Depuis 1946 et la création de la National Basketball Association, quelque cinq mille joueurs ont foulé les parquets de la Grande Ligue. Certains d’entre eux ont laissé une empreinte indélébile qui ne sera jamais oubliée. D’autres sont restés bien plus anonymes. Entre les deux ? Des centaines de joueurs, qui ont tour à tour affiché un niveau de jeu exceptionnel, mais dont on oublie bien souvent la carrière.
Dès lors, @BenjaminForant et @Schoepfer68 ont décidé de dresser – littéralement – le portrait de certains de ces acteurs méconnus ou sous-estimés. Au total, ce sont 60 articles qui vous seront proposés : un par année, entre les saisons 1950 – 1951 et 2009 – 2010. Pour chaque saison, un joueur a été sélectionné comme étendard, parfois en raison d’une saison particulièrement réussie, d’une rencontre extraordinaire ou encore d’une action historique …
Chaque portrait s’inscrira dans une volonté, celle de traverser l’Histoire de la NBA de manière cohérente. Ainsi, ces portraits (hebdomadaires) seront publiés dans un ordre précis : un meneur, un arrière, un ailier, un ailier-fort, un pivot. Au bout de cinq semaines, c’est donc un cinq majeur qui sera constitué. Les plus matheux d’entre vous l’aurons compris : au final, ce seront douze équipes, toutes composées de joueurs ayant évolué au cours de décennies distinctes, qui auront été composées.
A vous de déterminer lequel de ces cinq majeurs sera le plus fort, le plus complémentaire, le plus dynastique.
Vous trouverez en fin d’article les liens vous permettant de (re)consulter les articles précédents.
La jaquette
Pour chaque article, @t7gfx vous proposera ses créations. Vous y retrouverez une illustration du joueur présenté (en tête d’article) ainsi qu’une présentation de chaque cinq majeur projeté (chacun avec une identité visuelle propre).
Le synopsis
Attention, O.V.N.I. Dans quelle mesure, pourriez-vous nous demander. Il s’avère que le joueur que fût Michael Cooper n’a pas véritablement été abordé lors de nos 41 épisodes précédents. Est-ce un tort ? Peut-être. En vérité, nous avons eu une certaine tendance à parler de joueurs disposant d’un fort potentiel offensif. Il n’y a guère que Ben Wallace, dont @LouisQiBasket a dressé le portrait voilà quatre mois, qui était moins à l’aise de Coop lorsqu’il s’agissait de mettre la balle dans le panier adverse. Il n’y a également peut-être que lui qui puisse véritablement être considéré comme un meilleur défenseur que l’ancien arrière des Lakers. Tout juste.
Michael Jerome Cooper est né le 15 avril 1956 à Los Angeles, ville qu’il ne quittera jamais véritablement. Ou jamais bien longtemps. Pourtant, celui qui deviendra un sixième homme respecté en NBA n’aurait jamais dû jouer au basketball. Il n’aurait d’ailleurs jamais dû remarcher. A l’âge de trois ans, il se blesse grièvement au genou. Pour le rafistoler, ce sont plus de cent points de suture qui sont posés. A côté, Isiah Thomas semble être un petit joueur.
La rengaine est ensuite connue : le médecin annonce à la famille que le jeune homme ne serait probablement plus apte à marcher comme avant. Un coup dur pour un gamin qui n’a même pas eu le temps de gambader dans la cour de récréation. Et pourtant, non seulement le jeune Michael a probablement couru dans lesdites cours, mais il intégra l’équipe de basket de son lycée de Pasadena, ville située dans la banlieue au nord-est de Los Angeles.
L’expérience a néanmoins forgé le mental du jeune garçon. Il passa trois années avec une botte de protection. Il en résulta une promesse formulée, et tenue :
“J’ai pris l’habitude de me dire : “si j’ai la chance de recourir, je ne m’arrêterai plus”.
Quelques années plus tard, celui qui semblait pourtant taillé comme un câble de frein (1m96, mais 77 kilos !) deviendra l’un des pitbulls les plus respectés de la plus grande Ligue du monde. Comme quoi, même dans un sport où la lumière est braquée sur les meilleurs scoreurs, il y a une place pour les hommes de l’ombre.
Action !
Comme c’était encore la coutume au milieu des seventies, Cooper réalisa un parcours universitaire complet. D’abord deux années au Pasadena City College où il se blessera gravement au genou – décidément – avant d’être transféré, à l’aube de son année junior à l’université du Nouveau-Mexique. Lorsqu’il y arrive, il mesure 1m80. On ne sait pas véritablement ce qu’ils mettent dans leur assiette au Nouveau-Mexique, mais deux années plus tard, il mesurait 1m94 et semblait parfaitement “NBA ready”. Entre temps, il fit preuve de quelques aptitudes au scoring – étonnamment – avec une seizaine de points par saison. Son dernier exercice fût couronné d’un succès individuel, avec une nomination dans la meilleure équipe de la All-western Athletic Conference, mais également collectif, avec le titre de conférence remporté.
