des Knicks, les Pistons semblent enfoncés dans un marasme collectif inextricable dans l’immédiat. Avec un Andre Drummond tradé contre deux figolus et un Blake Griffin dans un état de forme plus que jamais incertain, l’avenir de la franchise semble reposer sur Christian Wood. Et si l’intérieur a affiché de belles choses, on ne peut pas vraiment dire que c’est particulièrement rassurant.
Atlanta et Phoenix semblent présenter le même profil, à savoir celui d’une franchise qui possède un meneur bien installé, mais qui ne dirait pas forcément non à une profondeur supplémentaire sur les postes extérieurs. A notre sens, il serait peut-être plus favorable de glisser jusqu’à la 10è position pour faire ses gammes aux côtés de Ricky Rubio, à côté duquel il peut parfaitement jouer, mais également avec Devin Booker, qu’il pourrait décharger d’une partie de la création.
L’environnement Arizonien paraît donc indubitablement plus favorable pour l’intégration d’un jeune meneur. En effet, d’un autre côté, la franchise Géorgienne est l’une des plus jeunes de la Ligue, entre Trae Young, Kevin Huerter, Cam Reddish, De’Andre Hunter ou John Collins. Clint Capela, du haut de ses 26 printemps, fait office de vétéran, c’est dire.
Néanmoins, hormis le contexte collectif – important, bien évidemment – Hayes possède une carte à jouer au sein des deux franchises. En fonction de ce que les Hawks feront de Jeff Teague, le français pourrait s’imposer directement en tant que seconde option à la mène, pouvant suppléer Trae Young, voire même en jouant à ses côtés, pour le décharger un peu du ballon (34,9 % d’usage rate la saison passée !). En effet, si le futur rookie n’est pas encore à l’aise loin du ballon, cet aspect du jeu ne semble pas constituer une véritable barrière pour Young. Défensivement, le duo ne semble pas incompatible, le français pouvant défendre sur les arrières, tandis que Trae Young ne défend de toute manière pas des masses. De plus, Hayes trouverait en Capela un partenaire de jeu idéal pour le pick’n roll dont il raffole.
Quoi qu’il en soit, on rejoint nos confrères d’Envergure, lorsqu’ils énoncent qu’il est peu probable de voir le prospect descendre beaucoup plus bas que le pick 10 de Phoenix.
Il nous reste, dès lors, deux destinations à envisager. Destinations pas forcément farfelues, d’ailleurs, dans cette cuvée si incertaine.
Commençons par le haut, avec les Bulls de Chicago. Certes, la franchise de l’Illinois a sélectionné Coby White la saison passée, mais la pile chevelue semble être définitivement projetée au poste d’arrière. Puisque la raquette des taureaux est complète, avec Markkanen, Thaddeus Young et Wendell Carter Jr, il est parfaitement envisageable d’imaginer le nouveau front-office opter pour un meneur. Cependant, il est tout aussi probable de le voir tenter de monter dans cette draft (avec les Warriors ?) pour récupérer Ball. Notons que si les Bulls conservent leur pick 4, les pistes Haliburton à la mène ou Avdija à l’aile (pour concurrencer Otto Porter Jr) ne sont pas à écarter.
Évoquons enfin, pour conclure, la possibilité de voir Killian Hayes arriver à San Antonio. Au-delà du petit côté excitant de voir la mène texane être à nouveau confiée à un français, le choix ne serait pas incongru. Pour l’heure, le poste est partagé entre Dejounte Murray et le vétéran Patty Mills, qui entre dans sa dernière année de contrat. Le poste d’arrière, lui, est entre les mains de Forbes, White et Walker IV. Autant dire qu’Hayes n’aurait pas une place qui l’attendrait bien au chaud, et qu’il lui faudrait batailler pour convaincre Popovich de lui accorder du temps de jeu. Cependant, à l’inverse des Knicks ou des Pistons, le renouveau semble arriver dans le Texas, avec la fin de contrat de DeRozan et de Aldridge en 2021. Une nouvelle ère va s’ouvrir chez les Spurs, et voir Hayes y participer ne serait pas pour nous déplaire.
Ce sont donc plusieurs projets qui se présentent devant le meneur d’Ulm :
- Un temps de jeu et des responsabilités chez les Pistons ;
- La possibilité d’évoluer dans un environnement enfin sain chez les Suns, avec le temps de pouvoir se développer à côté d’un meneur vétéran et gestionnaire ;
- La possibilité de composer un back-court intéressant et complémentaire avec Trae Young ;
- Arriver dans un gros marché et dans une équipe jeune chez les Bulls ;
- Être l’une des premières pierres posées dans le renouveau des Spurs.
La réponse ne se fera plus attendre bien longtemps. Où qu’il atterrisse, prions pour que Killian Hayes ait une carrière NBA à la hauteur de nos attentes, ce sera déjà amplement suffisant !