FC Barcelone : Dernière étape avant le titre ?
10 ans. Dix longues années que le Barça n’a plus connu l’ivresse d’un titre européen depuis la finale de Paris dans le mythique Palais Omnisports de Paris-Bercy (POPB), ou Bercy Arena ou AccorHotels Arena selon la formule d’usage (Bercy quoi). Sur le parquet, Juan Carlos Navarro, resplendissant MVP du Final Four avec 21 points, 5 rebonds, 3 passes, 1 interception et 23 d’évaluation face à l’Olympiacos de Milos Teodosic (10 points, 3 rebonds, 3 passes) ou de l’ancien d’Atlanta, Josh Childress (15 points, 6 rebonds, 2 passes, 3 interceptions, 1 contre, 15 d’éval). Aux côtés de la Bomba, du haut de ses 20 ans, Ricky Rubio le gamin précoce (déjà 3 campagnes européennes avant ce titre) qui agite le basket mondial et découvrira deux ans plus tard la NBA chez les Wolves, sélectionné devant Stephen Curry (si jamais vous aviez raté cet épisode).
Depuis ? 7 participations aux Playoffs dont 3 Final Four consécutifs de 2011 à 2014, avec à deux reprises, un Real Madrid qui se dresse sur le chemin des catalans dans leur quête du Graal. Plus récemment, le Barça connait un réel coup d’arrêt : 2016-2017, là où le bilan de l’équipe tombe dans le négatif (12 victoires, 18 défaites). Une première pour eux dans l’ère moderne de la compétition. Georgios Bartzokas n’a pas le temps de s’installer qu’il est déjà renvoyé par la direction du Barça. Commence alors une reconstruction.
Josep Maria Bartomeu fait revenir le sorcier Svetislav Pesic, couronné avec les blaugrana lors de son premier passage en tant que coach (triplé Euroleague, championnat, coupe du Roi en 2003, championnat 2004). Au revoir Xavier Munford, Tyrese Rice, Justin Doellman ou encore Alex Renfroe. Place aux premières pierres d’une nouvelle fondation qui doit ramener le Barça sur le toit de l’Europe. Arrivent Adrien Moerman, Edwin Jackson, Kevin Seraphin (depuis partis vers d’autres horizons) mais aussi Thomas Heurtel, Pierre Oriola ou Adam Hanga, toujours au club en 2020-2021. L’équipe réalise une saison encore moins bonne que la précédente, terminant à la 13ème place avec 11 victoires pour 19 défaites.
Mais si Rome ne s’est pas construite en un jour, Barcelone ne sera pas champion d’Europe en deux coups de cuillère à pot. 2018-2019 marque une nouvelle étape dans la reconquête des catalans. Kevin Pangos, Chris Singleton, Jaka Blazic posent leurs valisent après des saisons réussies à Kaunas, au Panathinaïkos ou Andorre. L’effectif actuel continue de prendre forme avec les signatures d’Artem Pustovyi, Rolands Smits et Kyle Kuric. La machine va mieux, le Barça retrouve les Playoffs (18 victoires, 12 défaites) et pousse l’équipe surprise de l’Anadolu Efes Istanbul jusqu’au match 5 mais rate le Final Four.
Barcelone est sur la bonne voie et fait basculer son projet dans la folie pure. Vous êtes prêt pour la saison dernière ? On fait le bilan, calmement.
Le bilan de la saison 2019-2020 : Show must go on
A l’intersaison, le club fait exploser le mercato avec des signatures XXL dont Brandon Davies, Malcolm Delaney, Cory Higgins, Alex Abrines mais surtout Nikola Mirotic pour un contrat de 6 ans et 70 millions d’euros ! Pesic est à la tête d’un bolide surpuissant prêt à tout écraser sur son passage.
Si l’on excepte le début du mois de janvier un peu compliqué (3 défaites), Barcelone ne perd jamais deux matchs d’affilés mais enchaine plutôt parfaitement les victoires. En effet, avant que l’ami Covid-19 ne s’invite dans la danse, c’est une série de neuf succès consécutifs que signe le Barça entre le 16 janvier et le 6 mars. Mirotic, en course pour le titre de MVP de la saison (19 points, 6.9 rebonds, 1.6 passe, 1.1 interception, 22.5 d’éval de moyenne) est intouchable. L’espagnol ne connait qu’une seule soirée sous la barre des 10 points (7) alors qu’à l’inverse il enregistre treize matchs à plus de 20 points, quinze au-dessus des 20 d’éval dont une pointe à 37 lors de la dernière rencontre face à Munich (28 points, 8 rebonds, 4 passes).