Toutefois, à cette époque, déjà, il faisait de sa défense son atout numéro 1. Ou peut-être était-ce sa compétitivité à toute épreuve. Quoi qu’il en soit, Danny Ainge peut en témoigner, lui qui passa un début de soirée terrible en 1978, lors d’une confrontation entre les Lobos du Nouveau-Mexique et l’université de Brigham Young. Selon certains témoignages – peut-être sont-ils excessifs, allez savoir – Cooper aurait contré les 5 premières tentatives du futur arrière des Celtics.
Il se présente naturellement à la draft 1978, qui reste connue pour la sélection de Larry Bird chez ces mêmes verts de Boston. Au-delà du moustachu dont nous reparlerons immanquablement ci-dessous, les bons coups de la cuvée ne furent pas nombreux, et se trouvaient principalement au-delà de la 20ème place. Ainsi, Maurice Cheeks, hall-of-famer, fût sélectionné en 36ème position par les Sixers. Gerald Henderson, futur contributeur des belles années 1980 des bostoniens, est choisi en place 64. Cooper, lui, dû attendre à peine moins qu’Henderson. Mais l’attente valut le coup : avec leur choix 60, ce sont les Lakers qui jetèrent leur dévolu sur l’Angelino de naissance.
Les Lakers, qui possèdent dans leur rang quelques jolis noms comme Adrian Dantley, Jamaal Wilkes ou Kareem Abdul-Jabbar n’ont plus remporté le titre NBA depuis 1972. Une éternité, aurions-nous pu dire, si cela avait été véridique. Cependant, ce ne l’est pas ; en effet, depuis 1954 et l’époque dominée par George Mikan, les Lakers n’ont soulevé le Larry O’Brien trophée qu’en une seule occurrence : en 1972, donc. Entre temps ? 8 finales perdues à la suite, qui forgèrent la réputation d’un certain Elgin Baylor. Ironie du sort – pour refermer la parenthèse – c’est Bill Sharman, ancienne star qui Celtics qui coachait les or et violine en 1972, lorsque les Lakers vinrent à bout des Knicks.
Que dire de la première saison de Michael Cooper en NBA ? En maniant le sarcasme, disons qu’il n’a pas raté les All-rookies Team de peu. Et pour cause, il ne disputa que 3 rencontres, pour un total de 7 minutes de jeu et 6 points, 0 rebond, 0 passe décisive, 1 interception et 0 contre. Mais avec 100 % de victoires. Ils ne sont pas nombreux ceux qui peuvent se vanter d’être invaincu lors de l’exercice rookie.
La saison sophomore sera celle de l’éclosion. Si la mène est toujours confiée à Norm Nixon, Cooper est désormais l’arrière n°2 d’un effectif qui vient d’être renforcé par un jeune joueur un poil talentueux et répondant au nom de Earvin “Magic” Johnson Junior. Certes, statistiquement, cela ne casse pas des briques. L’homme n’est d’ailleurs pas habitué à en envoyer, et présente des chiffres très propres au tir, avec 52,4 % de réussite. Notons tout de même qu’il est l’un des deux joueurs de l’Histoire, avec Mickey Johnson, a avoir réalisé une rencontre avec 18 points, 8 rebonds, 8 passes décisives et 5 interceptions en sortie de banc.
Cette année 1979 – 1980 est l’occasion pour Coop de se confronter avec Larry Bird qui, bien que rookie (il a effectivement été drafté en 1978, mais n’a rejoint la Ligue que l’année suivante), possédait déjà l’un des potentiels offensifs les plus impressionnants. Celui qui sera plus tard surnommé Larry Legend aura, toute sa carrière, du mal à attaquer lorsqu’il était collé par le numéro 21 des Lakers. Cela se traduit dans les chiffres de leurs deux premiers affrontements : 15 points et 8 rebonds de moyenne pour l’ailier de Boston, contre 21 points et 10,5 rebonds sur la saison.
C’est dire si, malgré sa très faible expérience, Cooper était un défenseur d’élite, dont le potentiel n’explosera aux yeux de tous que l’année suivante. Un potentiel d’autant plus rare dans une NBA ultra offensive, héritage des décennies précédentes jouées sur un rythme effréné. La PACE d’alors n’atteignait certes plus les sommets qu’elle a connu (certaines saisons, les Celtics de Russell affichaient 135 de PACE, contre 100,3 pour la saison 2019 – 2020, réputée “rapide”), mais atteint assez facilement les 105 possessions par rencontre. Primeur est donnée à l’attaque, ce qui rend le profil de Michael Cooper particulièrement rare et convoité.
