La draft 2020 a un côté vintage. Avec les nombreux doutes persistants autour de sa qualité, la cuvée nous rappelle inévitablement celle de 2013. Aussi, alors que nous essayons de décrypter les choix potentiels des franchises, nous nous heurtons à quelques problématiques. La principale ? Celle d’avoir la moindre certitude sur ce qui va se dérouler. Les drafts faibles sont souvent le théâtre de rebondissements et de choix qui semblent improbables aux premiers abords, et qui, souvent, le restent a posteriori.
Pourtant, au milieu de ce potentiel “n’importe quoi” se trouvent les Golden State Warriors. A quelques encablures du 18 novembre, leur situation paraît un poil différente des autres équipes du top 5 de la prochaine draft. En effet, ces derniers n’ont naturellement pas les même objectifs que leurs concurrents d’un soir.
Là où drafter haut signifie – normalement – acquérir des talents de premier ordre, la logique de Golden State peut être, au besoin, opposée. En effet, malgré une saison insignifiante, les Warriors retrouveront leurs ambitions la saison prochaine. Puisque Stephen Curry et Klay Thompson seront, a priori, de retour aux affaires à plein temps, il est possible de passer de la mentalité classique “prendre le meilleur talent disponible”, à celle de “prendre le joueur le plus en accord avec l’effectif”.
Et avec le pick 2, il se pourrait bien qu’un joueur coche, sur le papier, les deux cases. Alors que la nuit fatidique approche, nous allons rapidement nous poser les questions suivantes : est-ce que James Wiseman a déjà un pied à San Francisco ? Est-il le choix logique et inévitable de Golden State ?
Golden State : une équipe différente, aux problématiques différentes
Les Warriors ont connu une période de domination brutale. Entre 2014 et 2019, les Dubs furent irrésistibles. Redéfinissant les codes et la manière de gagner entre 2014 et 2016, ils sont apparus comme intouchables en mettant la main sur Kevin Durant, jusqu’à ce que les blessures viennent les miner au cours des finales face aux Raptors en 2019.
La suite, tout le monde la connaît : le départ de Kevin Durant, un banc à reconstruire, des blessures à digérer et un Stephen Curry qui se casse la main au bout de 3 rencontres. Avec un effectif de vétéran à rajeunir, des corps à soigner, Golden State a connu une année de transition. Pour revenir comme si de rien n’était ?
Pas vraiment, a priori. Si le trio historique Curry-Thompson-Green sera bel et bien là, il est compliqué d’attendre de ces derniers un retour aux sommets de la conférence Ouest. Certes le génie de Stephen Curry est intact, certes le staff est toujours le même. Mais plusieurs choses ont manifestement changé.
Tout d’abord, le banc rajeuni des Warriors n’a rien à voir avec celui de l’époque des “Warriors-champions”. Exit les légions de vétérans venus glaner un dernier run pour le titre, exit Shaun Livingston et surtout, au revoir Andre Iguodala, sacrifié pour limiter la casse lors du départ de Kevin Durant. L’effectif a changé, pendant que la NBA, elle, a poursuivi son évolution.
Alors que les Warriors avaient dicté le ton et obligé la concurrence à s’adapter pour espérer les vaincre, les choses ont changé drastiquement l’été dernier, au point que 3 équipes avec un ou plusieurs intérieurs dominants se sont retrouvées en finale de conférence cette saison. Un constat qui peut paraître anecdotique mais qui en dit long sur l’environnement hostile qui attend la troupe de Steve Kerr. Alors que les Lakers ont remis la taille au cœur de leur effectif, c’est désormais au reste de la Ligue de réfléchir à la bonne manière de faire tomber le champion.
En outre, les pertes de Kevin Durant et Andre Iguodala soulèvent un problème qui change le visage des Warriors. Ces départs ont créé, au moins, 3 nouvelles lacunes :
- La perte de deux joueurs capables de créer offensivement : un élément pourtant indispensable pour viser les hautes sphères en NBA aujourd’hui,
- La perte de polyvalence défensive : les deux ailiers sont capables de défendre plusieurs positions, et sont désormais un must en NBA,
- La perte de taille : comme nous l’expliquions en 2017 dans cet article sur la taille en NBA, le small ball des Warriors était un leurre… avec un ailier de 2m13.