Jamais victorieux dans les très grandes largeurs (sept victoires de cette série se jouent avec moins de 10 points d’écart), le Barça a le mérite d’enchainer et sécurise sa place en Playoffs. Malheureusement on connait la suite avec l’arrêt de la saison. Fin du rêve qui devait les amener loin. Pire, le championnat espagnol reprend dans une bulle – bien avant celle d’Orlando – mais les catalans ne retrouvent pas la même dynamique. S
’ils atteignent la finale, ils sont surpris par Vitoria avec une mauvaise défense sur Luca Vildoza dans les ultimes secondes de la rencontre (défaite 69 à 67). Svetislav Pesic est remercié par le club qui confirmera que le départ du serbe n’est pas lié au revers face au Baskonia mais que la décision a été prise en amont. La place sur le banc est désormais libre alors que le club retrouve de sa superbe…
Le coach : Sarunas Jasikevicius
Pour franchir la dernière marche d’un processus commencé il y a maintenant 3 saisons, la direction du Barça s’est dotée d’un coach d’avenir, déjà rompu aux joutes de l’Euroleague et passé maître dans l’art de réaliser des miracles. Sarunas Jasikevicius, champion d’Europe avec Barcelone en 2003 sous les ordres de Pesic, s’installe sur le banc catalan avec son style, son exigence et l’envie de réussir dans une écurie qu’il connait bien. A Kaunas, il s’était imposé comme le leader charismatique que l’on connaissait déjà en tant que joueur (si vous besoin d’infos complémentaires, faites un petit détour par le Podcast des amis de chez Ficelle). Le Zalgiris rejoint d’ailleurs le Final Four en 2017-2018 et Saras fait tourner un collectif sans véritable star mais avec un cœur énorme. Il tisse des liens forts avec notre français Léo Westermann et fait éclore en Euroleague Thomas Walkup.
Dorénavant, c’est en Espagne que le lituanien doit écrire l’histoire. Son histoire. La pression est forte, mais pour un homme dont le sang est gelé, rien ne peut l’impressionner. Enfin si, peut-être son effectif. Car c’est la différence majeure entre le Zalgiris et Barcelone. Les CV des joueurs sont imposants, les égos sont différents tout comme les attentes autour du club. Cependant, Jasikevicius a pour lui un palmarès long comme le bras et une personnalité forte. Osons la comparaison en disant que Sarunas Jasikevicius dans le vestiaire du Barça, c’est comme Zidane dans celui du Real : On se tait et on écoute une légende vivante. Méticuleux, il a redistribué les cartes au sein de son effectif. Tout le monde peut/doit trouver sa place et chacun aura d’ailleurs un rôle à tenir au cours de la saison. C’est ça, l’effet Saras.
L’effectif : on ne change pas une équipe qui gagne, on l’améliore
Les départs :
Kevin Pangos (Zénith Saint-Pétersbourg), Pau Ribas (Badalona), Malcolm Delaney (Milan), Ante Tomic (Badalona), Svetislav Pesic (coach)
Les arrivées :
Nick Calathes (Panathinaïkos), Sarunas Jasikevicius (coach, Zalgiris Kaunas)
Les prolongations :
Brandon Davies, Kyle Kuric, Leandro Bolmaro, Pierre Oriola
L’effectif de la saison à venir :
Meneurs : Nick Calathes, Thomas Heurtel
Arrières : Cory Higgins, Kyle Kuric, Leandro Bolmaro
Ailiers : Adam Hanga, Alex Abrines, Sergi Martinez
Ailiers-forts : Nikola Mirotic, Victor Claver, Rolands Smits
Pivots : Brandon Davies, Pierre Oriola, Artem Pustovyi
Du talent, il y en a partout dans ce groupe. Les postes sont largement doublés, quasiment de quoi faire deux cinq de haut niveau en Euroleague. Barcelone présente des armes offensives dangereuses de loin (Abrines, Kuric, Mirotic) comme de près (Davies). La création sera aux mains (dorées) d’un binôme Calathes-Heurtel excitant. Les deux hommes vont se relayer, sont différents et complémentaires. Nick Calathes n’est plus obligé d’être partout comme au Pana et en devient d’autant plus redoutable tant le meneur grec sait tout bien faire et peut frapper à tout moment. Défensivement, le Barça présente aussi des clients de type « élite » avec dans ses rangs Adam Hanga ou Cory Higgins.
Malgré le départ de la légende Ante Tomic, Pierre Oriola apporte son expérience et une dose de QI basket (si tant est qu’il en manquait) alors que Victor Claver (32 ans) reste lui aussi un élément plein de métier (151 matchs d’Euroleague, vainqueur de l’Eurocup avec Valence, deux fois champion d’Espagne, multiple médaillé en sélection).