Mais avant de l’évoquer brièvement, il est venu le temps de mettre des mots sur une autre facette de sa carrière : la victoire. Effectivement, ce second exercice se terminera avec une première bague passée à l’annulaire. Les Lakers dominèrent les Sixers de Julius Erving en finales. Dans une rotation limitée à 7 joueurs, Cooper était le remplaçant avec le plus fort temps de jeu, et c’est lui qui allait faire passer une mauvaise demi-heure aux stars adverses.
Les deux dernières rencontres de la série illustrèrent également toute l’étendue de son QI basket. Cooper n’était pas un attaquant, et il en était conscient. Par contre, il savait parfaitement utiliser l’espace qui lui était laissé. Et lorsque vous jouez à côté de deux des cinq meilleurs joueurs de l’Histoire, vous avez de l’espace à ne plus quoi savoir en faire. Il ne lui fallait pas plus pour scorer parfois sa quinzaine de points en catch & shoot ou pour couper dans le dos de la défense.
Mettez le doigt sur une certaine faculté offensive, et la défense revient au galop. En 1981 – 1982, le trophée de meilleur défenseur de la Ligue n’existe pas. Par contre, la NBA récompense les meilleurs défenseurs par des places dans deux All-defensive Team depuis 1969. S’il n’avait pas un gros salaire, nul doute que Cooper était parfaitement logé à Los Angeles. Cela ne l’a pas empêché de prendre l’habitude d’élire domicile dans ces meilleures équipes défensives. Dans les années 1980, il y sera nommé à 8 reprises.
Sa première nomination date de sa troisième saison. Si les Lakers chuteront au premier tour des playoffs face au Rockets, les aptitudes défensives de Cooper crèvent désormais l’écran. Il est systématiquement envoyé en mission contre le meilleur extérieur adverse. Le fait qu’il soit plus grand, plus lourd ou plus rapide n’est pas un argument : Coop lui pourrira la vie. D’ailleurs, en ce début des eighties, ce ne sont pas les extérieurs dominants qui manquent : la NBA entame doucement sa transition vers les postes arrières. C’est donc avec Erving, Bird, Gervin, King, Archibald et bientôt Jordan que Michael s’amuse tous les soirs. Et – chose rare – ses performances seront saluées non seulement par une place dans la All defensive 2nde Team, mais également par quelques votes dans le classement du MVP, remporté par l’ailier des Sixers, Dr. J : 3 votes exactement (24ème).
Loin de nous l’idée d’énoncer que rares furent les spécialistes défensifs qui eurent les honneurs d’une place dans le classement individuel le plus prestigieux. Duncan, Olajuwon ou Russell riraient beaucoup. Par contre, parmi les joueurs qui axaient leur jeu essentiellement sur la défense, ils ne sont pas nombreux a avoir obtenu des voix pour le MVP. Chronologiquement (et sans exhaustivité, on le craint), on retrouve Mark Eaton (1985), Dennis Rodman (1992, 1994, 1995, 1996), Dikembe Mutombo (1997) ou encore Ben Wallace (2002, 2003, 2004). Les Bowen, Allen, Oakley, Thorpe ou Mason restèrent fanny à ce petit jeu-là.
Michael Cooper figurera à nouveau dans ledit classement en 1982, dans une équipe désormais coachée par Pat Riley. Celui-ci parviendra d’ailleurs à augmenter encore un peu plus la compétitivité et la combativité de son stoppeur en chef. Pour cela, il ne manquait pas d’ingéniosité ; par exemple, il lui remettait des cassettes vidéos de ses adversaires directs. Au sein de la vidéo, pour s’assurer que le joueur la visionnait bien, Riley glissait un mot de passe. Celui qui était incapable de lui donner le lendemain était sanctionné financièrement.
Cette année-ci, l’arrière démontre également ce qu’on voyait déjà en lui, à savoir une certaine faculté de remonter la balle. Certes, avec Johnson, les Lakers n’étaient pas les plus mal lotis. Cependant, avoir un second ball handler ne fait jamais de mal, et c’est Coop qui joue ce rôle sous les ordres de Riley. Il prend d’ailleurs, petit à petit, plus de libertés offensives, et dépasse la barre des 10 points de moyenne pour la première fois de sa carrière (11,9).