Vous l’aurez donc compris :
- La NBA a logiquement absorbé les codes des Warriors,
- Cette saison a, semble-t-il, remis les pivots au centre du succès,
- Les Warriors ont perdu des joueurs majeurs,
- Et ils n’ont plus un banc aussi polyvalent que celui de leurs 5 années de règne.
James Wiseman, le choix naturel ?
Vous n’êtes pas sans savoir que James Wiseman était l’un des prospects les plus attendus en NCAA cette saison.
Considéré comme un pick 1 en puissance, les choses ont hélas dérapé pour le pivot, déclaré inéligible par la Ligue universitaire après seulement 3 rencontres. En cause, une sombre histoire de conflit d’intérêt qui nous intéresse peu ici. Résultat, l’échantillon pour juger Wiseman est risiblement faible, d’autant que finalement, un seul des trois adversaires affronté représentait un véritable challenge pour l’éphémère pensionnaire de l’université de Memphis.
Avant d’étudier ce que nous avons vu du joueur, que dire de lui ?
Tout d’abord, James Wiseman est un pivot extrêmement physique, dont les mensurations ne sont pas sans rappeler certains monstres actuels : 2m16 pour 110kgs à seulement 18 ans (n’ayant pas eu de NBA combine, nous n’avons pas de mise à jour de ses mensurations, mais il semblerait qu’il se soit encore étoffé physiquement). On parle ainsi d’un joueur qui posséderait une envergure située entre celle de Joël Embiid et celle de Rudy Gobert, ni plus ni moins. Athlétique, Wiseman peut donc, offensivement parlant, constituer une véritable contrainte pour les équipes adverses.
Doté d’une bonne mobilité, le joueur peut sans difficulté être un facteur dans l’attaque des Warriors s’il apprend à exploiter les espaces libérés par les nombreux shooteurs des Warriors. Il n’est pas mauvais à mi-distance, possède une forme de tir longue distance qui laisse présager des pourcentages corrects même si, au lycée, ses pourcentages aux lancers-francs n’avaient rien d’étincelants.
Toutefois, il est également important de préciser que le joueur n’a pas le statut de machine offensive à l’inverse d’autres prospects de ces dernières saisons. En guise de comparaison, Erwan Strauss, pour The Athletic, oppose le parcours de James Wiseman et celui de Marvin Bagley sur le circuit des Nike EYBL :
- Wiseman aux 2018 Nike EYBL : 16 matchs joués, 15.0 points, 6.8 rebonds, 1.8 contre, 48.7% au tir,
- Bagley’ aux 2017 EYBL : 15 matchs joués, 25.8 points, 14.9 rebonds, 3.1 contres, 54.6% au tir.
En NCAA, sur le match face à Oregon, on a ainsi vu un joueur :
- Rapidement handicapé par les fautes,
- Qui se faisait malmener par des attaquants plus petits,
- Qui peinait à se faire de la place dans la raquette adverse et perdait des ballons lorsqu’il était le récepteur de la passe (voir clip vidéo),
- Qui n’aime pas trop les frictions dans la raquette,
- Qui n’utilise pas forcément bien les match-ups favorables dans la raquette.
A l’inverse, il est capable :
- De suivre des défenseurs plus petits à l’extérieur,
- De développer une polyvalence offensive intéressante (alley-oop, putbacks, mi-distance, 3pts),
- De devenir un intimidateur de premier ordre avec sa taille et ses qualités athlétiques.
En somme, James Wiseman a des qualités qui en font un prospect très intéressant, s’il arrive à transformer ses forces potentielles en force réelle au niveau supérieur (alors qu’il n’a pas pu se tester en NCAA). Ses aptitudes physiques et ses bonnes dispositions offensives peuvent le rendre très utile au sein du système des Warriors. Si ce dernier arrive à s’écarter en attaque et à utiliser le mouvement de balle de Golden State à son avantage, il arrivera à exister autrement qu’en défense, et ce sera tout bon pour la franchise de la baie.
Évidemment, il faudra en revanche développer la faculté à contenir des pivots plus techniques, plus costauds et parfois plus athlétiques que ce qu’il a connu jusqu’ici. Face à des Joël Embiid, Nikola Jokic, Anthony Davis et autres joueurs alliant technique et puissance, le seul bagage physique ne sera pas suffisant. Il y a certes un potentiel proche d’un Rudy Gobert défensivement, mais la route est longue pour représenter l’intimidation proposée par le français, multiple Défenseur de l’Année.