Rolands Smits remplit parfaitement son rôle, prend ce que le jeu lui offre et apporte sa pierre à l’édifice en attaque (70% de réussite proche du cercle). Artem Pustovyi et Sergi Martinez complètent le banc. Leandro Bolmaro, la pépite barcelonaise a prolongé jusqu’en 2023 alors que la saison NBA vient de se terminer et que le début de la prochaine semble si loin. Pour lui aucun doute : « Le rêve de tout joueur est d’évoluer au plus niveau possible, mais en ce moment je suis avec Barcelone et je viens de signer un nouveau contrat ». La NBA attendra même si son nom circule dans les mocks draft.
Le joueur à suivre : Alex Abrines – « Reborn »
Débarrassé de son problème de dépression qui l’avait éloigné des parquets pendant plusieurs mois, Alex Abrines se relance. Revenu au bercail la saison dernière, l’ancien du Thunder a tranquillement retrouvé un quotidien rythmé par le bruit des chaussures sur le parquet, des déplacements et du filet tremblant après un shoot réussi. 25 matchs disputés, 14 minutes de moyenne et une production à 5.2 points, 2.1 rebonds, 4.9 d’évaluation pour le gamin de Palma de Majorque. Le poste 2-3 n’a pas oublié son adresse, tournant à 46.9% à 2 points et 46.2% à 3 points. Cette saison, Sarunas Jasikevicius semble vouloir lui donner plus de responsabilités.
Si Nikola Mirotic reste le leader de cette équipe, Abrines en devient son bras droit. A 27 ans, il arrive à son prime et c’est avec plaisir que l’on observera ses performances tout au long de l’année. Ce qu’on a déjà pu voir de lui en ce début de saison est ultra positif : 13 points, 22 d’éval contre le CSKA en ouverture, 11 points contre le Zénith et Valence ainsi qu’un 9/19 (47.4%) à 3 points qui fait frémir. Malheureusement, il faudra surveiller cette blessure à la cheville contractée au bout de 8 petites minutes contre le Panathinaïkos… Mettre Mirotic comme joueur à suivre aurait été trop simple. On préfère donc Abrines et ses 126 matchs d’Euroleague au compteur. Dans le drive, à 3 points en sortie d’écran sur des systèmes que Jasikevicius lui offre, il a toute la panoplie pour réussir une belle campagne. Un atout de plus pour le Barça dans sa route vers le titre.
A quoi s’attendre ?
Sur le papier, le Barça nouvelle version est clairement favori pour le titre suprême. Sur le terrain, le jeu proposé en ce début d’année n’est pas encore bien ficelé et c’est tout à fait normal. Pourtant, les statistiques parlent en leur faveur : les blaugranas sont 4ème à l’éval (87.50), 5ème en attaque (78.5) ou encore 2ème à la passe (18.75). Cette dernière statistique est d’ailleurs très flippante quand on sait que toute une philosophie se met en place et que Nick Calathes doit apprendre à connaitre ses coéquipiers. Sarunas Jasikevicius nous offre pour le moment ce qu’il fait de mieux.
Offensivement, on essaye de mettre à mal la défense avec des picks dans l’axe, laissant libre cours à l’imagination des meneurs pour trouver les grands sur le roll, le pop ou de trouver les serials shooteurs dans les corners. Nikola Mirotic sait utiliser sa technique au poste bas pour profiter de sa taille. Maladroit de loin pour le moment (1/9…), nul doute qu’il va vite retrouver le chemin des filoches.
Défensivement, Cory Higgins est déjà dans la peau d’un Tony Allen (les capacités offensives en plus) et se colle les meilleurs attaquants de l’équipe adverse afin de diminuer leur influence. S’il faut, Adam Hanga est là aussi. Saras fait pour le moment le pari de trapper au poste bas et utilise des rotations qui, à terme, vont devenir un vrai casse-tête.
Grâce à la profondeur de son effectif, Jasikevicius possède différentes options pour débuter ses matchs et a déjà utilisé trois 5 majeur différents en quatre journées (même s’il faut prendre en compte les absences Covid) . Si on vous dit que les deux derniers matchs ont été commencés sans Calathes et que Barcelone jouait sans Mirotic (conclusion : 2 victoires)… ? Oui les adversaires peuvent avoir la migraine. Il reste encore 30 journées pour travailler mais Barcelone est définitivement en mission. Une décennie, ça commence à faire long.
Le pronostic de l’EuroCrew QiBasket : 1er
Une philosophie à installer mais des joueurs intelligents et d’un niveau supérieur. Dans le bon wagon en ce début de saison, l’association Barça x Jasikevicius fait saliver les nombreux observateurs du basket européen. Un cerveau au coaching, un cerveau à la mène, des artistes de la balle en attaque et des chiens en défense. Sauf cataclysme, l’équipe sera en Playoffs. On s’avance un peu mais, Cologne pourrait bien accueillir une délégation espagnole au mois de mai prochain.