Intéressons-nous très rapidement à quatre rencontres. Sachez que sur ses 191 premières rencontres NBA, Cooper n’avait jamais dépassé les 20 points. Dès lors, lorsqu’il vit arriver Noël 1981, il décida de réparer cette anomalie. Résultat(s) ? 24, 26, 26 et 30 points entre les 19 et 25 décembre 1981. Un bien étrange coup de chaud, que le joueur ne connaîtra plus jamais :
Il réalisa cependant une campagne de playoffs 1982 remarquable. Face aux Suns, il défend sur Walter Davis et Dennis Johnson. Le premier cité réalise une série immonde, et affiche 24 / 69 au tir sur les quatre rencontres (sweep des Lakers). La tâche est plus complexe en finale de conférence, puisque les Spurs possèdent en leur rang le meilleur attaquant des 5 dernières années, en la personne de George Gervin (meilleur scoreur en titre, avec 33 points par soir). Le tarif collectif sera le même (sweep), mais Gervin démontra qu’il n’était pas possible de limiter éternellement les superstars. En finale NBA, comme deux années avant, les Lakers prirent le dessus sur les Sixers. Et de deux titres pour Coop, qui devient l’une des coqueluches du public Angelinos, qui scande son nom dès qu’il touche la balle. Sur les 14 rencontres de ces playoffs 1982, il inscrivit 10 points ou plus à 16 reprises.
Passons rapidement sur l’exercice 1982 – 1983. Plus que jamais chef de la défense, Cooper fera une troisième apparition consécutive dans les All-defensive Team (2nde équipe, après avoir figuré dans la 1ère en 1982), et terminera 3ème au classement de la première édition du DPOY remportée par Sidney Moncrief. Collectivement, les Lakers domineront à nouveau la conférence Ouest, mais chuteront très lourdement en finale NBA face aux Sixers de Maurice Cheeks, Julius Erving et Moses Malone (4 – 0). Nous allions dire que la saison 1983 – 1984 fût sensiblement similaire, mais ce n’est pas véritablement le cas. La saison régulière verra Cooper battre deux fois son record à la passe décisive (16, puis 17, il ne fera jamais mieux). Elle le verra aussi figurer dans la meilleure équipe défensive de la Ligue et 4ème du DPOY. Surtout, les playoffs s’achevèrent par une confrontation entre Celtics et Lakers.
Pour l’occasion, Coop est propulsé dans le cinq majeur, avec pour seule mission d’emmerder le moustachu adverse. Était-ce une réussite ? D’un point de vue de la seule statistique du scoring, non : Bird, sur les 7 rencontres de cette finale, affiche 27,5 points de moyenne. On l’a dit, le génie ne se musèle pas ; au mieux il se freine. Et c’est ce que Cooper semble avoir réalisé, car Bird, pourtant réputé pour son adresse, a particulièrement mal tiré lors de 5 matchs : 39 / 97, soit 40,2 %. Mais … Quand ça comptait, le numéro 33 vert a passé la surmultipliée : 34 points à 15 / 20 (!) lors du game 5 disputé dans des conditions dantesques, puis 28 points à 8 / 11 la rencontre suivante.
Les Celtics remporteront le titre. Magic Johnson sortira de ces finales avec le surnom de Tragic Johnson. La revanche ne tardera pas à être organisée.
L’oscar de la saison 1984 – 1985
En effet, en cette période, les affrontements Lakers – Celtics étaient plus fréquents que Noël. Et c’est tant mieux pour tout le monde, ou presque. Si les aficionados des 22 autres franchises (la NBA comptait alors 24 équipes ; manquent à l’appel le Heat (1988), les Hornets (1988), les Wolves (1989), le Magic (1989) les Grizzlies (de Vancouver, d’abord, en 1995), les Raptors (1995) et les Pelicans (d’abord sous le nom de New Orleans Hornets, 2002)) peuvent effectivement faire la tronche, personne ne pourra nier que l’affiche parfaite des finales NBA, c’était Boston contre Los Angeles. East Coast versus West Coast. Les deux plus grandes franchises de l’Histoire, tout bonnement.
Pour la NBA, cette confrontation est une véritable aubaine, sur laquelle David Stern, fraîchement nommé commissaire, va énormément capitaliser. Il faut garder en mémoire qu’au passage des eighties, la Ligue va mal et souffre d’un désintérêt massif. Et c’est justement sur la rivalité Celtics / Lakers et, plus indirectement, sur celle entre Larry Bird et Magic Johnson, qu’elle va, petit à petit, reconquérir ses fans américains avant d’entamer son immense travail d’internationalisation dont on voit aujourd’hui les fruits.
Michael Cooper était au cœur de tout ceci. Indirectement, bien entendu, en tant que joueur de la franchise principale de Los Angeles. Mais tout de même, celui qui entame sa 7ème saison professionnelle est non seulement un défenseur connu et reconnu parmi ses pairs, mais également un maillon extrêmement important d’une équipe appelée à dominer la Ligue encore quelques années.