Un pivot aux Warriors ?
Sur le papier, on a tendance à se dire que les Warriors n’ont pas réellement eu besoin de pivots pour dominer la Ligue. Plusieurs réflexions sont nécessaires à ce propos.
Tout d’abord, les Warriors pré-Kevin Durant s’appuyaient sur l’excellent Andrew Bogut. Le pivot australien représentait une force de chaque côte du terrain. En défense, sa présence permettait de colmater énormément de brèches sur les aides et de décharger Draymond Green de certaines tâches. Offensivement, son jeu poste haut et sa qualité de passe permettaient de proposer du dribble handoff pour libérer Stephen Curry à la création.
L’arrivée de Kevin Durant apportait plus de création offensive, rendant l’utilisation de Bogut dispensable, tandis que défensivement, la taille et la mobilité de l’ailier faisait de la défense des Warriors un véritable cauchemar.
Privé de cette taille, les Warriors actuels ressemblent aujourd’hui beaucoup plus à l’équipe qu’ils étaient en 2015, avec Andrew Wiggins dans le rôle d’Harrison Barnes et donc, potentiellement, Wiseman pour apporter une taille désormais manquante.
Golden-State doit-il réellement se soucier des intérieurs adverses ?
Du peu que l’on sait, depuis plusieurs années déjà, Steve Kerr suivait avec attention les pivots émergents en NBA. Si le duo Anthony Davis – DeMarcus Cousins représentait une source d’inquiétude pour le stratège, la blessure du second a annihilé les prétentions des Pelicans en 2018. Néanmoins, comme nous l’avons évoqué plus tôt, Nikola Jokic a porté les Nuggets en Finales de conférence en marchant sur des Clippers mal équipés sous les cercles, tandis qu’Anthony Davis a littéralement atomisé chaque adversaire jusqu’au titre. Alors que les Sixers tentent d’entourer Joël Embiid et que Bam Adebayo a apporté une contribution indispensable au Heat, l’échiquier est bel et bien différent, et il semble clair que Golden State doit désormais s’y adapter.
Or, deux points qu’il est nécessaire de mentionner :
- Les Warriors ont déjà un roster très remplit : 13 joueurs sous contrat, peu de contrats faciles à bouger, et le salary cap déjà largement dépassé, alors qu’il pourrait encore être abaissé la saison prochaine ;
- Le poste de pivot comporte à ce jour Marquese Chriss, probable titulaire, et Kevon Looney, dont la fragilité a de quoi inquiéter.
Puisque leur attaque risque d’être moins forte que par le passé, être capable de posséder des options pour s’ajuster aux match-ups adverses semble indispensable.
Choix logique ou pas ?
En somme, James Wiseman n’est pas un choix évident, dans la mesure ou son parcours est tronqué par sa suspension NCAA, mais aussi parce que ce qu’il a montré laisse des doutes planer sur sa possible courbe de progression.
Nous n’avons pas la certitude que Wiseman est capable d’exploiter véritablement ses facultés physiques une fois arrivé en NBA. Un monde sépare Rudy Gobert et Hassan Whiteside, même si le second a tous les attributs théoriques pour contribuer autant que le premier. Déterminer quelle sera la trajectoire du jeune pivot constitue le nœud du problème Wiseman.
Néanmoins, en l’absence de véritable concurrence sur ce poste 5, et en l’absence de certitude sur le moindre joueur dans cette draft, s’adapter aux besoins du roster ainsi qu’à l’évolution de la Ligue semble encore être la meilleure option pour les Warriors.
De fait, à moins que la franchise ne soit pas convaincue par Wiseman et qu’elle ait, à l’inverse, envie de se payer une force offensive supplémentaire en sortie de banc, tout porte à croire que l’intérieur est le favori pour atterrir chez les Dubs.
A défaut, si les Warriors souhaitent jeter leur dévolu sur Anthony Edwards, ils devront prier pour que les Timberwolves, qui possèdent le first pick, passent leur tour sur dossier de l’arrière de Géorgie, ce qui, à l’heure de la rédaction de ces lignes, ne semble pas être le scénario à privilégier.