Cette saison à nouveau – comme la précédente – un second rôle lui est très clairement dévolu. Au-delà d’être le stoppeur principal d’une équipe qui ne manquait pas de dissuasion, Cooper en est également le 6ème homme attitré. Et si, comme à son habitude, il ne pèsera pas véritablement sur le jeu des siens grâce à des brouettes de points, il aura un véritable impact dans la bonne marche de celle qui est chère au cœur de Snoop Dogg et de Jack Nicholson.
A cet égard, il possède le 5ème temps de jeu de l’équipe, ex aequo ou presque avec Byron Scott, l’arrière titulaire. Il scorera moins que les années passées (8,6 points de moyenne, contre 9,4 de moyenne sur les 5 derniers exercices), mais distribuera le jeu comme rarement. Il faut dire que Pat Riley lui confie un tout petit peu plus la balle qu’à l’accoutumée (14,9 % d’usage, soit le 3ème taux le plus élevé depuis le début de sa carrière).
C’est l’utilisation qu’il fera du ballon, lorsqu’il l’avait en main, qui change diamétralement. Alors qu’il se contentait d’être un passeur correct et un créateur honnête, la saison 1984 – 1985 est la seconde où on peut le voir prendre le jeu à son compte lorsque Magic n’était pas sur le terrain. Cela se traduit par une augmentation du nombre de passes décisives (5,2, contre 3,4 de moyenne sur les 5 derniers exercices), mais aussi, au niveau des statistiques avancées, par une nette amélioration de son taux d’assist percentage, qui dépasse la barre des 22 % pour la seconde année consécutive (contre 15,9 au maximum jusqu’ici). Le tout sans perdre plus de ballons qu’avant.
Puisque son impact s’évalue bien au-delà des statistiques, opérons un double focus. Évoquons d’abord, pour l’évacuer, l’exercice collectif des Lakers. Ultra-dominateurs, les hommes de Riley vont littéralement écraser la conférence Ouest lors de la saison régulière, terminant avec 10 victoires d’avance sur les Nuggets, second (62 – 20 pour les Lakers). Cette domination se traduira en playoffs, avec un premier tour facilement remporté face aux Suns (3 – 0). Cooper s’y est illustré, avec de performances offensives plus que correctes pour son niveau : 12,3 points, 4,3 rebonds, 8,3 passes décisives à 56 % au tir en 28 minutes.
Il en ira de même en demi-finale (4 – 1 face aux Blazers) et en finale de conférence (4 – 1 face aux Nuggets). En finale NBA, bien évidemment, ce sont les Celtics, meilleur bilan de la NBA (63 – 19) qui se dressent sur la route du 3ème titre de Coop. Celui-ci agira en parfait 2 & D au cours des 6 rencontres de cette finale, en scorant 11,5 points à à 65,5 % au tir, dont 40 % à trois-points et 89,5 % aux lancers. Le tout, bien évidemment, en se coltinant un Larry Bird MVP de l’autre côté du terrain, avec un succès certain : 23,8 points à 44,9 % au tir. Au final, ce sont bel et bien les Lakers qui remportent le titre NBA (4 – 2).
Mais, une fois n’est pas coutume, puisqu’il est inutile de s’épancher sur les cartons offensifs de notre joueur du jour, regardons son impact réel lorsqu’il défend sur les superstars adverses. La sélection de ces dernières s’est opérée de manière très simple : il s’agit des 9 joueurs pouvant être qualifiés d’extérieurs et qui ont obtenu des voix dans le classement du MVP 1985 : Larry Bird, Terry Cummings, Michael Jordan, Bernard King, Alex English, Dominique Wilkins, World B Free, Clyde Drexler, Julius Erving.
Pour illustrer nos propos, vous trouverez ci-joint quatre tableaux. Les trois premiers concernent, comme vous vous en rendrez compte, les statistiques de Bird, Jordan et Erving non seulement en saison régulière, mais également lorsqu’ils étaient défendus par Cooper. Le dernier fait office de synthèse pour les neuf joueurs sélectionnés. Et pour donner un premier exemple, quel autre joueur que Larry Bird aurions-nous pu choisir ?
L’oiseau, double MVP en titre (et bientôt triple) sort d’une saison à quasiment 29 points et 10,5 rebonds, le tout en 52,2 / 42,7 / 88,2 % aux tirs, tirs à longue distance et lancers-franc. Autant dire qu’il n’était qu’à deux doigts d’ouvrir, plus tôt encore, le groupe des 50 / 40 / 90.
Face à Cooper, l’adresse est encore meilleure. Cependant, le nombre de tirs pris chute et, logiquement avec lui, le nombre de points scorés. C’est dire que s’il n’avait pas eu une adresse phénoménale, Bird aurait eu un impact encore moindre. Impact, d’ailleurs, principalement limité par le fait que l’ailier voit son taux d’usage de la balle baisser drastiquement. Cependant, de ceci, nous en reparlerons ci-dessous, avec l’exemple d’Erving.
On le voit, en moyenne, ces monstres offensifs scorent moins lorsqu’ils sont défendus par Michael Cooper (- 2,62 points de moyenne). Hormis World B Free, qui n’a disputé qu’une rencontre cette saison-ci face aux Lakers (pour des chiffres désastreux : 7 points, 2 rebonds, 1 passe décisive à 15,4 % au tir), l’exemple le plus flagrant est celui de Michael Jordan qui, bien que rookie, inscrivait déjà près de 30 points par soir.
Toutefois, avec Cooper sur le râble, celui qui deviendra Sa Majesté prenait 7 tirs de moins qu’habituellement, pour 10,2 points de moins scorés. C’est simple : défendu par le pot de colle de la maison Lakers, Jordan faisait absolument tout moins bien. Il en va, d’ailleurs, globalement de même pour Bernard King (meilleur scoreur de la saison, 32,9 points de moyenne) et pour Dominique Wilkins.
On l’a dit, le talent ne s’arrête pas indéfiniment. Ainsi, Terry Cummings et Alex English n’ont globalement pas pâti de leurs face à face avec le numéro 21. Il faut dire que Cooper s’occupait également de Moncrief lors des affrontements face aux Bucks.
On constate cependant qu’en moyenne, les joueurs sélectionnés tirent mieux, bien mieux même, lorsqu’ils évoluent face aux Lakers (+ 2,52 points de précision, + 1,30 point au TS %). S’ils scorent moins, ce n’est donc pas par panne d’adresse, c’est parce qu’il sont coupés du ballon. Tous sont les options offensives principales de leur franchise, et, à ce titre, ont le ballon dans les mains (entre 23,5 % d’usage pour Drexler à 35,1 % pour King, moyenne à 29,2 % sur la saison régulière). Néanmoins, opposés à Cooper, on note une baisse de 4 points de l’usage rate, signe que les responsabilités passent plus par les secondes et troisièmes options des équipes. Et forcément, lorsque la superstar touche moins la gonfle, la probabilité de gagner grimpe en flèche. Ce n’est pas mathématique, mais presque.
A cet égard, l’exemple de Julius Erving est frappant : Dr. J passe de 26 % à 19,7 % d‘usage rate lorsqu’il est défendu par Cooper. L’ailier affiche un taux d’usage plus faible que lors d’une seule rencontre de la saison régulière : 19 % face aux Sonics le 8 mars 1985. L’illustration est également marquante si on s’intéresse au cas de Bernard King. Celui-ci affiche, certaines rencontres, 46,9 % d’usage de la balle, un chiffre stratosphérique qui n’existe plus aujourd’hui. Face à Cooper, la moyenne descend à 27,8 %. C’est d’ailleurs face aux Lakers que King présente son plus faible taux d’usage de la balle cette saison-ci : 22,1 % dans une défaite (- 1) au cours de laquelle il ne scora “que” 23 points.
Ce qui, pour les neuf joueurs susmentionnés, donne les totaux suivants, qui nous permettent d’affirmer que s’ils tirent généralement mieux face à Cooper, les superstars de la Ligue voient tout de même, en moyenne, l’ensemble de leurs statistiques baisser :
Fort de ces enseignements, on retrouve Coop à la 4ème place du DPOY remporté par l’extraterrestre Mark Eaton (9,7 points, 11,3 rebonds, 5,6 contres, record all-time), mais aussi à la 4ème place du classement du meilleur 6ème homme, ultra-dominé par Kevin McHale, joueur d’un tout autre calibre. Anecdotique, vous me diriez, vu le résultat collectif final de cet exercice 1984 – 1985.
Le générique de fin
Et de trois pour Cooper. Cela fait autant que son meilleur rival, Larry Bird. D’autres pourraient rétorquer que cela fait également autant que Patrick McCaw, et ils n’auraient pas torts. Avec Magic Johnson, il devient le 25ème et le 26ème joueur a avoir remporté autant de titres NBA (ils sont 72 aujourd’hui). Il ne s’arrêtera pas là.
Réglé comme un coucou suisse, ses saisons se suivent et se ressemblent. Désormais âgé de 29 ans, celui qui n’a plus raté une rencontre depuis 1982 continue de défendre inlassablement sur le meilleur extérieur d’en face. Au-delà de son inénarrable compétitivité, mettons en avant un second aspect de sa personnalité : sa paranoïa.
De son propre aveu, l’homme n’a jamais trouvé le repos durant sa carrière professionnelle. Il avait une hantise : celle d’être tradé. L’enfant de la ville souhaitait rester un Lakers à vie. Au point qu’il était capable de se pourrir la vie si l’équipe encaissait un panier par sa faute. Conscient que les autres équipes lorgnaient sur son profil et que son nom était régulièrement cité dans les propositions de transfert, il en a résulté une véritable détestation de la défaite et de l’erreur.
Il en était néanmoins conscient, et savait tourner cette paranoïa avec humour et dérision. Une scène sortie tout droit de la lune est d’ailleurs rapportée. Un soir où il avait été mis au repos par Riley, Cooper va trouver un journaliste avec lequel il s’entendait bien, pour lui énoncer qu’il allait quitter les Lakers.
“C’est fini, je me casse. Je ne suis pas stupide, je sais qu’ils veulent me transférer. Il y a un accord. Je les emmerde, je reviendrai botter le cul aux Lakers”.
Le journaliste en question, à la fin de la rencontre, vient lui demander confirmation de ses propos avant de publier l’information. La réponse :
” – Non, ce n’est pas vrai … Jack (préparateur physique des Lakers) ! Quel est le mot que je cherche ?
– Parano !”
Si le duo Jack – Michael n’est jamais monté sur les planches, Cooper n’est jamais parti des Lakers. Mieux encore, en 1987, après 7 nominations consécutives dans les équipes défensives de la Ligue, il remporte pour la première et unique fois de sa carrière le titre de meilleur défenseur de la saison. Une véritable consécration pour celui qui a toujours tourné autour d’un trophée individuel (il est également 3ème du trophée du meilleur 6ème homme, cette année-ci). Cooper, dont le surnom est devenu un véritable gimmick grâce à Chick Hearn, voix des Lakers qui avait pris l’habitude d’énoncer “Coop a loop” à chaque alley-oop envoyé à l’arrière, profite également de cette saison 1986 – 1987 pour garnir son armoire à trophées collectifs.
Notons que la vidéo ci-dessus se trouve sur une chaine intégralement dédiée aux highlights de Michael Cooper, dont vous retrouverez le lien ci-dessous, pour les plus curieuses et curieux d’entre vous : https://www.youtube.com/watch?v=0QbvSEAkjI0.
Dans une victoire en 6 matchs face aux Celtics, il réalisa ce pourquoi il jouait au basket : faire braire Larry Bird. Et si on a un temps cru que le génial ailier allait, cette fois-ci, prendre la mesure de son défenseur, la fin de la série tend à prouver l’inverse. Le game 4 est particulièrement évocateur : Bird est limité à 21 points (7 / 19), tandis que Cooper, de l’autre côté, inscrit 10 points, dont 6 derrière l’arc. Il est l’un des tous premiers 3 & D. Les Lakers remportèrent le match à l’arrachée (107 – 106).
Rebelote l’année suivante. A l’Est, les Celtics ne sont plus hégémoniques. Les Bulls de Michael Jordan commencent à pointer le bout du museau et les Bad Boys semblent constituer la nouvelle place forte. Les Lakers étaient d’ailleurs à deux doigts de la défaite, puisque Detroit menait 3 – 2 dans la série et qu’Isiah Thomas réalisa, sur une cheville, l’une des plus belles performances de l’Histoire des finales NBA lors du game 6 : 43 points, 3 rebonds, 8 passes décisives, 6 interceptions. Los Angeles s’en sortira de justesse (+ 1) avant de remporter le septième match alors qu’il semblerait que le public ait envahi le terrain alors qu’il restait encore du temps à jouer.
5ème titre pour Michael Cooper, qui n’avait pas oublié d’être clutch en demi-finale contre le Jazz, en plantant les deux derniers points de son équipe à 7 secondes du buzzer (action à compter de 1h17mins55sec dans la vidéo ci-dessous) : à la sortie d’un temps-mort, Cooper remet la balle en jeu pour Magic, qui le resservira face au panier. Ficelle, + 2 et victoire.
https://www.youtube.com/watch?v=a1bV5FT5a8o
Il devient, avec cette 5ème bague, le deuxième (et troisième, ex aequo avec Magic) joueur à avoir remporté autant de titres en dehors des Celtics omnipotents des années 1960. Il n’était certes pas le plus clinquant membre du roster, qui possédait également en son sein James Worthy, mais il avait une importance primordiale. Il est aujourd’hui membre du top 26 des joueurs les plus titrés de l’Histoire. Si on venait à faire un ratio grossier, on en arrive à la conclusion que Coop est bagué plus de fois que 99,48 % des joueurs passés en NBA (26 / 5 000 * 100 = 0,52).
Puisque nous sommes au rayon des funfacts sans grande importance, précisons que parmi les 72 joueurs qui ont remporté au moins 3 titres NBA au cours de leur carrière, seuls 5 ont été draftés au-delà de la 60ème place de Michael Cooper : Gerald Henderson, collègue de cuvée (3 titres, 64ème position), Mario Elie (3 titres, 160ème position), ainsi que Scott Williams, Udonis Haslem et Bruce Bowen (3 titres chacun), tous non-draftés. D’ailleurs, si on analyse la position à la draft de ceux qui possèdent au moins 5 bagues aux doigts, on constate que la place moyenne est la 10ème, et qu’hormis Michael Cooper, seul Steve Kerr a été drafté au-delà de la 30ème position (50ème). Cela vous place le gaillard.
Coop disputera encore deux saisons, dans le rôle qu’on lui connaissait. Il subira la revanche des Pistons en 1989 (défaite en finale NBA 4 – 0) pour tirer sa révérence en 1990, après 12 saisons chez les Lakers et un palmarès que beaucoup lui envient :
- champion NBA : à 5 reprises,
- DPOY : à une reprise en 1987,
- All defensive Team : à 8 reprises (5 fois dans la première, 3 fois dans la seconde). Ils sont 17 à cumuler au moins autant de sélections, dont 6 guards : Kobe Bryant (12), Michael Jordan (9), Gary Payton (9), Chris Paul (9), Dennis Johnson (9) et Michael Cooper (8).
Cooper, au final, c’était un peu le Gandalf des Lakers. S’il fallait aller à la castagne avec un adversaire puissant, c’est lui qu’on envoyait. Et généralement, il ne passait pas.
Crédits et hommages
Après avoir raccroché les chaussures, Coop est devenu assistant chez les Lakers, avant de coacher les Los Angeles Sparks, franchise avec laquelle il est double champion WNBA. Il a entraîné jusqu’en 2017 et semble aujourd’hui éloigné définitivement des terrains.
Il reste dans la mémoire collective ce joueur peu flashy de la période du show-time. Il était le side-kick discret d’un Magic Johnson qui l’était bien moins. Il n’a jamais réclamé la balle, un rôle différent ou de la reconnaissance ; ce n’était pas le genre de la maison de celui qui avait le sang or et pourpre.
Lorsqu’on a évolué 12 années à Los Angeles, que l’on a vécu tant de batailles acharnées contre les rivaux honnis de Boston, il se créé forcément une certaine forme de respect. Le Lakers fût le premier à dégainer, lorsque Larry Bird annonça sa retraite :
“Sans aucun doute, il est l’un des joueurs les plus compliqués à défendre, si ce n’est le plus compliqué. J’ai admiré sa volonté d’être un joueur collectif tout en prenant la rencontre à son compte”.
Et à l’ailier des Celtics, pas franchement loquace lorsqu’il s’agit de balancer des compliments, de lui rendre la pareille :
“Michael Cooper est le meilleur défenseur contre lequel j’ai évolué”.
Greg Ballard, ancien ailier des Warriors, énonçait lui que Cooper aurait mérité le titre de DPOY chaque année. Cependant, même Gandalf ne gagne pas à tous les coups. Et puis, au final, il semblerait que le joueur, à défaut de communauté, ait rassemblé une exceptionnelle collection d’anneaux.
Les précédents épisodes et portraits du Magnéto :
- Cinq majeur #1 : Penny Hardaway (1994/95), Manu Ginobili (2007/08), Terry Cummings (1988/89), Jerry Lucas (1964/65), Nate Thurmond (1974/75),
- Cinq majeur #2 : Jason Kidd (1998/99), Tracy McGrady (2004/05), Rick Barry (1966/67), Elvin Hayes (1979/80), Neil Johnston(1952/53),
- Cinq majeur #3 : Isiah Thomas (1989/90), David Thompson (1977/78), Paul Arizin (1951/52), Tom Gugliotta (1996/97), Yao Ming (2008/09),
- Cinq majeur #4 : Baron Davis (2006/07), Bill Sharman (1958/59), Chet Walker (1963/64), Gus Johnson (1970/71), Jack Sikma (1982/83),
- Cinq majeur #5 : Tiny Archibald (1972/73), Dick Van Arsdale (1968/69), Bernard King (1983/84), Jermaine O’Neal (2003/04), Larry Foust (1954/55),
- Cinq majeur #6 : Fat Lever (1986/87), Richie Guerin (1961/62), Grant Hill (1999/00), Dan Issel (1971/72), Ben Wallace (2002/03),
- Cinq majeur #7 : Lenny Wilkens (1965/66) (Lenny Wilkens, bonus : le coach), Calvin Murphy (1975/76), Peja Stojakovic (2001/02), Shawn Kemp (1991/92), Arvydas Sabonis (1995/96), (Arvydas Sabonis, bonus n°1 : la carrière européenne), (Arvydas Sabonis, bonus n°2 : la carrière internationale).
- Cinq majeur #8 : Kevin Porter (1978/79), Tom Gola (1959/60), Xavier McDaniel (1987/88), Bob Pettit (1955/56), Vin Baker (1997/98),
- Cinq majeur #9 : Stephon Marbury (2000/01),